Israël ou la religion de la sécurité, par Gideon Levy (Le Monde diplomatique, octobre 2016)

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    • C’est de cette question dont se sont saisis les députés Olivier Audibert Troin et Christophe Leonard, chargés par l’Assemblée d’une mission d’information « sur la présence et l’emploi des forces armées sur le territoire national (1) ». D’autres rapports sont parus récemment sur ce thème, notamment, en juillet, celui des sénateurs Jean-Marie Bockel et Gisèle Jourda sur la « “Garde nationale” : une réserve militaire forte et territorialisée pour faire face aux crises ». Outre un décorticage très complet de la problématique française, ce dernier les a conduits à enquêter sur la situation au Royaume-Uni, en Belgique, ainsi qu’en Israël.

      Les rapporteurs se défendent de considérer que le cas israélien serait identique au cas français. Mais ils « ne voulaient pas s’interdire à priori d’étudier la façon dont une démocratie s’est adaptée à une menace terroriste de long terme — indépendamment de la lecture politique que l’on peut faire des causes et des motivations du recours à la lutte armée ».

      " Lire aussi Gideon Levy, « Israël ou la religion de la sécurité », Le Monde diplomatique, octobre 2016. "
      http://www.monde-diplomatique.fr/2016/10/LEVY/56434

    • « L’Ennemi intérieur », de Mathieu Rigouste et « Le Pari de la guerre. Guerre préventive, guerre juste ? » d’Ariel Colonomos : la guerre diffuse

      La guerre qui vient, qui est déjà là, dynamite notre imaginaire géopolitique. Dans un monde unifié par l’hégémonie marchande, les affrontements n’ont plus rien à voir avec le conflit de type traditionnel, où primait la grammaire des Etats-nations. Tant que ce modèle a fonctionné, les mots souveraineté, territoire et frontière avaient encore un sens. Il paraissait légitime de distinguer entre guerre et paix, entre combattant et civil, entre campagne militaire et opération policière.

      Tout cela appartient au passé. Au coeur des démocraties occidentales, les flâneurs urbains s’habituent à croiser des soldats en armes, les militants politiques s’attendent à voir débarquer telle ou telle brigade antiterroriste, les émeutiers de banlieue affrontent un dispositif authentiquement militaire. Et lorsque ces mêmes démocraties envoient leurs troupes à l’autre bout de la planète, elles le font selon une rhétorique policière, comme si leurs interventions relevaient non pas de l’acte belligérant mais du maintien de l’ordre, voire de la simple mesure « préventive ».
      (...)
      Théorisée par les généraux français durant le conflit algérien, cette technique fut officiellement bannie après l’indépendance de l’ancienne colonie. Mais, selon Rigouste, c’était pour mieux resurgir au cours des années 1980, au moment où enflent les discours hostiles à l’immigration. Après la disparition de l’URSS et le redéploiement des préoccupations sécuritaires en direction du terrorisme, certains militaires remettent à l’honneur le vieux répertoire « contre-insurrectionnel » et ses concepts-clés : « l’ennemi intérieur », le quadrillage militaro-policier, l’action psychologique pour isoler les « subversifs » au sein de la population. Drones et vidéosurveillance, infiltrations et écoutes téléphoniques, couvre-feu et saturation du terrain, les techniques utilisées lors des récentes émeutes urbaines témoignent de « l’hybridation » actuelle des pratiques policières et militaires, qu’il s’agisse de maintenir l’ordre en France ou de « contrôler les foules » à l’étranger.

      http://mobile.lemonde.fr/livres/article/2009/04/16/l-ennemi-interieur-de-mathieu-rigouste-et-le-pari-de-la-guerre-guerre-preventive-guerre-juste-d-ariel-colonomos_1181316_3260.html?xtref=https://www.google.fr

    • Bon finalement j’ai flingué ma soirée de travail pour regarder les deux parties... Rien de nouveau après deux fois 52 minutes, on comprend peut-être que les gouvernements israéliens (qui feignent d’avoir perdu le contrôle de la colonisation, c’est la bonne blague de ce docu) se servent de ces dangereux psychopathes pour faire le sale boulot.

      #régression

    • « Les colons », un documentaire d’Arte
      De braves gens qui font de mauvaises choses ?
      http://orientxxi.info/lu-vu-entendu/les-colons-un-reportage-d-arte,1495

      Mardi 27 septembre 2016, Arte diffuse Les Colons, documentaire en deux parties du réalisateur israélien Shimon Dotan. Il a voulu avec ce film proposer une « exploration en profondeur » de ceux qui incarnent la politique de colonisation et exercent de ce fait une influence déterminante dans la non-résolution du conflit israélo-palestinien. Décryptage.

      — Êtes-vous un colon ?
      — Colon ? Habitant…
      — Quelle est la différence ?
      — C’est une question de sémantique, uniquement.
      — Quelle est la différence sémantique entre les deux ?
      — Un colon, c’est quelqu’un qui s’installe sur une terre qui ne lui appartient pas. Un habitant, lui, revient s’installer sur la terre de ses ancêtres.
      — Alors, comment vous considérez-vous ?
      — Vous avez raison… Un instant… On peut recommencer ?

    • Si la politique d’apartheid est clairement exposée, avec ses routes réservées aux colons, le(s) mur(s) et la spoliation des terres palestiniennes, il n’en reste pas moins que le spectateur peu au fait risque d’en retirer l’impression que l’État d’Israël, impuissant, n’en finit pas de devoir gérer à son corps défendant une politique agressive du fait accompli. Comme si s’interroger sur les profils, les motivations, l’argumentaire et la vie des colons faisait disparaître la question centrale du fait colonial israélien, qui est à la fois une politique assumée et la première des violences. Celle qui tout à la fois légitime, autorise, finance (très généreusement) et justifie chacun des actes de ces « fous de Dieu », dont Shimon Dotan dit pourtant que « ce sont de braves gens qui font de mauvaises choses », dans un entretien au journal Haaretz. Néanmoins ne grinçons pas des dents, ne crachons pas dans la soupe : le récit historique comme les portraits de ces femmes et de ces hommes aux sourires angéliques valent tout de même bien deux fois 52 minutes de notre attention.
      Françoise Feugas

    • La face cachée du « modèle » qui fascine la France. #Israël ou la religion de la #sécurité, par Gideon Levy (octobre 2016)
      http://www.monde-diplomatique.fr/2016/10/LEVY/56434


      Après les attentats qui ont ensanglanté la France, de nombreux responsables politiques ont érigé en modèle la gestion par Tel-Aviv des questions de sécurité. Au risque d’en taire les effets pervers sur les plans politique, économique et social. Dans la société israélienne comme dans les territoires occupés, la réponse militaro-policière au terrorisme a montré ses limites.
      On considère souvent Israël comme l’un des États les plus religieux du monde ; il l’est encore plus qu’on ne l’imagine. Ici, religion et État ne font qu’un. L’orthodoxie juive accompagne les citoyens de la naissance à la mort, qu’ils soient croyants, agnostiques ou athées. Mais, comme si cela ne suffisait pas, un second dogme encadre la vie des Israéliens : celui de la sécurité. À chaque étape de leur vie, il leur impose ses règles implacables.

      Cette religion-là repose sur la croyance qu’Israël vivrait sous une menace perpétuelle — conviction qui repose sur une certaine lecture de la réalité, mais qui se nourrit également de mythes méticuleusement entretenus. Nos gouvernants orchestrent ainsi des campagnes de peur. Ils exagèrent les dangers réels, en inventent d’autres et alimentent l’idée que nous serions victimes de persécutions constantes. Et cela dure depuis la création de l’État.

      Pendant la guerre de 1948, au lendemain de la Shoah, une telle attitude se justifiait sans doute : les Israéliens ne se percevaient-ils pas tel David face à Goliath ? Mais, depuis, le pays s’est hissé au rang de puissance régionale solide. Notre armée compte parmi les plus puissantes de la planète et dispose d’un arsenal technologique sophistiqué. La croyance demeure néanmoins : Israël lutterait pour sa « survie », même s’il se mesure à des organisations dont les membres marchent quasiment pieds nus, comme le Hamas ; même si, à part l’Iran, aucun État puissant ne l’a placé dans sa ligne de mire ; et même si ce sont nos troupes qui mènent des opérations d’occupation. La recette n’est pas neuve, ni propre à notre pays : réelle ou fictive, la menace extérieure justifie l’« union nationale » et l’emprise de l’État sur la population.