Au camp d’été décolonial, les « racisés » plaident pour l’autonomie

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  • Au camp d’été décolonial, les « racisés » plaident pour l’autonomie |
    Mediapart
    Par Faiza Zerouala

    https://www.mediapart.fr/journal/france/270816/au-camp-dete-decolonial-les-racises-plaident-pour-lautonomie?onglet=full

    De notre envoyée spéciale à Reims.- Cela aurait pu être un simple séminaire sur le racisme. Auquel cas, il n’y aurait pas eu ces journalistes plantés devant un centre de vacances de Reims (Champagne-Ardenne) à l’affût de la moindre information, essayant d’alpaguer les participants à la volée pour leur arracher quelques mots. Il n’y aurait pas eu non plus cette micro-manifestation de dix militants du Front national qui ont chanté La Marseillaise devant le lieu. Il n’y aurait pas eu d’articles de presse assassins voire carrément racistes. Il n’y aurait pas eu de débats à la radio. Il n’y aurait pas eu de communiqués d’associations anti-racistes comme la Licra ou SOS Racisme, fustigeant le racisme et le repli communautaire de ce « camp d’été décolonial ». Le samedi, un journaliste a tenté de s’infiltrer, incognito, pour assister aux conférences.

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    Pourquoi tant d’attention focalisée sur un événement privé autofinancé et pourquoi tant de remous ? La controverse est née à cause des modalités d’accès au camp, inédit dans sa forme, édictées par les deux organisatrices, les militantes Fania Noël et Sihame Assbague. Cette série d’ateliers et de conférences, qui se tient durant quatre jours, n’est ouverte qu’aux « personnes subissant à titre personnel le racisme d’État en contexte français ». Un racisme que Fania Noël définit comme « produit et renforcé et légitimé par l’État via ses institutions comme la police ou la justice ». Ce qui crispe les détracteurs de l’initiative. En clair, cette formation ne peut accueillir que les racisé-e-s, selon la terminologie adoptée ici. De facto, les Blancs qui ne subissent pas ce racisme ne peuvent y assister. Fania Noël interprète la polémique comme une preuve que « l’autonomie est vue comme un danger par les personnes qui ont des choses à perdre dans l’émancipation. De toute façon, on a parlé que de la forme. Les rares qui ont parlé des thématiques ont décrété que c’était de toute façon dérangeant ».

    Malgré la demande d’annulation par le maire (LR) de Reims, Arnaud Robinet, le camp d’été décolonial, s’est ouvert le jeudi 25 août pour s’achever le dimanche 28 août. 170 personnes ont souhaité suivre cette formation inédite, centrée sur les questions de racismes. Dans l’assemblée, la prédominance féminine saute aux yeux.

    Les fondatrices du projet assument le choix de la non-mixité vue comme une nécessité pour favoriser l’auto-organisation des concerné-e-s. Le terme « racisé-e-s », issu des sciences sociales, désigne les personnes noires, arabes, roms, asiatiques, musulmanes, renvoyées, sur la base de leurs caractéristiques physiques, à un groupe ayant subi un processus à la fois social et mental d’altérisation. Le terme permet aussi d’éviter d’employer celui de « non-Blancs », car il s’agit d’une définition en négatif. 

    Enfin, placer la question de la race au centre de la réflexion la politise et indique une rupture avec l’« universalisme blanc », qui tient un discours colourblind (ignorant les couleurs) et irrigue, par exemple, l’antiracisme « moral » symbolisé par SOS Racisme. C’est cet universalisme qui veut protéger « son pote » et dénonce les propos racistes sans jamais remettre en cause « le racisme d’État » et le système de domination institué par la République qui se traduit par des discriminations.

    Pour les organisatrices, il s’agit, à l’instar des réunions féministes non mixtes, de permettre à des personnes, unies par les mêmes expériences de vie et animées par le même désir, de s’organiser, de se rencontrer et de réfléchir ensemble à des solutions.

    Lors de la première assemblée plénière introductive, les deux femmes ont rappelé la genèse de ce camp, « un coup de force politique né autour d’un café », et réaffirmé leur choix de la non-mixité. Sihame Assbague le résume ainsi : « C’est important politiquement, cela permet de libérer la parole, de ne pas avoir de personnes qui imposent leur ethnocentrisme et qui disent ne pas voir les couleurs. » Fania Noël rebondit et précise que ce camp n’a pas vocation à devenir un projet de vie ou à donner naissance à « une ZAD ». Elle rappelle que « ce ne sont que quatre jours destinés à réfléchir à notre propre mode d’action. » Tout au long de la formation, les blagues sur le communautarisme supposé du camp fusent. À l’occasion d’un atelier, un participant lance : « On ne va pas éliminer les Blancs ou les renvoyer dans le Caucase. On veut vivre avec d’autres qui ne sont pas comme nous. »

    Le sociologue Marwan Mohammed, venu pour une intervention sur la mobilisation politique dans les quartiers populaires, ne peut s’empêcher de lancer à la salle un trait d’humour : « Pour une réunion du Klu Klux Klan, c’est plus bigarré que dans certaines associations anti-racistes. » Une référence à la Licra qui a manifesté son opposition à la tenue de ce camp en raison de la non-mixité, le comparant à un regroupement du groupe ultra-raciste américain.

    Du reste, le principe de non-mixité n’a rien de neuf. Il a été utilisé dans les années 1960 dans les mouvements de lutte pour les droits civiques aux États-Unis et chez tous les groupes voulant engager une réflexion autonome comme chez les féministes dans les années 1970.

    Au printemps déjà, ce débat s’était greffé sur la commission féministe de Nuit debout. En avril, place de la République, elle avait créé plusieurs sessions de discussions fermées aux hommes. Les mêmes questionnements avaient émergé, plaçant le sujet des alliés au centre de la polémique. Les organisatrices avaient expliqué vouloir créer un moment durant lequel les femmes pouvaient partager leurs expériences, douloureuses parfois, sans devoir supporter le regard des hommes. Cela évite aussi de se perdre en conjectures, à devoir définir les termes employés, rappeler la réalité du racisme ou du sexisme, bref devoir rappeler des bases censées être acquises.

    • Je suis assez dégoûtée de voir des gauchistes canal historique hurler au racisme anti-blancs. Gros manque de culture quand même. Et conception colonialiste de l’universalisme et de la lutte contre le racisme.

      D’ailleurs, sur l’inculture raciste ou féministe, j’apprécie beaucoup la manière légère et sympathique de la série Master of none pour expliquer les mécanismes oppressifs des minorités. Il y a un épisode sur l’assignation aux stéréotypes des descendants d’immigrés visibles et un autre sur le fait qu’un homme même féministe ne perçoit pas la réalité quotidienne des femmes et a toujours du mal à les croire quand elles expriment cette réalité #mansplaining.

      Du coup, il y a cet anti-racisme de dame patronesse qui refuse l’autonomie aux mouvements des racisés, parce que les bonhommes refusent d’entendre qu’ils ont tendance à monopoliser la parole et le vécu de leur seul point de vue, confisquant tout mouvement émancipateur.