• Martin entame une peinture rupestre
    Même pour ma rétrospective mon nom mal orthographié
    Ivre, je monte dans un bus de Moldaves

    Dès que j’ai fini
    De retranscrire mes rêves
    Ils disparaissent, entièrement

    Et pour ne pas aller de bon matin
    Sur Internet, je cherche
    Un renseignement dans mes livres

    Passe une femme dans la rue
    Qui parle fort au téléphone
    Je sais tout de son travail où elle va

    Un nouveau truc que je fais
    J’arrive aux rendez-vous à l’heure
    Et plus en avance : Sarah et moi synchrones

    À L’Industrie
    Un café allongé avec un verre d’eau
    Pour Sarah, un crème pour moi

    Russie
    Cévennes
    Bretagne

    Les échanges avec Sarah
    Quel bonheur !
    Et quelle profondeur !

    Je passe embêter Tiffanie
    Scènes de guerre chez Inculte
    Jerusalem, tremblement de terre

    Je repars avec deux sacs de toile pour les filles
    Un exemplaire de Jerusalem-pas-ma-tasse-de-thé
    Et deux exemplaires de l’Étreinte

    Retour à la maison
    Mail comminatoire
    Clafoutis aux poires

    http://www.desordre.net/musique/zappa.mp3

    Ménage et cuisine
    En écoutant Zappa comme un adolescent (fort)
    Je reçois ce soir ma livraison de miel cévenol

    Je trouve même le temps
    De travailler un peu
    Dans le garage

    http://www.desordre.net/musique/monk.mp3

    Monk
    Plays
    Ellington

    Thelonious Monk
    Oscar Petitford
    Kenny Clarke

    J’entame, retors
    La lecture
    De Jerusalem d’A. Moore

    Ça a dû demander
    Un peu de travail
    De traduire ça

    Le montant des chèques
    Que je paraphe en ce début d’année
    Scolaire me donne le tournis

    Quiche aux légumes
    Et fourme d’Ambert
    Salade et clafoutis

    Vingt-et-un
    Pots
    De miel

    Amusant de discuter avec Catherine
    De quelques problématiques propres
    À la vallée de la Cèze, à Fontenay

    Les vingt premières pages
    De Jerusalem allaient me laisser
    Sur le bord, quand tout d’un coup…

    Et quel genre de rêve fait-on
    Quand on lit le rêve d’Alma
    Avant de se coucher ?

    #mon_oiseau_bleu

  • Tous les subterfuges sont bons
    Pour retarder la reprise du travail
    Je fais un long détour à pied

    Je fais un long détour à pied
    Même sous le crachin
    Je garde ma tête de cévenol encore quelques jours

    Mais mes pas sont impuissants
    À m’égarer complètement
    Et je finis par entrer dans l’immeuble

    Je suis assailli par mille souvenirs
    Notamment olfactifs, en redoutant
    Qu’ils ne viennent effacer ceux cévenols

    C’est donc ici ma place à nouveau
    Pour une nouvelle année ?
    Pour combien de nouvelles années ?

    J’estime être en droit
    D’attendre des réponses claires
    À ces deux questions

    Je bois
    Mon premier café
    De captivité

    J’avoue ne pas comprendre du tout
    La langue dans laquelle sont écrits
    Tous les mails reçus en mon absence

    Incroyable, à peine croyable
    Apparemment, je n’en reviens pas
    Je sais encore me servir d’un ordinateur

    Après une heure
    D’open space
    Une céphalée

    Après deux heures d’open space
    C’est comme si tout ce qui avait été pensé
    Patiemment dans les Cévennes, était anéanti

    Cela faisait longtemps
    Que tu n’avais pas écrit
    Des phrases comminatoires

    Harengs à l’huile
    Poivrons farcis au boulgour et pois
    Clafoutis aux prunes – café

    Rires et souvenirs cévenols
    Avec Clément et Juliette
    Dois-je vraiment retourner en open space ?

    Bref échange de messages textuels avec elle
    Et déjà des envies d’école buissonnière
    Dire que c’est de la sorte que les choses ont commencé

    Que
    Veut-
    –Elle ?

    Et
    Qu’est-ce
    Je veux ?

    Pourrait-on
    Vouloir
    La même chose ?

    Que veut-elle ? ― aucune idée
    Et qu’est-ce que je veux ? ― pas bien sûr
    Pourrait-on vouloir la même chose ? ― j’en doute

    Aucune idée
    Pas bien sûr
    J’en doute

    Le bilan de la première journée
    D’open space est maigre, si ce n’est
    Céphalée, douleur dans le poignet

    Ce n’est pas facile
    Tous les jours
    La vie de poète

    Et avec horreur
    Je constate qu’après une journée d’open space
    Je n’ai envie de rien en particulier

    En une seule journée d’open space
    Avoir annihilé des ressources
    Patiemment amassées pendant un mois

    Des fois ce n’est que cela
    Attendre patiemment devant l’écran
    Et attraper le poème au vol

    Dans une petite rue de Montreuil
    Un jeune homme fume son narguilé
    Avec un serpent en écharpe

    Deux rues plus loin
    Une clocharde fait du scandale
    Et insulte qui passe

    Rue Marceau
    Toute une école
    A été détruite

    Je ne suis pas sûr
    De disposer des forces nécessaires
    À une telle vie, à un tel retour

    J’ai envie de faire
    De nouvelles choses
    Pour cela que je range le garage

    J’ai envie de faire de nouvelles choses
    Pour cela que je m’achète
    Un nouvel ordinateur

    L’ Amoxiciline
    Laisse derrière elle
    D’impressionnants sillons de fatigue

    #mon_oiseau_bleu

  • Tu es pressé d’aller chez le psychanalyste
    Pour lui proposer ton analyse du rêve
    De la semaine dernière : il était prémonitoire

    Même avec ton psychanalyse
    Tu aimes bien raconter
    Des histoires

    Comment
    Le président Macron
    Prépare l’après-second tour

    Tu retrouves d’autres poèmes
    Captifs
    De ton téléphone de poche

    Une jolie dame brune
    (En robe berlinoise)
    Traverse la rue sans un regard

    Dans la salle de cinéma
    Climatisation en panne
    Haïku d’été

    Des figures animées semblent avoir
    Des opinions à propos
    Du concept d’assurance militante

    Ma voisine
    A le hoquet
    Au cinéma

    Tu lui envoyais
    Des poèmes
    Pendant la réclame au cinéma

    Tu es doué pour la vie
    Mais tu n’as aucun talent
    Pour l’open space

    Parfois
    Rien
    Ne vient

    Café
    En terrasse
    Au soleil

    Café en terrasse au soleil
    Pensées
    Pour B.

    Café en terrasse au soleil
    Relecture et corrections
    D’Élever des chèvres en open space

    Le chat du café
    Énorme
    Couché en travers du zinc

    La psychologue de Zoé
    Et mon psychanalyste
    Reçoivent dans la même rue

    Avant de monter chez ton psychanalyste
    Tu prends ton souffle comme pour
    T’élancer dans tes longueurs de piscine

    L’ascenseur de chez ton psychanalyste
    A été révisé le 9 mars, par un monsieur Sanchez
    Elle t’a embrassé pour la première fois, le 9 mars

    Ton psychanalyste :
    « Tenez, je n’avais jamais remarqué
    Qu’en parlant d’une rupture amoureuse, on dit casser »

    Un ticket de transport égaré
    Indique que le ou la patiente précédents
    Vient consulter de loin, de Houilles

    Tu marches dans le noir
    Tu trébuches, mais tu ne tombes pas
    Tu n’es qu’à moitié nyctalope

    En sortant de chez l’analyste
    Tu voudrais tant écrire certaines choses
    Mais en trois lignes seulement !

    Tiffanie me leste de livres chez Inculte
    Mon éditeur publie plus
    Que je ne saurais lire

    Yoga
    Avec
    Laurence

    Blettes au gingembre
    Riz complet
    Baies séchées

    Psychanalyse
    Yoga
    Blettes au gingembre

    #mon_oiseau_bleu

  • Matin paisible
    Lumière dehors telle
    Le tableau de Valérie, dedans

    C’est samedi matin
    Jour de la benne à ordure
    Souvenir de cunnilingus

    J. envoie enfin
    Son affichette
    Elle fait partie du programme !

    C’est comme si
    Toutes tes fictions
    Se retournaient contre toi

    Je rumine cette phrase de Sarah
    Un jour les atermoiements des autres
    Feront ton bonheur

    Doucement les fictions !
    Leurs effets
    N’atteignent que toi

    J’écoute de la musique médiocre
    Pour ne plus entendre
    Celle que j’aime

    Dans le journal
    On dit de moi
    Que j’écris comme un jazzman !

    La Blue Note
    De
    De Jonckheere

    Ça fait
    Rire
    Dominique !

    Emmener les enfants à la piscine
    Pendant dix ans
    Et faire désormais mes longueurs avec eux

    Plaisir indicible
    De regarder mes enfants
    Nager en ligne

    À la piscine
    Deux adultes autistes
    Forment un couple amoureux

    Les enfants ont grandi
    À la piscine, on ne joue plus
    Au requin et à la sirène

    Cake au potimarron, soupe de pastèque
    Salade de pene , bricks aux œufs et asperges
    Gâteau de marrons et lait de poule

    Tu passes la journée
    À faire la cuisine
    Pour ne plus y penser

    Le soir tu fais frire
    Des bricks
    Chaleur d’été, en larmes

    Dans le garage, tout est en ordre
    Et tu ne sais plus travailler
    Au Désordre . Soir d’été

    Mauvais départ du jour
    Je suis un jazzman
    Je nage avec mes enfants

    #mon_oiseau_bleu

  • Aujourd’hui
    Tu n’as pas ouvert
    Le journal

    Aujourd’hui
    Le journal
    Ne t’a pas soufflé de poèmes

    Rêve de centaines de sardines
    Pêchées, agonisant dans un filet
    Qui meurent en m’appelant : « Phil, Phil… »

    Incompréhensible,
    Dans mes rêves aussi
    Elle me dit, clairement, adieu

    Une seule
    Microcapsule
    Suffit

    Petit-déjeuner
    Silencieux et plein de paix
    Avec les trois enfants

    C’est bien, tu redeviens narquois
    En écoutant à l’autoradio
    La propagande libérale matinale

    Antiterrorisme : le gouvernement
    Compte faire entrer l’état d’urgence
    Dans le droit commun

    N’y pense plus
    N’attends plus
    Travaille !

    Laurence au téléphone :
    « Phil, cela faisait longtemps
    Que tu ne m’avais pas fait rire »

    Déjeuner
    Avec
    J.

    Je dois résister
    Au plaisir de lui raconter Raffut
    Jusqu’en septembre 2018

    J’aime le récit
    De J.
    En Islande

    Café
    Avec
    J.

    Sarah est inscrite
    À son premier choix d’APB !
    Larmes paternelles, de joie

    Idées d’adaptation
    De Mon Oiseau bleu en html
    Je revis ?

    Les Mutuelles de Bretagne ont bénéficié
    De subventions publiques,
    Une pratique " extrêmement courante « 

     » Une sensibilité exacerbée
    Et un monde intérieur abyssal "
    Voilà mon monde, et il fait peur

    Et je ris tout seul ;
    Qu’exceptionnellement
    J’utilise un point-virgule !

    Pays en voie de développement
    Des vagues de chaleur
    De plus en plus mortelles

    Tu t’appliques de nouveau
    Pour cuisiner
    Légumes au four, Noilly-Prat

    Apprendre à méditer
    Facilement
    Pour vivre plus heureux

    Tu ne serais pas en train
    De refaire
    Des photos ?

    Viagra Capsules
    Delicate investments
    In relationships

    Le soir, l’esprit délié
    Tu descends à nouveau
    Dans le garage, tu travailles !

    The REAL
    Fix
    For Cellulite

    Sarah qui passe une tête dans le garage
    Qu’est-ce tu fais Papa ? J’écris le roman
    Qui assurera la prospérité de notre famille

    Je fais rire Laurence au téléphone
    Je me retiens de raconter Raffut à J.
    Sarah va où elle veut, APB

    #mon_oiseau_bleu

  • J – 50 : Est entrée Shirley. Elle ne s’appelle pas Shirley. Shirley était une amie à Chicago. Elle faisait partie de la petite bande de personnes qui avaient de façon plus ou moins directe partie liée avec Leo’s le petit diner dans lequel étaient servis les meilleurs petits déjeuners de tout Chicago et sans doute de tout le Mid-West, à n’en pas douter de toute l’Amérique, bref de l’univers tout entier. Shirley qui était peintre est devenue informaticienne et c’est à ce titre qu’elle travaille désormais à IBM et qu’elle vient d’être dépêchée en France pour une mission d’une journée, venir nous offrir à nous pauvres informaticiens français la voix de la raison, la voix de Maman , comme on dit à IBM et comme on se demande depuis quelques années ce que cela veut dire, parle-t-on toujours de la maison mère pour quelques-uns d’entre nous chez le client, ou parle-t-on désormais de la Présidente Directrice Générale de la Très Grande Entreprise ? Shirley n’était pas une très grande peintre, elle était en revanche une amie adorable, elle et son mari étaient souvent prompts d’une part à nous inviter Cynthia et moi à passer prendre une bière ou à dîner, et de même Kevin, le mari de Shirley, nous faisait rire quand il rappelait utilement à Cynthia que quand je comprenais quelque chose avec retard — et Cynthia n’était jamais patiente, en rien d’ailleurs — il pouvait s’agir d’un temps de traitement de l’information pour passer cette dernière de l’anglais au français. Tu te rappelles quand même que notre Phil est français ? Cela avait le don remarquable d’amadouer Cynthia, ce qui n’était jamais un maigre bénéfice, Shirley est donc devenue informaticienne. Elle travaille chez Maman. Spécialiste d’une plateforme sur laquelle on peut construire des applications de stockage et de recherches d’informations et de documents de production. Elle est dans cette salle de réunion la seule interlocutrice qui ne parle pas français, du coup la dizaine de personnes dans cette salle de réunion que nous sommes, sommes tenus de parler en anglais, même entre nous. Shirley a apporté avec elle ses façons de faire du Mid-West, un nom de famille typiquement irlandais, un accent américain sans douceur, un franc-parler qui est à la fois poli mais aussi terriblement autoritaire, une manière d’être habillée comme un sac, des blagues toutes faites, et finalement, même dans les petites choses une manière de comprendre le monde seulement au travers d’un prisme terriblement autocentré. Côté Français, lors du nécessaire tour de table se produit un très remarquable ré-échantillonnage hiérarchique, non plus en fonction des postes que les unes et les autres occupent, mais désormais en fonction de la fluidité de l’anglais des unes et des autres, ce qui me fait instantanément monter en grade. Et du coup c’est une très curieuse réunion, en anglais devant un public qui ne comprend pas tout, avec une hiérarchie des intervenants entièrement remaniée, c’est par ailleurs une femme qui est à la tête de cette réunion, Shirley, en fait pas Shirley, mais, Toni, une femme qui lui ressemble beaucoup, qui ressemble même à la Shirley d’aujourd’hui, telle que je l’imagine sans l’avoir revue depuis plus de vingt-cinq ans, et finalement je suis plus ou moins à la tête de cette réunion pour la partie française, et cela ne tombe pas très bien parce qu’en ce moment je ne suis pas du tout au meilleur de mes capacités, lesquelles sont entièrement captives de pensées que je nourris pour une femme merveilleuse au point d’en perdre toutes mes capacités au point d’avoir de véritables hallucinations au point de projeter sur le cadre pas franchement égrillard d’une salle de réunion des images de nudité certes fort plaisantes mais néanmoins pas du tout à propos.

    Et j’en viens même, je perds les pédales, là c’est évident, à singer les manières de certains dirigeants lors de réunion de ce type, par briser là, prétexter d’avoir une autre réunion concurrente, continuez sans moi les gars et n’oubliez pas de m’envoyer le compte-rendu, je vous répondrais avec mes remarques, pour me jeter sur mon téléphone de poche et envoyer quelques messages à la femme merveilleuse de toutes mes pensées en ce moment, avec une orthographe aussi rigoureuse que celle de jeunes gens qui s’entretiennent subrepticement de la progression de leurs sentiments en plein cours.

    Le soir quand je parcours les messages en question, en écoutant un vieux disque de jazz, in a sentimental mood de Duke Ellington avec John Coltrane, et que je constate l’heure d’envoi et de réception de ces messages que je qualifierais pudiquement d’adolescent, lesquels horaires coïncident parfaitement avec les trois heures de cette réunion fleuve, en anglais, avec Shirley qui nous vient tout droit des Etats-Unis d’Amérique, envoyée par Maman, je m’interroge salement sur d’une part mon irresponsabilité, la toxicité de mes sentiments pour le moins volatiles et, finalement, les véritables enjeux de mon travail alimentaire, mon day job comme disent Shirley et ses semblables.

    Et j’éclate de rire tout seul dans mon canapé en me demandant quelle impression je ferai au jeune homme que j’ai été, à Cynthia, Shirley et Kevin et eux-mêmes aujourd’hui qu’ont-ils fait de leurs talents ? À quelle réunion de travail ont-ils participé aujourd’hui et se souviennent-ils de nos dîners entre amis, de nos bières au Czar bar ou au Gold Star , de nos parties de billard, des chantiers sur lesquels je donnais la main à Kevin ou encore à Glenn, sur lesquels j’aurais pu mourir cent fois en tombant d’échafaudages à la fois branlants et étroits, des soirées dans le sous-sol de la maison construite par Glenn, de nos interprétations très avinées de standards de rocks ou encore de nos parties de softball sur la grande étendue de pelouse de Wicker Park. C’était au millénaire précédent. Vraiment.

    #qui_ca

  • J – 94 : Julien m’a renvoyé ses corrections dans Raffut . Comme toujours c’est extrêmement précis et très constant. Je ne sais pas combien de fois Julien a noté en marge, en commentaire que juge ne s’écrivait pas Juge ou encore qu’il fallait éviter la double ponctuation, il serait temps en effet que j’apprenne que l’on peut faire suivre un point d’interrogation ou un point d’exclamation d’un bas de casse et de cette sorte on comprend bien que la phrase est encore ouverte, qu’elle n’est pas finie et que j’ai encore des choses à y dire. En dépit de mes efforts dans ce texte pour cheviller solidement mes phrases interminables (j’aurais été marqué au fer rouge il y a trente ans par la lecture d’ Under the vulcano de Malcom Lowry et cette façon vertigineuse de Lowry d’exprimer dans une même phrase les trois ou quatre pensées simultanées du Vice-Consul alors qu’il est sous mescal, et donc de vouloir faire un peu pareil, mais sans les moyens proprement hallucinants de Lowry, peut-être devrais-je essayer le mescal, encore que j’ai peur que cela ne soit plus trop de mon âge, déjà qu’on me laisse une place assise dans le métropolitain, il ferait beau voir que je joue les auteurs sous influence) et faire en sorte d’éviter à tout prix hypallages et propositions insuffisamment relatives ou subordonnées et des phrases substantives par défaut comme s’il en pleuvait, dans lesquelles le sujet à force d’être séparé du verbe finit par le perdre tout à fait, en dépit donc de tels efforts pour me gendarmer un peu, mais néanmoins dans le désir, dans la première partie de donner à lire comment le quotidien, déjà pas simple du narrateur, s’augmente de cette agression de son fils et comment dans la deuxième partie il est submergé par les méandres des enjeux contradictoires de la comparution immédiate de l’agresseur de son fils, j’avais malgré moi, bien malgré moi, laissé quelques passages qui égaraient même un lecteur aguerri comme Julien.

    Et, toute affaires cessantes, profitant d’un open space encore fort désert le matin, seul presque pendant deux heures, je me suis lancé à corps perdu dans les corrections, celles simples, pointées en marge en commentaires, et celles plus épineuses qui ont même nécessité pour certaines d’entre elles que je les imprime et que je reproduise des exercices de grammaires anciens, encerclant le verbe, encadrant le sujet, puis dessinant tous les petits wagons d’un train parfois fort long de marchandises. Et, suivant la suggestion de Julien, je crois qu’il faut que je retravaille la journée de mercredi du récit, celle dans laquelle il ne se passe pas grand chose et qui sert d’articulation entre la première et la dernière partie, lui trouver, comme le suggère habilement Julien une ponctuation propre, très différente des deux parties et de leurs phrases pleines de méandres, donner à cette partie intermédiaire un rythme propre.

    Et je pourrais imprimer et donner ce nouveau récit à lire à mon éditeur, j’aime bien dire mon éditeur .

    Chose amusante, quand j’y pense, en fait, je ne suis pas plus rassuré que je ne l’étais avant de le rencontrer et d’avoir emporté son adhésion avec Une Fuite en Egypte , si cela se trouve, il ne va pas du tout apprécier Raffut . Il ne trouvera pas dans Raffut les qualités qu’il avait trouvées dans Une Fuite en Egypte . C’est même bien pire que cela, j’ai le sentiment que l’on ne peut pas aimer à la fois Une Fuite en Egypte et Raffut .

    #qui_ca

  • J – 112 : Pour @reka

    Cela faisait quelques jours que je sentais bien que ma petite Adèle n’était pas au meilleur de sa forme et il était difficile de faire la part des choses entre la fatigue de fin d’année, celle du creux de l’hiver, celle relative à sa forte croissance, 1 mètre 73 à douze ans, c’est un peu hors norme je crois, celle relative au début de l’adolescence, finalement Adèle est la dernière enfant de cette maison et elle est sur le point justement de quitter cette enfance. Mais tout de même, je me demandais s’il n’y avait pas quelque chose de spécifiquement ennuyeux pour elle en ce moment.

    Du coup hier soir je suis passé la prendre à la sortie du collège et je l’ai emmenée dans un café, un café qu’elle aime bien, on s’est assis de part et d’autre d’une petit table, la serveuse a été aux petits soins m’apportant un thé et à Adèle une limonade, elle paraissait un peu grande pour boire une limonade ma grande petite fille, surtout elle avait faim aussi lui ai-je commandé une pâtisserie ans le menu des desserts de ce café qui fait aussi restaurant, un Apfelstrudel qu’elle a trouvé fort à son goût.

    Et c’est étonnant parce qu’Adèle que je suis parfois contraint de cuisiner un peu, gentiment s’entend, quand je veux savoir quelles sont ces pensées nuageuses qui étendent leurs ombres sur son caractère par ailleurs fort épanoui habituellement, cette fois, est-ce le contexte de cette discussion de café, de discussion de grands, Adèle donc, ne s’est pas trop faite prier pour m’expliquer ce qui en ce moment l’assombrit pareillement. Et bien que j’étais très attentif à ses explications, j’étais également fasciné par la métamorphose lente de son visage qui ne parvenait pas à se décider à être celui d’une enfant ou celui d’une jeune adulte, visage sur lequel passaient des expressions contradictoires de douleur et de tendresse, ma petite fille était sur le point de devenir une jeune femme, et la fragilité de l’enfant, ce que cela commande d’attention et de précaution était en train de laisser le pas à la fragilité d’une toute jeune femme et ce que cela commande d’attention et de précaution. Je lui ai tendu la main sur la table, elle l’a prise dans sa main chaude, sale et pleine d’encre comme à la fin d’une journée d’école, mais le poids, la taille et la forme de cette main n’étaient pas ceux d’une main d’enfant, d’élève.

    Cela lui a fait du bien à ma grande Adèle de vider son sac, sa main dans la mienne d’ailleurs m’a paru plus légère, comme si elle reprenait sa masse propre à celle de l’enfance, et c’est comme si j’avais compris, il serait temps, que les enfants ne passent pas d’un état à un autre en une seule fois, mais font des aller-retours, tentent une sortie du côté de l’adolescence, reviennent à l’enfance puis tentent une nouvelle sortie puis reviennent et cela de nombreuses fois sans doute. C’est bien, me suis-je dit, quand le dernier de mes enfants sera devenu une adulte, je serais fin prêt pour ce qui est de les élever, j’aurais enfin un peu de compétence à revendre.

    #qui_ca

  • J – 149 : Pour le moment Guy, mon ordinateur s’appelle Guy, n’a toujours pas fini de scanner et réparer immense_disque .

    Sur seenthis @mona me lance un encouragement à m’engouffrer dans une mêlée et puisque c’est @mona qui le demande, j’y vais. Je ne devrais sans doute pas.

    Sophie Robert a apparemment gagné en appel le procès qu’elle avait perdu en première instance au sujet de son premier film le Mur la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme et forte de cette victoire juridique contre les psychanalystes qui se pensaient, assez justement, lésés par la présentation mensongère qui était faite de leurs propos, Sophie Robert ne se sent plus et décide de se lancer dans une nouvelle aventure, cette fois-ci, ridiculiser la psychanalyse sur le sujet de la sexualité. Apparemment elle trouve le moyen de recycler d’anciens métrages du Mur à l’aide desquels elle a monté une maquette avec laquelle elle tente une demande collective de financement - je crois que l’on appelle cela un crowdfunding - et nous promet qu’on va voir ce que l’on va voir, le titre de son prochain film Le Phallus et le pas du tout, ou le Zizi et la zezette , je promets que je n’invente rien.

    Je commence par déterrer la longue chronique que j’avais écrite il y a quelques années, des lustres, un lustre, à propos du Mur , et je suis très surpris de l’énergie qui était visiblement la mienne alors, sans compter que je devais alors avoir une foi inébranlable à l’époque dans le fait que d’écrire un billet de bloc-notes , éventuellement d’en envoyer le lien à droite et à gauche, notamment sur seenthis , et dans d’autres communautés, notamment psychanalytiques, encore que la chose ne soit pas de mon fait seul, allait changer quoi que ce soit à quoi que ce soit. Je pourrais me contenter finalement de faire un copié collé de cette chronique dans le signalement seenthis de @supergeante, c’est d’ailleurs ce que je fais dans un premier temps.

    Entretemps je trouve dans mes courriels une invitation de la mairie de Fontenay à venir participer à un débat animé par une amie à moi, quelqu’un pour qui j’ai un très profond respect et qui s’occupe des questions de handicap à la mairie, à la suite de la projection, en présence de sa réalisatrice, d’un film de Sophie Robert - celui-là à propos de l’intégration scolaire des enfants, cette fausse réalisatrice est une surdouée du montage, il faut lui reconnaître cela, elle semble capable de faire plusieurs films avec les mêmes métrages issus du même tournage. Et là aussi je me dis que je dois avoir considérablement vieilli, décidément ce n’est pas beau de vieillir, parce que en dépit de ma disponibilité sur le créneau horaire en question, je me fais la promesse de ne surtout pas y aller.

    Je n’ai plus la force.

    Je n’ai plus la force de soutenir la réprobation totale de toute une salle de cinéma lors des débats qui lui font suite, je remarque que chaque fois, quel que soit le film, la salle est pour le film et que si vous faites la moindre remarque qui n’est pas strictement élogieuse du film, vous passerez pour peine à jouir ou que sais-je du même tonneau, à croire que ne sont dans la salle que les amis du réalisateur et potentiellement son service d’ordre.

    Je n’ai plus la force de tenter d’expliquer qu’il puisse y avoir des points de vue minoritaires qui ne manquent pas de valeur. Que ce n’est pas parce qu’un point de vue est majoritaire qu’il n’est pas indemne de reproches, au contraire. Ou que lorsqu’un point de vue ne cesse de crier qu’il est victime de censure ou de bâillonnement, on n’est pas contraint de prendre de telles déclarations au premier degré, exemple Michel Onfray dit s’imposer une cure médiatique au printemps 2016, les enregistrements de ses conférences à l’université populaire de Caen passeront, comme chaque été, jusqu’à trois fois par jour sur France Culture pendant tout l’été.

    Et je n’ai certainement plus la force de contredire des personnes, telle Sophie Robert, donc, quand bien même elles voudraient piétiner, dans leur croisade rétrograde, des domaines de connaissances et de richesses culturelles qui auront été des havres pour moi, ici la psychanalyse, une autre fois ce sera autre chose, l’histoire, l’histoire de l’art, la philosophie, la musique, la poésie que sais-je.

    Je n’en ai plus la force.

    Les psychologues pour chien ont gagné. La semaine prochaine l’Assemblé Nationale étudiera une proposition de loi écrite par Fasquelle du R.P.R., visant à interdire pénalement aux psychanalystes de prendre en charge des patients autistes. Mais après tout je devrais me satisfaire de mon petit Gergovie à moi - pour ce qui est de la guerre des Gaules, je suis assurément dans le camp des vaincus, mais à Gergovie, les Romains ont mordu la poussière -, mon Gergovie à moi c’est de me dire que je serai parvenu à soustraire Nathan, mon fils, aux fourches de ces chapelles de l’obscurantisme. Et il m’importe peu, finalement, de pouvoir dire ou penser, que c’est une discipline ou une autre, certainement pas la voie psychanalytique seule, qui a permis que Nathan soit ce jeune homme merveilleux d’intelligence - qui me rosse régulièrement avec les Blancs avec des ouvertures espagnoles particulièrement agressives, avec les Blancs je m’en sors mieux en lui imposant des transpositions du Gambit de la dame, plus tranquilles - et même de gentillesse, mais aussi de naïveté et de combattivité, parfois contre lui-même, non, ce sont des personnes, des professionnels, une certaine psychologue, une armée d’orthophonistes très compétentes, un psychomotricien et désormais un psychologue, des centaines et des centaines, vraiment des centaines, de rendez-vous chez ces personnes, qui auront eu le pouvoir modeste mais décisif de sortir Nathan d’une ornière profonde dans laquelle il était mystérieusement embourbé et je me fous vraiment pas mal du constat d’accident éventuel qui me dirait pourquoi son train a déraillé, ce qui compte à mes yeux, c’est que son train est à nouveau sur des rails, qu’il n’avance pas vite ou encore que la destination n’est pas encore connue, tout cela je m’en moque bien. Pensez.

    Et c’est sûrement très lâche de ma part, mais c’est en grande partie commandé par le manque de forces qu’il me reste sur le sujet, que j’ai décidé de ne plus livrer bataille, ou plus exactement de garder des forces pour celles qu’il faut encore gagner pour Nathan.
    J’ai un ami documentariste qui est sur le point d’achever un film documentaire à propos d’une prison ouverte et de ses prisonniers, récemment il me disait une manière de soulagement, il pouvait constater la sortie en librairie d’un livre à propos du milieu carcéral sans se sentir une obligation impérieuse et un devoir moral à lire ce nouveau livre sur le sujet, sa propre contribution sur le sujet ne tarderait plus à sortir, il lui était désormais possible de s’intéresser à d’autres sujets pas nécessairement moins politiques d’ailleurs sans se sentir coupable de pouvoir être pris en défaut de documentation.

    C’est un sentiment semblable qui est le mien aujourd’hui.
    Et je vais pouvoir me consacrer au caractère coutumier de mon samedi, séance de yoga avec mon amie Laurence le matin et travail dans le garage l’après-midi, notamment tenter de combler le retard dans Qui ça ? travailler à la page de ressources à propos d’Une fuite en Egypte , poser les bases pour ce film long métrage que je voudrais faire depuis quelques années à partir de photographies, mettre la dernière main à Arthrose , il serait temps, et, pourquoi pas, reprendre l’écriture de X et des Salauds . Autant d’entreprises qui devraient me procurer un bien supérieur et tant d’aigreur en moins. Et, d’une certaine manière, pour reprendre le titre du dernier livre de Georges Picard, Merci aux ambitieux de s’occuper du monde à ma place .

    D’autant que : Guy a réussi, il a, semble-t-il, remis la main sur toutes mes données dans immense_disque .

    #qui_ca

  • J – 169 : Comme de très nombreuses personnes, et certaines nettement plus cinéphiles que moi, je n’avais jamais vu Kapo de Gilo Pontecorvo, en dehors du court extrait du fameux travelling qui a donc déclenché l’ire de Jacques Rivette dans un texte devenu célèbre des Cahiers du cinéma . Le travelling je l’avais déjà vu plusieurs fois, je me l’étais repassé plusieurs fois sur des sites de partage de fichiers vidéographiques - je crois que l’on appelle cela des tubes - et d’ailleurs la première fois je m’étais dit que la foudre de Rivette avait peut-être été disproportionnée, la description du travelling en question avait fait germer dans mon imagination des images nettement plus outrées encore. Quand bien même, je me disais qu’il y avait chez Rivette une certaine acuité visuelle et critique pour avoir été aussi réactif à quelque chose qui ne saute pas aux yeux, je me disais même qu’avec des sentinelles aussi attentives, nous, les lecteurs des Cahiers , pouvions dormir les yeux fermés sur l’oreiller.

    Mon insistance toute personnelle, mentionnant la fameux travelling et sa critique, dans mon texte Arthrose (Spaghetti), d’en obtenir l’extrait pour l’insérer dans mon projet interactif, m’aura donc poussé à trouver une copie de ce film.

    Et du coup à la regarder.

    Et j’ai été effaré.

    En fait le travelling , le fameux travelling , est ce qu’il y a de plus anodin, de presque moins fautif dans ce film qui est une horreur, une abomination.

    Le film date de 1961. De même sa critique par Rivette.

    En 1961, la perception historique que l’on a de la destruction des Juifs d’Europe - que l’on appelle pas encore de cette manière - repose essentiellement sur des regroupements de témoignages. Il faut attendre la somme de la Destruction des Juifs d’Europe de Raul Hilberg pour disposer d’une compréhension globale et historique de ces événements. Et la première édition de ce livre précieux et intelligent date justement de 1961, Pontecorvo n’a donc pas pu le lire, si tant est qu’il aurait su tirer de cette lecture quelques enseignements.

    En fait, en 1961, Pontecorvo ne peut que fantasmer le camp de concentration et celui d’extermination, pour donner un exemple particulièrement fautif de cette vue myope, l’arrivée du train dans un camp d’extermination dont force est de constater qu’il ne ressemble à aucun des sept camps d’extermination, donne lieu à un premier tri dans lequel les familles sont séparées, les jeunes d’un côté, les vieux de l’autres, du coup femmes et hommes ne sont pas séparés, puis ils sont conduits vers des baraques pour y passer la nuit, après laquelle, bien reposés, sans doute, ils sont exterminés, Pontecorvo apparemment ignorant que la machine de mort à Auschwitz, notamment, fonctionne nuit et jour, et de même le jour suivant on extermine un groupe de personnes dans lequel âges et sexes sont mélangés. Et tout est à l’avenant dans ce merveilleux film d’aventure au dénouement tellement heureux, le plan d’évasion et de soulèvement aboutit.

    Du coup, dans un tel massacre, je m’interroge sur ce qui a bien pu faire sursauter Rivette dans ce travelling , à moins d’imaginer que Rivette n’avait pas plus de connaissances que Pontecorvo sur l’existence des camps d’extermination, ce qui l’amène, finalement, à réagir sur un problème de grammaire cinématographique, c’est-à-dire là où sa compétence lui permet de déceler le caractère fantasmagorique et immoral du film. Chapeau.

    De façon plus anecdotique. Il se trouve que j’ai connu, vaguement, un homme qui avait survécu à Auschwitz. Cet homme plus tard a eu un gendre qui cumulait d’être antisémite et révisionniste. Un jour le gendre avait demandé à son beau-père ancien rescapé, mais qu’y faisiez-vous toute la journée dans votre camp de concentration ?les cons cela ose tout c’est d’ailleurs à cela queon les reconnait (Michel Audiard). Plein de malice le beau-père avait répondu, on s’ennuyait du matin jusqu’au soir et on trompait souvent l’ennui en faisant des parties de cartes avec nos geôliers. Il n’en fallait pas plus pour convaincre le gendre qui citait souvent cet exemple sur le fait que les camps de concentration n’étaient pas l’enfer qu’on disait qu’ils fussent.

    J’ai un vrai choc en voyant Kapo , ce navet abominable qui situe son action dans un camp d’extermination, et dans lequel se trouve une scène de partie de cartes entre une détenue et un SS.

    Exercice #32 de Henry Carroll : Je déclare la guerre aux conventions William Eggleston. Combattez aux côtés d’Eggleson.

    #qui_ca