Laïcité ou identité ? - Libération

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  • Laïcité ou identité ? Par Etienne Balibar, Philosophe
    http://www.liberation.fr/debats/2016/08/29/laicite-ou-identite_1475306


    Alors que le Conseil d’Etat vient d’invalider l’interdiction du burkini, il faut mettre fin au développement de la « laïcité identitaire ». Cette conception, obsédée par le communautarisme en vient à construire un « communautarisme d’Etat ».

    Grâce à l’ordonnance du Conseil d’Etat, on évitera de voir en France une police des mœurs, chargée non de forcer les femmes à porter le voile, mais de les forcer à l’ôter. L’exercice des libertés doit primer dans toute la mesure du possible sur les exigences de l’ordre public, qui par définition les restreignent. En démocratie les droits des femmes relèvent de leur décision, et non d’une grille d’interprétation plaquée sur leur comportement pour les « forcer d’être libres ». La laïcité est une obligation de neutralité de l’Etat envers les citoyens et non pas une obligation idéologique des citoyens envers l’Etat.

    Je considère, avec beaucoup d’autres, ces démonstrations comme fondamentales. Comme elles portent un coup d’arrêt à la tentative d’exploiter les sentiments suscités par la série des attentats perpétrés au nom de l’islam pour combiner un laïcisme intégriste avec une stratégie d’exacerbation du nationalisme, elles vont susciter une contre-offensive. Plus importante que la guérilla de certains élus contre l’ordre judiciaire sera la proposition de légiférer en franchissant un nouveau pas dans l’interdiction de l’espace public aux signes d’appartenance d’une certaine religion, mais les enjeux en seront élevés, car il devient clair qu’une telle législation ne requiert pas seulement une révision constitutionnelle, elle signifie qu’on dérive de l’Etat de droit vers l’Etat d’exception.

    Tout aussi importantes sont les implications en matière de conception et d’institution de la laïcité. Mais ici une difficulté commence à surgir, qui suppose une élucidation philosophique. Il faut un travail « généalogique » sur ce qu’a été la laïcité en France, et sur ce qu’elle est en passe de devenir dans le moment actuel. Et, sur cette base, il faut débattre de ce qui doit être conservé, prolongé ou restitué, mais aussi réformé pour que la signification du principe ne se trouve pas retournée en son contraire.

    #burkini#Balibar

    http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20111005.OBS1761/balibar-le-philosophe-de-l-egaliberte.html

  • Donc la laïcité serait en quelque sorte le nouveau danger, source de troubles futurs ? Et pour le prouver l’auteur ne craint pas de forcer le trait sur certaines dérives. Curieux billet, inquiétant même pour ce qu’il laisse voir en creux d’une perte de repères nécessaires, nonobstant les réflexions nécessaires, d’une certaine intelligentsia.

    Laïcité ou identité ? - Libération
    http://www.liberation.fr/debats/2016/08/29/laicite-ou-identite_1475306
    http://md1.libe.com/photo/864089--.jpg?modified_at=1470212014&picto=fb&ratio_x=191&ratio

    l’identité de la République réside dans la laïcité, et, corrélativement, que la laïcité doit servir à l’assimilation des populations d’origine étrangère (ce qui veut dire en clair : coloniale et postcoloniale), toujours encore susceptibles, de par leurs croyances religieuses, de constituer un « corps étranger » au sein de la nation. Obsédée par la nécessité de faire barrage au « communautarisme », elle en vient donc à construire (au moyen de « valeurs », mais aussi de normes et d’interdits culturels) un communautarisme d’Etat. Mais il y a plus grave, surtout dans la conjoncture actuelle : le symétrique, ou le synonyme inversé, de l’assimilation, c’est l’acculturation. Or cette notion est le fer de lance de l’offensive idéologique du fondamentalisme islamique qui dénonce l’emprise de la civilisation « chrétienne » et « séculière » sur les communautés musulmanes en Europe (et sur les sociétés arabo-musulmanes « modernisées »), en tirant même à l’occasion une légitimation du jihad, comme on peut le lire sur différents sites internet. La construction de la laïcité comme identité collective, nationale, sous-tendue par l’idée que la République implique l’assimilation (et non pas seulement l’intégration à la vie sociale et l’accomplissement des obligations civiques), est ainsi attirée dans un scénario de rivalité mimétique avec le discours totalitaire dont, dans le même temps, la politique française prétend se prémunir. Le moins qu’on puisse dire est qu’une telle construction ne servira ni à comprendre la nature des périls, ni, puisque « nous sommes en guerre », à forger la solidarité des citoyens.

    A l’évidence, le surgissement de ce « monstre » qu’est la laïcité identitaire n’est pas un phénomène isolable des multiples tendances à l’exacerbation des nationalismes et au « choc des civilisations » qui, en liaison avec d’extrêmes violences, se produisent dans le monde actuel. Cependant la forme « française » est spécifique. Elle nous trouble

  • #Laïcité ou #identité ?
    http://www.liberation.fr/debats/2016/08/29/laicite-ou-identite_1475306

    Contrairement à d’excellents interprètes, je ne pense pas que la « laïcité identitaire » dont nous voyons aujourd’hui se développer le programme à droite et à gauche de l’échiquier politique représente une simple accentuation de l’héritage hobbesien ou sa revanche sur l’interprétation libérale, même si je vois bien quels arguments ont favorisé l’instrumentation d’une conception juridique, morale, pédagogique de l’autorité publique, son glissement vers l’idée d’un « ordre des valeurs » baptisées républicaines et laïques, mais en réalité nationalistes et islamophobes. Je crois qu’il s’est produit quelque chose comme une mutation.

    L’équation symbolique qui sous-tend la laïcité identitaire doit en effet être restituée dans toute son extension : ce qu’elle pose, c’est que l’identité de la République réside dans la laïcité, et, corrélativement, que la laïcité doit servir à l’assimilation des populations d’origine étrangère (ce qui veut dire en clair : coloniale et postcoloniale), toujours encore susceptibles, de par leurs croyances religieuses, de constituer un « corps étranger » au sein de la nation. Obsédée par la nécessité de faire barrage au « communautarisme », elle en vient donc à construire (au moyen de « valeurs », mais aussi de normes et d’interdits culturels) un communautarisme d’Etat. Mais il y a plus grave, surtout dans la conjoncture actuelle : le symétrique, ou le synonyme inversé, de l’assimilation, c’est l’acculturation. Or cette notion est le fer de lance de l’offensive idéologique du fondamentalisme islamique qui dénonce l’emprise de la civilisation « chrétienne » et « séculière » sur les communautés musulmanes en Europe (et sur les sociétés arabo-musulmanes « modernisées »), en tirant même à l’occasion une légitimation du jihad, comme on peut le lire sur différents sites internet.

    La construction de la laïcité comme identité collective, nationale, sous-tendue par l’idée que la République implique l’assimilation (et non pas seulement l’intégration à la vie sociale et l’accomplissement des obligations civiques), est ainsi attirée dans un scénario de rivalité mimétique avec le discours totalitaire dont, dans le même temps, la politique française prétend se prémunir. Le moins qu’on puisse dire est qu’une telle construction ne servira ni à comprendre la nature des périls, ni, puisque « nous sommes en guerre », à forger la solidarité des citoyens.

  • La volonté de ségrégation | Abdellali Hajjat
    http://quartiersxxi.org/la-volonte-de-segregation

    Si, en règle générale, le racisme a besoin de points d’appui factuels et réels, il arrive, dans certaines situations exceptionnelles, qu’il s’en passe volontiers. Le racisme devient alors chimérique, prospère en s’appuyant sur une fiction. C’est ce qui s’est passé lors de l’« affaire du burkini ». Source : Quartiers XXI

    • Edurne Uriarte ? Oh une femme bourgeoise blanche de droite… Tiens tiens.

      Cela dit peu importe le flacon : l’illogisme est tellement évident dans les termes mêmes que c’est là qu’on se rend compte du nombre de gens fous, avec surtout une foi anti-islam voire anti-arabe.

      Non mais il suffit de le dire à haute voix pour sa taper la tête contre le mur : « au nom de ta liberté, je vais t’obliger à t’habiller de telle manière, et je vais t’empêcher de sortir dehors ! »

      (bah oui, les mous du bulbe : ces femmes ne vont pas se mettre tout d’un coup à se déshabiller pour vous faire plaisir pour sortir : elles vont se retrouver à rester chez elle, alors qu’elles sortaient avant : bravo les libérateurs/trices ! superbe résultat !)

    • @rastapopoulos,
      J’ai supprimé l’article du courrier international (Vu d’Espagne. Le burkini et les grandes contradictions des féministes de gauche - Source ABC Madrid : Journal monarchiste et conservateur ) car il n’est pas disponible dans sa totalité. D’autre part, je ne connaissais pas cette politologue espagnole. Désolée

    • Grâce à l’ordonnance du Conseil d’Etat, on évitera de voir en France une police des mœurs, chargée non de forcer les femmes à porter le voile, mais de les forcer à l’ôter. L’exercice des libertés doit primer dans toute la mesure du possible sur les exigences de l’ordre public, qui par définition les restreignent. En démocratie les droits des femmes relèvent de leur décision, et non d’une grille d’interprétation plaquée sur leur comportement pour les « forcer d’être libres ». La laïcité est une obligation de neutralité de l’Etat envers les citoyens et non pas une obligation idéologique des citoyens envers l’Etat.

      Etienne Balibar

      http://www.liberation.fr/debats/2016/08/29/laicite-ou-identite_1475306

      http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20111005.OBS1761/balibar-le-philosophe-de-l-egaliberte.html