• « La direction de La Poste s’est radicalisée »
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    Fermetures de bureaux de poste, suppressions d’emplois, souffrance au travail… Au sein du groupe La Poste, les objectifs de rentabilité ont pris le pas sur les missions de service public, et la stratégie d’entreprise s’appuie sur l’intensification du travail. Entretien avec Laurent, postier en Indre-et-Loire, syndiqué à la CGT Fapt (fédération des activités postales et de télécommunications).

    La nouveauté à laquelle on assiste, c’est que ces fermetures/transformations de bureaux de poste atteignent la ville. Avant, c’était essentiellement les territoires ruraux qui étaient touchés. Mais aujourd’hui, la direction souhaite se concentrer sur les activités bancaires (La Banque Postale) et de téléphonie (La Poste Mobile [1]). Elle regroupe donc son activité au sein des « agences principales » comme celle de Tours Béranger, qui sont de plus en plus tournées vers le bancaire et la téléphonie. Les bureaux de poste annexes sont voués à la fermeture si leur activité bancaire ou téléphonie est jugée insuffisante au regard des critères de la boîte. C’est ça qui guide le maintien du réseau !

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    Les temps nécessaires pour réaliser les tournées sont calculés depuis le siège, sans tenir compte de la réalité du terrain. La Poste a calculé le temps nécessaire pour réaliser chaque opération, au dixième de seconde près, de la réexpédition d’un courrier à la remise d’une lettre recommandée. Mais les temps calculés ne tiennent pas compte des sens de circulation, de la hauteur des trottoirs, de l’âge de l’usager auquel le facteur doit faire signer le recommandé, ou même de l’âge du facteur. Pour les plus âgés des facteurs, les fins de carrière sont difficiles ; même chez les jeunes, on observe des inaptitudes liées au travail, tant le travail s’est intensifié.

    Les pratiques dont tu témoignes, et les nombreux cas de suicides de postiers dont les médias se sont faits l’écho, font penser à la situation qui a existé chez France Telecom, avec la mise en place d’un management pensé pour « casser » les agents.

    Tout à fait. Nous sommes confrontés à une situation semblable. Et les cas de suicides qui sont médiatisés, avec un lien clair entre la situation de travail et le passage à l’acte, occultent les tentatives de suicides ou les suicides d’agents pour lesquels le lien avec le travail est moins évident à établir [4]. De plus, la souffrance au travail ne se réduit pas à la question des suicides. Et le climat social est tellement délétère à La Poste que cette souffrance, physique ou mentale, est la réalité quotidienne de nombreux postiers.

    Si l’on peut se féliciter que la situation soit de nouveau médiatisée, il faut bien comprendre que ça n’est pas d’aujourd’hui. La mission Kaspar, conduite en 2012, faisait déjà suite à de nombreux cas graves, dont le suicide d’un cadre en charge de la communication du groupe – ce suicide a depuis été reconnu comme accident du travail [5]. On a alors tenté de nous faire croire que des mesures seraient mises en place, notamment sur le dialogue social, mais dans les faits rien n’a changé : les réorganisations entraînant des suppressions de postes et une intensification du travail ont continué.

    Si je parle de radicalisation, c’est parce qu’auparavant, même si on pouvait connaître des formes de management très dures au niveau local – comme à Amboise ou à Tours-Marceau –, il y avait des pratiques beaucoup plus édulcorées au niveau du siège. Aujourd’hui, la direction ne veut plus rien entendre et passe en force sur tous les dossiers. Cette radicalisation au niveau managérial explique la situation de souffrance dans l’entreprise, et s’exprime notamment par une forte répression syndicale. Seule la lutte collective pourra nous sortir de tout ça.

    #laposte #souffrance_au_travail #intensification #rezo