Ce que l’Etat a détruit avec la Jungle de Calais

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  • Ce que l’Etat a détruit avec la Jungle de Calais | Barnabé Binctin
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    Immense bidonville, la « Jungle » de Calais, évacuée la semaine dernière, était aussi un lieu de créativité urbaine et d’auto-organisation. Qui témoignait d’une nouvelle réalité : la ville de l’avenir connaîtra de nouveaux codes. Source : Reporterre

    • « Ce n’est pas un espace d’expérimentation, c’est une ville ! Mais une ville où les règles ne sont pas les mêmes que dans nos villes classiques, dit Cyrille Hanappe, architecte et fondateur de l’association Actes et Cités, qui invoque le concept de ville-tremplin développé par Doug Saunders dans Du village à la ville, comment les migrants changent le monde. Calais, c’est l’invention d’une autre ville, une ville légère, post-capitaliste, qui s’adapte en fonction des besoins, beaucoup plus proche de la valeur d’usage. Tout l’inverse de nos villes qui sont très marquées par la valeur foncière, notamment. »

      Un propos qui dérange certains acteurs de l’humanitaire, qui dénoncent l’« exotisation de certains intellectuels qui fantasme une nouvelle société à la marge du droit » : « On ne peut pas dire que c’est la ville de demain ! C’est le froid et la boue, et les problèmes sanitaires ont largement de quoi relativiser les richesses humaines, il ne faut pas idéaliser Calais », remarque un responsable d’Emmaüs.

      Sur le fond, tout le monde s’accorde pour dénoncer les conditions de vie indignes. « Sauf que la dignité, ça peut se créer, il faut l’accompagner d’une politique publique. A Medellin, en Colombie, on donne des titres de propriété, par exemple » poursuit Cyrille Hanappe. Cela ne revient-il pas, alors, à pérenniser le bidonville ? « Au contraire, c’est la pelleteuse qui pérennise, elle ne fait que reconstruire un peu plus loin, un peu plus tard, les mêmes situations de vie critique » argumente Sébastien Thiéry. « Quand on détruit un bidonville au nom de l’indignité, on en crée des pires », confirme Cyrille Hanappe.

      De fait, depuis l’évacuation de Calais, la situation semble s’être dégradée dans le nord de Paris où vivraient désormais plus de 2.000 migrants. Et aux abords de Calais, qui reste la porte d’entrée la plus évidente sur la Grande-Bretagne, les conditions de vie pourraient être bien plus difficiles dans les jours prochains : « Il risque d’y avoir plein de petits campements sauvages sous la menace permanente de la police, on ne peut craindre qu’un durcissement » anticipe Philippe Wannesson, observateur local.