Un « rêve » de Daniel Barenboïm est en train, selon lui, de « devenir réalité ». Non pas qu’Israël et les Palestiniens aient décidé de vivre en paix. Plus modestement, l’orchestre du Divan d’Orient et d’Occident, fondé en 1999 par le chef d’orchestre juif israélo-argentin installé à Berlin et par l’écrivain chrétien américano-palestinien Edward Saïd, mort en 2003, va bientôt avoir un toit. A Berlin, où, à partir de septembre 2016, « l’académie Barenboïm-Saïd » va ouvrir ses portes. A peine un an après la pose de la première pierre, le gros œuvre est terminé. Lundi 15 juin, Daniel Barenboïm et quatre musiciens – « deux Israéliens, un Palestinien et un Espagnol », a précisé le maestro –, ont, pour célébrer l’événement, donné un petit concert dans la future salle Pierre-Boulez, en présence de représentants des pouvoirs publics allemands.
Malgré le sacro-saint équilibre des comptes publics, Berlin a débloqué 20 millions d’euros pour transformer les anciens entrepôts d’un opéra (le Staatsoper Unter den Linden) en une salle de concert de 622 places, un auditorium et 21 salles de répétition. Un réaménagement conçu à titre bénévole par l’architecte américain Frank Gehry. La ville de Berlin, elle, a accepté de louer 1 euro par an et pour quatre-vingt-dix-neuf ans ce bâtiment classé, situé en plein centre-ville. Le ministère des affaires étrangères financera les bourses des étudiants. « Une modeste contribution au processus de paix au Proche-Orient », selon Monika Grütters, la ministre allemande de la culture. Des sponsors privés apporteront les 12 millions d’euros manquants.
Symbole
Composé de musiciens israéliens et arabes qui jouent dans différents orchestres d’Europe et du Proche-Orient, l’orchestre du Divan d’Orient et d’Occident se produit dans le monde entier, mais n’a pas de lieu à lui. Grâce à cette académie, il disposera de sa propre salle. Surtout, Daniel Barenboïm veut former chaque année une centaine de musiciens venus « du Proche-Orient, d’Europe et peut-être d’ailleurs » à la musique et aux sciences humaines. Chaque formation durera deux ans. Si, « à court terme », Daniel Barenboïm sait que son orchestre ne suffira pas à résoudre les conflits au Proche-Orient, il est convaincu que faire travailler un Syrien et un Israélien sur la même partition contribue à rapprocher les peuples et, par là même, « symbolise un avenir meilleur pour le Proche-Orient ».
Le symbole aurait été encore plus fort si cette académie avait pu voir le jour au Proche-Orient, mais, selon Daniel Barenboïm, « les relations politiques dans la région ne le permettent pas ». Et puis Berlin est « la capitale mondiale de la musique » et fut au cœur d’une révolution pacifique : la réunification allemande. A défaut de faire avancer la paix, Daniel Barenboïm a accompli sinon un miracle, du moins un exploit : terminer, dans les temps et en respectant le budget initial, un chantier au cœur de la capitale allemande.
Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant)
journaliste