Pour mémoire, le journalisme d’investigation, d’origine anglo-saxonne, a été lancé en France par Jacques Derogy dans les années 1960 avec l’affaire Ben Barka. Le Canard enchaîné, L’Express et Le Point ont embrayé dans les années 1970. Puis Le Monde dans les années 1980, et Mediapart le relance aujourd’hui. A Paris, ils sont une vingtaine - essentiellement des hommes -, pour la plupart issus des rubriques police et justice. Un (tout) petit monde au cuir épais, qui suscite à la fois envie et défiance dans les rédactions. « On touche de la matière sale, donc on a les mains sales », constate tranquillement Pierre Péan, sorti de sa campagne pour nous rencontrer dans une brasserie parisienne.
A force de fouiller les poubelles de la République, on fréquente des types pas toujours fréquentables. A force de voir les flics, on se voit proposer des exercices de tir ou un stage d’immersion sur les techniques d’espionnage en milieu hostile. A force d’attaquer les pouvoirs, on prend des coups : contrôles fiscaux, menaces, vols d’ordinateur, écoutes sauvages... Gérard Davet, journaliste au Monde, a défrayé l’actualité récemment pour avoir vu ses appels téléphoniques épluchés : « Un Graal ! Tout journaliste d’investigation en rêve ! » ironise-t-il. Fabrice Arfi, de Mediapart, s’est ému publiquement d’avoir été menacé de mort. Ce qui fait ricaner ses confrères : « On a tous connu ça », disent-ils.