• Des maisons de repos sans soins ? Solidaire - Michelle Heijens - 3 Février 2017
    http://solidaire.org/articles/des-maisons-de-repos-sans-soins

    Aujourd’hui, travailler dans une maison de repos n’a rien d’une partie de plaisir. Le personnel soignant tire la sonnette d’alarme : neuf soignants sur dix estiment que les personnes âgées ne reçoivent plus les soins dont elles ont besoin à cause de la pression croissante sur le personnel. Comment en est-on arrivé là ?


    Nous voulons tous que nos vieux jours et ceux de nos parents ou grands-parents soient agréables. Or cela devient de moins en moins évident. C’est ce qui ressort d’une enquête de la CSC. Le syndicat a interrogé plus d’un millier de membres du personnel soignant dans le secteur des maisons de repos. Les résultats sont consternants. 87 % des soignants estiment que les résidents des maisons de repos ne reçoivent pas les soins nécessaires. La mission principale de ce secteur – dispenser des soins – ne peut plus être assurée. Il est donc logique que les tâches moins indispensables, mais pourtant également très importantes, ne puissent être effectuées. Quatre soignant(e) sur cinq disent ne pas avoir le temps d’écouter les préoccupations des personnes âgées. Le manque de personnel mène même à des erreurs et à des accidents. Près de quatre sur dix signalent qu’au cours de la dernière année, le manque de personnel a entraîné des incidents comme l’octroi d’une mauvaise médication ou une chute d’une personne âgée.

    Choisir entre du personnel supplémentaire ou des langes
    Voilà pour ce qui est des chiffres. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement pour les résidents et pour le personnel ? Un membre du personnel soignant d’une maison de repos témoigne : « Le matin, nous sommes deux pour faire la toilette de 24 personnes. C’est un travail intensif. Tout doit être fait entre sept heures et neuf heures et demie. À neuf heures et demie, les résidents doivent être attablés pour le petit déjeuner. Le soir, on commence à les mettre au lit à six heures. Ils doivent être couchés à huit heures parce qu’après il n’y a plus assez de personnel. Pour moi, le plus grave, c’est que nous ne pouvons plus rien faire d’autre avec les gens. On n’a même plus le temps pour papoter un peu avec eux. Dernièrement, on nous a dit qu’on pourrait peut-être avoir une personne soignante en plus si on ne devait pas dépenser autant en langes. Je trouve ça vraiment grave : on ne peut avoir une personne en plus que si on laisse les personnes âgées dans des langes sales ! On économise déjà maintenant sur la nourriture des résidents. Et il faudrait en plus économiser sur les langes ? Et ça, alors que les résidents paient 1 700 euros par mois. »

    Pas le temps d’un peu parler avec les personnes âgées
    Tant les chiffres que les témoignages de l’enquête montrent les conséquences atterrantes du manque de personnel dans les soins aux personnes âgées. Comment en est-on arrivé à ce manque de personnel ? Une première cause est le sous-financement des soins pour les personnes de grande dépendance. Ces dernières années, le nombre de ces personnes a augmenté jusqu’à 14 000. À cause du manque de lits, le gouvernement incite les personnes âgées à rester le plus longtemps possible chez elles. Ce n’est que quand ce n’est vraiment plus possible autrement que l’on entre dans une maison de repos. Ce qui fait que trois personnes âgées sur quatre en maison de repos ont aujourd’hui besoin de soins intensifs. Mais les maisons de repos et de soins ne reçoivent pas l’argent nécessaire à ces soins intensifs. Le personnel en place doit donc faire plus avec moins. Avec, comme conséquence, que le personnel n’a plus la possibilité de converser avec les résidents. Pour nombre d’entre eux, aller au lit à six heures du soir est une réalité.

    Deuxième cause : les normes basses en matière de personnel. Une récente étude de Steunpunt Welzijn, Volksgezondheid en Gezin (bien-être, santé publique et famille) nous apprend que les homes pour personnes âgées ont plus de personnel en service que ce qui est prescrit par la loi. La norme légale est si basse que le secteur public emploie quatre soignants en plus par dix travailleurs que ce qui est légalement exigé. Ce personnel supplémentaire n’est pas financé par les pouvoirs publics. L’argent provient principalement des résidents qui année après année doivent payer de plus en plus cher. En décembre dernier, on constatait que le prix du séjour dans une maison de repos avait augmenté pour atteindre le prix moyen de 1 640 euros, sans compter les frais médicaux ou les frais de lessive.

    Diminuer la pression sur le personnel et les résidents
    Tant pour les résidents que pour le personnel, il est très important de réduire la pression de travail dans les maisons de repos et de soins. Pour les personnes âgées, c’est leur « chez eux ». Elle y passent en général chaque heure de la journée. Elles y mangent, y dorment, y vivent, et la personne soignante est parfois la seule personne à qui elles parlent dans une journée. Une norme d’encadrement plus haute et plus de financement pour le personnel constituent donc une nécessité. Mais il faut aussi un juste financement des lits pour personnes de grande dépendance, actuellement sous-financés. Le ministre flamand du Bien-Être Jo Vandeurzen (CD&V) a déclaré que le gouvernement flamand investira cette année 26 millions d’euros dans du personnel supplémentaire. Or selon l’étude de Welzijn, Volksgezondheid en Gezin, le coût total de personnel dans les maisons de repos et de soins pour personnes âgées s’élève à 2,4 milliards d’euros. Les 26 millions d’euros de subsides supplémentaires pour le personnel promis par le ministre Vandeurzen représentent donc 1,1 %. Des cacahuètes.

    Par ailleurs, il faut aussi penser de manière novatrice pour s’attaquer au problème de la forte pression de travail dans les maisons de repos. En 2014, les autorités de la Ville de Göteborg, en Suède, ont décidé de mener une expérience. Pendant deux ans, le personnel soignant de la maison de repos et de soins Svartedalen ne travaillerait plus que six heures par jour. Ce changement a eu un effet important sur le personnel soignant. La diminution de la pression et du stress a été très bénéfique. Le rapport est très clair à ce sujet. Trois quarts des soignants de Svartedalen se sentent bien, calmes et en forme. Les sentiments positifs se sont rapidement traduits par une évolution positive dans l’absentéisme pour maladie. Alors qu’à Svartedalen, le nombre total de jours d’absence pour maladie par membre du personnel était de quinze jours par an, dans d’autres maisons de repos il est 31 jours ! Par ailleurs, à Svartedalen, il y a trois fois moins de malades de longue durée que dans les autres maisons de repos. Chez nous, le personnel et nos vieux parents méritent aussi ces résultats positifs. 

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  • Belgique McKinsey : la multinationale qui s’installe à l’ULB Solidaire, Caroline De Bock 3 Novembre 2016
    http://solidaire.org/articles/mckinsey-la-multinationale-qui-s-installe-l-ulb

    McKinsey, une multinationale de la consultance, a une stratégie bien huilée pour s’implanter dans le paysage de l’enseignement en Belgique.

    Le Vif publiait récemment un article au titre éloquent : « Enseignement : l’étrange omniprésence des consultants de McKinsey ». L’entreprise a en effet été chargée par l’ex-ministre Joëlle Milquet de la consultance pour le Pacte d’Excellence, qui vise à réformer l’enseignement obligatoire. Des travailleurs de l’enseignement ou membres des syndicats et d’associations actives dans le dossier y témoignaient notamment : « L’enjeu de sa présence dans les travaux liés au Pacte d’Excellence est clairement de peser sur les politiques d’éducation ».

    McKinsey prévoit aussi de s’implanter dans le supérieur. Le lundi 10 octobre, le BEA, l’organe représentatif des étudiants de l’ULB, faisait savoir que « M. Englert, nouveau recteur de l’ULB, a exposé (…) un projet de partenariat avec l’entreprise de consulting McKinsey – dont l’un des anciens membres n’est autre que l’actuel président du Conseil d’Administration de l’ULB. L’entreprise financerait partiellement la construction, en échange de quoi l’ULB s’engagerait à lui louer une partie du bâtiment. »

    Le profit des sociétés ou le profit de la société
    Pourtant, McKinsey est clair dans ses intentions. Dans son rapport « Education to Employment – get Europe’s youth into work », l’entreprise affirme qu’ « une raison importante expliquant le taux de chômage chez les jeunes est un manque de compétences pertinentes pour le lieu de travail », qu’il faut que l’enseignement forme les jeunes dans ce sens, et se lie donc davantage aux entreprises.

    En filigrane, on peut y lire une vision de l’enseignement et de la recherche qui réponde strictement au besoin des actionnaires de faire fructifier leurs dividendes, et qui soit même un business en tant que tel. « Le consultant considère en effet l’école comme une entreprise d’enseignement », lit-on encore dans l’article du Vif.

    Le conseil étudiant de l’ULB dénonce également un problème symptomatique de la logique à l’œuvre dans la coopération avec McKinsey : le manque de transparence dans l’université. Les autorités voulaient en effet garder secret ce dossier, allant jusqu’à faire pression sur des étudiants administrateurs.

    Sous-financement chronique
    Les autorités de l’ULB affirment qu’il n’y a pas d’alternative à un financement extérieur privé, à cause du sous-financement de l’enseignement. Or elles ont récemment décidé d’investir plusieurs millions dans un nouveau bâtiment pour le rectorat alors que l’ancien était tout à fait utilisable. Ces millions auraient pu être investis dans la rénovation du grand auditoire Janson pour qu’il arrête de pleuvoir sur les étudiants, ou encore dans la construction du bâtiment de la Plaine afin d’éviter d’avoir recours à McKinsey.
    Cela dit, cet épisode montre comment le sous-financement chronique de l’enseignement pousse à sa privatisation. Un refinancement public de l’enseignement est indispensable afin de garantir un enseignement de qualité, public et accessible à tous.

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