le blog de flu. Art, culture, société, poil à bloguer...

/fluctuat

  • Fake Images Are Getting Harder and Harder to Detect - Facts So Romantic
    http://nautil.us/blog/fake-images-are-getting-harder-and-harder-to-detect

    Images and videos usually serve as the most concrete, the most unarguable, and the most honest evidence of experiences and events we cannot witness ourselves. This is often the case in court, in the news, in scientific research, and in our daily lives. We trust images much more deeply and instinctively than we do words. Words, we know, can lie. But that trust makes it all the more shocking—and serious—when images lie to us, too. Photoshop isn’t entirely to blame. Doctoring photographs long predates software—Mussolini famously had his horse handler removed from a photograph taken in 1942 so it would appear he was able to control the horse himself—but software certainly makes altering images easier, cheaper, faster, more convincing, and much more widespread than ever before. (Thankfully, (...)

    • En 1986, déjà, Alain Jaubert sortait le Commisariat aux archives, dans lequel il réapariait les images originales et leurs retouches, parfois successives.

      Et puisqu’il est question d’images fausses (et que je mentionnais Alain Jaubert qui, avant de réaliser les films de « Palettes », avait réuni dans une très belle somme, le Commissariat aux archives — titre emprunté à George Orwell dans 1984 — toutes sortes de photographies, par couples, parfois même des triplets quand les aléas de l’histoire s’étaient faits particulièrement tumultueux, photographies dont les retouches avaient gommé des traces encombrantes du passé de nombre de dictateurs et de tortionnaires, Staline ayant été un des adeptes les plus assidus de cette réécriture photographique de l’histoire), je relis justement quelques documents que je possède sur le sujet (qui avait été une préoccupation à un moment) dont le livre d’Alain et je tombe sur cette photographie de Staline souriant (la bonhommie de ce sourire moustachu n’est, à mon sens, pas la moindre des tromperies dont Staline s’est rendu coupable) déambulant sur les bords de la Volga à Moscou. Staline est en compagnie, ce sont les légendes aidantes du livre d’Alain qui me le disent, je n’invente rien, d’un homme plus jeune, Nikolai Yezhov, commissaire aux transports fluviaux. L’infortuné Nikolai Yezhov entra en disgrâce auprès de Staline, ce qui évidemment n’était pas une chose recommandable et le signe patent d’une existence qui allait bientôt connaître son terme, et Nikolai Yezhov rejoignit le nombre hallucinant de tous les disparus des fameuses purges staliniennes. Et comme Staline était pour le moins vétilleux, non content de s’être arrangé de cette disparition du jeune Nikolai Yezhov, tel un écho à la disparition « dans la chair », il eut à coeur de faire également disparaître le pauvre Nikolai Yezhov du cliché qui jusqu’à présent l’avait accompagné dans cette promenade dont les sourires laissaient pourtant entendre qu’elle fut cordiale en son temps. Ce qui est assez troublant dans ces deux clichés mis côte à côte, c’est ce mouvement visuel inattendu ( et je vous engage vivement à manipuler l’ascenceur de votre navigateur pour faire apparaître la deuxième image rapidement après la première) qui donne cette illusion que la Volga a soudain connu une crue inopinée et qu’elle a emporté avec elle Nikolai Yezhov et que Staline ( dans la deuxième image ) est en fait photographié tandis qu’il ne s’est pas encore aperçu de cette disparition soudaine du jeune comissaire, et il y aurait matière à ironiser bien entendu sur le fait que Nikolai Yezhov était précisément commissaire préposé aux transports fluviaux, transports qui l’auraient précisément emporté dans cette crue capricieuse et soudaine de la Volga. Mais l’ironie n’est pas de mise ici tant l’abrupteté de cette disparition tient en elle toute la violence érigée en système qui a prévalu aux purges staliniennes. Un instant, l’on se faisait photographier aux côtés souriants et affables de Staline, la seconde suivante, seul Staline avait gardé sourire sous moustache, bonhomme, et qui aurait eu le courage de si’inquiéter alors auprès de Staline, Camarade Staline et ce jeune homme qui marchait à vos côtés, il y a un instant à peine ? Cette violence toute happée dans les eaux de la Volga me donne le vertige, pour le silence qu’elle impose implacablement, silence toujours plus touffu et augmenté par le nombre titanesque de toutes ces personnes qui ont expiré, souvent dans de macabres et très éprouvantes circonstances, les flots impétueux de la Volga couvrant, de leur vacarme, les cris de ces agonies.

    • Tu es sûr que les photos de Iejov viennent du Commissariat aux Archives ? Je ne les y trouve pas. Elles doivent plutôt provenir du livre de David King Le Commissaire disparaît (2005 en français, 1997 en anglais), où on les retrouve avec une légende similaire à celle que tu reproduis et commentes (et avec la transcription anglo-saxonne de son nom).

      Au passage, N. Iejov a certes été Commissaire du peuple au transport fluvial (du 8 avril 1938 au 9 avril 1939) mais il est surtout connu pour avoir été chef du NKVD et Commissaire du peuple à l’Intérieur. La période la plus noire des grandes purges est d’ailleurs surnommée la iejovtchina. Ce n’est pas forcément sur cet individu qu’il me viendrait à l’idée de m’apitoyer…

    • @simplicissimus Non, je ne suis pas sûr que ces deux images proviennent du livre d’Alain Jaubert que je n’ai pas sous les yeux (j’ai pris ces deux images parce que je savais vaguement où les retrouver dans mon petit bazar en ligne). Et tu vas rire, je ne connaissais pas le Commissaire disparaît sur lequel je sens que je vais me précipiter.

      Et je n’ai jamais douté que ceux qui avaient déplu à Staline, et en avaient fait les frais, aient pu déplaire, par exemple, par manque de zèle ou que sais-je encore ? En revanche je ne savais pas à propos de la iejovtchina

      A ma connaissance, le livre d’Alain Jaubert qui date de 86 est plus ou moins le premier de ce genre, et depuis je ne compte plus les expositions, notamment à Arles chaque été, où l’on retrouve une exposition sur ce thème de la recherche des originaux de photos truquées.

      Pour moi toute image est un mensonge par excellence. J’étais d’ailleurs parti pour faire un mémoire sur le sujet pour mon diplôme des Arts Déco avant de bifurquer vers Robert Frank, je me souviens qu’une de mes recommandations d’alors face au mensonge grandissant et l’arrivée toute récente des logiciels de retouche d’images numériques était de manipuler toutes les images, de les corrompre toutes pour rendre impossible qu’on y place la moindre foi, dans aucune.

      Par la suite j’ai regretté plus d’une fois de ne pas avoir choisi le sujet sur la manipulation des images pour mon mémoire, notamment en juin 1994 quand Newsweek et Time ont sorti leur deux unes différentes avec la même photo d’OJ Simpson, on avait montré du doigt Time et Newsweek était passé pour un paragon de vertu alors que son image était, en fait, plus adroitement traffiquée, et donc tout aussi mensongère (mais de façon moins outrancière).

    • Oui, le livre d’Alain Jaubert est le premier en français. Je pense qu’il a même été l’un des tout premiers à réunir des exemples provenant des différents « ministères de la Vérité » dans le monde.

      Sur les purges, il est très certainement redevable de l’énorme boulot de David King dont les photographies compilées dans les archives ont illustré un texte d’Isaac Deutscher de 1965 The Great Purges, publié par sa femme Tamara Deutscher en 1984. (il est cité dans la biblio du Commissariat aux Archives).

      Dans cette même biblio, juste après, je trouve un numéro (le 77 du 1er trimestre 1986) de Svědectví (Témoignages) dont tous les numéros sont accessibles en ligne… C’est long à charger, mais c’est p. 108 et suivantes.

      http://scriptum.cz/cs/periodika/svedectvi