Autoentrepreneurs, ils pédalent toute la journée pour livrer des repas à domicile. Ils veulent aujourd’hui constituer un syndicat pour se défendre.
L’idée de créer un syndicat a germé un soir d’hiver à Bordeaux. Gabriel Lassort venait d’accompagner son collègue aux urgences. Le cycliste portait comme lui les couleurs de Take Eat Easy, une start-up qui mettait en relation des coursiers à vélo et des restaurants afin de livrer des plats à emporter à domicile. Un succès dans la capitale girondine, où, depuis quelques mois, trois entreprises se partagent ce gâteau né de l’ubérisation (1) de l’économie.
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Ce soir-là, le cycliste a percuté une voiture. Il est défiguré. « Personne ne lui a rien proposé. À partir du moment où il a eu l’accident, il n’a plus eu de salaire. Là, j’ai compris : ici, c’est marche ou crève. Si tu crèves, tant pis pour toi », raconte ce jeune étudiant en droit qui confie préparer le concours pour devenir avocat.
Naissance d’un collectif
À la fin du mois de juillet, un événement a précipité les choses : Take Eat Easy a fondu les plombs. La start-up faisait travailler 450 coursiers à Bordeaux sous le statut d’autoentrepreneur. « On l’a appris le jour même. On nous a dit que la société attendait une levée de fonds qui est tombée à l’eau. J’étais en colère. La façade de start-up à la cool s’est vraiment effondrée », explique Nicolas Malet, un autre ancien coursier. Pour eux, la paye de juillet est partie en fumée. N’étant pas salariés, ils ne seront pas prioritaires dans la liquidation.
« Du coup, on a monté un collectif. Nous sommes environ 150 à Bordeaux. Nous attendons l’entrée en vigueur de la loi El Khomri, qui nous permettra de nous constituer en syndicat, et nous allons attaquer aux prud’hommes, au moins pour les anciens de Take Eat Easy qui ont subi les plus grosses pertes de revenu en juillet », explique Gabriel.
L’enjeu ? Démontrer que le statut d’autoentrepreneur masque en réalité un salariat déguisé. Ce qui, si la justice leur donnait raison, leur permettrait au moins de bénéficier des AGS (le régime de garantie des salaires) pour être indemnisés. Mais cela pourrait aussi donner un coup de pied dans la fourmilière de l’ubérisation.