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  • J – 123 : Je ne sais pas comment vous faites, vous, mais moi, quand un programme, un logiciel, une fonctionnalité, ou quoi que ce soit de ce genre me résiste, je finis par aller regarder dans le menu d’aide, mais je ne pourrais jamais dire que j’y trouve toujours ce que je venu chercher. Depuis qu’internet existe aussi massivement qu’aujourd’hui (c’est-à-dire qu’on y trouve à peu près tout ce que l’on cherche et souvent au-delà), quand le menu d’aide n’est pas suffisamment aidant, je me rencarde sur internet et je finis toujours par trouver plus ou moins ce que je cherche en termes d’explications avec parfois des copies d’écran qui me permettent de mieux comprendre comment on atteint telle ou telle figure. Depuis quelques années de tels vecteurs d’aide prennent désormais la forme de vidéos et pour certaines choses c’est même la seule voie possible. En général cela ne fait pas mon affaire, la parole étant pour moi le pire des véhicules, je ne comprends pas toujours bien ce qu’on me dit, je préfère le lire à mon rythme. Sans compter que dans ces vidéographies, le plus souvent réalisées par des amateurs qui touchent leur bille, certes, il y a une façon d’expliquer qui ne va pas toujours dans le sens de la clarté, je ne jette la pierre à personne, quand j’explique quoi que ce soit, singulièrement à mes enfants, personne ne comprend jamais rien, et surtout pas mes enfants pourtant habitués à mes nébuleuses. Les choses s’enveniment d’autant à mes yeux que c’est désormais une tendance lourde, les apprentis sorciers aiment beaucoup s’écouter pisser sur les feuilles, en fait je crois même qu’ils s’aiment tout court énormément. Et donc je pense que pour moi il n’y a pas pire torture que de devoir regarder une telle vidéographie parce que je ne parviens pas du tout à obtenir tel effet dans le logiciel de retouche d’images numériques, ou plus souvent encore, exporter telle ou telle séquence vidéographique dans un format qui est ensuite pleinement reconnu par mon programme de projection, couche alpha comprise. Certaines soirées sont exécrables dans le garage, vous n’avez pas idée, surtout quand ces dernières sont entièrement mangées par une quête pas toujours atteinte, loin s’en faut, d’un résultat dont j’aurais pourtant jugé de prime abord que ce n’était pas la mer à boire, il m’arrive parfois même de jurer ou d’avoir des paroles déconcertantes de bêtise ou même d’impolitesse envers Guy, mon ordinateur s’appelle Guy. Et ces derniers temps j’étais à la recherche d’un effet dans le logiciel d’animation qui pourrait donner le sentiment qu’un texte qui s’affiche progressivement à l’écran est tapé à la machine à écrire — pour donner le sentiment au spectateur d’ Apnées que c’est ce que je suis en train de faire pendant que les deux autres, qui au violon, qui aux percussions, se débattent, eux aussi, avec leurs machines à calculer. Oh, j’en ai bien trouvé de ces tutoriaux vidéographiques, mais aucun au début duquel ne figure pas tout un laïus de bonimenteur dans lequel l’amateur nous explique comment les choses sont paramétrées dans son logiciel et pourquoi il a fait en sorte qu’elles s’affichent de cette manière et pourquoi il nous recommanderait peut-être d’en faire autant, bien que le seul argument qu’il déploie effectivement pour nous convaincre c’est que cela fait plus joli, ce dont on pourrait discuter. Bref quand l’amateur décorateur d’interface de programme, en vient au nœud du problème, les explications sont alors d’une rapidité déconcertantes un peu comme si un prestidigitateur faisant semblant de vous expliquer comment il produit son tour, en n’ayant absolument pas l’intention de vous révéler quoi que ce soit, après tout c’est son fonds de commerce. Dix minutes d’explications à propos de telle ou telle façon d’agencer les icônes des outils dans le logiciel de retouche d’images numérique et une fraction de seconde que vous pouvez difficilement passer au ralenti sur le site de partage de documents vidéographiques : après quoi l’humeur dans le garage est morose, vous n’avez pas idée.

    J’étais donc bernique dans l’eau, comme on ne dit pas, après avoir, dans un premier temps, tenté de trouver, seul, dans le logiciel d’animation une manière de m’y prendre, puis avoir remué ciel et terre dans le logiciel avoir compulsé le menu d’aide pour comprendre que je ne comprenais pas, avoir tenté de chercher des explications écrites sur internet, regardé deux de ces vidéographiques à la gloire de leurs auteurs amateurs, fini par me souvenir que mon voisin d’en face était animateur de métier et comme justement il passait dans la rue, dis Nicolas, toi qui es de la partie j’essaye d’utiliser un effet de machine à écrire en animation, je ne m’en sors pas tout seul est-ce que tu pourrais passer un petit moment dans le garage avec moi pour me montrer comment on fait ?

    -- Pas de problème.

    C’est tout moi chercher au mauvais endroit (internet) ce que je pourrais facilement trouver en face, chez Nicolas-de-chez-Smith-en-face.

    Donc effectivement Nicolas a vite réglé mon problème qui n’en était pas un et je suis désormais en possession de l’extrait vidéographique dont j’ai besoin pour Apnées (http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/videos/043.htm ).

    Mais ce que j’ai vu par ailleurs, c’est la façon dont mon voisin Nicolas a pris possession de l’outil d’animation dont je croyais jusqu’à présent qu’il servait essentiellement à être chargé de collections d’images séquencées et de produire, moyennant un peu de paramétrage, des fichiers vidéographiques résultant de cette animation, bref une sorte d’objet bidimensionnel. Mais en quelques clics, Nicolas a déplié l’outil qui s’est littéralement creusé sous mes yeux pour devenir une véritable machine temporelle truffée de petits chronomètres, de déclencheurs s’appliquant à des calques, bref une véritable féérie d’images, un processus capable de produire des étincelles en vrai. Et je disposais d’une telle magie dans le garage en en ignorant tout.

    Et lorsque Nicolas et moi remontons du garage, une petite demi-heure plus tard, Nicolas m’assure que surtout si je rencontre de nouvelles difficultés, il se fera un plaisir de m’aider. On ne pourrait rêver mieux non ?

    Je n’en suis pas si sûr. En fait la boîte de Pandore telle qu’elle a été entre ouverte par mon voisin Nicolas est une boîte à double fond. Je ne peux m’empêcher de regretter de n’avoir pas connu l’existence de telles choses bien avant, disons, il y a une quinzaine d’années, si tant est que de tels outils existaient alors sous cette forme incroyablement performante. Et, taraudé par un tel regret, je suis également assailli par cette pensée triste que je ne sois pas certain que je puisse aujourd’hui démarrer une nouvelle carrière, une carrière de vidéaste en somme. Que n’ai-je suivi Daphna quand elle optait pour la section vidéo en seconde année aux Arts Déco, plutôt que d’aller m’enterrer dans la section photo ! Et c’est curieux, comme je remarque que de plus en plus souvent de telles pensées semblent m’entourer et me cerner de plus en plus près. Je ferai bien de surveiller de tels effets de fossilisation chez moi.

    Mais quand j’y pense ce n’est peut-être pas entièrement un problème de vieillissement ou d’âge, en y pensant bien, j’ai toujours eu un tel sentiment, celui que je n’aurais jamais l’occasion de faire tout ce que j’aimerais faire de ma vie. Et pourtant j’essaye.

    Allez du nerf mon gars !

    Exercice #65 de Henry Carroll : Associez deux images pour créer quelque chose de surréaliste

    #qui_ca

  • J-227 : Magie de voir Dominique (@dominique) et Michele évoluer dans le cadre tellement familier de la Folie à Autun, chez Martin et Isa. Grande tablée samedi midi, balance l’après-midi avec Rose aux boutons, Dominique après une petite demi-heure de réglages qui déclare être comme un coq en pâte , moi tout proche d’un des retours de scène de Michele, j’entends les moindres détails de son jeu tellement subtil, on y est, là où je voulais être, dès le début de l’été.

    Plus tard le soir.

    Pendant que les spectateurs entrent et s’installent, et découvrent tout à la fois le caractère chaleureux de la scène, le set de Michele, la table de contrôle de Dominique, ma petite table à moi aussi, les deux tapis au sol qui délimitent la scène, l’écran derrière, sur lequel est projeté en boucle lente la séquence de la truite aux gommettes, Dominique a installé une manière de prologue auto généré. De temps en temps j’épie depuis la porte de l’atelier de Martin, je trouve cela beau et surtout très accueillant. Au premier rang, je vois Adèle qui est déjà en train de filmer en suivant mes recommandations, cette beauté de la transmission avec mes enfants.

    On s’installe, je réduis la luminosité de ce premier tableau, la main tremblante de trac sur la glissière de couche alpha, puis je bascule sur le calque suivant, celui des Croutes dorées explorées à la lampe de poche (http://www.desordre.net/bloc/contre/spectacle/images/croutes/grandes/index.htm), parfaite réaction de Dominique, on n’entend pas un bruit dans la salle, Michele installe quelques petits craquements dont il a le secret et c’est parti. Je suis tendu comme un arc.

    Durant une heure je prends un plaisir tellement vif à ces enchaînements, mes propres improvisations, mes petites audaces encore timides, des moments où les images et la musique, son rythme, son atmosphère, se touchent parfaitement, s’enlacent, le sentiment de produire avec les deux musiciens un objet rêvé, et cela tombe bien parce que c’est le thème même de ce que je voulais faire, des images paradoxales, spectrales, abstraites par endroits, complexes aussi, cette heure aura été la plus rapide de toute mon existence, la plus belle aussi sans doute, la plus paradoxale sans doute aussi, j’étais à la fois fiévreux de peur et à la fois au comble du bonheur, comme si les images qui étaient projetées sortaient littéralement de ma tête.

    Joie d’entendre le tonnerre d’applaudissements, le salut, bras dessus bras dessous avec Dominique et Michele, la force de ce triangle d’amitié, et le géné-rique qui arrache un sourire et des applaudissements répétés de la part de la septantaine de personnes présentes. Joie ensuite de croiser les regards de quelques amis, après le spectacle, tandis que nous dégustons quelques bouchées de pure sorcellerie culinaire d’Isa, parmi lesquels Laurent Grisel (@laurent2), avec lequel j’échange à propos de son Journal de la crise et de Qui ça ?

    Oui, Laurent, je maintiens, nos propres agissements ont tellement plus de portée que ceux des sinistres que nous tentons de marquer à la culotte, avec des moyens inégaux, ceux de simples citoyens conscients, pas floués, pots de terre lan-cés, tels des bouteilles de champagne, contre la coque du France dans la rade du Havre, en 1964, ne nous brisons pas inutilement. En tout cas pas contre de tels blindages d’égoïsme et, in fine, de bêtise et de lâcheté.

    #qui_ca