Shah Rukh Khan se fait emmerder aux États-Unis (qui sont eux-mêmes un pays comportant de nombreuses couleurs de peau), alors la question de pinailler la « mesure » de blanchitude des indiens me semble assez accessoire : dans la logique raciste occidentale, ils ne le sont pas.
M’enfin sinon, l’idée c’est que des articles sur une « obsession » des arabes, des indiens, des africains noirs, des sud-américains… à se « blanchir » la peau, c’est un marronnier journalistique assez fatiguant, parce qu’il n’est généralement pas lui-même exempt de considérations racistes. Et comme je le dis : ces articles font systématiquement l’économie du racisme que nous-mêmes imposons au reste de la planète.
Avant tout, quand on vit dans une société raciste qui a imposé son racisme au reste de la planète, il serait bon de faire un petit peu attention lors de la dénonciation du racisme des peuples dominés. C’est rapidement une pente glissante. Illustrer les « logiques internes très lourdes » des sociétés indiennes avec un article qui titre : « Comment l’Inde essaye de blanchir nos vagins », j’ai un gros doute… L’Inde menace nos vagins ?
L’autre aspect que je trouve discutable est le ton féministe général (« nos » vagins), avec les mêmes généralisations dans les articles en anglais, alors que clairement le produit s’adresse à une certaine population (femmes à la peau foncée). Des crèmes pour éclaircir la peau, des produits pour démêler les cheveux, etc., destinés à des femmes, ça existe déjà ; en tirer des considérations féministes générales (« nos vagins », j’insiste !) ne repose que sur l’idée qu’une femme blanche européenne ou américaine peut occulter tout ce qui la sépare d’une femme à la peau foncée dans un pays du tiers monde pour pour s’inquiéter pour « nos vagins » en général.
Pour le reste, le présupposé de ce genre d’article est, assez largement, le racisme de la société en question (ici l’Inde, mais j’ai lu ce genre de choses pour quasiment tout le tiers monde), illustré par l’utilisation d’un produit blanchissant : la société visée trouverait donc, ici, que plus on est blanc plus on est beau, et que les femmes moins blanches doivent utiliser des produits blanchissants. Il se trouve que c’est un présupposé auquel je suis régulièrement confronté de la part de français : questions et remarques innocentes, mais dont l’aspect systématique fait ressortir le caractère présupposé, et donc lui-même raciste.
En l’occurrence, je ne suis pas vraiment spécialiste, mais il me semble qu’assez largement, il ne s’agit pas d’être « plus blanche » partout, mais de réduire les différences de couleur qui, sur certaines peaux, rendent certaines zones (sous les yeux, dans la bas du ventre) plus foncées ; ici, on parle d’une crème pour le bas du ventre, pas pour blanchir tout le corps. Alors que, si la motivation était l’envie d’être blanche (« logiques internes très lourdes » ?), on se tartinerait de crème-du-cul sur tout le corps. Ça n’est pas cas ici. Il s’agit certainement de la même cible que les produits qui limitent l’effet de poches un peu plus foncées sous les yeux. On peut dauber, mais ça n’est pas une situation que rencontrent autant les femmes blanches, donc difficile d’en tirer un jugement de valeur facile sur l’aliénation de la femme indienne (versus « nos » vagins à nous), ni sur le racisme qu’il y aurait dans la société indienne.