• J-233 : suis allé voir Rester vertical d’Alain Guéraudie hier soir au Kosmos . Je suis frappé par la force de ce cinéma. Déjà l’Inconnu du lac précédemment avait produit sur moi un effet terrible. J’aime dans ce cinéma qu’il soit ce que les Anglais appellent unapologetic , c’est-à-dire qu’il ne pense jamais à s’excuser de ce qu’il est. Et donc impose à ses spectateurs, surtout ceux hétérosexuels, une vue de la sexualité homosexuelle, dans ce qu’elle est à la fois crue, bancale, parfois maladroite, parfois sublime, d’autres fois misérable, comme l’est, finalement, la sexualité de tout un chacun, bien davantage affaire de routines que d’espaces sublimes volés à une certaine quotidienneté. J’aime, à cet effet, bien davantage dans Rester vertical que dans l’Inconnu du lac , que les corps engagés dans cette sexualité n’aient rien de très attirants, ce qui pourrait les rendre beaux, ce serait le désir de l’autre, et voilà ce dernier n’a rien de l’emportement : aimer c’est vaincre son dégoût, comme a écrit mon ami Jacky Chriqui.

    J’aime aussi que les rebondissements du récit soient autant de défis portés à notre jugement. Oui, bien des situations de ce film peuvent paraître inconcevables, une mère atteinte de baby blues qui abandonne son enfant à un homme qu’elle n’aime plus non plus, un vieil homosexuel qui décide d’en finir avec sa vie de grabataire esseulé en commettant une manière de suicide assisté par sodomie ― sur fond de Pink Floyd d’une autre époque, magnifique travail sonore que celui de ces extraits entièrement instrumentaux d’une musique des années septante, telle qu’on pouvait l’entendre dans les années septante, sur des chaînes qui poussaient du col en s’appelant haute-fidélité, et toute la très grande médiocrité prétentieuse de cette musique qui surgit, comment a-t-on pu penser, alors, qu’il s’agissait d’un renouveau musical, ces musiciens savaient à peine jouer de leurs instruments ―, le jeune protégé du vieil homosexuel qui devient à la fois le petit copain de la jeune mère déprimée et l’amant donc de son beau-père, oui, tout cela sans cesse nous chahute ― « Je ne peux quand même pas avoir envie de baiser avec le grand-père de mon fils » étant une réplique exceptionnelle ― nous pousse dans nos derniers retranchements, quelle part de nous indéniablement conservatrice, de droite ― voire homophobe ―, doit sans cesse être vaincue pour comprendre ce récit ?

    Du grand art.

    Je me souviens d’un article de critique des médias lu il y a des années et qui me revient en mémoire avec l’écriture de Qui ça ? L’article donnait comme exemple du conditionnement de l’information notamment dans les journaux télévisés la mort du saxophoniste Stan Getz, en 1991, je viens d’aller vérifier sur internet, ce qui n’était pas utile, tant j’avais le souvenir précis de la façon dont j’avais la chose, encore que je me demande si je ne suis pas en train de confondre avec celle d’Art Blackey, fin 1990. Toujours est-il que l’article s’interrogeait de savoir qu’est-ce qui avait été le plus important dans la journée funeste du 6 juin 1991, telle petite phrase assassine, ou voulue telle, par Jacques Chirac ou je ne sais quel autre très sale type de droite ou justement la mort de Stan Getz. Evidemment c’est faire des opérations mathématiques avec des carottes et des pommes, il n’empêche la longueur du développement s’agissant de tel rassemblement du RPR, un rassemblement comme mille autres, à l’époque rappelons utilement que l’homme de la rencontre des civilisations, ce saint du quai Branly aujourd’hui, non content d’avoir donné la troupe en Nouvelle Calédonie trois ans plus tôt, avait désormais des problèmes d’odeur avec la population française d’origine étrangère, singulièrement magrébine, cette longueur dans le traitement d’un fait minuscule dont plus personne ne se souvient aujourd’hui ― avouez que vous aviez un peu oublié cette histoire d’odeur ― était disproportionnée par rapport à ce qui était une simple manchette, un signalement, la mort d’une des légendes du jazz, un saxophoniste ténor au phrasé inouï.

    Vous allez rire, j’étais parti pour être assez paresseux pour ne pas tenter de retrouver sur internet quelle pouvait bien être le rassemblement du RPR en question, le 6 juin 1991, « « Jacques Chirac » + « 6 juin 1991 » », et, ce n’est pas tombé très loin, mais la célèbre saloperie du bruit et de l’odeur date du 19 juin 1991.

    Aujourd’hui Jacques Chirac est le saint de la rencontre des civilisations. Cela laisse songeur. J’imagine qu’à ce compte-là le rachat de Sarkozy sera de le sanctifier à la Cité de la Musique ou à la Philharmonie , Sarkozy ce sera l’homme de la musique, la preuve il a épousé une brailleuse.

    Ce dont je me souviens aussi, c’est qu’à l’époque ce qui avait retenu mon attention dans cet article de critique des médias, c’était toute une série de remarques et de descriptions critiques des images de plateau de télévision, ou encore d’analyses de quelques forfaitures et autres fabrications d’images mensongères, autant de pistes que j’avais tenté de mettre en pratique dans un projet de photographies d’écran de télévision, parmi lesquels des recadrages très serrés grâce à une petite fenêtre découpée dans un carton, des dérèglements du téléviseur avec des aimants, je n’avais pas été, pendant un an, l’assistant de Robert Heinecken pour rien. J’aimerais beaucoup retrouver certaines des images ainsi produites, si toutefois elles existent encore. En soi un projet à soi seul.

    Tiens je remarque que dans la même semaine, je suis allé voir deux films qui avaient pour point commun, Damien Bonnard, Léo dans Rester Vertical et le personnage du lieutenant qui n’a pas les cuisses propres dans Voir du pays , acteur dont je ne pense pas, je viens de le vérifier sur Internet, l’avoir déjà vu dans aucun autre film.

    #qui_ca

    • aux malades, elle a adressé ce message : « Il faut toujours avoir de l’espoir. Un jour les choses se réalisent… » Pensait-elle aussi à son époux ? « C’est un homme extraordinaire qui a eu une réussite exemplaire, qui a fait tellement de choses, pour tellement de gens, qui a réalisé tant de projets…
      Actuellement, il est à Agadir, au Palais Royal, reçu généreusement et très aimablement par sa Majesté, et il fait la navette entre la plage et la résidence, installé dans un véhicule destiné à le transporter… C’est un homme apaisé. Moi aussi… Mais je suis toujours inquiète du jour où il va disparaître… »

      http://www.nicematin.com/politique/bernadette-chirac-a-linstitut-claude-pompidou-de-nice-jacques-est-un-homm

      à la disparition de Jacques Chirac, écoutons du #saxophone.