• Le secret professionnel du cochon
    https://www.franceculture.fr/emissions/secret-professionnel/le-secret-professionnel-du-cochon


    Tous les hommes sont des frères, mais les frères s’entretuent. Pour éviter de le faire trop positivement, ils utilisent des injures et des appellations péjoratives. Il semble que, pour que la rage soit efficace, elle doive se déverser dans des figures symboliques. Et plus le symbole est imagé, plus il semble humiliant. « salope » n’est pas immédiatement imagé, alors que « truie » l’est.

    Le plus instrumentalisé des animaux, c’est sans doute le porc. Dans le monde entier et depuis environ 9000 ans qu’il a été domestiqué, pour autant qu’on puisse en juger, son nom de « porc » sert de terme injurieux pour signifier non pas un, mais au moins quatre vices, la malpropreté, la malveillance, la vanité et la luxure.

    Quel est le secret professionnel du porc comme symbole, je reçois pour en parler Claudine Vassas, ethnologue au Centre d’Anthropologie de Toulouse, auteur de "La Bête singulière, les Juifs, les chrétiens et le cochon".
    Bibliographie

    Claudine Vassas, La Bête singulière, les Juifs, les chrétiens et le cochon, Gallimard

    Roberto Finzi, L’onesto porco , Feltrinelli

    Intervenants

    Claudine Vassas : ethnologue au Centre d’Anthropologie de Toulouse

    #radio #porc #truie #cochon #non-humains #histoire

  • Les hommes du président Trump.

    L’homme qui sera à « un battement de cœur de la présidence » représente le lien qui n’a pas été rompu avec le Parti républicain. Mike Pence, 57 ans, incarne l’élu conservateur traditionnel, marié à la même femme depuis 32 ans (quand Trump en a eu trois), élu au Congrès pendant 12 ans, gouverneur de l’Indiana depuis 2009, chrétien fervent et l’un des piliers du Parti républicain. Mike Pence est opposé à l’avortement, au contrôle des armes, au mariage gay, il a voté contre la réforme de la santé d’Obama et se classe également parmi les climatosceptiques : « la lutte contre le changement climatique menée par Obama et Clinton détruit des emplois aux Etats-Unis ». Les conseillers de Trump ont poussé pour qu’il soit choisi comme colistier afin de servir de pont avec les élus républicains dont beaucoup avaient déclaré que Trump n’était pas qualifié pour être président. Un lien qui pourrait lui permettre de conserver une influence au sein de la future administration même si le nouveau président aime à répéter qu’il prend ses décisions seul. Durant la campagne, Mike Pence avait su aussi parler aux électeurs du Midwest, dont l’Indiana fait partie, et qui ont massivement voté Trump.

    Ex-étoile montante du Parti républicain, âgé de 54 ans, le populaire et médiatique gouverneur du New Jersey a échoué dans sa candidature à la primaire républicaine avant de rallier Donald Trump en février. Décrit comme modéré, il n’en reste pas moins fidèle aux principes de son parti : opposé au contrôle des armes, à l’avortement et au mariage gay. Son avenir est assombri par l’affaire du « Bridgegate » dans laquelle Chris Christie est accusé d’avoir fermé deux voies sur le pont George Washington pour se venger d’un maire qui ne l’avait pas soutenu pour sa réélection au poste de gouverneur : les embouteillages avaient bloqué la ville. Plusieurs des assistants de Chris Christie sont sous le coup d’une enquête qui pourrait s’étendre jusqu’à lui. Un temps pressenti comme colistier pour la vice-présidence, il a reconnu que ce scandale lui avait peut-être coûté la place. « Il aurait voulu être à la place de Donald Trump. S’il ne s’’était pas lancé dans la course à la présidentielle, Chris Christie aurait été le candidat brut au parler franc de cette élection », explique Dan Cassino, « mais Trump a été meilleur que lui à ce jeu-là. Si les investigations ne le rattrapent pas, il pourrait être le prochain attorney general (ministre de la Justice) », ajoute Dan Cassino.

    « Rudy » Giuliani, 72 ans, est connu pour avoir été le maire de New York au moment des attentats du 11 septembre mais il incarne aussi la politique de « tolérance zéro » mené contre la délinquance et la criminalité dans les années 90. « Durant la campagne, il a été le plus virulent des opposants à Hillary Clinton », analyse Dan Cassino, « et l’un des soutiens indéfectibles de Trump : il l’a défendu contre les accusations de racisme, d’agressions sexuelles ou de fraude fiscale ». Accusé d’avoir joué de ses relations au FBI pour relancer l’enquête sur les emails d’Hillary Clinton à quelques jours du vote, il a finalement nié avoir été en contact avec des agents fédéraux dans cette affaire. Rudolph Giuliani pourrait devenir le prochain ministre de la Justice (attorney general),"mais il est pressenti aussi pour être à la tête du département de la sécurité intérieure", affirme Dan Cassino (department of homeland security, équivalent lointain du ministère de l’Intérieur français).

    L’ancien speaker de la Chambre des représentants avait incarné l’opposition féroce des Républicains aux Démocrates du temps de la présidence de Bill Clinton. Il avait poussé l’obstruction au vote du budget jusqu’à obliger le pouvoir fédéral à fermer ("shutdown") pendant 27 jours entre 1995 et 1996 ; certains fonctionnaires avaient dû faire une croix sur leur salaire durant cette période. Newt Gingrich, 73 ans, est évoqué comme potentiel secrétaire d’Etat. Élu à la Chambre de 1979 à 1999, il connaît le tout -Washington, mais a aussi une personnalité volcanique, comme Donald Trump. Au moment du « shutdown », le New York Daily News s’était moqué de lui dans une première page restée célèbre : « Cry Baby » où Newt Gingrich est dessiné en bébé capricieux. Le journal l’accusait d’avoir bloqué le gouvernement car il avait été vexé que Bill Clinton l’ait fait asseoir à l’arrière d’Air Force One et non à l’avant pour se rendre aux obsèques de Yitzhak Rabin.

    Kellyanne Conway est la première femme à avoir occupé le poste de directrice de campagne d’un candidat républicain. A 49 ans, c’est une enquêtrice d’opinion aguerrie du « Grand Old Party ». Elle a rejoint l’équipe Trump pendant l’été après avoir soutenu pendant les primaires le sénateur texan Ted Cruz. Elle a souvent fait le service après-vente de Donald Trump dans les médias, notamment pour tenter d’éteindre les polémiques initiées par le candidat. Mais son nom n’est pas cité pour occuper un poste au sein du futur gouvernement.

    Directeur général de l’équipe de campagne, Stephen Bannon, 62 ans, tire les ficelles en coulisses. Il n’a rejoint l’équipe qu’en août à la faveur d’un remaniement de l’équipe Trump, se mettant en congés du site d’information conservateur Breitbart News. Andrew Breitbart, le fondateur de ce site, avait encensé M. Bannon, le qualifiant de « Leni Riefenstahl du Tea Party » pour ses documentaires très engagés. Relativement nouveau dans le milieu politique, son expérience chez Breitbart en fait un important porte-voix de l’"alt-right", un mouvement qui rassemble des nationalistes blancs anti-immigrés et des personnes farouchement opposées à l’establishment politique. L’an dernier, une enquête de l’agence Bloomberg l’avait qualifié de personnalité politique « la plus dangereuse » d’Amérique. Comme Kellyanne Conway, il n’est pas cité pour faire partie de la future administration.

    Les moins connus...
    Le sénateur du Tennessee Bob Corker, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, est également sur la liste pour le poste de secrétaire d’Etat. Le sénateur de l’Alabama Jeff Sessions, membre de la commission des forces armées du Sénat, est un soutien inconditionnel de Trump. Il a été présenté comme un possible secrétaire à la Défense, tout comme l’ancien sénateur du Missouri Jim Talent. Le général Mike Flynn, ancien patron du renseignement militaire américain - caution militaire du milliardaire - pourrait être choisi pour être ministre de la Défense. Steven Hadley, ancien conseiller à la Sécurité nationale de George W. Bush, est également évoqué. Donald Trump considérerait aussi le néo-conservateur John Bolton, ancien ambassadeur à l’ONU sous George W. Bush, pour le poste de secrétaire d’Etat.

    ... et quelques contempteurs
    #Donald_Trump compte enfin quantité de détracteurs qui mettent en doute sa capacité à savoir s’entourer. Parmi eux, RTL a retrouvé l’ancien chef cuisinier du milliardaire, un Français aujourd’hui installé en Floride : « Il m’adorait. (...) Mais le jour où il a commencé à me taper dessus, j’ai compris qu’il y avait un problème. (...) Je ne sais pas s’il a un peu de cervelle. Il est cinglé. Trump président ? On va rigoler. » Son ancien nègre, Tony Schwartz, l’homme à qui le magnat de l’immobilier avait confié l’écriture d’une biographie à sa gloire ("The Art of the Deal", 1987) regrette aujourd’hui d’avoir passé sous silence les tares du milliardaire : dans un entretien au New Yorker en juillet, il déclare « Je pense sincèrement que si Trump gagne et obtient les codes nucléaires, il y a de grandes chances que cela entraîne la fin de notre civilisation » ou encore « Les millions de personnes qui ont voté pour lui et croient qu’il représente leurs intérêts apprendront […] qu’il se fiche complètement d’eux. » Interloqué par la capacité de Trump à mentir, « une seconde nature », Tony Schwartz confie en fin d’entretien que s’il devait réécrire sa biographie, il choisirait « the sociopath » en titre...

    Source : Maxime Tellier. http://www.franceculture.fr/geopolitique/les-hommes-du-president-trump

  • https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-des-idees/white-trash#

    L’attention s’est surtout focalisée sur les « petits blancs » et les classes moyennes déclassées, principaux soutiens du candidat républicain. Mais le phénomène est plus global, comme le rappelle l’économiste Gabriel Zucman dans l’hebdomadaire Le un. « Si l’on porte un regard général sur les revenus des plus faibles, soit 120 millions d’américains, on constate que depuis trente-cinq ans leur croissance a été nulle. » Pour les seuls salariés blancs, le revenu moyen est resté au même niveau qu’en 1960, alors que les catégories les plus riches ont bénéficié d’une croissance très forte du leur. Des inégalités qui se répercutent sur la santé, l’éducation ou l’accès au logement. D’où le ressentiment d’une grande partie de l’électorat, et le succès inattendu de Bernie Sanders, dont Hillary Clinton a repris la proposition de « rétablir la gratuité de l’enseignement universitaire public ». Aujourd’hui, « beaucoup de jeunes terminent leurs études avec un endettement pouvant atteindre 50 000 à 200 000 dollars avant d’avoir commencé à travailler ». Ces inégalités ont par ailleurs favorisé une nouvelle montée du racisme envers les noirs, et pas seulement envers les latinos, dont la campagne de #Donald_Trump a fait ses choux gras. Pour l’économiste de Berkeley, « le racisme envers les Noirs est une spécificité américaine profondément inscrite dans l’histoire. Quoiqu’en recul, il est favorisé par les conjonctures économiques très défavorables. »

    Exploiter le ressentiment et le racisme des « petits blancs » est une constante pour certains politiciens démagogues aux États Unis

    Une tactique efficace pour évacuer la question des inégalités… On manipule bien les white trash, résume Laura Miller dans le mensuel Books. Elle rend compte du livre de Nancy Isenberg consacré à l’histoire de cette manipulation : en 1957, suite aux mesures contre la ségrégation à l’école, une lycéenne noire fait sa rentrée à Little Rock, dans l’Arkansas. Digne et sérieuse, elle est suivie par une jeune blanche qui éructe des injures à son encontre. La photo est devenue une icône du Mouvement pour les droits civiques. Dans le visage déformé par la haine, l’historienne reconnaît celui des « petits blancs. Ignorants. Sans remords. Cruels par nature. Ayant pour seul horizon la reproduction à l’identique de leur mode de vie ». Le même visage que celui, bien des années auparavant, des prolétaires et des « rebuts sociaux » envoyés dès le XVIIe siècle par de riches entrepreneurs depuis l’Angleterre pour peupler les colonies de l’Amérique britannique, des colons devenus petits fermiers qui subissaient la concurrence sauvage des planteurs avantagés par le système de l’esclavage.
    Tout un petit peuple qui se laissera massivement manipuler pour en venir à désigner les Noirs et autres gens de couleur comme ses ennemis. Le président Lyndon B. Johnson qui initia dans les années 60 un programme pour aider les Noirs des villes mais aussi les Blancs pauvres des Appalaches affirmait que « si vous parvenez à convaincre le plus misérable des Blancs qu’il est supérieur au meilleur des hommes de couleur, il ne remarquera pas que vous lui faites les poches. Du moment que vous lui donnez quelqu’un à regarder de haut, il videra même ses propres poches pour vous. »

    Exclus parmi les exclus, les Amérindiens se mobilisent aujourd’hui avec les écologistes dans le Dakota du Nord contre la construction d’un pipeline géant

    Le « serpent noir » devrait mesurer 1800 km et transporter l’équivalent de 470 000 barils de pétrole par jour. Problème : sur sa trajectoire se trouvent la rivière Missouri et des terres indiennes sacrées. Leurs occupants craignent le risque d’une pollution en cas de glissement de terrain. Le mouvement rebaptisé par le New York Times « Occupy the Prairie » regroupe dans le camp sioux des Cherokees, des Apaches, des Iroquois et des Navajos non loin du rassemblement mythique de Wounded Knee. Pour rappel, en 1973, des militants de l’American Indian Movement, l’équivalent amérindien du Black Panther, occupaient le lieu où, un siècle plus tôt, 300 Indiens avaient été massacrés par l’armée américaine. Le reportage signé Grégoire Belhoste pour le magazine Society témoigne de la résistance déterminée des Indiens et l’on se demande jusqu’à quel point elle restera paisible. Parmi eux des vétérans de la guerre en Irak, et d’autres, comme Chance qui a grandi dans une réserve en Californie. « Mon peuple est l’un des plus opprimés de l’histoire » enrage-t-il. « J’ai le sentiment que la situation va devenir sauvage. » Comme beaucoup de Noirs américains ces Indiens n’auront pas voté. Leur combat se situe sur l’autre scène, celle des exclus de l’histoire.

    Par Jacques Munier