qui se cache vraiment sous le bénévole parisien ?

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  • Migrants : les bénévoles paient cher leur soutien

    Cet hiver, un jour de grand froid, Aubépine Dahan, 44 ans, a acheté trois bouteilles thermos grand format qu’elle a remplies de soupe bien chaude. Sur Marmiton, elle a cherché la recette du riz afghan et est allée servir son repas à la trentaine de migrants qui campaient, frigorifiés, place de la République. Cette docteur en sociologie n’avait jamais milité dans un syndicat ou un parti. Marquée par « ces images des colonnes de migrants de la route des Balkans à l’été 2015 », elle a décidé de leur venir en aide. Sans se douter que cet engagement la conduirait au tribunal.

    http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2016/08/23/migrants-qui-se-cache-vraiment-sous-le-benevole-parisien_4986671_1654200.htm

    #délit_de_solidarité #migrations #asile #réfugiés #solidarité

  • Migrants : qui se cache vraiment sous le bénévole parisien ?

    http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2016/08/23/migrants-qui-se-cache-vraiment-sous-le-benevole-parisien_4986671_1654200.htm

    Cet hiver, un jour de grand froid, Aubépine Dahan, 44 ans, a acheté trois bouteilles thermos grand format qu’elle a remplies de soupe bien chaude. Sur Marmiton, elle a cherché la recette du riz afghan et est allée servir son repas à la trentaine de migrants qui campaient, frigorifiés, place de la République. Cette docteur en sociologie n’avait jamais milité dans un syndicat ou un parti. Marquée par « ces images des colonnes de migrants de la route des Balkans à l’été 2015 », elle a décidé de leur venir en aide. Sans se douter que cet engagement la conduirait au tribunal.

    Cette mère de deux enfants, femme au foyer après avoir enseigné comme attachée temporaire dans plusieurs universités, encourt un an de prison. Le 7 août, elle a été gardée à vue durant neuf heures dans le commissariat du 20e arrondissement et est ressortie avec une convocation en justice pour le 9 novembre, pour « organisation d’une manifestation illicite » le 6 août à Paris.

    Marqués par des évacuations répétées de campements de migrants, les bénévoles parisiens ont été mis en première ligne cet été. Aux dires du directeur de France terre d’asile, Pierre Henry, le mois d’août « a été un enfer ». N’ayant pas les places d’hébergement nécessaires pour prendre en charge les 70 demandeurs d’asile qui arrivent quotidiennement dans la capitale, les services de l’Etat ont cherché à éviter les regroupements risquant d’aboutir à la formation de campements.

    « Solution digne »

    Les forces de l’ordre ont donc dispersé à tour de bras les migrants pour « préserver la salubrité et l’ordre public », « éviter la reconstitution de campements sur la voie publique », comme le rappelle la préfecture de région, qui s’enorgueillit d’avoir proposé plus de 15 000 offres d’hébergements depuis juillet 2015. De son côté, la préfecture de police a distribué des centaines d’obligations de quitter le territoire (OQTF). Offusqués par cette « gestion policière », Emmaüs solidarité et France terre d’asile ont d’ailleurs toutes deux annoncé, lundi 22 août, la suspension de leurs maraudes « le temps que l’on trouve des solutions plus humaines pour les primo-arrivants », rappelle Aurélie El-Hassak Marzorati, directrice d’Emmaüs. « Une solution va être proposée dans Paris avec l’ouverture du camp humanitaire, en septembre. Mais entre-temps, il nous faut une solution digne », insiste-t-elle.

    « Nous qui aidons les migrants, avons dénoncé ces rafles. Résultat, nous avons été stigmatisés tout l’été », déplore aujourd’hui la cinéaste Valérie Osouf. « Personne n’essaie pourtant de regrouper les arrivants pour créer des camps dans Paris, contrairement à ce que les autorités veulent faire croire pour nous discréditer », insiste pour sa part Sylvie Lhoste, la fondatrice du mouvement Entraides citoyennes, agacée elle aussi de cette critique permanente des bénévoles, « alors que l’Etat est bien content que nous nourrissions les exilés ».

    Dans les zones de tension que sont Paris, Vintimille (Italie) ou Calais (Pas-de-Calais), un malentendu s’installe entre les bénévoles et l’Etat, renforcé par un discours paradoxal des autorités. D’un côté, Emmanuelle Cosse, la ministre du logement, a appelé le 10 août à héberger des réfugiés chez soi et propose 1 500 euros par personne et par an aux associations qui s’engagent dans le dispositif. De l’autre, les soutiens aux migrants ont mauvaise presse au ministère de l’intérieur, qui soupçonne un militant du mouvement d’ultra-gauche « No Border » derrière chaque citoyen engagé.

    Un Niçois de 37 ans vient d’en faire l’expérience. Interpellé le 17 août près de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes) alors qu’il faisait monter dans sa fourgonnette huit migrants érythréens, il avait été présenté par la police comme un militant No Border. L’homme, qui a assuré n’appartenir « à aucune mouvance politique », a finalement bénéficié d’un classement sans suite, le procureur de la République de Nice ayant invoqué, dimanche 21 août, « l’immunité humanitaire » prévue par la loi.

    S’il reconnaît que « M. et Mme Tout-le-monde » font partie des bénévoles, le préfet d’Ile-de-France, Jean-François Carenco, chef d’orchestre des évacuations de campements, tient à souligner que « certaines personnes sont bel et bien là pour transformer l’aide aux migrants en un combat politique ».

    « Je n’ai pas enfreint la loi »

    Ce n’est pas le cas d’Aubépine Dahan. La Parisienne, qui « apprécie le modèle de société française avec sa laïcité et sa tolérance », n’a pas vraiment un profil révolutionnaire. D’ailleurs, le Collectif parisien de soutien aux exilés (CPSE) auquel elle adhère serait « le plus bobo des regroupements de la capitale », selon un habitant du 18e arrondissement, mobilisé depuis 2015, et fin observateur des forces en action. C’est surtout du « réconfort » qu’Aubépine Dahan voulait apporter « durant ce moment d’attente où le migrant, pas encore réfugié, a ce sentiment terrible de n’être personne », explique-t-elle.

    « Je n’ai pas enfreint la loi », observe celle qui croit assez dans l’Etat pour avoir choisi la filière Service public lors de ses études à Science Po, après sa maîtrise d’économie appliquée à Dauphine. Avec un autre soutien aux réfugiés, Houssam El-Assimi, lui aussi convoqué devant la justice, elle avait juste déposé un parcours de manifestation. « La préfecture a souhaité le voir transformé en simple rassemblement place de la République. Nous avons acquiescé, avec la réserve qu’il fallait que les migrants s’acheminent de leur campement vers République », résume celle qui estime avoir « géré au mieux tout l’après-midi en liaison permanente avec la préfecture, et en faisant tout pour éviter ces violences que nous refusons ».

    Houssam El-Assimi appartient, lui, au collectif La Chapelle debout. Le troisième groupe important, baptisé le Bureau d’aide aux migrants (BAM), existe à leurs côtés, constitué récemment en association.

    Sociologue de formation, observateur de la situation parisienne, Nicolas Jaoul estime que « si les soutiens de la première heure ont été des militants parisiens de partis à gauche du PS, le second groupe à intervenir a été celui, sociologiquement très mélangé, des voisins, les riverains des campements. Sont ensuite arrivés les jeunes issus de l’immigration qui, parce qu’ils parlent arabe, ont vite gagné une position stratégique à laquelle ils n’étaient pas habitués ».

    Durant tout l’hiver et ses multiples déjeuners servis aux migrants, Aubépine Dahan a particulièrement goûté ce melting-pot, « qui me rassurait sur la société française » se réjouit-elle. « On nous parle de société fracturée, mais dans l’aide aux exilés, le boulanger qui apporte ses baguettes côtoie le plus normalement du monde l’universitaire ou les dames retraitées qui ont fait une collecte », rappelle la jeune femme, « et personne ne demande à l’autre son métier », ajoute-t-elle. Etudiants, enseignants, artistes, interrogés par Le Monde, racontent intervenir par humanisme d’abord, pour rendre « un peu de dignité », « être en accord avec ses valeurs » ou conjurer « la honte de l’accueil indigne offert à ces gens ».