Don Camillo contre Olympe de Gouges 08 Jan 2013
Contre toute attente, la fièvre médiatique de fin d’année en #Italie n’a pas été alimentée par la dernière « fiancée » de #Berlusconi — énième bimbo de vingt-sept ans surtout connue pour avoir chanté sur l’une des chaînes du Cavaliere une innocente comptine intitulée « Baisse ta culotte et tu feras monter la température »… —, mais par un prêtre. Le très peu glamour #don Piero Corsi, curé de la paroisse de San Terenzo, dans la petite ville de Lerici, sur la côte ligure. Le saint homme a fait le « buzz » en commentant les derniers chiffres sur les violences faites aux femmes en Italie — 101 femmes ont été tuées en 2012, dans 65% des cas par leur conjoint, et, sept fois sur dix, elles avaient déjà porté plainte ou déposé une main courante pour des violences subies —, au moyen d’un communiqué placardé dans son église.
Titré « Les femmes et le féminicide, qu’elles fassent leur saine autocritique : combien de fois provoquent-elles ? », le texte déroule un argumentaire des plus inspiré : « Le nœud du problème réside dans le fait que les femmes provoquent toujours plus, tombent dans l’arrogance, se croient indépendantes et finissent par augmenter les tensions. Enfants abandonnés à eux-mêmes, maisons sales, plats tout préparés ou de fast-food, vêtements sales […]. » Voilà pour les violences conjugales. Pour les viols, don Piero a aussi son explication : « Combien de fois voyons-nous des jeunes filles et des femmes mûres sortir dans la rue avec des habits provocants et légers ? […] Qu’elles fassent un sain examen de conscience [et se posent la question] : peut-être l’avons-nous cherché nous aussi ? » Et, afin de s’assurer que sa pensée ne sera pas mal interprétée, à un journaliste de la RAI venu l’interroger sur sa brillante rhétorique humaniste, l’homme de foi a répondu : « Si vous voyez une femme nue, qu’est-ce que vous éprouvez ? Ou peut-être êtes-vous pédé ? » En vérité, il nous le dit : le problème dans les violences contre les femmes, ce sont les femmes.
Mon curé chez les machos
Un poil embarrassé, l’évêque de La Spezia n’a pas eu d’autre choix que de condamner l’initiative et de demander au curé-sociologue de décrocher sa prose. Mais sans envisager une quelconque sanction, ni même exiger un vague début d’ébauche d’acte de contrition. Pourtant, le bonhomme n’en est pas à sa première action d’éclat. Cet ancien militaire qui a troqué le sabre contre le goupillon s’était déjà fait remarquer en virant à coups de porte-cierges un clochard qui était rentré dans son église pour demander l’aumône…
Rien de très surprenant, au fond, dans cette indulgence hiérarchique. Don Rambo ne fait qu’exprimer, à sa façon un peu rustre, une conception de l’organisation sociale en accord avec la pensée ecclésiastique. Certes, Jésus a appelé à ne pas lapider la femme adultère, mais on ne peut pas dire que tous ses fidèles respectent à la lettre son enseignement, pas plus au sein des hautes autorités de l’Église que de la piétaille de bénitier. D’ailleurs, les ultra-cathos qui sévissent sur le site pontifex.it se sont empressés de prendre la défense du curé burné.
Les chrétiens fondamentalistes n’ont rien à envier aux musulmans intégristes adeptes du niqab et de la burqa, ou aux juifs ultra-orthodoxes qui pourrissent la vie des femmes de Jérusalem et de Tel-Aviv, jugées trop « impures » pour même prier. S’il est vrai que le machisme n’est pas l’apanage des grandes religions, il est également vrai qu’elles se sont empressées de récupérer à leur profit, en les arrosant de sauce divine, les « traditions » patriarcales qui font de la femme la servante domestique et sexuelle de l’homme, ainsi qu’un petit animal de compagnie socialement inférieur. Les catholiques peuvent même se vanter d’avoir inventé, avec la Vierge Marie, la femme idéale : à la fois « pure » et mère. Superbe trouvaille de marketing, souvent imitée, jamais égalée.
Gérard Biard