• Année noire pour la Grande Barrière de corail

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/11/30/annee-noire-pour-la-grande-barriere-de-corail_5040729_3244.html

    Dans sa partie nord, le joyau australien a perdu 67 % de ses coraux sous l’effet du réchauffement des eaux.

    L’année 2016 s’est avérée catastrophique pour la Grande Barrière de corail, au large de l’Etat du Queensland, dans le nord-est de l’Australie. En mars et avril, elle a été victime du pire épisode de blanchissement de coraux jamais enregistré. Un phénomène provoqué par la hausse de la température de l’eau. Les scientifiques étaient peu optimistes, mais espéraient que des coraux pourraient s’en remettre et survivre. On sait désormais que la partie nord de la Grande Barrière a été dévastée sur 700 kilomètres : elle a perdu en moyenne 67 % de ses coraux en quelques mois, selon le Centre d’excellence pour les études sur les récifs coralliens de l’université James-Cook dans le Queensland.

    La Grande Barrière de corail attire jusqu’à 2 millions de touristes par an et rapporte environ 5 milliards de dollars australiens (3,5 milliards d’euros) chaque année. L’Australie s’est engagée en 2015 à protéger ce joyau dans un plan qui prévoit toute une série d’actions d’ici à 2050. Plus de 2 milliards de dollars devraient être investis avant 2025, notamment pour améliorer la qualité de l’eau. Mais cela ne satisfait pas les scientifiques et les ONG.

    Ils reprochent à ce plan de ne pas répondre à la première menace pesant sur la Grande Barrière : le changement climatique. « Nous pensons qu’un plan crédible doit d’abord s’attaquer au réchauffement climatique. Cela commence par une interdiction des mines de charbon », a déclaré Shani Tager, de Greenpeace. Mais l’Australie, deuxième exportateur mondial de charbon, continue de défendre la plus polluante des énergies fossiles. Canberra devrait exposer son plan à l’Unesco, jeudi 1er décembre, pour informer l’agence onusienne des progrès réalisés. En juillet 2015, la Grande Barrière de corail avait évité de justesse un classement dans le « patrimoine en péril » de l’Unesco. Mais c’était avant cette année noire.

  • Perturbateurs endocriniens : la fabrique d’un mensonge

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/11/29/perturbateurs-endocriniens-la-fabrique-d-un-mensonge_5039862_3244.html

    La Commission européenne a élaboré ses propres éléments de preuves pour éviter une réglementation trop sévère de ces substances dangereuses.

    Tout, ou presque, tient en ces quelques mots : « Les perturbateurs endocriniens peuvent (…) être traités comme la plupart des substances [chimiques] préoccupantes pour la santé humaine et l’environnement. » C’est sur cette simple phrase, issue de la conclusion d’un avis de 2013 de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), que Bruxelles fonde son projet de réglementation des perturbateurs endocriniens, ces substances omniprésentes capables d’interférer avec le système hormonal à des doses souvent infimes.

    Cette proposition, qui devrait être votée sous peu par les Etats membres, fédère contre elle la France, le Danemark ou encore la Suède, mais aussi l’ensemble des organisations non gouvernementales (ONG) qui estiment qu’elle ne permet pas de protéger la santé publique et l’environnement.

    La communauté scientifique compétente, incarnée par l’Endocrine Society – une société savante qui rassemble quelque 18 000 chercheurs et cliniciens spécialistes du système hormonal – ferraille, elle aussi, contre le projet. Une opposition surprenante puisque la Commission européenne assure s’appuyer sur la science, c’est-à-dire sur une expertise scientifique de l’EFSA.

    L’explication de ce singulier hiatus se trouve dans une série de documents internes de l’administration européenne, obtenus par Le Monde. Ils le montrent sans aucune ambiguïté : la phrase clé sur laquelle repose l’édifice réglementaire proposé par la Commission a été rédigée avant même que l’expertise scientifique ait véritablement commencé.

    « Conclusions écrites à l’avance »

    En décembre 2012, l’EFSA expose déjà des « conclusions/recommandations » dans un courriel adressé aux experts qu’elle a rassemblés pour réaliser ce travail : « Les perturbateurs endocriniens et leurs effets nocifs devraient être traités comme tout autre produit chimique préoccupant pour la santé humaine ou l’environnement. » La phrase clé est déjà là. Pourtant, la toute première réunion de mise en place du travail ne s’est tenue que quelques jours auparavant. Fin mars 2013, c’est-à-dire trois mois plus tard, elle figurera bel et bien dans les conclusions de l’avis publié par l’agence.
    « Il est certain que les conclusions étaient écrites à l’avance, sinon sur le papier, au moins dans la tête de certains des participants », raconte une source proche du dossier au moment des faits. La Commission n’a pas donné suite aux questions du Monde. L’EFSA, quant à elle, assure avoir correctement rempli son mandat. « Le comité scientifique [de l’EFSA] a passé en revue les différents avis émanant de nombreux experts et assemblées », réagit l’agence européenne, interrogée elle aussi.

    Anodine pour le néophyte, la « phrase de l’EFSA » a en réalité une portée considérable. Car si les perturbateurs endocriniens sont effectivement des produits comme les autres, alors il n’est nul besoin d’une réglementation sévère.

    L’industrie des pesticides, la plus concernée par le dossier, l’a fort bien compris. Ses principales organisations de lobbying – l’Association européenne pour la protection des cultures (ECPA), CropLife International, CropLife America – ou encore les groupes agrochimiques allemands BASF ou Bayer répètent ad libitum la « phrase de l’EFSA » dans leurs argumentaires et leurs correspondances avec les institutions européennes, que Le Monde a consultées.

    De fait, la fameuse phrase revêt une importance majeure pour la réglementation européenne sur les produits phytosanitaires. C’est en 2009 que le Parlement européen a voté un nouveau « règlement pesticides ». Selon ce texte de loi, les pesticides identifiés a priori comme « perturbateurs endocriniens » ne pourront plus accéder au marché ou y rester, sauf lorsque l’exposition est jugée négligeable.
    Cette disposition n’attend plus qu’une chose pour être appliquée : l’adoption de critères scientifiques pour définir les perturbateurs endocriniens – ce que propose aujourd’hui Bruxelles. Mais puisque les perturbateurs endocriniens sont des produits chimiques comme les autres – c’est la « phrase de l’EFSA » qui le dit –, pourquoi les interdire a priori ?

    « Brèche majeure » dans la protection de la santé
    La Commission a donc modifié le texte. Il suffirait maintenant d’évaluer le risque qu’ils présentent au cas par cas, si des problèmes se présentent après leur mise sur le marché. Et donc a posteriori. Au prix d’un changement de l’esprit du règlement de 2009 ?
    Cette modification ouvrirait une « brèche majeure » dans la protection de la santé et de l’environnement, affirme EDC-Free Europe. Cette coalition d’ONG accuse la Commission de vouloir dénaturer la philosophie de la loi européenne.

    Surtout, cet amendement au règlement de 2009 pose un problème démocratique, un peu comme si des fonctionnaires avaient pris l’initiative de rédiger un décret d’application n’ayant rien à voir avec l’intention des élus. C’est aussi l’opinion du Parlement européen. Dans un courrier dont Le Monde a obtenu copie, le président de la commission de l’environnement du Parlement l’a écrit le 15 septembre au commissaire à la santé chargé du dossier, Vytenis Andriukaitis : la Commission a « excédé ses compétences d’exécution » en modifiant des « éléments essentiels » de la loi. Dans une note du 10 octobre, la France, le Danemark et la Suède ne disent pas autre chose, estimant qu’elle n’a pas le droit de revenir sur « le choix politique du législateur ».
    Ce reproche est d’autant plus fâcheux pour la Commission qu’elle est déjà dans l’illégalité sur le sujet. La Cour de justice européenne l’a en effet condamnée en décembre 2015 pour avoir violé le droit de l’Union : elle devait régler la question des critères d’identification des perturbateurs endocriniens avant fin 2013.

    La Commission, elle, reste imperturbable sous la giboulée de critiques. Elle assure avoir rempli la condition qui l’autorise à « actualiser » le règlement : prendre en compte l’évolution de « l’état des connaissances scientifiques », à savoir la fameuse petite phrase de l’EFSA. Celle sur laquelle repose sa justification.

    Mais pourquoi l’EFSA aurait-elle écrit à l’avance une conclusion en rupture avec le consensus scientifique ? Un document interne de la Commission obtenu par Le Monde jette une lumière crue sur les intentions de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire (« DG santé »), aujourd’hui chargée du dossier à la Commission.

    Un compte rendu de réunion consigne noir sur blanc qu’elle envisageait, dès septembre 2012, de passer outre la volonté des élus européens. La DG santé disait alors ne pas être « opposée à l’idée de revenir à une réglementation fondée sur l’évaluation du risque » et être « même prête à changer complètement » la partie du règlement concernée.

    Le même document précise plus loin que la DG santé devra « parler à l’EFSA pour essayer d’accélérer la préparation » de son avis. Or, à ce moment-là, l’avis de l’EFSA n’existe pas encore… L’agence vient tout juste d’être saisie pour mettre en place un groupe de travail sur les perturbateurs endocriniens.

    Un message mortifié

    Les conditions très particulières de cette expertise se lisent d’ailleurs dans les courriels que s’échangent les experts et les fonctionnaires de l’agence. Un mois avant la remise du rapport de l’EFSA, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) publient un rapport conjoint sur les perturbateurs endocriniens.
    Un des experts commis par l’EFSA envoie un message mortifié à l’ensemble du groupe : « Il est presque embarrassant de comparer notre version actuelle avec le rapport OMS/PNUE. (…) Quand le rapport de l’OMS/PNUE parvient à la conclusion que la méthode traditionnelle d’évaluation des risques des produits chimiques est inadéquate [pour les perturbateurs endocriniens], nous arrivons à la conclusion exactement opposée. »

    Le scientifique juge indispensable de changer radicalement leurs conclusions. Le fonctionnaire de l’EFSA qui supervise le travail du groupe abonde dans son sens. Les « conclusions actuelles où nous expliquons que les perturbateurs endocriniens peuvent être traités comme la plupart des autres substances chimiques (…) nous isolent du reste du monde et pourraient être difficiles à défendre », écrit-il. Pourtant, quand l’avis de l’EFSA est publié le 20 mars 2013, il arbore toujours, imperturbablement, la petite phrase.
    « Ce devait être une procédure fondée sur la science, une élaboration de politique fondée sur les preuves », désapprouve quant à lui Axel Singhofen, conseiller du groupe des Verts-Alliance libre européenne au Parlement européen. « Mais ce à quoi nous assistons, ajoute-t-il, c’est à de l’élaboration de preuves fondée sur la politique. »

    Des substances omniprésentes

    Omniprésents dans les objets de consommation, les perturbateurs endocriniens sont des produits chimiques qui imbibent notre environnement quotidien (plastiques, mobilier, cosmétiques etc.), contaminent la nature et nos aliments (pesticides, matériaux des emballages etc.), et pénètrent dans nos organismes (sang, lait maternel etc.). Capables d’interférer avec le système hormonal, ils sont reliés à de multiples maladies en augmentation chez l’homme. Ce sont les conséquences irréversibles d’une exposition pendant la grossesse qui suscitent le plus d’inquiétude. Cancers du sein, de la prostate et des testicules, diabète ou infertilité : la liste est longue et inclut des dommages sur l’intelligence collective avec des atteintes au développement du cerveau qui entraînent un baisse du quotient intellectuel moyen. Leur coût pour la société a été estimé à au moins 157 milliards d’euros par an en Europe par une équipe internationale de chercheurs dirigée par Leo Trasande (université de New York).

  • Le lien entre le réchauffement et les catastrophes climatiques est de plus en plus manifeste
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/11/10/le-lien-entre-le-rechauffement-et-les-catastrophes-climatiques-est-de-plus-e

    Les années 2011-2015 ont été la période quinquennale la plus chaude jamais enregistrée sur Terre depuis le début des relevés de températures, c’est-à-dire depuis 1880. C’est ce qu’a annoncé l’Organisation météorologique mondiale (#OMM), dans un rapport sur le climat publié mardi 8 novembre, à l’occasion de la conférence climatique de Marrakech, au Maroc (COP22). Ce constat ne constitue pas une surprise, les dernières années ayant battu des records successifs de chaleur. Mais l’OMM va plus loin, en établissant « le lien toujours plus étroit entre les phénomènes météorologiques extrêmes et le #réchauffement de la planète ».

    Sur l’ensemble de la période 2011-2015, la colonne de mercure a donc atteint un niveau inégalé dans l’histoire moderne. Elle a été, en moyenne, supérieure de 0,57 °C à la normale de la période de référence 1961-1990. L’excédent avait été de 0,51 °C sur les années 2006-2010, ce qui, souligne l’OMM, confirme « la tendance soutenue au réchauffement qui se dégage des données mondiales depuis le milieu des années 1970 ».

    #climat et #paywall

  • A Notre-Dame-des-Landes, le sol ne pourrait pas supporter les pistes de l’aéroport
    LE MONDE | 08.11.2016 | Par Rémi Barroux
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/11/08/a-notre-dame-des-landes-le-sol-ne-pourrait-pas-supporter-les-pistes-de-l-aer

    Et si le sol du bocage était inapte à la construction des pistes du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes ? C’est l’argument développé par Luc Brohan, chercheur au CNRS de Nantes en physique et chimie des matériaux, qui a compilé cinq thèses récentes de doctorat consacrées « aux traitements des sols argileux par liants hydrauliques ». Ces cinq thèses, conduites entre 2010 et 2012, avaient pour objet de rechercher l’efficacité des traitements par liants hydrauliques (chaux et mélange chaux-ciment) dans la consolidation des sols argileux, tel celui de Notre-Dame-des-Landes. Elles étaient produites dans le cadre de projets de recherche pilotés par des établissements publics.

    Il a fallu alors plusieurs mois à Luc Brohan pour se pencher sur ces résultats. Sa conclusion est sans appel : la méthode choisie par le concessionnaire du futur aéroport, AGO-Vinci, pour consolider le sol de Notre-Dame-des-Landes, est inefficace. Il a décidé d’alerter le ministère de l’environnement, auquel il a écrit le 6 novembre, et de rendre public son travail de synthèse.

    #NDDL

  • Des légumes, des poissons et du houblon cultivés sur les toits ou dans les parkings de Paris

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/11/05/des-legumes-des-poissons-et-du-houblon-cultives-sur-les-toits-ou-dans-les-pa

    Une serre maraîchère de 1 800 m2, bordée d’une prairie, d’un jardin fruitier et d’une ruche ; une ferme aquaponique produisant des légumes et des poissons d’eau douce ; une serre conjuguant potager urbain et bar restaurant locavore… Les lauréats de l’appel à projets Parisculteurs, lancé en avril par la Ville de Paris, ont été dévoilés jeudi 3 novembre. Mêlant paysagistes, agriculteurs, architectes, associations, start-up, 33 équipes ont été sélectionnées pour végétaliser ou cultiver toits, terrasses voire parkings, mis à disposition pour 13 d’entre eux par la Ville de Paris, et pour 20 par des partenaires (bailleurs sociaux, RATP, entreprises privées…).

    S’ils ont tous comme fil rouge l’agroécologie, les projets retenus mettent en œuvre une grande variété de techniques de culture : aquaponie, aéroponie, permaculture, culture en bac, hydroponie champignonnière… « L’imagination et l’inventivité dont témoignent les projets prouvent que notre engagement pour une ville moins minérale, plus végétale et “comestible” n’est pas une chimère, se félicite Pénélope Komitès, adjointe aux Espaces verts de la maire de Paris, Anne Hidalgo. Ils sont des réponses concrètes au double défi climatique et alimentaire auquel les villes et métropoles sont confrontées. »

    Ces 5,5 hectares de parcelles végétalisées et cultivées vont contribuer à la rétention des eaux de pluie et à la réduction des îlots de chaleurs dans la ville. Et leur production empruntera les circuits courts de distribution. Elle sera vendue sur les marchés et/ou aux restaurants avoisinants, livrée sous forme de paniers aux habitants du quartier, voire directement cueillie par eux. Au total, 425 tonnes de fruits et légumes, 24 tonnes de champignons, 3 tonnes de poissons, 95 kilogrammes de miel et 8 000 litres de bières seront chaque année produits et livrés dans Paris.

    • Le choix des arbres a aussi son importance. Les types d’arbres plantés il y a 50 ou 100 ans (comme les platanes, ou les marronniers) ne répondent souvent pas aux besoins d’aujourd’hui car ils forment en se déployant un couvercle retenant au sol la pollution. En revanche, les arbres aux feuilles poilues, tels les bouleaux, sont efficaces pour la suppression des particules.

    • Cool, la prévalence de l’allergie au bouleau est de l’ordre de 10% à 20%…

      Stallergenes et DBV Technologies signent une collaboration de recherche et développement dans l’allergie au pollen de bouleau – France Biotech
      http://www.france-biotech.org/stallergenes-et-dbv-technologies-signent-une-collaboration-de-recher

      Très présente en Europe du Nord, et plus particulièrement en Allemagne, aux Pays-Bas, en Norvège, en Suède et en Suisse,
      la prévalence de la rhinite allergique au pollen de bouleau dans les populations d’Europe centrale et du Nord varie de 10% à
      20%, mais dépasse 20% dans certaines grandes villes. Le pollen de bouleau est le plus allergisant des pollens d’arbres en
      Europe centrale, du Nord et de l’Est.

  • Mauricio Garcia-Pereira, l’homme qui a filmé l’horreur de l’abattoir de Limoges

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/11/03/mauricio-garcia-pereira-le-lanceur-d-alerte-de-l-abattoir-de-limoges_5024502

    Employé depuis sept ans sur le site, ce salarié espagnol a filmé clandestinement l’abattage de vaches gestantes, pour dénoncer une situation « abominable ».

    La seule chose qu’il dit craindre, c’est que l’on s’attaque à ses enfants. Pour le reste, il veut tout assumer. Mauricio Garcia-Pereira, employé par l’abattoir municipal de Limoges, est le premier ouvrier à dénoncer à visage découvert un « scandale » au sein de ce monde hermétique : l’abattage de vaches gestantes, une pratique légale mais pour autant choquante. « Tous les jours, au moins cinquante fois par semaine, on tue des femelles pleines. On voit passer les utérus, plus ou moins gros, qu’on balance à la poubelle, enrage-t-il. Comment peut-on tuer les veaux ? C’est abominable. »

    Dans le salon de son modeste appartement, situé dans un immeuble HLM de la capitale limousine, l’Espagnol de 47 ans, sec et nerveux, raconte comment a débuté cette « guerre » qu’il compte mener « sans relâche ». Dans un coin, la télé tourne en boucle. Sur le canapé, un coussin Spiderman jouxte une petite table supportant une tasse Maryline Monroe ébréchée. Seule fantaisie au mur, quelques photos plastifiées de ses deux garçons, âgés de 9 et 15 ans.

    « Quand je suis entré pour la première fois à l’abattoir, fin 2009, j’étais fier », se souvient-il. Avant, Mauricio Garcia-Pereira enchaînait petits boulots et grandes galères. « J’ai pas mal bossé dans le commercial : je crois que j’ai tout vendu, des encyclopédies, des couteaux suisses, des aspirateurs. Et j’ai longtemps été serveur. » En 2007, il quitte la restauration, qui « l’a empêché de voir ses fils grandir », pour suivre une courte formation dans le bâtiment. Mais la crise économique éclate, en même temps que ses projets de reconversion.

    Enfance dans une ferme

    « L’agence d’intérim m’a demandé si j’avais peur du sang et des odeurs, de tuer des bêtes. Il y avait du boulot en abattoir. » Cadences élevées, horaires décalés, tâches physiques, répétitives et parfois dangereuses : les postes y sont durs et ingrats, parmi les pires de l’industrie française.

    Mais Mauricio se sent de les affronter. « J’ai grandi dans une immense ferme, sur 400 hectares, en Galice, justifie-t-il. Les propriétaires élevaient 2 000 vaches et 10 000 porcs et employaient mes parents. » Le père est comptable, la mère fait les ménages et les repas. Durant ses vacances, le jeune garçon se lève à 6 heures pour nourrir les vaches ou donner le biberon aux veaux. Déjà, il n’aime pas l’école, mais « adore » les animaux.

    En 1998, alors qu’il est saisonnier en Andorre, il rencontre la mère de ses enfants, originaire de Limoges. Il s’installe alors dans la préfecture de la Haute-Vienne, qu’il ne quittera plus, même après leur séparation en 2007. Quand il décroche son premier contrat à durée indéterminée (CDI), au bout d’un an à l’abattoir, il en a « la larme à l’œil ».
    Si le travail n’est « pas cher payé » (1 350 euros nets mensuels), il permet de nourrir ses enfants. Mauricio change tous les jours de poste mais pense constamment à eux, qu’il aspire la moelle épinière des bœufs ou qu’il pèse les carcasses en fin de chaîne. « Je me dis que c’est de la viande que mes fils vont manger, donc je me donne à fond. S’il y a une irrégularité, je fais arrêter la chaîne », se vante-t-il en mimant la scène, avec son fort accent espagnol.

    Métier qui « déshumanise »

    Pourtant, quelque chose ne passe pas. « J’avais déjà repéré, quand j’étais à l’abattage, cette poche bleu clair ou rose tomber du ventre ouvert de la vache, avec les boyaux et la panse », explique-t-il. Mais c’est vraiment à l’atelier de la boyauderie, où les ouvriers trient les viscères, que Mauricio a un « choc » : « Quand j’ai ouvert l’utérus et que j’ai vu le veau, presque entièrement formé, avec des poils, je me suis dit que ça n’était pas possible. Il pesait 25 à 30 kg et mesurait plus d’un mètre. Je ne pouvais pas le soulever alors je l’ai poussé vers la poubelle, sur le plan de travail glissant et gluant. »
    Mauricio va chercher un responsable, qui lui assure qu’« il n’y a aucun problème » et de « faire comme d’habitude ». Ni le vétérinaire ni les salariés ne bronchent. « Quand on en parle entre collègues, on se dit que c’est dégueulasse et on continue, raconte-t-il. Ce métier déshumanise tellement. »

    Mauricio Garcia-Pereira commence à accumuler des preuves, des photos et des vidéos qu’il prend avec son portable. En février, la publication d’une vidéo de l’association L214, dénonçant des cas de maltraitance animale à l’abattoir du Vigan (Gard), constitue un premier déclic. « Je me suis dit : “Si ça choque les gens, imagine-toi si je leur montre mes fœtus.” » Il contacte alors l’association qui lui fournit une caméra GoPro pour filmer à la dérobée. La réaction horrifiée de son aîné lorsqu’il lui montre le résultat achève de le convaincre.

    « Je veux que le peuple français soit au courant. La balle est maintenant dans son camp, pour voter une loi interdisant la pratique », assure-t-il. Et après ? Mauricio Garcia-Pereira espère être licencié par l’abattoir pour « changer de secteur », et « poursuivre le combat jusqu’au Parlement européen si besoin » – sans pour autant arrêter de manger de la viande.

    « Je suis convaincu que la majorité de mes collègues vont me soutenir, avance-t-il. La faute est collective, entre les abattoirs, les vétérinaires ou la grande distribution, mais c’est surtout l’absence de loi pour interdire la pratique qui est en cause. »

  • Le plus important oléoduc des Etats-Unis fermé au lendemain d’une explosion
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/11/01/le-plus-important-oleoduc-des-etats-unis-ferme-au-lendemain-d-une-explosion_

    La compagnie exploitant le plus important oléoduc des Etats-Unis, dans l’Etat de l’Alabama, a décidé de le fermer mardi 1er novembre, au lendemain d’une explosion, suivie d’un incendie toujours en cours, qui a fait un mort et cinq blessés. La décision a immédiatement fait monter les prix pétroliers sur les marchés des matières premières.

    L’accident est survenu lundi dans le comté de Shelby, lorsqu’un excavateur a touché l’oléoduc et provoqué une explosion, a précisé la compagnie Colonial dans un communiqué.