• Edward Snowden, la grâce présidentielle et le débat sur le statut de « traître »

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    Le Washington Post a été, comme il l’a lui-même annoncé, « à la pointe » de ce scoop en 2013. Sa rédaction a eu accès, avec The Guardian et, plus tard, The Intercept, aux documents de Snowden. Cela lui a valu un prix Pulitzer, partagé avec le Guardian, pour « service d’intérêt public » en 2014.

    Dans le débat relancé sur le rôle et le futur de M. Snowden, ces publications, ainsi que le New York Times et bien d’autres, ont demandé la grâce présidentielle pour permettre à Edward Snowden de revenir aux Etats-Unis. Sauf le Washington Post, ou plus précisément son comité éditorial qui, dans un texte publié le 17 septembre, demande qu’il soit poursuivi. Qu’un journal jette ainsi sa propre source en pâture, publiquement, peut sembler contradictoire, voire aberrant.

    « Pas de pardon pour Snowden. » Le titre de l’éditorial ne souffre d’aucune ambiguïté. Constatant qu’il n’y a aucune possibilité de concessions entre M. Snowden, pour qu’il « accepte une mesure de responsabilité criminelle pour ses excès », et le gouvernement fédéral, pour qu’il « considère une certaine clémence au vu de ses contributions », ses auteurs optent pour le statu quo : « Un pardon absolu ne serait pas équilibré. »

    Edward Snowden, qui ne mérite pas le statut de « lanceur d’alerte » puisqu’il est entre guillemets, « a violé la loi » en « copiant 1,5 million de documents classés secret » (le chiffre est disputé par ses avocats et la communauté du renseignement). Certaines informations contenues dans les documents ont mis en danger « des opérations de renseignements internationales défendables » et des programmes de surveillance, comme Prism, « clairement légaux et ne représentant pas une menace claire de la vie privée ».

    Comme beaucoup de médias, mais avec un peu plus de férocité, Glenn Greenwald a démonté, dans The Intercept, les arguments et critiqué l’attitude « lâche » et l’hypocrisie des éditorialistes washingtoniens :

    « Ce qu’ils ont omis de préciser, c’est que ce n’était pas Edward Snowden, mais leurs propres rédacteurs en chef qui ont décidé de révéler l’existence de ces programmes (…) Snowden lui-même n’a eu aucun rôle dans la décision d’exposer tel ou tel programme, à part fournir les documents aux journaux. Il ne se sentait pas capable de faire de tels choix journalistiques. »

    « Ils devraient au moins avoir le courage d’admettre que c’est le Washington Post – et pas Edward Snowden – qui a pris la décision éditoriale et institutionnelle de rendre publics ces programmes » qualifiés de « clairement légaux », comme Prism, écrit encore M. Greenwald. La logique voudrait qu’au lieu d’accabler M. Snowden, ils présentent leurs excuses à leurs lecteurs et rendent leur prix Pulitzer.