• Et des fois, les journées sont nettement moins drôles. Comme par exemple. Lever à 6H30, départ en trombe de la maison, je dépose Adèle à l’arrêt de bus des Rigollots, je fonce au travail, difficultés habituelles du lundi matin pour se connecter, rien d’insurmontable mais toujours cette hésitation, et si je ne pouvais pas me connecter pour de vrai ?, je profite de l’ open space vide de toute vie, de toute âme, pour prendre quelques photographies avec mon ardoise numérique, je peste, parce que voilà, ce n’est quand même pas un véritable appareil-photo et pourtant cela pourrait l’être — ce serait tellement beau une ardoise numérique qui prendrait des photographies avec la définition d’une chambre 20x25, même 4’X5’ ce serait beau, et, pour la beauté du geste, il faudrait continuer de se réfugier sous un drap noir et l’image apparaîtrait la tête en bas et très vignettée — , je relève mes courriels, je constate que pendant que je discutais, vendredi après-midi, avec mon éditeur — j’aime vraiment bien remuer dans la bouche ces mots de mon éditeur — de toutes sortes de choses passionnantes, le monde de l’informatique industrielle n’a pas connu de révolution qui le rendrait à la fois brillant et passionnant, et, qu’en mon absence, aucune réponse n’a été apportée aux nombreux courriels reçus — et, pareillement, les jeudis matins sont les plus âpres pour moi qui retrouve, après ma journée de temps partiel, tous les courriels, envoyés par les uns et les autres la veille, formant un épais matelas de courriels auxquels je vais devoir répondre avec la même urgence que ceux que je reçois également dans la matinée, une sorte de journée deux-en-un, le courriel c’est l’arme du diable, c’est toujours à vous d’y répondre, même quand vous êtes absent — j’assiste en fin de matinée à une réunion un peu à couteaux tirés, ce n’est pas le meilleur des apéritifs, j’en sors de fait le ventre noué — pensée pour ma petite Adèle dont c’est le symptôme en cas d’inquiétude et elles ne sont pas si rares —, je déjeune avec mon collègue Bruno qui part bientôt à la retraite, et comme je suis content à la fois pour lui et à la fois parce que cela va causer un tort considérable à tous ces brillants esprits qui claironnent que les cimetières sont remplis d’indispensables , après le départ du Bruno je saurais leur resservir froide cette formule que je déteste absolument et les occasions, n’en doutons pas, seront nombreuses, je repasse par le bureau où je prends quelques notes à propos de la réunion du matin, mais aussi de deux ou trois éléments discutés avec mon collègue Bruno — Bruno étant l’une des personnes à qui je dédie Élever des chèvres en Ardèche (et autres logiques de tableur) — et je repars en réunion en fin d’après-midi, c’est nettement moins tendu que la réunion de ce matin, parce les participants nous sont reconnaissants des travaux récemment accomplis, je sors de la réunion et rentre à la maison, je fais sursauter Nathan qui vient juste de rentrer de son externat et qui fait un peu de jardinage. La maison est un peu en désordre, de la vaisselle en souffrance et des trucs qui traînent, je m’y emploie rapidement, je reçois un coup de téléphone de Madeleine qui me demande de venir en aide à une de ses camarades de lycée qui s’est blessée à la cheville et qu’il faudrait emmener aux urgences, le temps pour sa mère de nous y retrouver, un peu de confiture de circulation sur le chemin, au retour de l’hôpital — je remarque que les hôpitaux ne sont plus signalés par des panneaux de circulation, un grand H blanc sur fond bleu foncé carré, qui doivent, entre autres choses, intimer le calme et le silence pour les malades et donc l’interdiction d’actionner l’avertisseur sonore, encore un de ces signes discrets du temps, de sa fuite, de sa fuite en avant et du peu de cas finalement que nous faisons désormais pour les plus faibles, les plus démunis, et quand ce sera à notre tour d’y agoniser, nous mesurerons avec précision l’ampleur de notre égoïsme et plus personnes naturellement qui pourra entendre notre complainte et nos regrets et qui serions-nous pour nous en plaindre, nous qui avons unanimement manqué de respect envers nos prochains affligés, c’en serait presque moral, étonnamment —, en rentrant, je me mets à la confection expresse d’une quiche aux poireaux avec une salade d’épinards, nous dînons avec les enfants, quelques échanges de blagues, comme d’habitude, de gentilles moqueries, d’amabilités entre sœurs, rien d’inhabituel et comme j’aime cet habituel, la table à peine débarrassée, Madeleine étale le devoir d’Anglais sur lequel je lui ai promis de l’aide, un commentaire de texte à propos de The Oval Portrait d’Edgar Allan Poe, une petite merveille de narration fantastique, Madeleine sue un peu dessus, mais s’en affranchit très bien une fois que je la sors de l’ornière scolaire dans laquelle elle était embourbée, tandis qu’elle donne la dernière main à son devoir, je descends travailler une petite heure dans le garage, remonte vite, trop fatigué pour être très productif, ai un peu avancé tout de même sur Arthrose , et je me méfie de plus en plus de ces soirs où je vais au-delà de la fatigue et que je paye cher, en réparations futures, les erreurs et les étourderies que j’ai produites la veille au soir, parce que trop fatigué, plus assez concentré, je préfère, désormais, et de loin, depuis un an ou deux, de me lever fort tôt, mais l’esprit vif, je monte me coucher en lisant une vingtaine de pages de Je paie d’Emmanuel Adely que je lis à la fois goulument et admiratif et sans manquer de remarquer, en reposant le livre, à côté du précédent, celui de mon ami Laurent Grisel, le Journal de la crise et de leur trouver des airs de ressemblance, de faux frères, de jumeaux séparés à la naissance, cette idée du recensement poétique dans des extraits comptables, dans le cas d’Emmanuel Adely, purement comptable, jusqu’au vertige, ce serait une idée cela de tenir la chronique de ces deux livres ensemble.

    She was a maiden of rarest beauty, and not more lovely than full of glee. And evil was the hour when she saw, and loved, and wedded the painter. He, passionate, studious, austere, and having already a bride in his Art; she a maiden of rarest beauty, and not more lovely than full of glee; all light and smiles, and frolicsome as the young fawn; loving and cherishing all things; hating only the Art which was her rival; dreading only the pallet and brushes and other untoward instruments which deprived her of the countenance of her lover. It was thus a terrible thing for this lady to hear the painter speak of his desire to portray even his young bride. But she was humble and obedient, and sat meekly for many weeks in the dark, high turret-chamber where the light dripped upon the pale canvas only from overhead. But he, the painter, took glory in his work, which went on from hour to hour, and from day to day. And be was a passionate, and wild, and moody man, who became lost in reveries; so that he would not see that the light which fell so ghastly in that lone turret withered the health and the spirits of his bride, who pined visibly to all but him. Yet she smiled on and still on, uncomplainingly, because she saw that the painter (who had high renown) took a fervid and burning pleasure in his task, and wrought day and night to depict her who so loved him, yet who grew daily more dispirited and weak. And in sooth some who beheld the portrait spoke of its resemblance in low words, as of a mighty marvel, and a proof not less of the power of the painter than of his deep love for her whom he depicted so surpassingly well. But at length, as the labor drew nearer to its conclusion, there were admitted none into the turret; for the painter had grown wild with the ardor of his work, and turned his eyes from canvas merely, even to regard the countenance of his wife. And he would not see that the tints which he spread upon the canvas were drawn from the cheeks of her who sat beside him. And when many weeks bad passed, and but little remained to do, save one brush upon the mouth and one tint upon the eye, the spirit of the lady again flickered up as the flame within the socket of the lamp. And then the brush was given, and then the tint was placed; and, for one moment, the painter stood entranced before the work which he had wrought; but in the next, while he yet gazed, he grew tremulous and very pallid, and aghast, and crying with a loud voice, ’This is indeed Life itself!’ turned suddenly to regard his beloved : ? She was dead!

    Edgar Allan Poe

    Exercice #16 de Henry Carroll : Placez la tension au bord de votre cadre

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