• L’internationalisme ouvrier à l’épreuve des migrations africaines en France - Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2011-1-page-145.htm

    Depuis le XIXe siècle, l’immigration a autant consolidé que déchiré le mouvement ouvrier. Les vagues migratoires qui se sont succédé en France, notamment sous l’impulsion de stratégies patronales et étatiques, ont radicalement transformé la composition de la force de travail. Elles ont, d’une part, assuré le renouvellement des emplois les moins qualifiés, d’autre part, favorisé la mobilité sociale des Français et des étrangers établis plus précocement dans l’Hexagone. L’importance et la récurrence de ces flux ont conduit les centrales ouvrières françaises à organiser les travailleurs immigrés tout au long du XIXe et du XXe siècles. Originaires pour la plupart de régions agricoles, ceux-ci n’avaient guère d’expérience syndicale et leur insertion dans l’économie nationale était perçue comme une menace pour les droits du travail et les traditions de lutte.
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    Cette intégration progressive n’a pas été sans révéler les limites d’un internationalisme ouvrier hautement revendiqué dans les discours des dirigeants mais régulièrement remis en cause sur les lieux de travail ou par les appels au protectionnisme lors des congrès. Les travaux consacrés à l’immigration italienne, juive ou polonaise ont montré la régularité de réactions xénophobes qui se sont exprimées avec une violence particulière au moment des crises économiques pour perdre temporairement de leur intensité ensuite. Les tensions entre intégration et exclusion ont traversé non seulement les appareils syndicaux français mais aussi les pratiques organisationnelles des migrants qui pouvaient être conduits à développer leurs propres structures pour socialiser les nouveaux arrivants, les protéger du racisme des ouvriers français et avancer des revendications spécifiques propres aux enjeux politiques de leur pays d’origine 
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    Prendre pour objet de recherche le traitement des migrations subsahariennes par les centrales africaines et françaises depuis les indépendances permet d’interroger les formes prises par un internationalisme ouvrier qui n’a cessé depuis ses origines d’être travaillé par le phénomène national, dans ses doctrines aussi bien que dans ses pratiques

    . L’instauration d’États-nations en Afrique pose le double problème de l’intégration des classes ouvrières dans un cadre national et de la nationalisation des syndicats. Le développement des flux migratoires des territoires anciennement sous administration française vers l’Hexagone invite à examiner la répartition du travail syndical opérée sur le thème de l’immigration par des centrales nationales évoluant dans des environnements économiques, politiques et sociaux distincts.