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    C’est un vrai plaisir de pouvoir emmener Michele et Raffaella, parisiens les prochains mois, aux Instants Chavirés et c’est amusant de constater la surprise de Michele, cette scène qu’il connait de nom, est en fait un tout petit local qui ne paie pas de mine, dans lequel, ce soir, ne se presse qu’une cinquantaine de personnes, bien avisées d’ailleurs parce que les deux concerts de ce soir sont un ravissement.

    En première partie Stéphane Rives joue du saxophone soprano et chacun de ses souffles est transmis à l’ordinateur de Rodolphe Alexis qui les module, les triture, les amplifie, les distend, rien ne se perd, tout se transforme, tout se gagne, par moments le saxophone tente de reprendre la main, il ne fait qu’alimenter une machinerie plus grande que lui qui, nourri de nouvelles notes, produit de nouveau de grandes plages de plus en plus sonores de plus en plus envahissantes, c’est un univers en quadrophonie de grande intensité qui est joué là sous nos yeux, par Stéphane Rives, vagabond de son propre instrument, itinérant dans les rangs des spectateurs et la silhouette sombre de Rodolphe Alexis, campé derrière un ordinateur de genou, un petit pad midi et une autre table, les deux éclairés à contre-jour par une tout petite lampe de chevet, la lampe de chevet des Instants qui fait de ces derniers la salle la plus sombre du monde, les photographes apprécient, nul doute.

    La deuxième partie n’est pas moche non plus. Jean-Philippe Gross aux boutons abrité derrière une forêt vierge de câbles fichés avec science dans un tableau digne du 22 à Asnières et Axel Dörner trompettiste démultiplié, jouant à la fois de la trompette donc, celle-ci étant munie d’une petite coulisse qui permet certains effets de trombone, mais aussi d’une parure de boutons et de tirettes, permettant l’obtention d’une palette improbable de sons allant du suraigu au souffle à peine audible tellement il est bas, le tout relié à un ordinateur de genou qui triture, module, amplifie et distend les sons reçus de cette trompette protéiforme. L’alliage entre ces deux musiciens est très surprenant, cérébral à bien des égards, on se demande un peu comment ils font pour y retrouver leurs petits dans pareil encombrement dédales de boutons, de fiches et de câbles, mais si vous perdez contact visuel avec ces deux-là, par exemple, en fermant les yeux, c’est un monde étrangement habité de sonorités, de craquements acousmatiques, de fulgurances, de souffles qui ouvrent des plages synthétiques, une musique d’une très grand beauté, architecturée dans les grandes lignes et peuplée d’endroits tout en improvisation. C’est beau c’est extrêmement beau, ça vous brasse de l’intérieur, ici il n’est pas question de s’abriter derrière des effets de crescendo quand on n’a plus rien à dire, pas davantage de faire la liste inventaire de toutes les choses que l’on peut produire avec pareil attirail, non, il est vraiment question de musique, de musique improvisée, mais pas sans l’épure, la beauté d’un dessin qui esquisse une construction même empirique et cela brasse, masse parfois les tympans ou crée encore des sensations purement physiques.

    Comme je suis content que cette première soirée aux Instants pour Michele et Rafaella soit à me mesure de ce qui est produit les grands soirs aux Instants .

    Exercice #14 de Henry Carroll : agrandissez quelque chose de petit.

    #qui_ca