https://www.revue-ballast.fr

  • BALLAST | Nicolas Mathieu : « Nommer les choses jusqu’à ce qu’elles soient insupportables »
    https://www.revue-ballast.fr/nicolas-mathieu-nommer-les-choses-jusqua-ce-quelles-soient-insupportab

    Chaque loi a ses excep­tions. La loi de la repro­duc­tion sociale a ses excep­tions, ses trans­fuges et trans­classes. C’est une ques­tion impor­tante, celle des trans­classes, car plus ils seront nom­breux, plus notre socié­té pour­ra se consi­dé­rer comme ver­tueuse. L’idéologie qui trans­pa­raît der­rière ces ques­tions, c’est celle d’une vision de la socié­té où nous pro­gres­sons tous, à chaque géné­ra­tion. Mais une excep­tion n’invalide pas la règle, et les places sont rela­ti­ve­ment fixes. Quand une excep­tion se consi­dère elle-même comme suf­fi­sam­ment symp­to­ma­tique pour jus­ti­fier tout l’ensemble de la struc­ture, comme le trans­fuge qui dit « Vous voyez bien que l’école, ça marche, puisque j’existe », il devient la cau­tion d’une vision de l’école comme lieu de la méri­to­cra­tie, l’alibi qui masque le fait que l’école est sur­tout un lieu de repro­duc­tion sociale. Je refuse de jouer ce jeu-là.

  • Mawda, 2 ans, tuée par la police | Yanna Oiseau
    https://www.revue-ballast.fr/mawda-2-ans-tuee-par-la-police

    La nuit du 17 mai 2018, la police belge prend en chasse une camion­nette de migrants tra­ver­sant le pays : un poli­cier tire, une enfant kurde de 2 ans meurt d’une balle dans la tête. Deux ans et demi plus tard, le ver­dict du pro­cès tombe. L’affaire du meurtre de la petite Mawda illustre bien des aspects des poli­tiques migra­toires et sécu­ri­taires actuelles. En Belgique, les faits de vio­lence poli­cière ne cessent de faire par­ler d’eux — ils sont deve­nus heb­do­ma­daires. Face à quoi, les pro­tes­ta­tions popu­laires se déve­loppent. Le 8 mars der­nier, une femme noire, après avoir vou­lu por­ter assis­tance à une per­sonne ayant fait un malaise dans la rue, a été vio­lem­ment pla­quée au sol par la police lié­geoise, pro­vo­quant une nou­velle fois des émeutes. Un récit du ver­dict. Source : (...)

  • « Terrains désignés »

    Au mot de « gitan », les clichés du « moustachu à la guitare » ou de « l’enfant pieds nus à la cigarette1 » surgissent. C’est sur ce terrain que de nombreux artistes comme Koudelka, Mathieu Pernot ou Alain Keller ont fait leurs armes. Le photographe #Valentin_Merlin a choisi d’en prendre le contre-pied : personne sur les photos. Des murs, des palissades, des barrières, du barbelé, du béton : c’est ce qui constitue les « aires d’accueil ». Il nous dit par ce travail, avoir « voulu construire une archive de "l’#encampement" des gens du voyage en #France, mais aussi fabriquer des #preuves ». Preuves que l’administration assigne à résidence des citoyens français dans des #lieux_hostiles à toute forme de vie. Si la photo peut accompagner les luttes voyageuses, c’est en montrant que les autorités locales de #Petit-Quevilly, de #Saint-Germain-en-Laye et de #Marseille forcent des familles à vivre dans des zones à haut risque industriel. Au fil de cette série commencée en 2015, on peut saisir pourquoi certains #voyageurs appellent ces aires d’accueil des « #terrains_désignés ». Subissent-ils pour autant ces lieux ? Il n’en est pas question : ils les apprivoisent et les combattent aussi. Parfois, on aperçoit le « bureau » — le lieu du pouvoir — brûlé. Ou encore des restes de morceaux de barricades. Luttes silencieuses, mais visibles.


    https://www.revue-ballast.fr/terrains-designes-portfolio
    #portfolio #photographie #gens_du_voyage #aires_d'accueil #risque #risque_industriel #assignation_à_résidence #résistance #luttes

  • « Terrains désignés » | Valentin Merlin
    https://www.revue-ballast.fr/terrains-designes-portfolio

    Preuves que l’administration assigne à rési­dence des citoyens fran­çais dans des lieux hos­tiles à toute forme de vie. Si la pho­to peut accom­pagner les luttes voya­geuses, c’est en mon­trant que les auto­ri­tés locales de Petit-Quevilly, de Saint-Germain-en-Laye et de Marseille forcent des familles à vivre dans des zones à haut risque indus­triel. Source : Ballast

  • Les mobilisations environnementales à l’intersection des luttes voyageuses ? | Lise Foisneau
    https://www.revue-ballast.fr/les-mobilisations-environnementales-a-lintersection-des-luttes-voyageu

    Revenant sur six années d’enquête et de vie par­ta­gée avec les habi­tants des aires d’accueil de « gens du voyage », l’ethnologue Lise Foisneau ana­lyse les consé­quences de l’incendie de Lubrizol sur les luttes voya­geuses. Paradoxalement, les récentes batailles envi­ron­ne­men­tales ont jeté un voile d’ombre sup­plé­men­taire sur les mul­tiples atteintes aux droits fon­da­men­taux subies par les col­lec­tifs roma­ni et voya­geurs. Source : Ballast

  • Un terrain à soi | Anna Lagréné-Ferret et Lise Foisneau
    https://www.revue-ballast.fr/un-terrain-a-soi

    Le ter­rain est mal géré, il manque plein de choses, mais on est obli­gés de faire avec ce qu’on a. On ne va pas aller sur les routes à notre âge pour se faire pour­chas­ser de tous les côtés. On aime mieux res­ter sur ce ter­rain-là, avec tous les incon­vé­nients et les choses dif­fi­ciles qu’on vit ici. Source : Ballast

    • Avant les travaux, il y avait des grands chênes centenaires, mais ils ont été coupés l’an dernier, juste devant nous. J’avais mal au cœur ! C’était dans leur ombre qu’on avait un peu d’air, un peu d’oxygène. L’été, le soleil tape en plein dans le goudron : on dirait qu’il y a du feu tellement que ça chauffe. Il n’y a plus d’air, plus de verdure. Enfin, si, il reste trois grands arbres à coté du terrain, un peu plus loin. Ils ont voulu les couper aussi, mais on s’est battu pour qu’ils ne le fassent pas. L’été, c’est très dur, sans ombre et entouré de grillage. Chacun a un bloc — il y a un bloc pour deux caravanes, deux familles. D’un côté, il y a les douches, de l’autre, les toilettes ; ça fuit dans tous les sens. Avant c’était des toilettes, tu sais, qui sont par terre, et il y a deux ans, ils ont accepté de mettre une cuvette. Quand quelqu’un utilise la douche, il y a de l’eau partout, c’est inondé dans les WC. J’ai appelé je ne sais pas combien de fois, mais ils ne trouvent jamais la fuite. Ils disent que ça se passe dans les tuyaux en dessous, et ce n’est pas réparé, parce que ça coûte trop cher.

  • La Commune, ou « le règne de la justice »
    https://www.revue-ballast.fr/la-commune-ou-le-regne-de-la-justice

    Il y a 150 ans, jour pour jour, que le peuple de Paris s’est soulevé. La Troisième République a été proclamée quelques mois plus tôt et l’armistice avec l’Allemagne signé fin janvier ; Adolphe Thiers, 73 ans, est alors chef du pouvoir exécutif : il tient à tout prix à saisir les canons que les Parisiens — épuisés par le siège prussien (la faim, la misère et un taux de mortalité multiplié par deux) — ont payés par souscription. La population s’interpose ; « Barricades partout ! », entend-on dans les rues ; le 18 mars 1871 au soir, la préfecture de police et l’Hôtel de ville sont aux mains des protestataires. Un drapeau rouge est hissé et résonne un cri : « Vive la Commune ! » Elle sera officiellement proclamée dans 10 jours : entretemps, aux quatre coins du pays, le soulèvement démocratique fait tache d’huile. (...)

  • À propos de Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle, d’Erik Olin Wright. Laurent Jeanpierre : « Former un engrenage socialiste »
    https://www.revue-ballast.fr/laurent-jeanpierre-former-un-engrenage-socialiste

    (...) Laurent Jeanpierre n’est pas le porte-parole de Wright, il s’avance toutefois comme l’un de ses introducteurs dans le champ francophone. Il publie et signe ainsi la postface de Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle , dans la collection qu’il dirige aux éditions La Découverte. En prolongeant sa pensée, Jeanpierre invite à réinvestir la notion matricielle de « socialisme » en vue d’en finir avec la domination capitaliste. Le socialisme comme lieu de cohabitation, fût-elle houleuse, et de combinaison des trois courants historiques de l’émancipation : le communisme, l’anarchisme et la social-démocratie originelle.

    « Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. » Cette célèbre phrase de Samuel Beckett résume, dites-vous, un certain état d’esprit de la gauche radicale. Erik Olin Wright n’y adhérait pas. Qu’est-ce qui l’en distingue ?

    Si j’ai employé cette phrase dans le commentaire que j’ai proposé en postface de son ouvrage, c’est en effet parce que les élaborations de Wright depuis 20 ans tranchent avec une constellation mentale ou affective qui me semble pesante dans la gauche anticapitaliste — et qui s’est, donc, parfois manifestée en empruntant à Cap au Pire de Samuel Beckett. Cette méditation sur l’échec est effectivement apparue ces dernières années sous diverses plumes, pourtant assez éloignées idéologiquement les unes des autres : aussi bien, par exemple, chez Slavoj Žižek qu’autour du Comité invisible. Wright ne part pas de ce fond commun partagé de la « mélancolie de gauche », qui entrave bien souvent, même si elle a aussi sa puissance, la possibilité d’une réflexion stratégique au sujet des conditions actuelles et réelles, et non pas idéales ou passées, d’un dépassement bénéfique du capitalisme.

    • Des utopies possibles aux utopies réelles. Entretien avec Erik Olin Wright
      https://journals.openedition.org/traces/5672

      Erik Olin Wright : Ce projet se situe au croisement de préoccupations intellectuelles anciennes et d’un moment historique bien particulier. Au départ de ma carrière universitaire au début des années 1970, mes recherches se sont focalisées sur la reconstruction du marxisme en tant que tradition théorique solide de recherche en sciences sociales. Au cours des deux premières décennies, je me suis particulièrement concentré sur l’analyse des classes sociales et la critique du capitalisme. Bien que j’aie écrit quelques essais sur le problème du socialisme et des alternatives au capitalisme, ces thématiques n’étaient pas la préoccupation centrale de mon travail. Ensuite, au début des années 1990, l’effondrement des économies autoritaires fondées sur le modèle de la planification semblait valider l’aphorisme de Margaret Thatcher selon lequel « il n’y a pas d’alternative ». Dans ce contexte historique, il m’a semblé impératif de déplacer mes efforts d’une recherche principalement tournée vers le diagnostic et la critique du capitalisme, vers le problème de la transformation et des alternatives. C’est ainsi que le projet Real Utopias est né.

      3Il fut à l’origine de toute une série d’ouvrages construits autour de propositions spécifiques d’alternatives aux institutions et aux structures sociales existantes. Parmi les thèmes qui ont (jusqu’à présent) été abordés, on compte le socialisme par le marché, la démocratie associative, l’allocation universelle, la gouvernance participative et l’égalité entre les genres. Dans chaque cas, l’enjeu est de clarifier les fondements normatifs et les principes centraux des dispositifs institutionnels de mise en œuvre de ces alternatives. Le livre le plus récent de ce projet, Envisioning Real Utopias (2010), tente de créer un cadre général reliant ces différentes propositions entre elles.

      #Erik_Olin_Wright #sociologie #marxisme_analytique

    • Il est aussi un théoricien. Il a une formation de philosophie sociale et politique solide, bien qu’elle soit sans doute assez peu continentale. Certains s’étonneront peut-être, par exemple, que son programme autour des « utopies réelles » — qui a été pour moi le point d’accroche central avec son œuvre — fasse si peu référence au traitement de la question utopique dans la tradition critique européenne, et notamment à l’œuvre de Bloch, mais aussi aux développements de Mannheim, Lukács, Adorno, Horkheimer et de nombreux autres. Mais c’est aussi une force, car Wright s’épargne ainsi toutes les impasses théoricistes de ce que Perry Anderson a appelé le « marxisme occidental ». L’ancrage du sociologue étasunien dans le marxisme est, d’une certaine manière, opposé à cette tradition puisqu’il a pris part à partir des années 1980 au Groupe de Septembre, en quête de « non-bullshit marxism » : il rejetait l’idée de dialectique et est à l’origine de ce que l’on appelle aujourd’hui le « marxisme analytique ». Ce courant1 a été très peu reçu et discuté en France — ce qui a eu des effets sur la réception et la lecture de l’œuvre de Wright lui-même.

      Des courants dont je n’ai jamais entendu parlé effectivement.

      […]

      D’un point de vue politique ou scientifique actuel, il faut certainement poser la question des utopies fascistes et de leur essor. Mais, pour Wright, elles peuvent rester en dehors d’une enquête sur la sortie du capitalisme car il a forgé, pour orienter l’enquête, une définition normative de ce qu’il appelle « socialisme ». Elle renvoie à l’épanouissement de tous, à l’augmentation du bien vivre, aux valeurs d’égalité, d’autonomie et de solidarité. Mais il est vrai qu’une manière de prolonger et peut-être d’enrichir son programme de recherche consisterait à penser les « utopies réelles » en général, et les alternatives anticapitalistes en particulier : elles ne sont pas, il est vrai, sur le terrain de l’Histoire effective, uniquement « socialistes » — même au sens large où il entend ce qualificatif. Penser, aussi, qu’un travail sur ce qu’il identifie comme le mode de transformation « interstitiel » du capitalisme — c’est-à-dire sur ce changement graduel et de petite échelle en direction de certaines valeurs socialistes dans les interstices des institutions dominantes, notamment économiques — doit prendre en compte des utopies qui nous sembleraient indésirables : utopies pour d’autres, mais dystopies pour nous… Si l’on observe, comme je le fais depuis quelque temps, les utopies communautaires écologiques, il n’est pas impossible de « tomber » sur des propositions de type nativiste ou néofasciste. Comment interagissent-elles avec les communautés écologiques plus fidèles aux valeurs socialistes ? Espérons ne pas avoir à nous poser vraiment la question…

      […]

      La catastrophe écologique est déjà là. Les maux du capitalisme s’intensifient et le tournant autoritaire actuel du néolibéralisme, à l’échelle mondiale, ne devrait pas favoriser les résistances futures. Face à ça, l’alternative est peut-être la suivante : ou bien on dit que le temps court relève de la tactique et le temps long, de la stratégie (c’est une réponse classique et, d’une certaine manière, de facilité : les tactiques des socialismes s’élaborent dans l’horizon de l’urgence, mais ça laisse entier la question de leurs effets à plus long terme, dont la connaissance relève de la pensée stratégique) ; ou bien — mais c’est peut-être la même chose — on sépare l’horizon analytique proposé par Wright, qui implique, en effet, un travail de longue haleine et une réflexion difficile, collective, sur l’Histoire passée et présente, et l’horizon de l’engagement politique. Il faut souligner qu’il n’y a aucune prescription militante chez Wright, aucun appel à la conversion, aucune prédilection affichée entre les manières d’être socialiste. C’est comme ça que je le lis. Chacune et chacun de ses lecteurs déjà anticapitalistes peut rester dans son milieu ou sa « famille » politique tout en intégrant les vues que propose l’ouvrage. En définitive, le livre propose d’ajouter à l’expérience militante ou intellectuelle anticapitaliste une exigence supplémentaire de réflexivité et de tolérance vis-à-vis des autres traditions héritées du socialisme. Sans une telle évolution au sein des gauches, le risque de leur décomposition augmentera. Comme c’est le cas aujourd’hui, chacun brandit ses pratiques militantes, ses fétichismes politiques, comme une identité figée, il ou elle y trouve un confort subjectif et finit par faire de la morale plutôt que de la politique. Pour fréquentes qu’elles soient, de telles attitudes définissent ce que nous pourrions appeler un « demi-socialiste ».

      […]

      Mais il en a conclu, après plusieurs décennies d’observation, que la fragmentation des exploités est devenue trop grande pour qu’une telle subjectivation émerge, que les conditions sociales d’un partage de l’expérience vécue au travail ne sont pas ou plus remplies. Dès lors, se demande-t-il, quelles sont les autres conditions éventuelles de formation d’une force sociale anticapitaliste ? Pour lui, et c’est peut-être discutable, c’est dans l’ordre de l’imaginaire et surtout de l’éthique que cette unité peut apparaître. C’est-à-dire autour d’un système de valeurs et de dispositions partagé.

      => rejoint la #common_decency

      La sociologie du socialisme passe donc par une sociologique des dispositions éthiques. Ce serait, en tout cas, une manière de prolonger le programme de Wright en adjoignant à une enquête sur les utopies réelles, une recherche sur l’ethos socialiste.

      #Erik_Olin_Wright #Laurent_Jeanpierre #socialisme #révolution #transition #capitalisme #anti-capitalisme #œcuménisme #œcuménisme_socialiste #sociologie #marxisme #sociologie_marxiste #philosophie_analytique #marxisme_analytique

  • BALLAST | Revenu de base ou salaire à vie ? (1/2)
    https://www.revue-ballast.fr/revenu-de-base-ou-salaire-a-vie-1-2

    Le reve­nu de base est incon­di­tion­nel. À la fois au sens où on y a droit quels que soient ses reve­nus d’autres sources — c’est l’universalité ou l’absence de contrôle des res­sources —, et au sens où on y a droit même si on refuse un emploi ou renonce volon­tai­re­ment à celui qu’on occupe — c’est l’absence de contre­par­tie. La pre­mière incon­di­tion­na­li­té per­met d’accepter de tra­vailler pour une rému­né­ra­tion moindre ; la seconde per­met d’exiger une rému­né­ra­tion plus éle­vée. Celui qui pré­dit une baisse des rému­né­ra­tions et celui qui en pré­dit la hausse peuvent donc avoir tous deux rai­son, mais pas pour les mêmes acti­vi­tés. Des stages, des emplois riches en for­ma­tion ou en pers­pec­tives, des occu­pa­tions gra­ti­fiantes (comme indé­pen­dant, en par­te­na­riat ou en coopé­ra­tive) peuvent être ren­dus viables par le fait que leur faible rému­né­ra­tion pécu­niaire est cumu­lable avec le reve­nu de base. En revanche, un tra­vail peu for­ma­tif effec­tué dans des condi­tions phy­siques ou humaines dégra­dantes devra être payé davan­tage pour conti­nuer à trou­ver des tra­vailleurs sus­cep­tibles de l’occuper durablement.

    #rdb

  • BALLAST | Rachida Brahim : « Mettre en lumière les crimes racistes, c’est nettoyer nos maisons »
    https://www.revue-ballast.fr/rachida-brahim-mettre-en-lumiere-les-crimes-racistes-cest-nettoyer-nos

    Durant sept ans, #Rachida_Brahim, doc­teure en socio­lo­gie, a exa­mi­né 731 #crimes_racistes — des attaques ou des meurtres com­mis de 1970 à 1997, en France conti­nen­tale. Ce minu­tieux tra­vail d’en­quête est deve­nu un livre, La Race tue deux fois : il vient de paraître aux édi­tions Syllepse. La notion de « #classe » révèle l’ordre hié­rar­chique socio-éco­no­mique qui archi­tec­ture l’en­semble de la socié­té ; celle de « genre » met au jour les rap­ports sociaux à l’œuvre entre les sexes ; celle de « race » explique, en tant que construc­tion his­to­rique, les #inéga­li­tés, #dis­cri­mi­na­tions et pro­cé­dés déshu­ma­ni­sants qui frappent les groupes mino­ri­taires. Penser la façon dont les trois s’en­tre­lacent porte un nom bien connu dans les mondes mili­tants et aca­dé­miques : l’#in­ter­sec­tion­na­li­té — un nom que le ministre de l’Éducation natio­nale, Jean-Michel Blanquer, a, tout à son intel­li­gence, récem­ment assi­mi­lé aux « inté­rêts des isla­mistes ». Pour com­prendre l’his­toire des crimes racistes et l’im­pu­ni­té dont leurs auteurs conti­nuent de béné­fi­cier, Rachida Brahim est for­melle : il faut ques­tion­ner les logiques raciales propres à notre ordre social. Nous l’a­vons rencontrée.

    #racisme

    • Plein de choses intéressantes dans cet article, mais entre autres à rajouter au dossier sur les #statistiques sur les assassinats policiers, principalement en #France mais aussi dans d’autres pays :
      https://seenthis.net/messages/601177

      #Violence_policière #Violences_policières #brutalité_policière #Assassinats_policiers #racisme #racisme_d_Etat #justice #impunité
      –------------------------------
      Aussi sur le racisme à l’ #Université

      Cette mise en abyme, je l’ai vécue lors de ma soutenance de thèse : mon directeur de thèse et le président du jury m’ont expliqué que j’étais « hors-sujet ». D’après eux, le fait que je sois moi-même d’origine algérienne m’aurait empêchée de prendre de la distance avec le sujet. Car, si j’y étais parvenue, j’aurais compris que toute ces histoires de crimes n’étaient qu’une affaire de classe… Ce qu’on me demandait, en somme, c’était de nier les données d’archives, la parole des enquêtés et ma propre pensée pour demeurer, comme eux, aveugle à la race. Nous serions pourtant un certain nombre à être sincèrement ravis d’apprendre que c’en est vraiment fini de la race… Mais c’est intéressant, parce que ça confirme ce que Bourdieu, Passeron ou Foucault ont démontré il y a bien 50 ans maintenant, à savoir que l’Université, c’est l’École. Et c’est d’abord une institution étatique au même titre que la Police ou la Justice. Elle fait ce que l’État attend d’elle. Son but n’est pas de produire du savoir pour améliorer radicalement la société mais de maintenir une pensée dominante qui profite à l’ordre établi. Ce que l’Université évalue, ce n’est pas votre capacité à penser depuis votre propre densité mais votre capacité à vous soumettre.

      Puisqu’elle en parle, son directeur de thèse était #Laurent_Mucchielli et son jury de thèse en 2017 était composé de #Stéphane_Beaud (président du jury, qui refuse de croire au racisme et pense que ce ne sont que des histoires de classe...), #Françoise_Lorcerie, #Patrick_Simon, #Christian_Rinaudo, #Nacira_Guénif_Souilamas
      https://www.theses.fr/2017AIXM0163

      En France, entre les années 70 et fin 90, alors que la notion de crime raciste occupait fréquemment la sphère militante et médiatique, elle ne constituait pas une catégorie juridique dans la sphère judiciaire. La mésentente concernant le traitement des crimes racistes semble trouver son origine dans le fait que deux conceptions d’une même réalité ont pu coexister pendant une trentaine d’années : la réalité du groupe concerné par ces violences d’une part et celle émanant du droit étatique d’autre part. Alors que pour les premiers, le caractère raciste des violences ne faisait aucun doute, pour les parlementaires l’idée même d’un mobile raciste a régulièrement été rejetée. D’un point de vue législatif, il a fallu attendre l’année 2003 pour que la France adopte une loi permettant de prendre en compte l’intention raciste d’un crime. Depuis cette date, sous certaines conditions, le mobile raciste peut constituer une circonstance aggravante dans les infractions de type criminel. Cette thèse s’intéresse à ces deux vérités et aux circonstances qui ont déterminé leur existence. Elle vise notamment à interroger le rôle joué par le droit étatique dans la production et le maintien des catégories ethnoraciales par delà la politisation des violences qui en résultent. D’un point de vue empirique, l’enquête a consisté à confronter la parole des militants ayant dénoncé une double violence, celle provoquée par les agressions d’une part et celle induite par leur traitement pénal d’autre part, à un ensemble de sources archivistiques émanant des services du ministère de l’Intérieur et du Parlement. D’un point de vue théorique, les apports de la sociologie et de l’histoire de l’immigration ont été complétés en intégrant les réflexions des théories de l’ethnicité et de la Critical Race Theory. En définitive, cette recherche met en évidence le fait que l’universalisme républicain fait partie intégrante du processus de racialisation. En revenant sur les dispositions majeures de la politique d’immigration et sur la figure stigmatique de l’homme arabe, un premier axe s’intéresse à la manière dont le droit étatique a particularisé une catégorie d’individus en participant à la production des catégories ethnoraciales. Un deuxième axe vise à caractériser les crimes racistes qui ont été dénoncés entre les années 70 et fin 90. Un dernier axe enfin étudie la carrière juridique du mobile raciste durant cette même période. Il expose la manière dont la législation antiraciste a invisibilisé la question des crimes racistes et maintenu les catégories ethnoraciales en appliquant des règles universelles à des groupes qui ont auparavant été différenciés.

    • La race tue deux fois

      « De telles listes sont dressées depuis les années 1970. Compilées par plusieurs générations de militants, elles sont enfouies dans les caves des archives associatives et présentent toutes le même format, à la fois sec et funeste. On y trouve la date du crime, le nom de la victime, suivis d’une ou deux phrases laconiques. Elles frappent par leur rudesse, leur longueur et leur nombre. Poser une liste conduit inexorablement à en trouver une autre quelques jours plus tard. Ces listes expriment l’idée d’une #injustice. Elles dénoncent le racisme et l’#impunité du racisme. Elles pointent du doigt les crimes, mais également la grande majorité des #procès qui ont fini par des peines légères avec sursis ou des acquittements, quand ce n’est pas un non-lieu qui est venu clore l’affaire.

      Elles disent en substance que la #racialisation, autrement dit le fait de placer des personnes dans une catégorie raciale afin d’asseoir un #rapport_de_pouvoir et d’en tirer profit, tue deux fois. La première #violence touche à l’#intégrité_physique de la personne. La seconde violence a lieu à l’échelle institutionnelle. Elle est une conséquence du #traitement_pénal qui ignore la nature raciste des crimes jugés. »

      De la grande vague de violence de #1973 dans le sud de la #France aux #crimes_policiers des années 1990 en passant par les crimes racistes jalonnant les années 1980, cet ouvrage, issu d’une #base_de_données de plus de 700 cas, nous invite à prendre la mesure de cette histoire à l’heure où le #racisme_institutionnel et l’action de la #police continuent chaque année à être à l’origine de nombreux #morts.

      https://www.syllepse.net/la-race-tue-deux-fois-_r_65_i_821.html
      #livre #histoire

  • BALLAST | Fanny : une histoire de la #grossophobie ordinaire
    https://www.revue-ballast.fr/fanny-une-histoire-de-la-grossophobie-ordinaire

    J’ai tel­le­ment enten­du de remarques gros­so­phobes qu’à vrai dire, c’est com­pli­qué d’en choi­sir une. Je peux évo­quer cette période, il y a cinq ans, où j’ai fait une grosse dépres­sion durant laquelle j’ai qua­si­ment arrê­té de man­ger. Peut-être parce que je vou­lais me sup­pri­mer ou, en tout cas, réduire mon exis­tence. Comme je per­dais beau­coup de poids — que j’ai repris, bien enten­du —, tout le monde me féli­ci­tait pour les efforts que je fai­sais. J’étais lit­té­ra­le­ment en train de cou­ler dans mon seau de merde et tout le monde trou­vait que j’a­vais l’air d’al­ler très bien. Un jour, j’ai répon­du que non, que ça n’al­lait pas, que j’é­tais en pleine déprime, et la per­sonne m’a rétor­qué que ça m’al­lait très bien la déprime. Autant dire que ça a été une pilule très dif­fi­cile à avaler…

  • BALLAST | Les Pontonnier face à la Justice : pot de terre contre pot de fer
    https://www.revue-ballast.fr/les-pontonnier-face-a-la-justice

    Dominique Rodtchenki-Pontonnier : La gen­dar­me­rie a réa­li­sé une « enquête de mora­li­té » sur nous auprès de la mai­rie et du voi­si­nage, mais aus­si auprès de l’employeur de Gabriel. Ils ont fait leur petite enquête sociale et psy­cho­lo­gique… Ils ont clai­re­ment essayé de nous salir. Ils ont fouillé dans nos anté­cé­dents, ils cher­chaient à savoir si, par exemple, on n’avait pas déjà été arrê­tés pour avoir fumé un joint. Là, ils auraient pu nous qua­li­fier de dro­gués et de délin­quants ! Il leur fal­lait quelque chose à se mettre sous la dent. Mais ils n’ont rien trou­vé. À lire l’en­quête, elle est tota­le­ment à charge contre Gabriel et nous. Un exemple : parce que Gabriel était vêtu d’un jog­ging et d’un blou­son noir, une des poli­cières le qua­li­fie de « black bloc ». Il est habillé en noir, donc c’est un black bloc, avec tout ce que ça veut dire…

  • BALLAST | Mutiler les gilets jaunes : le combat d’une famille
    https://www.revue-ballast.fr/mutiler-les-gilets-jaunes-le-combat-dune-famille

    À Pompidou, il faut le dire, ça a été com­pli­qué. Cet hôpi­tal est une véri­table usine, il y a 300 ou 400 chambres. C’est inhu­main. Arrivé depuis déjà trois jours, Gabriel n’avait tou­jours pas été opé­ré du visage, il était ter­ri­ble­ment gon­flé. Passe le pro­fes­seur Lantieri, spé­cia­liste des greffes de visage en France. Quand il a vu l’état de Gabriel, il était outré. « Une situa­tion inad­mis­sible », il a dit. Gabriel a dû subir une inter­ven­tion du visage dans son lit car il n’y avait pas de bloc opé­ra­toire libre. C’est assez éton­nant comme pra­tique, pour un hôpi­tal qui a une renom­mée euro­péenne. Un bout de plas­tique et de fer issu de la gre­nade, gros comme une pièce de mon­naie, était incrus­té au milieu de son front. Son visage était com­plè­te­ment tumé­fié, il gon­flait de jour en jour. Cette inter­ven­tion a été réa­li­sée sans anes­thé­sie par­ti­cu­lière — même s’il était sous mor­phine, il a souf­fert. Gabriel s’est sen­ti tout de suite mieux et son visage a dégon­flé. Au sein de l’hô­pi­tal, il y a eu une sorte de bataille entre les ser­vices. Gabriel avait été pris en charge pour sa main, donc par l’orthopédie : du coup, ils n’ont pas pris sa jambe ni son visage en compte. C’était un va-et-vient per­ma­nent entre les blocs. Et comme l’hôpital manque de place, on ne savait jamais quand il devait se faire opé­rer. Alors Gabriel ne man­geait plus, ne buvait plus. Plus d’une fois, on ne lui a pas appor­té de quoi man­ger, et sinon, le plus sou­vent, c’était froid. Il fal­lait que je des­cende au rez-de-chaus­sée pour faire chauf­fer sa nour­ri­ture. Dans ces moments, il faut apprendre à se taire, sinon la prise en charge de Gabriel aurait pu en pâtir.

  • Gabriel, gilet jaune mutilé : « Je n’avais jamais foutu les pieds dans une manifestation » | Sophie Divry
    https://www.revue-ballast.fr/gabriel-gilet-jaune-mutile-je-navais-jamais-foutu-les-pieds-dans-une-m

    Gabriel est mon­té sur la capi­tale pour expri­mer son « ras-le-bol de voir les gens dans la misère », il s’ap­prê­tait à pas­ser son BTS en chau­dron­ne­rie. C’est la pre­mière fois qu’il par­ti­cipe à une mani­fes­ta­tion et les forces armées du régime fraî­che­ment élu « pour faire bar­rage à l’ex­trême droite » viennent de lui arra­cher une par­tie de la main — 26 grammes de TNT, caté­go­rie « arme de guerre ». La guerre contre « ceux qui ne sont rien ». Sa mère se tient à ses côtés. « Mon regard croise celui de son fils. Il lève sa main en l’air afin d’é­vi­ter une hémor­ra­gie. » Source : Ballast

  • Mutiler les gilets jaunes : le combat d’une famille
    https://www.revue-ballast.fr/mutiler-les-gilets-jaunes-le-combat-dune-famille

    À l’hiver 2016, le candidat Macron appela à la Révolution ; à l’hiver 2018, le président Macron écrasa celle qui ne demandait qu’à éclore. D’abord, le gouvernement a énucléé et défiguré les visages, mutilé et arraché les mains des protestataires. Cela se fit à grand bruit : on entendait dans la rue la détonation des tirs des forces de l’ordre, l’explosion des grenades chargées de TNT. Puis ce fut le silence. Les caméras sont parties et la violence a continué, à bas bruit cette fois. Non plus dans la rue mais au cœur des institutions : les hôpitaux, les assurances, la Sécurité sociale, la police, la Justice… Dominique Rodtchenki-Pontonnier est la mère de Gabriel : apprenti chaudronnier sarthois de 21 ans, il a perdu l’usage de sa main droite durant l’acte II des gilets jaunes. Il était venu marcher contre « la (...)

  • #Orwell : faire #front, puis la #révolution

    « La seule attitude possible pour un honnête homme », disait George Orwell, c’est d’œuvrer « pour l’avènement du #socialisme ». Voilà qui tombe sous le sens. Mais plus concrètement ? L’auteur de 1984, qui se décrivait lui-même comme « définitivement "à gauche" », s’est fendu, au début des années 1940, d’un programme en six points afin de structurer le mouvement révolutionnaire qu’il appelait de ses vœux, depuis plusieurs années, dans l’espoir de renverser le #capitalisme et le #fascisme. Près de 80 ans plus tard, les blocs idéologiques qui s’affrontent de par le monde n’ont pas substantiellement changé : les possédants, les identitaires et les partageux. Plongée, crayon en main, dans le #socialisme_orwellien

    https://www.revue-ballast.fr/orwell-faire-front-puis-la-revolution

    #George_Orwell #faire_monde #internationalisme #despotisme #colonialisme #impérialisme

  • BALLAST | Élisée Reclus : les animaux, ces autres exploités
    https://www.revue-ballast.fr/elisee-reclus-les-animaux-ces-autres-exploites

    On doit au géo­graphe fran­çais #Élisée_Reclus d’a­voir, le pre­mier, pen­sé l’é­man­ci­pa­tion sociale de l’hu­ma­ni­té en même temps que celle des ani­maux. Parce qu’il est notam­ment un lien direct entre la façon dont les humains les traitent et se traitent entre eux, toute ambi­tion socia­liste se doit de tour­ner la page de l’ex­ploi­ta­tion ani­male. Plus d’un siècle après, l’ou­vrage Le #Bestiaire_liber­taire d’Élisée Reclus, signé Roméo Bondon aux édi­tions Atelier de créa­tion liber­taire, revient dans le détail sur la pro­po­si­tion poli­tique majeure du végé­ta­rien et com­bat­tant volon­taire, en 1871, de la Commune de Paris. Nous en publions un chapitre.

    #animaux #végétarisme #anarchisme

  • RACISME EN FRANCE : ATTENTION AUX PRÉJUGÉS ANTI-BRETONS !
    Par le collectif Juives et juifs révolutionnaires
    https://fr-fr.facebook.com/permalink.php?story_fbid=3475757792493975&id=795943817142066&__tn__=

    L’ouvrage collectif Racismes de France, publié récemment sous la direction d’Omar Slaouti et d’Olivier Le Cour Grandmaison, fait l’état des lieux des différentes formes de racisme en France. Dominique Vidal a été en charge de produire un chapitre sur l’antisémitisme.
    Nous avons lu ce chapitre et nous y avons trouvé une façon d’aborder le sujet qui nous a posé de sérieux problèmes. Nous revenons dans ce texte sur les principaux défauts : la minimisation de l’antisémitisme, la logique comparatiste avec d’autres formes de racisme et le fait de passer l’essentiel des dix-sept pages à traiter d’un tout autre sujet : l’antisionisme.
    L’invisibilisation de l’antisémitisme ainsi que sa mise en compétition avec l’islamophobie sont des phénomènes habituels de la gauche antiraciste. La possibilité de trouver un chapitre comme celui-ci dans un ouvrage d’une telle ambition interroge.

    #antisémitisme #juives_et_juifs_révolutionnaires #antiracisme
    @febrile

    • Entretien avec le collectif Juives et Juifs révolutionnaires
      https://www.revue-ballast.fr/entretien-avec-le-collectif-juives-et-juifs-revolutionnaires

      Vous tenez, de l’intérieur du mouvement social, à faire émerger la lutte contre l’antisémitisme comme lutte antiraciste. La première ne relève donc pas déjà de la seconde ?

      Aujourd’hui — et depuis au moins une quinzaine d’années —, nous pouvons constater dans le champ politique deux attitudes dominantes, en apparence opposées (mais qui se rejoignent sur le fond), en termes de traitement de l’antisémitisme. L’une consiste à le voir comme quelque chose de résiduel, d’une moindre importance, qui ne ferait pas partie — en tant que tel — de l’agenda prioritaire de la lutte antiraciste. L’autre consiste au contraire à le traiter comme quelque chose de complètement à part, sans lien avec le système raciste global. Pour nous, l’antisémitisme est un des avatars du système raciste, une des formes que prend le racisme, et il n’a rien de résiduel. C’est une forme qui possède bien sûr des particularités spécifiques, qui expliquent notamment que certains et certaines peinent à l’identifier aujourd’hui : il se fonde sur la racialisation d’une identité religieuse (comme l’islamophobie) mais, à la différence des autres minorités racisées, les Juifs et Juives sont présenté·e·s comme détenant le pouvoir et l’argent, donc comme pseudo-classe dominante. Mais l’antisémitisme est lié au racisme systémique : il en est un élément, et pas un phénomène distinct. Il nous semble donc nécessaire de réaffirmer que la lutte antiraciste ne peut éluder la lutte contre l’antisémitisme, et que la lutte contre l’antisémitisme implique de s’attaquer à l’ensemble du système raciste.

  • [portfolio] Gilets jaunes : deux ans debout
    https://www.revue-ballast.fr/gilets-jaunes-deux-ans-debout-portfolio

    Ce mois de novembre marque les deux ans du sou­lè­ve­ment des gilets jaunes. Malgré le reflux du mou­ve­ment, il n’est, aujourd’­hui encore, plus une seule mobi­li­sa­tion sans hommes et femmes vêtus d’un gilet jaune. À l’oc­ca­sion de ces deux ans, nous publions quelques images prises au fil des mois par plu­sieurs de nos pho­to­graphes. Source : Ballast

  • BALLAST | #Claude_Cahun, aucune femme n’est une île
    https://www.revue-ballast.fr/claude-cahun-aucune-femme-nest-une-ile

    C’est ici que va s’affirmer la cohé­rence et la force d’un par­cours intel­lec­tuel hors norme, allié à un cou­rage décon­cer­tant chez celle que tout pré­des­ti­nait à la ten­ta­tion du retrait confor­table. Qui aurait pu se taire et se ter­rer en lais­sant pas­ser l’orage. Partie s’installer en 1938 dans une demeure en gra­nit de Jersey avec Suzanne et le chat Kid qu’elles font pas­ser en contre­bande dans un sac Hermès pour esqui­ver la qua­ran­taine, elle pour­rait céder à la mélan­co­lie et au malaise qui l’envahissent très vite, accen­tué après la défaite par le sen­ti­ment d’être prise au piège. Et pour­tant, c’est là qu’elle se révèle. Elle le dira à Breton en 1946 : « Nous avons eu pen­dant quatre ans une acti­vi­té sur­réa­liste mili­tante comme nous avions vou­lu en avoir lors de Contre-Attaque. » D’abord à l’insu de Suzanne qu’elle veut pro­té­ger, puis avec elle, com­mencent les petites actions du quo­ti­dien, les seules pra­ti­cables au demeu­rant sur l’île : toutes formes d’action indi­recte à conno­ta­tion sub­ver­sive et déli­rante, propres à déclen­cher le trouble dans les rangs enne­mis, à recréer l’utopie d’une fausse bande orga­ni­sée, allant jusqu’à per­sua­der la Gestapo qu’elle a affaire à un véri­table réseau.

    Pendant quatre années, voi­ci qu’elles lacèrent des affiches, mul­ti­plient les tracts, col­lages et pho­to­mon­tages sur papier car­bone et papiers de soie, ins­crivent par­tout les mots « Ohne Ende » deve­nus signes de ral­lie­ment fic­tif, inventent de faux codes des­ti­nés à semer la confu­sion sur des mes­sages semés dans toute l’île, fabriquent des objets inso­lites et confon­dants, annoncent de fausses nou­velles au milieu de vieilles chan­sons détour­nées, insèrent des docu­ments dans des maga­zines, paquets de ciga­rette, bou­teilles de cham­pagne, voi­tures et par­fois jusque dans le casque ou les bottes des sol­dats alle­mands, sans comp­ter deux numé­ros d’un faux jour­nal paci­fiste dac­ty­lo­gra­phié en plu­sieurs langues : c’est au total près de 6 000 docu­ments qu’elles vont fré­né­ti­que­ment pro­duire pen­dant la guerre !
    Elles suspendent aussi des panneaux sardoniques dans les églises (« Jésus est grand, mais Hitler est plus grand encore. Car Jésus est mort pour les hommes alors que les hommes meurent pour Hitler »), fabriquent des croix de bois sur lesquelles sont gravées en allemand « Pour eux la guerre est finie », qu’elles dispersent au cimetière, y embrochent parfois un crâne de panthère réchappé de leurs cabinets de curiosité surréalistes, peignent des sous au vernis à ongles pour les regraver de slogans (« À bas la guerre ») et les mettent en circulation dans les machines à sous du casino fréquenté par les nazis. Elles signent tout ce qu’elles peuvent sous le nom générique du « Soldat Ohne Namen », le soldat sans nom, font croire à l’existence de rendez-vous secrets dans les grottes de l’île, qui mettent la Kommandantur sur les dents. Claude tente au cours de ses promenades de nouer des liens avec des prisonniers de guerre qui travaillent aux fortifications sur l’île. Offre à un Russe les chaussettes que Michaux avait oubliées lors de sa dernière visite. L’imaginaire a enfin rejoint le réel.
    Elle lutte enfin. Lutte vraiment, ni dégagée ni engagée : poète et résistante, indistinctement résistante et poète. Avec les seules armes qu’elle connaît — des armes spirituelles aux deux sens du terme, par l’humour et par l’esprit. Elle est alors sans cesse sur le fil de cet engagement qu’elle dénonce toujours comme une crétinisation, avant d’y retourner puisqu’elle ne peut s’en empêcher. Peut-être alors vaut-il mieux être un crétin qui résiste qu’un poète qui collabore. Elle veut n’être ni l’une ni l’autre et danse, sur cette ligne de crête. Quand on n’a que les mots, et qu’il faut les utiliser comme des sabres, même quand on sait qu’ils font un bruit de toupie. Alors, elle lutte. Quand elle agit, elle le fait bien en poète. Elle a beau douter des moyens qu’elle emploie, s’en vouloir après coup de ne pas travailler à son œuvre littéraire, de privilégier la subversion pratique, elle a choisi : elle est dans le monde, et dans ce monde-là, on ne peut prendre le parti de l’indifférence à l’insupportable. Dans ce monde-là, Claude n’aura pas écrit seule derrière une lampe dans son bureau qui donnait sur la mer, comme elle aurait pu le faire. Dans ce monde-là, Claude a choisi de faire entrer la poésie dans la vie, et de rendre la vie à la poésie. Affranchie de toute illusion, mais engagée jusqu’au cou dans le seul coup qui importe — vivre à hauteur d’homme, ou plutôt de femme.

    La Gestapo cherche pendant quatre ans l’auteur de ces menées inquiétantes, sans soupçonner celle qui joue à la vieille dame en noir. Mais, probablement dénoncées par une commerçante, Claude et Suzanne sont finalement arrêtées en juillet 1944. Craignant le pire, elles ont prévu de se suicider. Elles absorbent du Gardénal mais n’ont pas prévu la dose suffisante de poison. Enfermées, interrogées, humiliées, mais peu maltraitées semble-t-il par des nazis déconcertés devant le spectacle qu’elles offrent, elles assistent à leur propre procès avec un sentiment de théâtralité généralisé. Le réel est en train de rejoindre l’imaginaire.
    Le débarquement a eu lieu, les Allemands se savent en sursis. Si elles sont passibles de la peine de mort, et d’ailleurs condamnées à être fusillées, leur parcours désarçonne par trop les Allemands, qui temporisent avant d’appliquer la sentence, voyant le vent tourner. Finalement graciées en 1945, elles seront libérées en mai de la même année. D’une santé fragile et fatiguée de tout, plus consciente que jamais des limites de l’héroïsme, ne regrettant rien mais désirant encore tout, Claude reprend une correspondance active avec ses amis surréalistes avant de mourir brutalement, en décembre 1954, d’une embolie pulmonaire. Suzanne la rejoindra volontairement en 1972 après avoir souligné dans son carnet quelques mots : « Absurdité de la vie. Valeur de l’engagement individuel. »

    #résister #militer

    • militer même très exactement :

      Elle est alors sans cesse sur le fil de cet engagement qu’elle dénonce toujours comme une crétinisation, avant d’y retourner puisqu’elle ne peut s’en empêcher.