Critique de la critique du « spectacle » – Jacques Rancière

/JRanciere57.html

  • L’impasse esthético-politique de Jacques #Rancière
    http://revueperiode.net/limpasse-esthetico-politique-de-jacques-ranciere

    Il est notoire que le travail théorique de Jacques Rancière tente d’échapper aux grands récits explicatifs, aux antipodes d’un certain marxisme. Cette attention pour les discours politiques et les oeuvres esthétiques dans leur détail, leur forme, se justifie par une tentative de décoller la pensée émancipatrice de toute assignation à une mission historique (éduquer le peuple, faire la révolution). Dans cette recension de Aisthesis, Nicolas Vieillescazes dénoue les fils des lectures singulières de Rancière, pour en identifier la trame générale et ses impasses. En cherchant une #esthétique du libre jeu, de l’indétermination et de la rupture avec l’ordre des fins, Rancière opère une forclusion du social, des rapports de force, de l’histoire. Cette démonstration incisive constitue une mise au point salutaire (...)

    #Uncategorized

    • En cherchant une esthétique du libre jeu, de l’indétermination et de la rupture avec l’ordre des fins, Rancière opère une forclusion du social, des rapports de force, de l’histoire. Cette démonstration incisive constitue une mise au point salutaire avec la prétention rancièrienne de jeter Brecht, Benjamin ou Althusser par-dessus bord, et la désigne pour ce qu’elle est : une critique désarmée.

      #Jacques_Rancière

    • Il a beau pourfendre ces marxistes méprisant le goût des paysans parvenus pour les bibelots et les calendriers moches, son univers de référence n’est pas celui de Britney Spears, de Roland Emmerich ou de J. K. Rowling, mais bien celui d’une culture légitime ou légitimée a posteriori par l’institution critique et académique.

      Dans Chroniques des temps consensuels il a écrit un truc sur Independence Day. Mais c’est vrai qu’il pourrait nous parler un peu plus d’Harry Potter.

    • Critique de la critique du « spectacle » – Jacques Rancière
      entretien avec Jérôme Game, 2008
      http://1libertaire.free.fr/JRanciere57.html

      Je ne suis pas historien de l’art, philosophe de l’art, etc. ; je travaille sur l’expérience esthétique en tant qu’expérience qui produit un écart par rapport aux formes de l’expérience ordinaire. Au fond, qu’est-ce qui est au cœur du régime esthétique de l’art ? C’est de constituer justement comme une espèce de sphère d’expérience qui est en rupture par rapport aux logiques de la domination – vous faisiez référence au libre jeu, ce concept emprunté à Kant et à Schiller et qui définit justement la sortie d’une situation de dépendance hiérarchique, le jeu du spectateur libre vis-à -vis de la forme qui est en face de lui. Bourdieu et les sociologues s’en sont beaucoup moqués en disant : « Regardez comme ces philosophes sont crétins et naïfs, ils ne savent pas qu’en réalité les ouvriers et les bourgeois ont chacun leurs goûts, leurs manières de voir, leurs manières de juger et ainsi de suite. » Or, précisément, ce qui est au cœur de cette rupture que représente l’expérience esthétique, c’est qu’on prend les choses à l’envers : au lieu de dire : « Vous savez bien qu’en réalité tous les gens ont les sens qui leur conviennent et ainsi de suite », ce qu’on propose, c’est une expérience qui est justement une expérience de dérèglement des sens, pas au sens de Rimbaud (encore qu’il s’inscrive là -dedans) mais au sens d’une forme d’expérience qui est en rupture par rapport aux formes normales de l’expérience qui sont les formes de la domination. C’est cela que j’ai commenté car je l’ai vécu, compris à travers toute l’histoire de l’émancipation ouvrière. L’émancipation ouvrière, cela suppose quoi au départ ? Pas de savoir qu’il y a l’exploitation, la domination du capital et tout ça. Cela tout le monde le sait et les exploités l’ont toujours su. L’émancipation ouvrière, c’est la possibilité de se faire des manières de dire, des manières de voir, des manières d’être qui sont en rupture avec celles qui sont imposées par l’ordre de la domination. Donc la question n’est pas de savoir qu’on est exploité ; en un sens la question est quasiment de l’ignorer. Et au cœur de l’émancipation ouvrière, il y a cette espèce de décision d’ignorer en quelque sorte qu’on est voué à travailler de ses bras pendant que d’autres jouissent des bienfaits du regard esthétique. C’est ce que j’ai commenté dans Le Spectateur émancipé par ce petit texte d’un ouvrier menuisier sur lequel j’ai beaucoup travaillé par ailleurs, Gabriel Gauny, qui raconte sa journée de travail. Il est dans une maison bourgeoise, il fait les parquets, il est exploité par le patron, il travaille pour le propriétaire, la maison n’est pas à lui, et pourtant il décrit la fa çon dont il s’empare de l’espace, du lieu, de la perspective qu’ouvre la fenêtre. Finalement, ça veut dire quoi ? Qu’il opère une espèce de dissociation entre ses bras et son regard pour s’approprier un regard qui est celui de l’esthète. Bien sûr, là , Bourdieu dirait : « Voilà comme il est mystifié ! » Mais je dirais qu’il faut prendre les choses à l’envers : ce qui compte justement c’est de se désadapter, de se désidentifier par rapport à un mode d’identité, par rapport à un mode d’être, de sentir, de percevoir, de parler qui justement colle à l’expérience sensible ordinaire telle qu’elle est organisée par la domination. Tout cela pour moi a été extrêmement important. C’est cela que veut dire émancipation. Cela veut dire cette espèce de rupture, d’opposition à un mode d’organisation sensible qui se trouve comme brisé au sens le plus matériel, à savoir que finalement les bras font leur travail et puis les yeux partent ailleurs. J’ai cité ce texte qui a l’air anodin mais il paraît en juin 1848 au moment de la révolution dans un journal ouvrier révolutionnaire qui s’appelle Le Tocsin des travailleurs, ce n’est pas rien. Cela veut dire que cette petite description d’allure anodine décrit le type d’expériences individuelles partageables qui fait que quelque chose peut se constituer comme une voix des ouvriers, parce qu’une voix des ouvriers, ce n’est pas « les ouvriers se mettent ensemble et on va crier sur les toits notre malheur, etc. » Non. Cela veut dire : « On se constitue une capacité collective de dire sur la base d’une transformation de notre propre rapport à notre condition. »