Enseigner l’esprit d’entreprise à l’école

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  • Enseigner l’esprit d’entreprise à l’école (TheConversation.com)
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    L’entrée de l’entreprise dans l’école s’accomplit au moyen de conventions, d’accords de toutes sortes avec le ministère de l’Éducation nationale qui inscrit sa politique dans le cadre d’une forme d’action publique désormais généralisée et nommée « partenariat », terme qui désigne le retrait de l’État en matière d’activités de service public (qui vont des transports à l’éducation et à la culture). La seule condition stipulée dans ces conventions est de « respecter les valeurs fondamentales du service public de l’éducation, notamment le principe de neutralité » (circulaire de 2001).

    Ces dernières années, la présence des entreprises s’est étendue à tous les segments de l’école sous différentes formes. Elle se réalise par l’intermédiaire des associations dont l’apparente neutralité masque les organisations (les grandes entreprises et les banques) qui les financent et qui définissent leurs modes d’intervention pédagogique dans les établissements.

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    La création et le fonctionnement des mini-entreprises s’accomplissent sous la direction d’un représentant de l’association qui fournit (moyennant environ 300 euros) une valisette pédagogique à l’établissement scolaire qui explicite la marche à suivre : en premier lieu, recruter le PDG et les directeurs des principaux services (ressources humaines, marketing, communication, technique, etc.) ; trouver un thème réalisable en une année, constituer un capital (le plus souvent prélèvement d’actions 2 à 3 euros auprès des professeurs), trouver des sponsors, établir des relations avec la presse, s’initier à la comptabilité, à la gestion des stocks, la vente, etc.

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    Soit en arrière plan, on propose un modèle d’individu à former qui soit un travailleur moderne, motivé, dynamique, flexible, entrepreneur et responsable de soi. Autant de changements qui ne sont pas sans rapport avec le délitement du code du travail en cours dans le même temps. La fortune du terme entrepreneur s’inscrit en effet dans l’effritement progressif de la société salariale, dans un effritement du contrat de travail à durée indéterminée pour lui substituer un contrat sans durée fixée, exigeant la disponibilité et l’engagement de la personne, ainsi que l’apparition d’une nouvelle forme juridique du travailleur indépendant, l’auto-entrepreneur.

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    L’intervention des entreprises dans l’espace scolaire transgresse la condition émise dans le Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire (2001) : le respect de la neutralité. Or, l’entreprise n’est pas neutre. Elle repose sur un rapport de subordination que le droit du travail limite. Enseigner l’esprit d’entreprise tel qu’il se fait nie ce fait premier : le travail et les travailleurs sans lesquels l’entreprise n’existe pas. Si les directions d’entreprises sont habilitées à transmettre aux élèves leurs représentations et leurs valeurs, on peut alors se demander pourquoi les représentants des salariés ne le seraient-ils pas ?

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    Instrument de socialisation à la hiérarchie sociale, l’école est avant tout un enjeu politique pour accéder à la connaissance, aujourd’hui mise en cause par la célébration des vertus de l’apprentissage en entreprise et l’acquisition de l’esprit entrepreneurial. Au lieu et place de ceux-ci, il importerait plutôt de concevoir un enseignement qui intègre les connaissances et leur mise en œuvre dans un travail produisant des biens et services socialement utiles, de sorte à concilier les impératifs économiques, démocratiques et de justice sociale.

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