Observer et compter la race

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  • Nicolas Jounin, prof de sociologie à Paris VIII nous montre à travers une expérience d’observation d’un arrondissement de la capitale que les dés sont pipés.
    Cachez ces #races que la république ne saurait voir

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    Élodie et Hamza n’étayent pas l’affirmation par des données chiffrées car ce n’est pas l’objet principal de leur observation. Mais, alors même que ce n’était pas leur objet, la chose leur a semblé « flagrante ». Si elle l’est, elle doit pouvoir être prouvée, objectivée. Or objectiver, c’est nommer. En l’occurrence, nommer quoi ? La couleur de peau ? Le phénotype ? L’origine ? La race ? On avance ici en terrain miné.

    Quand nous sommes dans la salle de classe, je suis l’un des seuls Blancs. Quand nous descendons dans le 8e arrondissement, ma couleur de peau devient majoritaire. Le contraste est saisissant, et il est redoublé par un clivage interne au 8e même, ainsi que le soulignaient Élodie et Hamza, où l’on pourrait tracer une correspondance entre les rôles et les couleurs des épidermes. Presque tout le monde le voit et le ressent, mais personne ne sait trop comment exprimer la marque raciale de la ségrégation spatiale et de la hiérarchie sociale.

    Dans leurs premières observations, certains étudiants n’en parlent pas, soit que véritablement ils ne la perçoivent pas, soit qu’ils se censurent au nom de ce qu’ils pensent être un antiracisme. Par peur de ma réaction, peut-être – la réaction d’un enseignant fonctionnaire de l’université de la République, qui se doit comme tel d’être aveugle à la couleur. D’autres ne l’ignorent pas, mais l’expriment la plupart du temps par des formules ni plus ni moins maladroites que celles de nombreux commentateurs patentés, journalistes ou sociologues. En effet, quoique bon nombre de ces étudiants utilisent dans leurs discussions informelles des termes bien plus adéquats et défendables (Arabes, Noirs, Blancs, Rebeus, Renois, Babtous…), ils se sentent contraints d’adopter, dans leurs comptes rendus d’observations, des expressions apparemment euphémisées et qui sont en fait autrement plus racistes.