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  • J-221 : C’est de nouveau le Désordre dans le garage. Et rien ne saurait me faire plus plaisir en somme. Il y a quelques jours mon ami L.L. de Mars (http://www.le-terrier.net) m’a invité à participer à une publication-luxueuse-pour-pas-cher dont il a le secret ― il est également l’inventeur du punk méticuleux ―, où il est question d’une édition de seize cyanotypes. L’idée étant de lui fournir une seizaine de transparents négatifs en 10x15 ― autant dire des 4’X5’ (pouces).

    Le cyanotype.

    Me sont alors revenus mille souvenirs, des odeurs notamment, de celles que je ne saurais pas décrire, sauf à nommer les produits nécessaires pour enduire les feuilles des tirages ― mais alors ce n’est pas décrire une odeur, c’est juste dire, mettez votre nez au-dessus d’une fiole contenant du citrate de fer ammoniacal, pas trop près non plus les narines, et pas trop concentré non plus, le citrate de fer ammoniacal, en fait, débouchez juste le flacon et laisser à l’air libre pendant cinq minutes ―, mais aussi l’éclairage inactinique jaune au sodium qui faisait croire, tant qu’on était dans cette lumière, que l’on faisait du noir et blanc, et en sortant les tirages du labo, pour vérifier la densité, cette surprise toujours, mais ils sont tout bleus !, l’aveuglement, et devoir lutter contre sa tentation, de la lampe aux ultraviolets. A Chicago, les non silver dudesles gars du non argentique , en français on aurait pu dire les types du non-A , du Ā , cela aurait été la classe, encore aurait-il fallu qu’aux Arts Déco, on se préoccupe de procédés non argentiques, et qu’un autre que moi ait lu A.E. Van Vogt, j’aurais donc été fort seul avec mes prédilections, surtout celles de l’époque, jusqu’à l’arrivée d’internet, finalement ― c’étaient nous. Essentiellement ceux qui n’étaient pas nécessairement portés sur la justesse, la propreté des tirages et qui, au contraire, accueillaient les accidents avec bonheur, les souhaitant presque. Pas étonnant d’ailleurs que mes deux amis Greg ― les frères jumeaux de mère différentes comme ils s’appelaient eux-mêmes et étaient connus comme tels dans l’école ―, Greg Ligman et Greg Williams étaient finalement les deux personnes auprès desquelles il fallait si souvent s’arranger pour réserver l’utilisation du banc. Et vu les formats dans lesquels ces deux-là travaillaient, il valait mieux ne pas être dans la même pièce quand ils insolaient, fuites de lumière garanties. Bref, vous dites cyanotype et c’est comme si une certaine pièce, pleine à craquer, du département photo de the School of the Art Institute of Chicago , à Chicago donc, agissait comme un aimant surpuissant de toutes mes pensées. De tous mes souvenirs.

    Et l’écueil de tout ceci est d’autant plus inévitable que passant au travers de quelques dizaines de boîtes contenant des négatifs 4’X5’ dans le garage, je tombe nécessairement sur des tas et des tas d’images prises à cette époque, pas nécessairement dans le but d’en faire des cyanotypes d’ailleurs et que je suis donc incapable de penser à quelle que série que ce soit, même aujourd’hui, qui ne serait pas un rappel à cette époque bénie de ma jeunesse ― je sens qu’il va râler le Lièvre.

    Nous sommes vendredi soir et les trois tables mises bout à bout dans le ga-rage dessinent un désordre exemplaire, mélange du matériel pas encore rangé de-puis le spectacle de samedi dernier ― le vidéo projecteur et ses dix mètres de câble RGA, le contrôleur MIDI ―, de quelques croquis pour la mise en page future de Qui ça ? ― et on y est presque, demeure la question de savoir si je dois ou non, rendre la chose publique en cours de réalisation, ou attendre que le projet soit fini, et ce n’est pas une petite question, croyez-moi ― et donc de quelques boîtes de négatifs 4’X5’ desquelles j’ai extrait, finalement, seize images qui composent une manière de chanson à celle qui aura illuminé ces années américaines, mon professeur, mon mentor, la très grande photographe Barbara Crane ― une photographe, cela dit en passant, qui mériterait très amplement sa place au panthéon de la photographie aux côtés de Robert Frank, Robert Heinecken, John Baldessari, Walker Evans, Eugène Atget, Henry Fox Talbot, Laslo Moholy-Nagy, et bien d’autres encore, place qui devrait lui revenir de droit, et plus j’y pense, et plus il me paraît évident que cette place lui aura été dérobée, toute sa vie, presque, pour la seule épouvantable raison qu’elle est une femme. Et quelle !

    This song’s for you Barbara.

    Et dire qu’alors, le visage de l’ennemi c’était celui de Bush-père.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/images/song_for_barbara/index.htm

    #qui_ca