#ICANN Gouvernance d’Internet : « On pourrait passer à côté d’une occasion historique »
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Pourquoi les Etats-Unis accepteraient-ils de perdre une partie de leur influence sur Internet ?
[Mathieu Weill, directeur de l’@afnic ] Tout simplement car ils n’ont plus vraiment le choix. De plus en plus de pays, de la Russie à la Chine en passant par la France, se disent qu’il n’y a aucune raison de confier aux Etats-Unis le contrôle unilatéral des noms de domaines sur Internet. Dans la nouvelle économie numérique, confier cette responsabilité à une organisation qui vit sous la tutelle des Etats-Unis pose un problème politique et moral.
Il y a cinq ans, j’avais l’impression qu’on ne sortirait jamais de ce système, car le consensus aux Etats-Unis était de bloquer à tout prix et d’étouffer les velléités de changement. Puis, les Etats-Unis ont subi une série de petits revers diplomatiques sous la pression des pays, de plus en plus nombreux, qui réclamaient ce changement. En 2012, une conférence à Dubaï a été extrêmement tendue, car il y a eu la volonté de nombreux pays membres d’accorder un rôle plus important à l’Union internationale des télécoms (UIT) dans la gouvernance d’Internet. Evidemment, les Etats-Unis s’y sont opposés, mais ils ont dû faire face à une grosse résistance.
L’élément déclencheur a incontestablement été l’affaire Snowden, en 2014, qui a révélé l’ampleur de la surveillance de masse pratiquée par la NSA via Internet. Ce scandale a fragilisé et a isolé le pays sur la scène diplomatique. Les Etats-Unis se sont rendu compte que leur position n’était plus tenable. Aujourd’hui, les Américains ne sont plus les seuls maîtres d’Internet. La Chine est devenue elle aussi une grande puissance numérique, avec des entreprises comme Alibaba, Tencent ou Baidu qui sont aussi fortes que les GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon, NDLR]. L’Europe commence à hausser le ton face à l’hégémonie américaine et des pays comme le Brésil sont aussi montés au créneau. Les Etats-Unis, sous la pression de leurs entreprises qui souhaitent se développer partout dans le monde et ne veulent pas soutenir un navire qui prend l’eau, ont donc décidé d’accompagner un changement perçu comme inévitable, tout en protégeant leurs intérêts au passage.