• Levé en sursaut
    Zoé qui buque ad’batinse
    Rêves envolés si rêves six rêves

    Home office aujourd’hui
    Open space à la maison
    Meilleur café et free jazz

    En revanche je m’étonne
    Que la hargne du boulot
    Puisse pénétrer jusque chez moi

    Et c’est essentiellement
    Ma hargne
    Je ne suis pas fier

    Je change de disque
    Je change d’ordinateur
    Ça va déjà mieux

    Je retourne au récit
    De ma rencontre brève
    Avec une jeune Laurence Ostolaza

    N’écoutant que son courage
    Virgule, un petit projectionniste
    Démarche au bas de chez lui

    Et si on rejouait Apnées ?
    Et si je lisais, je ne me souviens plus ?
    Et si je commençais à être qui je suis ?

    Hier nous avions entamé une partie d’échecs
    Circonspecte avec Émile
    Nous la finissons dans un déluge d’échanges

    Tu ne rentres pas pour écouter les discours ?
    Non, je suis anarchiste
    Tête de cet ami parent d’élève

    Tu es anarchiste vraiment ?
    Non j’étais anarchiste quand j’avais 25 ans
    Depuis je me suis radicalisé sur Internet

    Pendant que sénateur, conseillers et maires
    Se saluent cérémonieusement
    Je discute dehors avec Émile, je préfère

    C’est assez facile pour des hommes politiques
    De faire oublier leurs retards de responsabilités
    Il suffit de noyer l’opposition sous des petits fours

    Je me demande combien coûtent des petits fours
    Pour deux ou trois cent personnes
    Et ce que l’on pourrait faire d’autre avec pareil argent ?

    Je dépose Emile et Zoé à la maison
    Epuisés et je file au Comptoir
    Concert de Sylvain Kassap

    Sylvain Kassap
    Octobres
    Fameux programme

    Hélène Labarrière
    S’entend très bien avec Sylvain Darrifourcq
    Derrière les fûts

    Sylvain Kassap
    Compte les mesures sur ses doigts
    Pour rentrer dans un passage bien free

    http://www.desordre.net/musique/ayler.mp3

    Ils finissent par un morceau
    D’Albert Ayler
    Une armoire à glace s’effondre

    Fin d’ Octobres
    Et maintenant le rappel
    C’est à vous de le faire dans la rue

    Les concerts au Comptoir
    C’est aller et retour
    A pied, quel pied !

    Il est tard
    Mais j’ai encore envie
    D’écrire

    http://www.desordre.net/musique/monk_midnight.mp3

    Il est à peu près minuit
    J’écoute Monk qui cherche
    Autour de minuit

    J’aimerais bien parvenir
    À tordre le cou à Laurence Ostolaza
    Je veux dire à réussir ce passage de Fantômes

    Une intuition me dit
    Que c’est le nœud du texte
    Mais je ne parviens à le dénouer

    Cela fait trois jours
    Que j’écris et réécris ce passage
    Et toujours le sentiment qu’il m’échappe

    Et tout d’un coup
    Je trouve la bonne formulation :
    C’étaient les mêmes mains !

    #mon_oiseau_bleu

  • J’ai rêvé de Bart Parker cette nuit
    J’ai rêvé de sa barbe
    Et de sa voiture de sport

    J’ai rêvé d’un virage qu’il a pris
    À toute berzingue tout en m’expliquant
    Un truc qu’il venait de trouver dans le labo

    J’ai rêvé du homard
    Qu’il m’avait offert
    Mon premier homard

    J’ai rêvé d’une pince de homard
    Posée sur la tombe de Lovecraft
    Et de l’étreinte de Bart, au revoir

    J’ai rêvé de lire son
    A Close Brush With Reality
    Et ce matin je ne retrouve pas ce livre

    J’ai rêvé qu’il m’apportait un café
    Pour me réveiller de mon sac de couchage
    En travers du banc de repro

    J’ai rêvé qu’il mettait sous presse
    Mes tirages de la nuit
    Pendant que je buvais son mauvais café

    J’ai rêvé qu’il ramassait la spire
    Que j’avais jetée à terre de colère
    You should fix it anyway

    Ce jour-là
    J’en ai compris
    Des choses !

    J’ai rêvé de la quantité
    Astronomique de ketchup
    Qu’il a versée sur nos frites

    Et son air contrit
    Quand je lui ai dit
    Que je n’aimais pas le ketchup

    Et son empressement
    À sauvegarder toutes les frites
    Du fond du plat, indemnes

    J’ai rêvé que nous étions dos-à-dos
    Sur Monroe avenue à Chicago
    Photographiant les commuters

    J’ai rêvé que j’emmenais Bart
    Photographier la démolition
    D’un pâté de maison sur Grant Avenue

    J’ai rêvé aux premières photographies
    Que j’ai vues de Robert Heinecken
    Que Bart me montrait dans l’Illinois Center

    J’ai rêvé que Bart regardait les étoiles
    Du toit ouvert de la voiture de sport
    Tout en conduisant à toute berzingue

    J’ai aimé cuisiner
    Des cailles aux raisins
    Pour Bart et Rita

    J’ai aimé la distinction admirable
    De Bart quand il a ôté son chapeau
    Quand je lui présentais mes parents



    J’aimais les gestes très vifs
    Et très précis de Bart
    Notamment avec son couteau

    J’ai aimé comme cet homme
    Incarnait à lui seul
    Tout ce que j’aime dans la photographie

    J’ai aimé, par-dessus tout,
    La nuit que nous avons passée
    De concert dans le labo

    Cette nuit-là
    J’en ai appris
    Des choses !

    Il paraît que
    Bart Parker est mort
    Je n’en crois rien

    Hommage à Bart Parker, à qui je dois tant.

    #bart_parker

  • http://inthemorningmag.com/wp-content/uploads/2016/09/Nick-Cave.jpeg

    Sur la table de la cuisine
    Au réveil, tu retrouves
    Ton manuscrit, le ventre ouvert

    Le dimanche matin
    Tu voudrais qu’il soit entre 7 et 8 heures
    Toute la journée

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/nick_cave.mp3

    Piscine
    Café
    Nick Cave

    Mon amie Sarah
    Me conseille de faire du ménage
    Pour l’inspiration

    Le groupe djihadiste Etat islamique
    Revendique l’attaque
    Contre un bus transportant des coptes

    Des mendiants se succédaient dans la rame
    De plus en plus nombreux
    De plus en plus agressifs

    L’insoutenable agression
    D’un mendiant dans le métro
    Qui me crie avoir faim

    Accueil de Dominique
    Étreinte fraternelle
    Dominique, mon grand frère

    Il va m’en vouloir
    Mais quand Dominique monte sur scène
    Les autres musiciens serrent les fesses

    À propos d’Une Fuite en Égypte
    Dominique me dit
    Tu ne dois pas le lire comme c’est écrit

    Plaisir d’un ruban d’autoroute
    Un soir
    De canicule

    Un mendiant agressif
    Trois morceaux de vraie musique
    Je ne dois pas le lire comme c’est écrit

    #mon_oiseau_bleu

  • J – 19 : C’est dimanche soir dans le monde, une lumière orgiaque de fin de journée dessine de très belles lumières sur le haut des immeubles de la place de la mairie. Sophie Agnel traverse devant moi sans s’en rendre compte, je me porte à sa hauteur, descend mon carreau et fait mine de lui demander le chemin du cinéma, tête de Sophie Agnel qui reprend rapidement ses esprits, un certain talent pour l’improvisation sans doute, et qui me renseigne, le cinéma c’est plus loin. Seul à la maison en ce dimanche soir, j’ai eu envie d’aller voir un film, le seul pas encore vu, et qui faisait un peu envie, sorte de cinéma du dimanche soir, c’était le dernier film d’Arnaud des Pallières, Orpheline .

    Film laborieux. Film prétentieux. Film ennuyeux.

    Laborieux, il faut quasiment une heure à Arnaud des Pallières pour installer véritablement son intrigue - est-ce qu’il n’essaierait pas de nous faire faussement croire à une inexistante complexité de son récit, je suis sans doute bien soupçonneux, peut-être est-il juste pas très fort pour raconter un récit ? -, il faut dire il lui aura fallu beaucoup de temps pour détacher son regard (et le nôtre) des poitrines de ses trois jolies actrices sensées incarner le personnage de Karine/Sandra/Renée, puisque finalement c’est à se demander si ce n’est pas à cela que lui sert ce recours à trois actrices différentes pour interpréter la même femme aux âges de 15, 20 et 30 ans (Solène Bigot, Adèle Exarchopoulos, et Adèle Haenel). On aurait un peu envie de lui offrir une copie téléchargée de La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche pour lui montrer que dans ce trio d’actrices, il y en a une qui a déjà fait cela, la traversée des âges, très bien - mais une telle leçon de cinéma ne serait pas très charitable. Quant à l’enchâssement des flashbacks , c’est une véritable montagne qui accouche d’une souris, d’une toute petite souris de rien du tout : une petite fille de sept ou huit ans est témoin, plus ou moins tenue à distance, de la disparition de deux autres enfants disparus lors d’une partie de cache-cache, ses parents immatures ne sauront pas la protéger de cet épisode, la mère abandonnera le foyer, sans doute pour se soustraire à l’alcoolisme et à la violence de son compagnon, la petite fille va grandir, apparemment à l’adolescence cela va être très tumultueux - étonnant non ? -, le début de la jeunesse hyper rock’n’roll - les surprises de la vie sans doute -, au point que, plus tard, elle ne parviendra pas vraiment à se ranger des voitures, poursuivie, et rattrapée, qu’elle sera par une affaire ancienne. Et c’est à peu près aussi complexe que cela, alors vous dire pourquoi cela doit prendre deux heures, je ne saurais pas vous dire, pas plus que de vous expliquer pourquoi pour les personnages masculins on peut n’employer qu’un seul acteur pour plusieurs périodes, mais pas pour le personnage féminin aux si jolies poitrines - je m’excuse pour ce bilan un peu comptable, mais dans le film on pourra voir, en pleine lumière, les poitrines des trois jeunes femmes interprétant le rôle principal, plus celle du personnage de Tara, et sans compter celle de la doublure d’Adèle Haenel, les fesses nues d’Adèle Exarchopoulos, et par deux fois Solène Rigot aura l’immense honneur, une distinction sans doute dans une carrière de comédienne, de mimer une fellation, la contrepartie comptable masculine est plus maigre, un demi-fessier et un entrejambe éclair dans une pénombre à couper au couteau.

    Prétentieux, non content d’accoucher narrativement d’une souris, toute petite souris de rien du tout, Orpheline est un film esthétisant, dont tous les plans et leurs lumières sont léchés, avec force bourrage dans les côtes, vous avez vu comme on est forts, et tel effet de faible profondeur de champ, et telle composition de cadrage, et tel effet de contrejour difracté, une véritable panoplie, par ailleurs coupable de glamorisation des bas-fonds, de la violence aussi, si possible envers les femmes parce que quand même c’est nettement plus photogénique - un parieur endetté reçoit la visite d’un de ses créanciers mafieux, et ce n’est qu’affaire de regards, la jeune femme aux prises avec le même homme s’en prend deux en plein visage (et naturellement elle en redemande et tout aussi naturellement se rue sur la braguette de l’homme qui vient de la frapper deux fois au visage, les femmes, c’est bien connu, aiment, par-dessus tout, qu’on les frappe, ça les rend folles, après vous en faites ce que vous voulez). Naturellement, il y a foison de gros plans avec cadrages à l’avenant, notamment sur les poitrines des jeunes actrices. Je présume que l’emploi des trois actrices pour le même personnage, quatre avec la petite fille, mais là, tout de même, on peut comprendre le recours à une véritable enfant de six-sept ans, a la volonté de nous montrer à quel point les différentes périodes d’une existence sont autant de moi aux formes méconnaissables - j’ai lu quelque part une critique cinématographique officielle qui, sur ce point, prêtait à Arnaud des Pallières des intentions proustiennes, rien que cela, Arnaud des Pallières ne doit plus se sentir, cela aura eu le mérite de me faire pouffer, en ce moment ce n’est pas tous les jours que je pouffe à la lecture de la presse, Marcel Proust et Arnaud des Pallières, les deux grands conteurs du récit interne, François Mauriac lui-même ne s’y serait pas trompé, les critiques officielles des fois.

    Ennuyeux au point de me pousser à regarder ma montre de temps en temps, c’est comme cela que j’ai compris qu’il avait fallu un peu plus d’une heure à Arnaud des Pallières d’installer son intrigue, et d’en faire, finalement, si peu : une femme en proie à des sentiments abandonniques, dont on peut raisonnablement penser qu’ils sont dus à la désertion du foyer par sa mère, à l’âge de six-sept ans, reconduit cette logique d’abandon, heureusement qu’il y a des réalisateurs d’avant-garde comme Arnaud des Pallières pour nous fournir des œuvres de vulgarisation freudienne, sans ça c’est sûr, on comprendrait mal, c’est, j’imagine, pour cette raison aussi que de nombreux passages du récit sont soulignés trois fois en rouge pour être sûr qu’on capte bien, qu’on repère bien les signes avant-coureurs de ce récit tellement maigre au point d’être famélique.

    Et je m’excuse d’en remettre une couche, mais, quand même, est-ce normal que tous les personnages de femmes, les trois âges adultes notamment du personnage principal, soient entièrement dépendantes des hommes et qu’elles soient aussi systématiquement contraintes à faire commerce de leurs corps et de leurs caresses pour pouvoir passer à t’étape suivante de l’existence ? Non, parce que je demande cela dans le but de tenter de faire la différence entre ce film-là et un film érotique des années septante, dans lequel on voit bien que la psychologie des personnages n’a pas été aussi fouillée que les recherches formelles sur le galbe des poitrines des actrices. Et, à vrai dire, j’ai bien du mal à opérer un distinguo.

    Film laborieux. Film prétentieux. Film ennuyeux et, donc, vaguement pornographique. Un enchantement. Vraiment. Si j’osais je dirais que c’est bien un film de dimanche soir que je suis allé voir, mais de deuxième partie de soirée.

    #qui_ca

  • J – 21 : Certes il faisait beau, certes c’était un samedi après-midi de vacances et la ville renvoie depuis deux ou trois jours une sonorité fort plaisante de rues désertes, certes, mais nous n’étions que cinq personnes, deux mères et leurs petites filles, et moi donc, à la séance de Fiancées en folie de Buster Keaton - Seven chances -, copie restaurée, les quatre premiers plans en couleurs quasi autochromes, Buster Keaton en couleurs ! (fussent-elles pâlottes, aussi pâlottes que son teint maquillé de céruse)

    Un ami poète me dit avoir vendu UN seul exemplaire de son dernier recueil.

    Et, toutes proportions mal gardées, Une Fuite en Égypte est en train de magistralement passer inaperçu de toute la presse, pas la plus petite des manchettes nulle part - pourtant toutes les personnes l’ayant lu m’en ont dit du bien - et si Une Fuite en Égypte avait surtout eu l’importance de m’apporter une lectrice amoureuse ? et quelle !

    Dans dix ans, plus personne ne saura qui était Buster Keaton, la dernière personne ayant acheté le recueil de mon ami sera morte, et moi, où serais-je ? proche de la retraite sans doute. Enfin. Mais trop tard.

    #qui_ca

  • J – 22

    Quel drôle d’effet tout de même que de regarder les copies numériques entièrement restaurées de films que l’on connaissait perclus de rayures noires, de poils tremblotant dans les coins de l’images et d’une multitude d’autres parasites, sans parler d’un son qui crachote par endroits, qui sature souvent et dont les contrastes mal assurés rendent certaines paroles à peine audibles. Films vus, revus, sus, archi connus. Comme Masculin Féminin de Jean-Luc Godard qui passait donc vendredi soir au Mélies .

    Plaisir admirable que de constater, après coup, l’incroyable intelligence de Godard pour, dès la moitié des années 60, comprendre et mettre à jour les ressorts entre le masculin et le féminin, dire sans tabou, et sans doute au travers d’une censure que l’on imagine compacte à l’époque, au travers de ce plan séquence remarquable de l’interview sociologique de Miss 19 ans - et dans bien d’autres scènes -, qu’il y a un enjeu majeur de l’époque, celui de la contraception. Que c’en est même l’enjeu quasi principal des rapports entre le masculin et le féminin.

    Génie de Godard au montage notamment au montage sonore, en 1965, ce dernier pose, déjà, les bases de ce que sera son travail au début des années 80, notamment avec Prénom Carmen .

    Liberté de ton d’un cinéma qui entrevoit déjà la domination de la pornographie et la marchandisation des rapports masculin/féminin.

    Beauté de certains mouvements de caméra qui épousent le déplacement des personnages comme si ceux-ci dansaient.

    Perméabilité remarquable des trajectoires des personnages repris dans le mouvement plus ample de toute une société, de consommation notamment, avec les quelques plans de centres commerciaux, de grands magasins qui viennent interrompre les dialogues.

    Cinéma performance, usure par le dialogue, usure par la longueur des plans-séquences, des plans fixes (encore une fois la scène d’interview sociologique de Miss 19 ans est un morceau de bravoure, d’après vous quelles sont les guerres en cours dans le monde ? ).

    Cinéma documentaire presque, en tout cas document remarquable, et paradoxal, à propos des années 60, de la vie sociale encore existante, notamment dans les cafés, et des premières captations du public, dans des sphères plus personnelles, par des artefacts de distraction solitaire, jeux électriques, premiers appareils destinés à faire de toutes et tous de faux créateurs de nos destinées - notamment l’appareil à graver sur disque 45 tours une minute et demie que l’on enregistre dans une cabine telle un photomaton, et pour n’en ire qu’une chose, le ressassement de slogans publicitaires, on nous donne de quoi être un artiste, on annone une réclame -, Chantal Goya qui rejoint, inaugure, la galerie des chanteurs de variété auxquels Jean-Luc Godard a donné une impulsion décisive, aux côté donc des Rolling Stones dans One + One et des Rita Mitsouko avec Soigne ta droite , la confusion des prix entre anciens francs et nouveaux francs - aurons-nous un jour des anciens euros ? -, des transports en commun désuets et le célèbre

    que l’on retrouve à la dernière page de Je me souviens de Georges Perec. Et tout cela parfaitement retouché, image par image sans doute, dans ce remarquable travail de restauration d’un absolu chef d’œuvre, et dont on peut dire, sans se tromper que le film, oui, n’a pas pris une ride.

    #qui_ca

  • J – 23 : Valérie Mréjen réussit un admirable tour de force avec son dernier livre, Troisième personne , succession de notes concises à propos de l’arrivée d’un enfant dans un foyer, deux jeunes parents découvrant ensemble la parentalité. Non seulement les notes sont concises, mais elles sont écrites dans une langue d’une simplicité redoutable, pas le moindre détour syntaxique pour dire telle ou telle part de mystère, pas le moindre mot qui ne ferait pas partie de l’acceptation la plus courante de la langue et, in fine , le mystère décrit avec minutie. Par quel prodige ?

    Par quel prodige la justesse dans la description de phénomènes comme la dilation du temps. Par quel prodige la description juste de l’engourdissement, de la fatigue, de l’exaspération ressentis à la seule lecture de quelques phrases sans mystère, sans détour ?

    Par quel prodige, la beauté de quelque jouet que l’on retrouve incongrument dans la mallette de l’ordinateur de genou et le mélange d’attendrissement et d’envahissement mêlés ?

    Par quel prodige, le sentiment, pour les jeunes parents, de ne plus s’appartenir et de repenser avec humilité, et reconnaissance, à ses parents d’avoir été de tels êtres perclus de fatigue, pour soi, petit, enfant ?

    Par quel prodige tant de description à propos de la manière tyrannique des enfants d’être au monde et de l’impuissance des parents à les sortir de telles ornières ?

    Par quel prodige la justesse de l’interrogation à propos du détachement au moment de l’adolescence, comment on s’est détaché soi-même des parents et comment, devenus parents, ce détachement parait impossible, inconcevable, en dépit de la connaissance qu’il adviendra ?

    L’écriture (prodigieuse) de Valérie Mréjen est blanche seulement en apparence, elle a surtout la vertu de dessiner d’un trait juste, d’épure, immédiat, une silhouette très ressemblante et elle laisse le dessin des formes intérieures au lecteur. Et nombreux devraient être les auteurs s’astreignant à une telle justesse. Très peu qui y parviendraient.

    #qui_ca

  • J – 35 : Présenté souvent comme un pensum, notamment pour les auteurs, singulièrement ceux en dédicace, le Salon du livre est certes une expérience fatigante mais il est aussi l’occasion de rencontrer ses petits copains d’écurie et c’est un plaisir insigne de faire la connaissance d’André Markowicz et de pouvoir lui dire sa gratitude pour ce qui est de pouvoir lire Dostoïevski, ou encore de le complimenter pour ses très beaux Partages . André aura été un excellent professeur pour ce qui est d’engager la conversation avec les lecteurs, lui sait faire cela comme personne apparemment. J’aurais tenté, sans grand succès, de reproduire de telles recettes dimanche mais cela n’aura pas produit les résultats attendus si ce n’est celui de faire rire mes camarades d’ Inculte . Parmi lesquels, Emmanuel Adely auquel j’aurais pu dire tout le bien de ce que je pensais de son dernier livre, Je paie et nous aurons pu également échanger à propos de la confluence entre le Tarn (très froid) et la Jonte (glaciale) en pays presque.

    Sinon cela donne un peu le vertige tout de même d’être assis à une table, à peine garanti par le faible bouclier d’une petite pile de ses livres, et de voir passer, l’après-midi durant, des personnes, des centaines de personnes, des milliers de personnes, dont très peu, vraiment très peu, une poignée, à peine plus d’une poignée, hésitent un peu et puis soulèvent un des livres de la pile, puis le repose comme un objet brûlant une fois qu’ils ont identifié que la personne photographiée en macaron en quatrième de couverture et le gros type assis derrière la pile de livres, et bien ce sont la même personne. De temps en temps au contraire ce sont des personnes déterminées comme mues par une timidité dont les digues ont lâché d’un coup et qui vous racontent en phrases empressées à quel point votre livre et leurs existences se superposent, que c’en est troublant, alors vous proposez gentiment, sans ironie excessive, vous aussi vous avez tué votre compagne et vos enfants ?

    Entre deux livres signés, vous envoyez quelques messages écrits et brefs par téléphone de poche, les réponses de votre correspondante de cœur vous amusent fort, bien au-delà sans doute de la bonne humeur qui est attendue de vous contractuellement.

    Puis vous retournez au charbon, il fait une chaleur moite, un bruit de fond qui par moments monte, monte et monte encore, tout pourrait normalement vous comprimer le crâne, c’est sans compter le récit déjanté qu’Emmanuel Adely fait d’un récent atelier d’écriture qu’il a animé sur les hauts versants alpins et qui tient en lui les ferments d’un roman parfaitement contemporain.

    En sortant du salon, vous échangez vos numéros de téléphones de poche, c’est au-delà du cordial, fraternel presque, il vous promet de lire la chronique que vous avez écrite à propos de Je paie et que vous lui avez remise imprimée. Douze stations plus loin vous recevez un message amical, il est touché par votre chronique, on se promet de se voir dans les Cévennes. Entretemps, vous avez repris une toute autre conversation textuelle avec votre correspondante de cœur, un peu plus, leurs noms de famille celui d’Emmanuel et de votre correspondant de cœur se ressemblant, Emmanuel a manqué de recevoir un message qui l’aurait sans doute laissé perplexe.

    La vie sur le nuage numéro neuf.

    #qui_ca

    • #salon_du_livre donc. Mon souvenir du salon, c’est que j’y trainais mes guêtres il y a... 30 ans, allez, pendant trois ou quatre ans, pour décrocher des tafs misérables avec des éditeurs requins dont le principal objectif était d’essorer vivant tout ce qui de près ou de loin ressemblait à un graphiste ou un cartographe indépendant (dans ce contexte, c’est assez marrant de se définir comme « indépendant » alors qu’on est en fait « esclave » de ce système d’externalisation). J’acceptais parce que je n’avais pas le choix. Mais bon, grâce à tous les Dieux de Norvège et de Gaule, après, je n’ai plus eu besoin de m’allonger.

      Cette expérience a laissé une forte empreinte en moi et même aujourd’hui, s’il m’arrive de parcourir les travées d’un salon de livres, n’importe où, je ne peux m’empêcher d’avoir des nausées ou de me boucher le nez en passant devant les stands de certains éditeurs : par Exemple Max Milo éditeurs, ou Autrement de l’époque Henri Dougier mais ça doit pas avoir beaucoup changé depuis, certainement les plus grosses crapules éditoriales françaises. J’ai toujours en encadré le chéque de 1,46 euros pour les droits d’auteur de mon atlas de l’eau vendu à 15 000 exemplaire :)

    • J’ai corrigé depuis 4 minutes, le vrai chiffre est 15 000, d’où la crapulerie (sinon oui, c’était logique). Bonjour le lapsus :)

      Et oui, nous sommes en train de tout mettre en ligne, mais comme on est pas beaucoup, ça prend du temps ...

    • Je ne vais plus dans les salons du livre, je trouve ça déprimant. Voir tou·tes ces aut·eurs·rices faire de la figuration pour que leurs bouquins soient vendus, un peu comme si c’était des patates m’afflige. En fait, non parce que les marchés où on vend des patates sont bien plus joyeux et vivants, et d’ailleurs je m’y rend avec plaisir.

  • J – 38 : C’est sans doute une périlleuse gageure que de tenter de tenir la chronique du spectacle Paysages de nos larmes (Texte de Matéi Visniec et mise en scène d’Eric Deniaud, musique de Dominique Pifarély) tant on peut être assuré que dès que l’on essaiera de cerner la poésie, l’immense poésie de ce spectacle, cette dernière s’enfuira, elle est déjà partie à l’approche du mot immense . Paysages de nos larmes est le lamento de Job si durement éprouvé par Satan, avec le consentement de Dieu, et qui n’abdiquera pas sa foi en l’Homme quand bien même ses assaillants le priveront de tout, tueront ses fils, violeront sa femme et ses filles, qui, toutes, deviendront folles, le priveront de ses mains, de ses pieds et lui crèveront les yeux, les tympans et lui couperont la langue, même sa douleur il ne pourra la partager avec quiconque, car, jamais, il n’abdiquera sa foi en l’Homme.

    Pour tenter de réparer tant d’injustice et de douleur, trois marionnettistes se pressent au chevet de la dépouille de Job et avec des gestes infiniment tendres et prévenants lui redonnent à la fois vie et parole (le texte de Matéi Visniec, absolument magnifique récité avec une voix admirable par Roger Assaf), quant à son âme elle est désormais entre les mains magiques du violoniste Dominique Pifarély qui chante cette âme avec une délicatesse orientale qui bouleverse.

    Tant de beauté, vraiment, de poésie, vraiment, sont portées par une mise en scène à la simplicité trompeuse, rien n’y est simple, loin s’en faut, les surprises (du sable qui tombe des cintres, du blé que l’on plante à même les planches) de cette mise en scène terrassent le spectateur par l’émotion qu’elles suscitent et, la gorge serrée, le spectateur est rappelé à la bravoure de Job, à sa grandeur d’âme, à sa fraternité qui nous sont toutes droit adressées. Trois millénaires plus tard nous recevons en legs de devoir donner raison à Job, à son immense foi en nous, nous ferions bien de nous en souvenir, avant ou pendant qu’il est trop tard.

    Continuons de planter du blé, du blé d’agriculture biologique si possible, et laissons parler en nous la poésie, soyons sensibles. Donnons raison à Job. Contre Dieu. Rien moins que cela. Notre salut, collectif, est à ce prix. N’attendons pas de Dieu qu’il nous donne notre pain quotidien. Plantons inlassablement. Pour nos fils et nos filles. Refusons le chantage. Croyons en l’Homme. Et croyons en Job.

    #qui_ca
    @dominique

  • J – 40 : Quatre corps de danseuses allongées formant un alignement parfait du lointain à la face. Elles sont comme aplaties, habillées de tuniques blanches un peu amples, pieds nus. Elles vont produire la séquence suivante, parfaitement synchronisées.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale et le reposer

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés, replier vivement la jambe droite vers le torse. Reposer

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés, replier vivement la jambe droite vers le torse, reposer tourner tout le coprs vers la gauche. Reposer

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés, replier vivement la jambe droite vers le torse, reposer tourner tout le coprs vers la gauche. replier les deux jambes vers l’arrière. Revenir à la position initiale.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés, replier vivement la jambe droite vers le torse, reposer tourner tout le coprs vers la gauche. replier les deux jambes vers l’arrière. Revenir à la position initiale. Lever le bras droit, puis le gauche à la verticale à la façon d’un battement. Reposer.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés, replier vivement la jambe droite vers le torse, reposer tourner tout le coprs vers la gauche. replier les deux jambes vers l’arrière. Revenir à la position initiale. Lever le bras droit, puis le gauche à la verticale à la façon d’un battement. Reposer. Replier les jambes et balayer le sol des deux bras alternativement pour les faire passer au dessus de la tête. Revenir à la position initiale.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés, replier vivement la jambe droite vers le torse, reposer tourner tout le coprs vers la gauche. replier les deux jambes vers l’arrière. Revenir à la position initiale. Lever le bras droit, puis le gauche à la verticale à la façon d’un battement. Reposer. Replier les jambes et balayer le sol des deux bras alternativement pour les faire passer au dessus de la tête. Revenir à la position initiale. Lever le bassin vivement et rapidement. Reposer.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés, replier vivement la jambe droite vers le torse, reposer tourner tout le coprs vers la gauche. replier les deux jambes vers l’arrière. Revenir à la position initiale. Lever le bras droit, puis le gauche à la verticale à la façon d’un battement. Reposer. Replier les jambes et balayer le sol des deux bras alternativement pour les faire passer au dessus de la tête. Revenir à la position initiale. Lever le bassin vivement et rapidement. Reposer. Décrire un arc de cerclede la jambre gauche en imprimant le mouvement depuis le bassin, reposer.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés, replier vivement la jambe droite vers le torse, reposer tourner tout le coprs vers la gauche. replier les deux jambes vers l’arrière. Revenir à la position initiale. Lever le bras droit, puis le gauche à la verticale à la façon d’un battement. Reposer. Replier les jambes et balayer le sol des deux bras alternativement pour les faire passer au dessus de la tête. Revenir à la position initiale. Lever le bassin vivement et rapidement. Reposer. Décrire un arc de cerclede la jambre gauche en imprimant le mouvement depuis le bassin, reposer. Mettre les bras en croix. lever les avant-bras et dans le même temps tier sur l’arrière des jambes depuis les orteils. Revenir à la position initiale.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés, replier vivement la jambe droite vers le torse, reposer tourner tout le coprs vers la gauche. replier les deux jambes vers l’arrière. Revenir à la position initiale. Lever le bras droit, puis le gauche à la verticale à la façon d’un battement. Reposer. Replier les jambes et balayer le sol des deux bras alternativement pour les faire passer au dessus de la tête. Revenir à la position initiale. Lever le bassin vivement et rapidement. Reposer. Décrire un arc de cerclede la jambre gauche en imprimant le mouvement depuis le bassin, reposer. Mettre les bras en croix. lever les avant-bras et dans le même temps tier sur l’arrière des jambes depuis les orteils. Revenir à la position initiale. Décrire un arc de cercle avec la jambe droite en imprimant le mouvement depuis le bassin. Reposer

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés, replier vivement la jambe droite vers le torse, reposer tourner tout le coprs vers la gauche. replier les deux jambes vers l’arrière. Revenir à la position initiale. Lever le bras droit, puis le gauche à la verticale à la façon d’un battement. Reposer. Replier les jambes et balayer le sol des deux bras alternativement pour les faire passer au dessus de la tête. Revenir à la position initiale. Lever le bassin vivement et rapidement. Reposer. Décrire un arc de cerclede la jambre gauche en imprimant le mouvement depuis le bassin, reposer. Mettre les bras en croix. lever les avant-bras et dans le même temps tier sur l’arrière des jambes depuis les orteils. Revenir à la position initiale. Décrire un arc de cercle avec la jambe droite en imprimant le mouvement depuis le bassin. Reposer. Se cambrer. Reposer.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés, replier vivement la jambe droite vers le torse, reposer tourner tout le coprs vers la gauche. replier les deux jambes vers l’arrière. Revenir à la position initiale. Lever le bras droit, puis le gauche à la verticale à la façon d’un battement. Reposer. Replier les jambes et balayer le sol des deux bras alternativement pour les faire passer au dessus de la tête. Revenir à la position initiale. Lever le bassin vivement et rapidement. Reposer. Décrire un arc de cerclede la jambre gauche en imprimant le mouvement depuis le bassin, reposer. Mettre les bras en croix. lever les avant-bras et dans le même temps tier sur l’arrière des jambes depuis les orteils. Revenir à la position initiale. Décrire un arc de cercle avec la jambe droite en imprimant le mouvement depuis le bassin. Reposer. Se cambrer. Reposer. Lever les bras au dessus de la tête et joindre les mains en croisant les doigts. Reposer les bras.

    Lever la main droite. Le bras reste au sol. Puis le reposer Lever le bras gauche à la verticale le reposer, lever le bras droit et passer la main dans le cou, puis le reposer. lever très légèrement la main droite ouverte, puis la reposer, plier la jambe droite et la reposer, décaler le bassin vers le côté opposé et revenir à la position initiale, se tourner vers la gauche puis revenir à la position allongée intiale, envoyer le bras droit du côté gauche, puis revenir à la positon initiale, lever à la verticale la jambre droite, puis la reposer, écarter légèrement les jambes en levant légèrement les genoux, la main droite s’ouvre et se lève de quelques centimètres, reposer décrire un petit moulient de la main droite lever la tête d’un angle de trente degrés, replier vivement la jambe droite vers le torse, reposer tourner tout le coprs vers la gauche. replier les deux jambes vers l’arrière. Revenir à la position initiale. Lever le bras droit, puis le gauche à la verticale à la façon d’un battement. Reposer. Replier les jambes et balayer le sol des deux bras alternativement pour les faire passer au dessus de la tête. Revenir à la position initiale. Lever le bassin vivement et rapidement. Reposer. Décrire un arc de cerclede la jambre gauche en imprimant le mouvement depuis le bassin, reposer. Mettre les bras en croix. lever les avant-bras et dans le même temps tier sur l’arrière des jambes depuis les orteils. Revenir à la position initiale. Décrire un arc de cercle avec la jambe droite en imprimant le mouvement depuis le bassin. Reposer. Se cambrer. Reposer. Lever les bras au dessus de la tête et joindre les mains en croisant les doigts. Reposer les bras. Ecarter la jmabre gauche puis la jambre droite, puis basculer le coprs vers la droite pour prendre une position quasiment foetale. Abandonner vivement le corps bras et jambes tendues mais de façon désordonnée. Revenir à la position intiale.

    Daphna n’était pas riche quand nous étions tous les deux étudiants aux Arts Déco. Et pourtant elle avait tenu à acheter les deux billets du spectacle de Trisha Brown au Théâtre de la Ville. Elle avait l’air d’y tenir. Je me disais, j’étais con, de la danse. J’ai rarement vu de plus belle œuvre qu’ Accumulation de Trisha Brown.

  • J – 42 : Jérôme Ferrari vient de publier un livre d’une très rare élégance. Il s’agit de la reprise de ses chroniques hebdomadaires pour le journal La Croix . Il se passe quelque chose.

    L’élégance c’est comprendre d’emblée les limites d’un tel exercice et les rappeler dès la première chronique, on me confie une rubrique, je suis auteur de romans, fussent-ils fameux, ils le sont, professeur de philosophie au lycée, je suis donc guère plus qu’un autre pour m’exprimer sur des sujets d’actualité, à tous les coups ce que je vais écrire ne sera pas beaucoup plus éclairé que les convictions d’un homme de la rue, oui, mais voilà on me le propose, le climat politique de ce pays est délétère et d’une certaine manière, dans l’écriture malgré tout modeste de ces chroniques je ne pourrais pas faire pire en terme de compétences que ce que les puissants font de l’exercice du pouvoir, refuser ce serait une faute morale.

    Et il n’y pas là de fausse élégance, Jérôme Ferrari entre directement et courageusement, tête baissée, dans la mêlée, il s’était promis de ne pas intervenir sur le sujet de la Corse, pays de ses origines, chères à son cœur, le premier fait saillant de la tenue de cette rubrique se passe en Corse, et comment en quelques formules admirablement écrites, Jérôme Ferrari parvient à démontrer la très grande faute des continentaux depuis toujours en Corse, un mépris sans remède pour les Corses rangés et rabaissés de facto au rang des grands primates et quel autre peuple pourrait connaître un tel mépris public sans que de telles déclarations soient poursuivies en justice devant les grandes cours internationales ?

    Jérôme Ferrari écrit comme personne, le style élégant sert une élégance de pensée, Jérôme Ferrari est un chroniqueur extrêmement dur avec les puissants dont il expose la veulerie, les calculs étroits et une très grande conscience de classe et, au contraire, a une compréhension fraternelle pour les réprimés auxquels il prête son verbe tellement haut. On note qu’au sein même des médias une telle façon de procéder tranche singulièrement. Par ailleurs Jérôme Ferrari a le bon goût d’attaquer les puissants là même où ils sont extraordinairement faillibles, sur la langue et celle des puissants est percluse de non-dits et d’impensés qui sont ici exposés avec justesse et c’est là un biais remarquable, c’est celui de l’écrivain qui découvre que c’est précisément son arme, une véritable arme de destruction massive, là même où ce dernier se croyait ivre de lectures de chevalerie, l’écrivain se rend compte de sa véritable puissance de feu. C’est le moment idéal qu’il choisit pour poser les armes, de son point de vue la seule attitude qui vaille, du point de vue de ses lecteurs c’est un allié de taille qui fait retraite. Avec élégance. Et une immense intelligence.

    Quel grand dommage se dit-on, à la lecture de cette petite centaine de pages, que ce soient de tels hommes et femmes qui soient à ce point conscients que l’exercice du pouvoir doit se faire avec raison et qui en sont systématiquement écartés par d’autres hommes et femmes qui eux montrent tous les jours les limites d’une pensée admirablement étroite. Et entièrement préoccupée par le maintien au pouvoir, pour finalement n’en rien faire, ce serait heureux, des conneries monumentales dictées par des calculs de court terme dont ils sont les seuls bénéficiaires, c’est-à-dire, plus ou moins l’exact contraire de ce qui est attendu d’eux, surtout.

    Et quel immense paradoxe celui qui veuille que ceux qui comme Jérôme Ferrari s’estiment d’emblée incompétents dans l’exercice du pouvoir feraient tellement mieux que ceux qui n’ont aucun doute et qui tous les jours font la preuve de leur incompétence crasse. Et nul, certainement pas Jérôme Ferrari ou ses semblables, feraient pire.

    #qui_ca

  • J – 49 : L’expérience a déjà été tentée et elle semble sans cesse rapporter les mêmes résultats. Demandez à un ou une soliste mondialement reconnus pour la finesse de leurs interprétations de grands classiques d’aller les jouer habillé comme une jeune personne qui ferait la manche dans les couloirs du métropolitain et ce seront des centaines et des milliers de passagers qui passeront devant qui, en maintenant les écouteurs de son baladeur musical plus fermement enfoncés, qui en ne les remarquant même pas, qui en les bousculant tout à la consultation frénétique de sa messagerie, et qui en laissant tomber quelques pièces de monnaie dans l’escarcelle d’une personne pas exactement dans le besoin puisque, le soir même, elle joue devant le public de telle ou telle grande salle philharmonique. Tout serait donc une histoire de contexte.

    Les deux cinéastes argentins, Mariano Cohn et Gastón Duprat, semblent en faire le motif même de leur cinéma. Ainsi L’Artiste mettait en scène un auxiliaire de vie d’une personne mutique si ce n’est autiste qui par ailleurs avait une production de dessins très intense, lesquels finissaient par trouver le chemin des cimaises avec un retentissant succès parce que l’auxiliaire de vie s’appropriait les œuvres en question et dans l’Homme d’à côté , un designer prétentieux, n’ayant, finalement, produit qu’un seul objet, un fauteuil, mais vendu à des millions d’exemplaires dans le monde, vivait désormais de la rente de ca fauteuil auréolé dans l’unique construction du Corbusier dans toute l’Amérique latine, le roi n’était pas son cousin et il toisait le monde avec toute la morgue d’un parvenu qui se croyait à la fois fort et cultivé, jusqu’au jour où un voisin sans éducation décide de percer une ouverture dans le mur de vis-à-vis de cette fameuse demeure d’architecte : s’engage un bras de fer remarquable entre les deux hommes, l’un sûr du pouvoir que lui confère son statut social, l’autre, sourd aux arguments culturels et bon vivant, viveur, ne pouvant absolument pas comprendre où est le mal de cette ouverture.

    Avec Citoyen d’honneur c’est de nouveau la même confrontation d’échelles de valeurs qui ne sont pas compatibles. Un prix Nobel de littérature, rien que cela, argentin, la soixantaine sémillante, qui écrit depuis quarante ans des romans qui ont pour toile de fond son petit village natal de Salas en Argentine, dans les très lointains faubourgs de Buenos Aires, dans lequel il n’est plus jamais retourné depuis quarante ans, il vit désormais en Europe, à Barcelone, et finit par accepter, après avoir refusé, l’invitation de la municipalité de sa ville natale de faire de lui un citoyen d’honneur, et on voit bien qu’il y a une certaine forme de perversion à cette décision.

    Le choc des cultures est en marche, d’abord producteur de monstres fort désopilants, ainsi le petit diaporama en guise de bienvenue dans la salle des fêtes de la mairie, puis des retrouvailles avec l’ancienne petite amie désormais mariée avec l’ancien camarade de classe mais avec une maestria impressionnante ce qui tient d’abord du burlesque (le diaporama) pour ce qui est de ces moments de gêne, graduellement se colore de teintes nettement plus sombres, le refoulé refait surface, il est monstrueux, c’est l’escalade, on voit bien comment la chose va mal finir. Elle finit mal. A-t-elle, en fait, commencé ? Est-elle fiction ou le récit est-il réel ? Quelle importance ? semble dire le personnage principal devenu odieux, le prix Nobel, en conférence de presse : la leçon de morale est en fait ouverte, chacun fait son miel avec ce qu’il trouve dans cette fin ouverte, est-on du côté de la fiction et on est en droit de se questionner de ce que se permet l’auteur avec les habitants de Salas, croit-on que le récit soit véritable et alors on doit s’interroger sur sa propre crédulité.

    Et la force de ce film étant que quelle que soit la façon dont on déconstruit le récit ses ingrédients sont également répartis dans les deux colonnes, la cause de la fiction et celle du réel. Finalement ce qui fait, ou non, pencher la balance d’un côté ou de l’autre c’est une manière de dimension supérieure des scènes en question, l’éclairage peut-être et la façon dont on y est sensible, ou encore le cadrage, ce qui est dedans et ce qui reste à ses bords. Bref du cinéma. Du très bon. De ce cinéma qui raconte un récit en se servant de la perception de son spectateur.

    #qui_ca

  • J – 55: Une amie m’offre un recueil de poèmes de Charles Reznikoff, poète américain dont j’ignorais tout et qui, pour ce qui se trouve dans ce recueil, a collecté de nombreuses minutes de toutes sortes de petits procès, et opérant de très savants collages a écrit des poèmes remarquables à la fois de musicalité mais aussi de peinture d’un réel à la fois sombre et de petites choses.

    Désolé de ne pas être traducteur, un métier, un métier que je ne pourrais jamais exercer, pas plus, finalement que celui de berger de chèvres en Ardèche, même limites évidentes de manque de compétence, aussi le poème qui suit est dans sa langue maternelle. Et un livre de poèmes que je puisse poser en cavalier sur ma table de chevet, finalement c’est un peu ce qui manquait à mon bonheur ces derniers temps. Une lecture du soir et des violettes.

    II
    DOMESTIC SCENES
    Adams and his wife, Hester, and their three small children
    were living on a farm about a mile from the James River.
    Abingdon was the renter of the farm;
    but he was a trapper—
    had a number of traps along both sides of the river—
    and had hired Adams and Casper Dill
    to do the farm work for a share of the crops.
    Abingdon was unmarried and lived in a room of the house
    where Adams and his wife lived;
    Dill lived with his old crippled mother—
    who could not get about—
    in a small house nearby.
    One evening, Abingdon said he was planning a trip across the river
    to “take” a bee tree.
    They were in the house of Mrs. Dill,
    the four of them, Abingdon, Adams, and the Dills;
    Adams was unwilling to go with Abingdon
    unless young Dill went along.
    Both Adams and Dill said they could not swim—
    everybody in the neighborhood knew that—
    and Dill said he did not like water more than knee-deep,
    and Adams nodded agreement.
    Dill added he would rather plow than go,
    but his mother said that since Mr. Abingdon was anxious for him to
    come he had better do so.
    The three men started in the morning
    with everything needed: two large buckets for the honey,
    two axes and a hatchet,
    and a piece of netting to protect them from the bees.
    The boat did not belong to Abingdon
    but he had a key to unlock the boat from its fastening
    to the bank. It was a small boat,
    about ten feet long and two and a half feet wide;
    Abingdon sat in the rear
    with his face to the front; and Adams and Dill sat in front of him,
    their faces also to the front and their backs to Abingdon.
    They landed on the other side of the river
    and went to the bee tree;
    but when they reached it, Abingdon, so he said,
    decided not to cut it down
    because it was a large tree
    and the hole small,
    and the tree might not have any honey in it, after all.
    On the way back, about fifty yards from the shore,
    the boat suddenly filled with water,
    and both Adams and young Dill were drowned.
    When the boat was gotten out of the water,
    three holes, freshly bored, each about an inch and a half in width, were found under the seat where Abingdon had been sitting; and fresh shavings, suiting the size of the holes and of the same
    wood the boat was made of, had been thrown into the water where the boat had been fastened but the shavings had drifted ashore.
    Here, too, were found corncobs cut to fit the holes in the boat. The morning after the drownings, when they came to arrest
    Abingdon, he was found in Hester Adams’ room—and bed.

    #qui_ca

  • J-54 : Des fois il y a des soirs de moindre forme, je descends dans le garage mais je suis vite découragé par la moindre tâche à entreprendre. Je tente de raccommoder un ou deux petits accrocs que j’ai découverts dans les enchâssements récents du Désordre , rien de bien grand, je tente de m’astreindre à une petite heure de travail, au moins une petite heure, pour pouvoir me dire plus tard, je ne sais pas pourquoi j’ai besoin d’une telle réassurance, que pas un jour où je n’aurais passé ne serait-ce qu’une petite heure à travailler au Désordre , mais des fois c’est au-dessus de mes forces vraiment et alors je monte de bonne heure, soit j’écoute un disque et ces derniers temps j’en ai de nombreux à découvrir glanés à la sortie des nombreux concerts de février, Février 17 restera longtemps dans ma mémoire, un mois musical, ou encore un livre, en ce moment donc le recueil de Charles Reznikoff, resté posé en cavalier à côté de mon lit depuis hier soir, ou encore, cela arrive aussi je reste dans le garage et je me passe un film, plus ou moins crayon en main, appareil-photo pas loin, des fois que je tombe sur une scène d’un film en version originale sous-titrée et dans lequel un personnage demande à un autre, à quoi tu penses ? — et cela fait quelques temps que je me dis que je ne devrais sans doute pas m’encombrer de ne relever que de tels passages et au contraire en amasser de nombreux autres et d’inscrire moi-même cette drôle de phrase, celle déclencheuse de mes pensées quand je passais devant la centrale nucléaire de Neuvy-sur-Loire en train, ou encore qui figure au début de Rien d’Emmanuel Venet, ce soir je me laisse tenter par My Sweet Pepper land de Hiner Saleem manqué au cinéma quand il est sorti et je suis bien content de mon choix ce soir. Quel dommage de l’avoir manqué au cinéma. Et combien je goûte, seul, dans mon garage, de regarder cette admirable satyre de la bêtise des hommes machistes et qui se font sans cesse raffutés soit par la remarquable ténacité de cet ancien résistant kurde, soit littéralement décimés par une faction de résistantes kurdes venues venger l’assassinat de l’une d’elles ce qui a pour conséquence heureuse de libérer une autre femme qui peut enfin à la fois enseigner dans l’école et aimer cet homme qui jamais ne l’a harcelée. Et comme il est remarquable dans ce film que la solution à une intrigue, qui portait peu d’espoir dans ses mécanismes, vienne effectivement d’un soulèvement collectif et d’un soulèvement de femmes contre la lâcheté de ces hommes, groupe de femmes dont l’intrigue ne faisait rien pour attirer l’attention sur elles, nous fourvoyant dans cette inattention qui nous met finalement à la place des très sales types pour lesquels ces femmes comptaient pour du beurre. Et rien n’est aussi efficace, si on y est attentif, qu’un effet de personnalisation, d’identification.

    Quelles sont toutes les circonstances dans lesquelles on a pareillement et gentiment rangé les femmes dans le camp des victimes sans défense ? Examen de conscience extrêmement urgent, il me semble. En soi ce film qui s’emploie à reprendre à son compte les codes mêmes du western, aussi bien dans la narration que dans ses objectifs de moralité, et ne fait pas que les déplacer en les implantant dans les contrées kurdes, c’est un western qui nous livre une morale admirablement féministe, la translation du genre western est donc complète.

    Quant aux sourires de Golshifteh Farahani et cette façon dont tous les traits de son si beau visage sont irradiés par ce sourire qui en devient extatique.

    #qui_ca

  • J – 60 : Le désordre dans le garage s’augmente parfois paradoxalement du désordre dans mon ordinateur. Je tente d’y remettre un peu de raison. Et je tombe par exemple sur le scan de ce dessin que j’avais fait pour le camarade @archiloque pour une page un peu curieuse du Désordre , l’Algorithme de la faim (http://www.desordre.net/bloc/ursula/2014/bouquets/011.htm), un récit de science-fiction, pourtant pas mon genre, encore que je songe, de plus en plus, à écrire la Passagère , d’après Passengers — vous devinez sans mal que l’idée serait de reprendre ce film qui n’est fait ni à faire et prendre comme point de départ que ce soit une femme et non un homme qui soit accidentellement réveillée — et en même temps, dans une répertoire voisin je tombe sur des schémas que j’avais brouillonnés pour une demande de Barbara Crane (http://barbaracrane.desordre.net) qui souhaitait que je fasse une sorte de mini site à l’intérieur de son site et qui mette en avant un certaine nombre de ses si nombreux travaux. Les deux pensées se télescopent et je souris à l’idée de faire plus ou moins la même chose avec le Désordre , non pas nécessairement une compilation de ses réalisations les plus saillantes, non, plutôt le contraire, une ballade au travers de quelques pages oubliées, même par moi, et pour cela il me suffit de reprendre les pages d’archives de la nouveauté (sic). Et au passage, dans cet inventaire, si je vois des éléments qui pourraient être améliorés, je ne me gêne pas.

    Misfortune de mon ami Greg Ligman.
    Solo et 100 raisons de l’Ami des blés.
    Les Vœux de Georges Perec. Passez vite votre chemin si vous êtes allergique aux calembours.
    Mail Pornography (et je donnerai cher pour savoir où j’ai bien pu ranger les originaux — quelque part dans le garage n’en doutons pas).
    20030422.txt (sur le mode de l’Adam Project de Timothy Rolin
    Les jeux de Memory (première collaboration avec Julien — @archiloque)
    Les deux chroniques de deux concerts de l’ensemble du Ryôan-Ji
    Libre comme le plomb de Jacky Chriqui
    Finalement une nouvelle écrite sous vos yeux. Ce qui quelques années plus tard devient simplement une nouvelle, pas sûr d’ailleurs que quiconque l’ai vue écrite sous ses yeux. C’est l’intention qui compte.
    Le Wiki du Désordre et je devrais sans doute essayer de reprendre ce truc, c’était assez marrant à faire, en plus c’était un truc que je pouvais faire depuis n’importe où, par exemple depuis le travail.
    Ma modeste contribution de graphiste au projet des professeurs Harmuth et Sanders de l’Université de Carlisle dans l’Etat de New York
    La page de liens du Désordre. Sur une idée de Julien.
    L’Autoportrait en carrés (et le temps que j’ai pu y passer)
    Le plan du Désordre qui a longtemps servi de page d’accueil, je devrais peut-être l’inclure dans les possibilités de tirage au sort de la page actuelle.
    Je me souviens de Robert Heinecken , un hommage à mon maître. Un de mes maîtres. Comme j’étais triste d’apprendre sa mort.
    Trois girafes et deux limaces de Thomas Deschamps l’une des plus belles pages du Désordre n’est pas de moi.
    Quoi maintenant ?
    Surexposé.
    Le petit journal
    Formes d’une guerre , la partition visuelle.
    Pechakucha à la bibliothèque de Bagnolet
    Les Apnées
    La dernière debout , sur une idée jetée en l’air et reprise de volée par Julien
    L’Image enregitrée
    Les Fruits mûrs
    Considère la fin avec une musique de L.L. de Mars et C. de Trogoff
    Demain sera aujourd’hui même si tout s’arrête .
    Contre
    L’immuable en question
    Bataille avec Pierre Massaud
    Fracture d’âme avec Dominique Pifarély
    Le Quotidien (neuf années de photographies quotidiennes, cela fait 9X365 images que j’ai combinées de 365x364x363x362x361x360x359x358x357 manières différentes).
    Grille de lecture avec Daniel Van De Velde
    Carroussel
    Les Sillons , peut-être ce que je préfère dans tout le Désordre
    Les Images de l’accumulateur (avec L.L. de Mars)

    Tenez, je crois que je vais appeler cela le Tour du Désordre en 36 jours .

    http://www.desordre.net/labyrinthe/tour/index.htm

    #qui_ca

    • Cher Philippe de Jonckheere,

      Je me permets de vous contacter car dans le cadre de ma thèse (en littérature contemporaine - elle porte sur l’anarchie dans la création contemporaine ; vous pouvez voir différentes réflexions que j’ai menées sur ce site : https://uclouvain.academia.edu/CorentinLahouste) je travaille sur votre oeuvre (Désordre). Cela fait quelques mois que j’ai entamé une réflexion sur votre pratique artistique et, comme j’ai eu l’occasion de le faire avec les deux autres auteurs sur l’oeuvre desquels je travaille (Marcel Moreau et Yannick Haenel), je voulais savoir s’il était envisageable que l’on se rencontre afin que je puisse vous poser l’une ou l’autre question relative à Désordre et à votre travail artistique/littéraire.
      Rien ne presse quant à cette éventuelle rencontre (je suis de toute façon à Montréal jusque début juin), mais ça pourrait être vraiment super intéressant pour l’avancée de mes recherches que de pouvoir vous rencontrer et discuter avec vous.
      D’avance merci pour votre réponse,
      À bien vite j’espère !

      Corentin

  • J – 66 : Dans la vie il y a des journées d’ennui perdu au milieu d’un open space et dont l’enjeu finalement est de tout faire pour qu’en en sortant il me reste quelques forces vives pour travailler à ce qui me tient véritablement à cœur ET il y a aussi le spectacle d’un champ d’éoliennes en Bourgogne, éclairé par un le couchant sur fond de ciel d’orage tout juste passé.

    En route pour Autun.

    ( Et , une série entamée il y a quatre ans qu’il faudrait que je revisite. http://www.desordre.net/bloc/ursula/2015/images/vacances/index_ursula.htm)

    #qui_ca

  • J – 71 : Je pense que je ne peux pas cacher un certain goût pour les œuvres programmatiques, j’aime leur tour de force. J’aime qu’Emmanuel Addely décide une mauvaise fois pour toutes de tenir le compte serré de ses dépenses et de les mettre en relation avec des coupures de presse et qu’il s’y tienne pendant dix ans exactement — dans Je paye . J’aime que mon ami Laurent Grisel s’obstine à mettre en forme ses notes et ses recherches à propos de la crise économique que l’on dit de 2008 et que justement lui et d’autres voyaient venir, bien avant 2006, et ce faisant il met à jour l’irrémédiable de tels rouages et comment il laisse entendre que ce sont ces rouages-là, incroyablement toxiques et délétères, qui sont encore à l’ouvrage aujourd’hui et qui, nul doute, produiront des effets toujours plus dévastateurs et meurtriers avec notre concours qui regardons ailleurs. J’aime les démonstrations terrifiantes de Michael Hanecke, notamment celle de Funny Games ou encore du Ruban Blanc ou de 71 fragments d’une chronologie sociale du hasard , et pareillement j’aime le cinéma implacable d’Ulrich Seidl.

    Aussi on imagine sans mal à quel point Chemin de croix de Dietrich Brüggemann me laisse pantois, sans force, anéanti et admiratif à la fois. Tant je trouve à ce film une beauté à la fois formelle, un film dont on comprend dès le second plan qu’il ne sera que quatorze plans fixes (à l’exception de deux plans affectés d’un très léger travelling et du dernier plan qui lui connait un mouvement de grue assez remarquable, celui, finalement d’une libération), longs plans-séquences qui sont sous-titrées selon les noms des quatorze stations de la passion du Christ — le Christ tombe une deuxième fois sous le poids de la croix, Véronique essuie le visage du Christ avec un linge etc… — et qu’il n’y aura pas d’autres plans et que la succession ne pourra nous amener qu’au martyr de Maria, une jeune fille allemande d’aujourd’hui sous l’emprise terrifiante de son prêtre à la catéchèse intégriste au dernier degré — en résistant au plaisir d’une pâtisserie, on commet un acte de grâce et le jazz, la soul et le gospel sont des formes sataniques de musique (encore un qui est passé entièrement à côté des Stooges).

    C’est une démonstration, en plus d’être un tour de force, à la fois de scénario et de réalisation, en soi cela pourrait être pénible, il n’en est rien pour une raison lumineuse, chaque cadre tellement fixe, tellement rigide, tellement composé est littéralement la métaphore de l’enfermement avec des possibilités extrêmement réduites pour ce qui est d’en sortir. Ainsi le premier plan, celui de la catéchèse, présente en haut à droite une sorte de veduta contemporaine composée par douze briques de verre, les sept protagonistes de cette scène sont enfermés dans une pièce dont on ne sort qu’à la fin, en haut à gauche de l’écran et seul le personnage de Maria n’en sort pas. Le deuxième plan est une féérie de mouvements en plan fixe, les personnages entrent et sortent du plan, seul le personnage de Maria une fois de plus en semble pas vouloir, pas pouvoir sortir de cette forme ouverte de l’enfermement, comme le sont les univers seulement ouverts en apparences.

    Lors de la cérémonie de confirmation, la caméra décrit un très léger travelling vers la droite, au moment même où les fidèles se lèvent pour approcher l’autel, ce qui donne une très curieuse impression de fausse élévation, en soi un petit prodige de perception, premier mouvement de caméra du film qui décrit justement cette entrée supposée dans l’âge adulte, il est remarquable que le personnage de Maria parvient à sortir, seule fois du film, de ce cadre, par le bas en s’évanouissant. Le deuxième mouvement de caméra se produit dans la salle de réanimation à l’hôpital et décrit la mort de Maria, la caméra abandonne Maria et va chercher Johannes son petit frère autiste et non verbal qui justement se met à parler, ce qui est immédiatement interprétable par les croyants comme un miracle, pour les athées, sans doute plus adeptes de psychanalyse, comme l’expression d’une émotion intense à la mort de sa grande sœur. Le dernier mouvement de caméra décrit ce qui pourrait passer pour l’élévation de l’âme de Maria ou tout simplement la délivrance par la mort d’un univers forclos.

    Le miracle tient ici de ce que la caméra est capable d’exprimer métaphoriquement de ces trois petits mouvements après avoir emprisonné le personnage de Maria, deux travellings et un mouvement de grue. Quatorze plans-séquences. En presque deux heures de films.

    S’agissant du cadrage Jean-Luc Godard avait un jour dit qu’on parlait beaucoup de la violence des crues et jamais de celle des berges qui maintiennent les fleuves dans leur lit.

    #qui_ca

  • J – 77 : Et si c’était cela le moment que j’attendais depuis plus de cinquante deux ans, oui, bien sûr c’est exagéré, mais tout de même. Le moment où mon éditeur et j’aime bien dire mon éditeur, je le dis une dernière fois, me tend un petit paquet de vingt exemplaires de mon livre, un petit paquet de vingt parmi une petite palette de petits paquets de vingt — vinte comme je dis avec cette très légère trace d’accent du Nord. Et ce n’est pas facile devant les regards de tous dans le bureau de ne pas donner libre cours à l’incroyable émotion que me procure une telle vision, la vision de ce livre, de celui-là justement, sa belle couverture de Remi Pépin d’après une de mes photograpies, son choix judicieux de couleur et de densité qui tient admirablement compte de la petite couche de vernis sur la couverture qui densifie l’ensemble, et dedans je sais le travail de tous, Sarah, Hélène, Mathieu et Mathilde et désormais le travail de Tiffanie et Jérôme.

    Tiffanie m’installe à un petit bureau, on s’organise — on s’entend tout de suite très bien —, je dédicace, je mets sous pli, colle les étiquettes des adresses et elle referme les plis avec le prière d’insérer. Avant cela elle me coche les noms des personnes pour lesquelles il faut absolument personnaliser l’envoi, eux suivent le travail des éditions Inculte. Il y a le petit tas des libraires aussi parmi lesquels je reconnais quelques noms familiers et là je m’empresse d’y aller en matière de personnalisation dédicace à la page 189 pour Alain de la Page 189 .

    En fait je n’arrive pas du tout à y croire. C’en est même presque vertigineux. Je fais un peu le pitre pour faire sourire Tiffanie mais je suis salement ému.

    Et après cela, chouette déjeuner, nous sommes rejoints par ma marraine, Hélène Gaudy, à qui je dois tant.

    Cela valait la peine d’attendre. Même longtemps.

    En partant je dépose sur le coin de bureau de Mathieu le premier imprimé de Raffut . Et je tremble comme une communiante à l’idée que sans doute cela ne va pas lui plaire.

    Le sentiment d’imposture ce n’est décidément pas une blague, ni quelque chose que l’on peut prendre à la légère, nest-ce pas @mona ?

    Le soir je vais voir Yourself and yours de Hong Sang-soo au Mélies . Combien de films Hong Sang-soo peut réaliser et quels ! avec une trame aussi peu changeante et les mêmes plans fixes de personnes qui boivent comme des trous en ne sachant plus très bien ce qu’ils disent ? Et il y a toujours ce moment imprévisible dans le film qui me fait éclater de rire, dans Yourself and yours : « Buvons aux hommes péthétiques ! » Dans Yourself and yours , le sentiment par ailleurs que Hong Sang-soo retrouve ces raccourcis saisissants dans le scénario qui font douter de soi, tels qu’ils sont admirables dans In my country au point que les trois récits inventés paraissent à la fois plausibles et mêmes simultanément possibles, ce qui est matériellement possible, mais rendu possible par notre capacité à porter en nous bien des récits, pas tous avérés, comme de perdre son téléphone de poche en Corée et le retrouver grâce au concours de son amant coréen et d’un maître nageur sauveteur que l’on prendrait bien pour amant et que justement on finit par prendre pour amant dans un des trois récits et c’est dans la tente de ce dernier, dans laquelle on n’a pourtant pas couché que l’on retrouve ce téléphone de poche, tente dans laquelle on finit par coucher et en étant plus du tout porusuivi par l’idée que votre mari pourrait deviner tout ce qui se trame en Corée depuis l’Australie. Dans Yourself and yours , cela n’aide pas les personnages en proie à de comparables sentiments confus de boire comme des trous, mais cela rend possible qu’une bonne part du désordre de ces sentiments soit transmise, intacte presque, en pleine confusion, aux spectateurs.

    Quelle journée mais quelle journée. En remontant la rue du Faubourg Saint-Antone, le sentiment de marcher quelques centimètres au dessus du sol. En sortant du Mélies le sentiment d’être un peu ivre tout de même, et, parfaitement à jeun par ailleurs, se demander si c’est bien raisonnable de conduire dans de telles conditions.

    #qui_ca

  • J – 79 : Toutes les oeuvres ne nous sont pas nécessairement accesssibles, certains peuvent nous rester hermétiques longtemps, voire toujours. Et puis, parfois, quelque miracle de compréhension nous éclate au visage, en général aidés que nous sommes par la parole bienveillante d’un ami et qui, pas toujours volointairement, nous fournit la clef de compréhension de cette oeuvre.

    C’est ce qu’il s’est produit pour moi ce week end en visisant l’exposition de Carl André au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, accompagné que j’étais par mon ami Daniel qui lui faisait tout le chemin, et quel ! justement pour venir visiter cette exposition rétrospective de ce grand sculpteur et poète visuel américain. Carl André bien sûr que j’en avais entendu parler, bien sûr que j’avais vu un grand nombre de ses oeuvres notamment aux Etats-Unis, mais je ne peux pas dire que je nourrissais pour ce travail un intérêt particulier. Je voyais dans ce travail une force formelle indéniable, mais rien de très palpitant pensais-je, d’autant que cette oeuvre était victime, dans mon esprit, d’un certain souci de classement, dont je peine tant à me défaire parfois, Carl André on me l’avait rangé parmi les artistes minimalistes et conceptuels, ce n’était manifestement pas ma tasse de thé — je préfère les grands turbulents que sont, par exemple, les expressionnistes abstraits, surtout Franz Kline et Cy Twombly. Et j’aurais pu comme cela rester assez longtemps à la fois idiot et sourd à cette oeuvre et demeurer sur son bord, si justement je n’étais pas allé visiter la rétrospective de cet immense artiste, d’une part en compagnie de Daniel, mais le lendemain d’une longue conversation avec ce dernier à propos du travail de Carl André.

    Et c’est dans cette conversation, une de celles copieusement arrosée de café, que Daniel sans doute involontairement m’a révélé cette clef essentielle dont j’ignorais tout : toutes les oeuvres de Carl André, quelle que soient leurs dimensions, sont assemblées de modules, cela je le savais, tous ces modules étant transportables et donc assemblabes par un seul homme — et dire que je voyais parfois dans le travail de Carl André une manière de cousinage éloigné d’avec le travail de Richard Serra, après coup, quand on a réalise certaines erreurs de jugement on se sent assez sot, il faut dire ce qui est.

    Or ceci n’est pas, pas pour exactement parler, un détail mais une affirmation essentielle de l’oeuvre, à la fois une contrainte et à la fois un mode opératoire qui conditionne l’entièreté de l’oeuvre. Et là où j’aurais pu déceler des traces d’une certaine suffisance dans cette oeuvre dont je pensais, à tort, tellement à tort, qu’elle fut une manière de provocation, elle est en fait d’une modestie confondante et pourtant elle atteint à bien des égards des sommets brillants et précisément dépouillés de toute prétention, sans parler de la remarquable inversion de valeurs quant à la taille des modules, les plus impressionnants par leur taille, les grands blocs de bois, du red cedar m’assure Daniel, sont en fait les moins denses et c’est avec les moins denses de ces modules que Carl André construit les oeuvres les plus grandes et les plus étendues. Et au contraire les plus petites sont parfois obtenues avec de petits lingots et de petites plaques de métaux fort lourds.

    Vers la fin de l’exposition il y a une vidéo dans laquelle on voit Carl André assembler, bloc de granit à bloc de granit, une oeuvre de quadrillage des blocs en question, relevés, debouts, on y voit Carl André, stature moyenne et salopette de maçon, déplacer chacun de ces blocs, d’un coin à l’autre d’une grande galerie, à l’aide d’un petit chariot sur roulettes, en fait deux planches de bois montées sur une manière de planches à roulettes, et dans le coin dans lequel il installe sa formidable sculpture, il se repère pour le placement très exact de chaque bloc avec de grandes mesures de bois, rien de plus modeste, rien de plus minimal dans la véritable acceptation non réductrice et noble du terme d’un tel travail.

    Sortant de cette exposition deux pensées m’assaillent, quelles sont les oeuvres majueres au bord desquelles je reste faute de savoir entrer de plain pied dans de telles oeuvres ? Et pendant que mes contemporains se focalisent sur le grand concours du khalife à la place du khalife, se rendent-ils compte qu’ils passent littéralement à côté des événements majeurs de leur temps, ainsi une rétrospective de Carl André dont je n’avais pas du tout entendu parler et que je visite lors de son dernier jour d’ouverture, en compagnie de l’ami qui seul pouvait me faire toucher du doigt le mystère de cette oeuvre, sans parler de la partie de l’oeuvre relative à la poésie.

    #qui_ca

  • J – 86 : Mon père a quatre-vingts ans, Madeleine dix-huit, ma mère et moi avons organisé un week-end dans le Nord. On se retrouve sous une pluie battante sur la Grand-place d’Arras, et il faut vraiment que nous soyons heureux de nous retrouver pour essuyer pareil grain avec la sourire. Puis nous faisons route vers Lille où nous déjeunons dans une brasserie rue de Béthune, mon père entouré de ses deux petites filles, ma mère et son petit-fils et de son fils. Et ça rigole pas mal. Lorsque nous ressortons la pluie a légèrement faibli aussi je propose que contrairement à ce que nous avions prévu, nous profitions de cette accalmie pour aller voir la Grand-Place à Lille et que nous allions nous promener un peu dans le Vieux-Lille. Mon père nous parle du Furet qui était une toute petite enseigne du temps de son enfance et qui est devenue cette immense librairie sur plusieurs étages, et je souris un peu en lui rappelant que pour moi le Furet du Nord est surtout l’occasion de souvenirs cuisants où il m’avait copieusement engueulé pour n’avoir pas anticipé l’achat d’un livre dont j’avais la fiche de lecture à faire pour le lundi matin et le livre introuvable au Furet — et par bonheur Mon Oncle Michel l’avait dans sa pléthorique bibliothèque et profitant de l’inattention de mes parents lors du week-end m’avait grandement aidé à produire cette fiche de lecture, Mon Oncle Michel était ce très puissant magicien qui ignorait tout de ses immenses pouvoirs, et nous en rirons bien en fin d’après-midi en allant visiter ma cousine Elisabeth, fille de Mon Oncle Michel. Nous rebroussons finalement chemin pour aller nous abriter au Palais des Beaux-Arts où nous faisons visiter aux enfants les plans reliefs, parmi lesquels celui d’Ypres, ville flamande, Ieper, que les filles visiteront le lendemain avec mes parents, pays de nos origines. Nous faisons la visite du département du moyen âge et quel ! Direction Lambersart pour y voir ma cousine puis le soir nous filons à Bailleul dîner d’une carbonnade et quelle ! chez ma tante, en compagnie de mon cousin Raymond. Sur le côté de l’autoroute je serai assez triste de constater que la maison aux avions d’Arthrur Vanabelle été démembrée, sans doute par ses nouveaux propriétaires et les quelques déchets sur les bas-côtés laissent comprendre que le Musée d’Art Brut de Villeneuve d’Ascq a sans doute échoué dans son entreprise de préservation de cette œuvre, si ce n’est in situ, du moins en son sein. En y repensant je crois que je préfère tout ignorer de l’échec administratif qui doit se tenir derrière tout cela, comment le musée de Villeneuve d’Ascq tient dans ses murs une maquette de l’œuvre originale et n’a apparemment rien fait pour récupérer l’originale qui n’aurait pas dépareillé dans ses jardins, à l’extérieur de ce même musée, quelque chose me dit qu’il y a là une manière d’impensé de la véritable valeur que l’on accorde finalement à l’art brut. Et comme je regrette d’avoir perdu toutes les photographies pourtant médiocres que j’avais prises de cet endroit. En aidant ma tante et en allant chercher des bouteilles d’eau minérale pour le repas, je descends à la cave de sa grande maison, une cave voutée, en briques, comme celle du Déluge de Pâques .

    Enfin, l’accalmie, et, une bonne heure plus tard, la sirène qui signale la fin de l’alerte. Dans la nuit, la fatigue et la poussière, les grands se lèvent, attendent que le Père à son tour se lève, tous surpris d’être encore là, vivants. L’escalier de la cave n’est pas obstrué. Une fois encore les perches et les piquets pour en sortir resteront inutiles. Il fait encore nuit. Tous remontent et se recouchent dans leur lit, le cœur à la fois palpitant mais aussi écrasés de fatigue. Le petit dort encore. Il commence à être un peu lourd pour être porté. Les parents ont dit aux grands de le laisser là, il finira sa nuit, de toute façon il a sa couverture.

    Mais le petit se réveillera eune paire d’heures plus tard dans l’obscurité angoissante de la cave. Il aura peur, très peur, peur de devoir trouver seul, personne ne répond, son chemin vers la sortie de la cave. Se demandant, sans doute, s’il n’est pas en train de frayer son chemin vers la sortie au milieu des cadavres de ses frères et sœurs, au royaume des morts. Il a beau être un petit moujingue, de sept ans, maintenant, il a compris tôt l’éventualité des grands malheurs. Mais non, personne. Un filet de jour maigre passe sous la porte d’entrée de la cave, entrouverte. Les parents ont demandé aux grands de laisser la porte de la cave ouverte pour que le petit ne soit pas effrayé quand il se réveillera, et tant pis si ce n’est pas la chaleur qui remonte de la cave.

    Le cœur haletant Nicolas rejoindra cette porte et sa peur cessera d’un coup. Son grand frère l’attendra et lui prendra la main pour l’emmener dans le jardin, couvert de curieuses lanières argentées. Il improvisera une petite chasse aux trésors de guerre, avec ces quelques bouts d’avion, ces éclats d’obus ou même de bombes, ces douilles, formes de métal contrarié qui tiennent en elles toute la violence des hommes. Mais une fois encore l’imagination débordante de Gabriel en fait des trésors inestimables qui rejoindront l’étagère du musée de la guerre. Finalement le petit Nicolas aura eu sa chasse aux trésors de Pâques dans le jardin.

    L’enfant plus tard, des années plus tard, devenu grand-père lui-même, dira qu’il revoit parfaitement les bandes de papier argenté, comme du papier aluminium. Elles étaient longues comme ça, ces deux doigts décrivant un écart d’une vingtaine de centimètres sur la toile cirée. Mais il n’a aucun souvenir des rues dévastées environnantes. L’étonnement de ces bandes argentées avait recouvert les autres souvenirs. Ou y avait-il eu le grand, Gabriel, qui une fois de plus avait réussi à détourner le regard de son petit frère, lui faire oublier et lui masquer la vue les décombres, l’odeur âcre des incendies et la poussière grise de toute une ville bombardée, retombée sur les jardins et les toits des maisons en une neige triste.

    Ce grand frère-là était un immense magicien, mais ignorait tout de ses extraordinaires pouvoirs, assez puissants pour composer au-dessus de son petit frère un bouclier contre la guerre. Un puissant magicien, très modeste. Et qui a donné pendant toute la guerre son chocolat à son petit frère.

    #qui_ca