Jungle de Calais : Mercredi 26 octobre 2016 à l’aube
Je me rends à l’entrée du Hangar pour la seconde fois depuis mon arrivée et cette fois il est ouvert. Il y a une énorme concentration de CRS et une armée de Gendarme dans toute la rue. Ce sont les Gendarmes Mobiles qui contrôlent l’entrée et la file, la Police et les CRS se contentant de rester à l’arrière. Mais c’est un policier qui commande toute l’opération, et je le reconnais facilement car c’est un commandant que j’ai déjà plusieurs fois croisé sur d’autres manifestations, avec son micro-boule au visage comme les geek qui font du teamspeak. Lui aussi, il me reconnait. Je comprends en lisant dans ses yeux qu’il ne m’aime pas beaucoup. Mais genre, pas du tout. Et d’ailleurs il le dit à l’un des commandants de la Gendarmerie Mobile qui est à coté de lui. Celui-ci se met aussitôt à me regarder de la même façon. Je fais mine de ne pas faire attention et je continue à faire des plans de l’entrée des migrants dans le Hangar (même si mon instinct me hurle de fuir très vite). Quelques secondes plus tard je suis agrippé par douze gendarmes mobiles en tenue anti-émeute. Oui, douze, j’ai compté. J’entends « on le ceinture, allez, allez », « on l’entoure. Allez monsieur, on avance ». Je reste totalement cool, je me laisse faire. La situation est ridicule. J’essaie de les rassurer parce qu’ils ont l’air nerveux : « Ok messieurs je vous suis, regardez, restez cool, pas besoin de me tenir ». Les migrants sont sidérés mais les associations détournent le regards, et les autres journalistes leurs caméras. Malgrès la présence de nombreux photographes et caméras tout autour de moi, il n’y a aucune image de mon arrestation. Si je me fais interpeller par la police, c’est que je dois être un grand délinquant !
On me fait rentrer dans le périmètre du Hangar et on me place contre le mur du coté droit, bien à l’abris de la foule. Et là ça devient moins marrant. Je repère une page A4 imprimée avec ma photo dans la main d’un policier en civil. On me place les mains contre le mur pour la fouille, on me ramène les bras à l’arrière puis on me sert les menottes dans le dos. « Vous avez une accréditation ? Vous n’avez rien volé ? ». Je suis transféré par trois policier 500m plus loin, dans un bus transformé en « commissariat mobile », les menottes aux poignets.