• J-229 : Cela faisait longtemps qu’une telle chose ne s’était pas produite, le travail dans le garage, sur un nouvel espace du Désordre, plusieurs heures durant, et pas le moindre signe de découragement, même quand Guy ― mon ordinateur s’appelle Guy ― a planté en me hachant quelques pages que j’ai refaites dans la foulée, sans broncher, sans pester ― n’empêche Guy file un mauvais coton ― : j’ai donc décidé de créer un nouvel espace, un nouveau site dans le site, pour le travail entrepris avec Qui ça ? J’ai mis un bon moment avant de trouver le bon équilibre entre les différentes masses de la page principale, et encore je ne suis pas entièrement satisfait de la façon dont s’insère le titre, il me semble que je dois pouvoir utiliser cet espace de 500 par 420 pixels à quelque chose de plus interactif, mais je ne sais pas encore quoi. Je pourrais essayer de faire une sorte de tout petit site internet, une vignette, un site de 500 par 420 pixels. Une radio. De minuscules jeux de memory. Ou de tangram. Des recettes de cuisine simples ― la recette des coquillettes au beurre par exemple. Une rubrique d’objets trouvés. Une toute petite fenêtre sur des images immenses. Des images animées. Des haïkus. Des rubriques déjà existantes dans le Désordre, mais réduites en taille, la Vie, par exemple. C’est une idée. Des idées. À creuser.

    Ce serait un pendant au grand bain dans lequel j’envoie tous les liens hypertextes présents dans les textes ― et c’est presque un plaisir à nouveau de tisser des liens hypertextes, sans les garnir de scripts d’ouverture de fenêtres avec des paramétrages au pixel près, non là, j’envoie tout dans le grand bain, avec des ascenseurs sur les côtés et vogue la galère ! Un pédiluve en quelque sorte. J’aime bien le mot pédiluve. J’ai bien le mot tout en détestant absolument passer par celui des piscines. Un pédiluve en html. target="pediluve". Du coup, je suis en train de me demander si je ne devrais pas réfléchir à un assemblage de ces différents espaces, celui des textes, le grand bain, le pédiluve, la vidéo, selon le nombre d’or. Des années plus tard, lorsque des étudiants feront des recherches sur le nombre d’or, lorsqu’ils entreront « nombre d’or » dans leur moteur de recherche, ce dernier leur suggérera « nombre d’or en html » au même titre que « nombre d’or en peinture », « nombre d’or en musique » et « nombre d’or en architecture ». Je perds un peu les pédales et je pousse du col. Toute ma tête. Raison garder.

    N’empêche la représentation habituelle du nombre d’or, cet escargot, n’est-elle pas la forme idéale pour cette sorte de repli sur moi-même, de repli dans le garage, auquel j’aspire désormais ? À creuser.

    Et c’était quand la dernière fois que tu as utilisé la fonction d’ image-map ? ― fonction qui consiste à délimiter des zones dans une image qui deviennent cli-quables, avec tout le paramétrage possible en javascript ou une simple ouverture de lien hypertexte. Cela faisait effectivement des années que je n’avais plus joué avec cette option pourtant plaisante, mais que je n’utilise plus guère tant il est manifeste que plus personne ne peut attendre d’un visiteur de site internet aujourd’hui, dans les années 10, qu’il promène, plein de curiosité, son mulot dans les différentes parties d’une image, et c’est bien dommage d’ailleurs que l’on ne puisse plus proposer de telles explorations, parce qu’il me semble qu’elles recélaient toute une forme de recherche et de découverte possibles, comme pouvaient l’être, par exemple, le plan paradoxal du site Désordre ou le garage. Et est-ce que de faire une page qui repose sur l’image mapping en 2016 ce n’est pas comme de réfléchir en latin en 1979, tel Roland Barthes dans la Chambre claire ? ― Mon Dieu, je me demande si pendant que Roland Barthes écrivait la Chambre claire , je n’étais pas, moi, occupé à écouter Tokyo Tapes de Scorpions ? C’est comme si je n’étais pas contemporain de Roland Barthes finalement. Ce qui m’étonne en revanche, c’est de l’avoir lu, si j’en juge par la date inscrite dans la page de garde, et qui corrobore mon souvenir, en 1985, comment ai-je pu passer si rapidement de Fly To The Rainbow à la Chambre claire ?, cela reste un mystère pour moi.

    Quant au pédiluve, puisqu’il est question de latin, je me demande si je ne vais pas en faire une sorte de bibliothèque dans laquelle il sera possible de lire les livres lus ces derniers temps et souvent photographiés en situation, qui dans le jar-din du psychanalyste de Nathan, qui au bord de la Cèze ou qui encore dans le train entre Paris et Clermont-Ferrand.

    Plaisir à nouveau d’écrire en anticipant les liens hypertextes que je vais pouvoir tisser. Plaisir d’écrire directement dans le logiciel de composition des pages html. Plaisir à nouveau de construire, presque, un nouveau site internet. Pensez, basé sur le nombre d’or, rien que cela.

    Dans mes recherches d’images à propos du nombre d’or, je suis tombé sur cette image désopilante de Donald Trump qui aurait donc une coiffure parfaite, c’est le cas de le dire, et qui résume assez bien ma pensée à propos du nombre d’or, laquelle tient en deux phrases : utiliser consciemment le nombre d’or pour composer une image, n’est-ce pas déjà la recette du naufrage visuel ? Et. Je ne remarque jamais les tableaux dans lesquels on peut retrouver l’escargot mythique.

    Ou encore. Et si toutes les images n’étaient pas composées en forme d’escargot ? Prenez n’importe quelle image, et superposez lui l’escargot, cela fonc-tionne à tous les coups. Tenez, ma toute première photographie par exemple.

    C’est bon de se sentir vivant. Dans le garage.

    Pendant ce temps-là, ils peuvent bien se disputer autant qu’ils veulent à vouloir être calife à la place du calife.

    #qui_ca

    • @reka Merci, cela me conforte, j’ai hésité avant de mettre ce billet sur seenthis, certes il fait partie de Qui ça ?, mais je trouvais cela moins ouvert sur le monde que le reste.

      Du coup en prime, Fly to the rainbow de Scorpions (qui vaut son pesant de moutarde) et le merveilleux extrait de Barthes dans la Chambre claire (qui lui vaut son pesant de diamants)

      http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/scorpions.mp3

      Dans cet espace très habituellement unaire, parfois (mais, hélas, rarement) un “ détail ” m’attire. Je sens que sa seule présence change ma lecture que c est une nouvelle photo que je regarde, marquée à mes yeux d’une valeur supérieure. Ce “détail ” est le punctum (ce qui me point).

      Il n’est pas possible de poser une règle de liaison entre le studium et le punctum (quand il se trouve là). Il s’agit d’une co-presence, c’est tout ce qu’on peut dire … (…) … mais de mon point de vue de Spectator, le détail est donné par chance et pour rien ; le tableau n’est en rien “ composé ” selon une logique créative ; la photo sans doute est duelle, mais cette dualité n’est le moteur d’aucun “ développement ”, comme il se passe dans le discours classique. Pour percevoir le punctum, aucune analyse ne me serait donc utile (mais peut-être, on le verra, parfois, le souvenir) : il suffit que l’image soit suffisamment grande, que je n’aie pas à la scruter (cela ne servirait à rien), que, donnée en pleine page, je la reçoive en plein visage.

      Très souvent, le punctum est un “ détail ”, c’est-à-dire un objet partiel. Aussi, donner des exemples de punctum, c’est, d’une certaine façon, me livrer.