Controverses sur l’apprentissage de la lecture, par Jean-Pierre Terrail (Le Monde diplomatique)

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  • Controverses sur l’apprentissage de la lecture, par Jean-Pierre Terrail (Le Monde diplomatique)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2011/09/TERRAIL/20955

    Parmi les nombreux débats qui agitent l’école en France, celui des méthodes d’apprentissage de la lecture est l’un des plus épineux et des plus récurrents.
    […]
    [La réforme de 1972] a ouvert grand la porte à une autre méthode, dite « globale », alors que l’apprentissage de la lecture était régi jusque-là par les instructions officielles de 1923, qui recommandaient fermement l’emploi de la méthode syllabique.
    Cette réforme a placé la question de la lecture au cœur des discussions pédagogiques. Tout le monde se sent peu ou prou concerné, et les professionnels de la lecture, didacticiens et maîtres de cours préparatoire (CP) ne sont pas les seuls à affirmer leur choix. Bien au-delà de leurs rangs, dans le monde de l’enseignement et de la pédagogie, être moderne, intelligent et progressiste, c’est défendre la globale et les méthodes mixtes qui en dérivent — les partisans de la syllabique étant volontiers qualifiés de passéistes, voire de réactionnaires.
    […]
    Qu’on la dise syllabique, alphabétique ou encore graphémique, la méthode de lecture en vigueur jusqu’aux années 1970 propose un apprentissage progressif du déchiffrage des graphèmes.
    […] De son côté, la méthode globale pure prône une entrée dans la lecture qui contourne le déchiffrage des graphèmes. L’idée d’apprendre à identifier directement les mots eux-mêmes, saisis dans leur globalité, émerge dès le XVIIIe siècle. […] La globale, soutenue par Célestin Freinet (2), va vite devenir emblématique de ces dernières. Son usage restera toutefois marginal dans le système éducatif jusqu’aux instructions officielles de 1972 et 1985.
    Ces directives encouragent le passage à la globale au nom du principe selon lequel « lire, c’est comprendre », ce qui dévalorise implicitement la syllabique, renvoyée au déchiffrage de graphèmes et de syllabes dépourvus de signification. Le mot étant la plus petite unité de sens, un apprentissage de la lecture fondé sur la reconnaissance visuelle des mots offre en effet aux élèves la possibilité d’associer systématiquement déchiffrage et compréhension de l’écrit. […] À l’usage, il s’est toutefois avéré que, même en combinant mémorisation de mots — voire de phrases entières — et lecture devinette, les résultats étaient très peu concluants, parfois même catastrophiques. Au point que la globale a été accusée de l’extension des dyslexies et autres dysorthographies.
    […] Ce constat ne s’est pas traduit par un retour à la syllabique, mais par une montée en puissance des méthodes mixtes, plus respectueuses du principe « lire, c’est comprendre ».
    […] L’étude du code grapho-phonologique améliore sensiblement l’efficacité de la pédagogie. […] A la différence de la syllabique, l’étude dans les méthodes mixtes part en général non pas des graphèmes qu’on apprend à déchiffrer, mais des phonèmes dont on identifie les transcriptions possibles. Or prendre appui sur la langue parlée permet à l’apprenti lecteur de ne jamais quitter le registre du sens.
    […] Un apprentissage qui substitue le deviner au lire ne peut manquer d’avoir des effets à long terme. Il se prétend plus facile d’accès, mais risque d’installer l’élève dans une lecture imprécise, source inévitable de difficultés de compréhension, et dans une écriture floue. De fait, si les élèves des zones d’éducation prioritaires (ZEP) ont du mal à comprendre des textes simples au sortir du primaire, c’est qu’ils ne prêtent pas une attention suffisante à la matérialité du texte écrit (des signes graphiques menus comme la ponctuation ou les accords de conjugaison ne faisant pas sens pour eux).
    Les tenants du progressisme pédagogique s’opposent aux méthodes traditionnelles au nom de façons d’enseigner susceptibles de rendre l’enfant plus intelligent en le considérant d’emblée comme le sujet autonome de ses apprentissages. Leurs critiques se réclament, eux, d’une transmission plus efficace des savoirs. Ainsi s’opposent, dans une sorte de dialogue de sourds, deux modèles d’école. L’un, ancré dans le refus de toute forme d’inculcation autoritaire et mécanique, cherche à émanciper l’enfant par la qualité des façons d’enseigner. L’autre fait découler l’émancipation de l’acquisition du savoir.

    #éducation #école #lecture #apprentissage

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    Parmi les nombreux débats qui agitent l’école en #France, celui des méthodes d’apprentissage de la lecture est l’un des plus épineux et des plus récurrents. Elles occupent une place centrale dans la réussite des élèves et la lutte contre la perpétuation des inégalités. / France, #Enfance, Éducation, (...) / France, Enfance, Éducation, #Idées, #Inégalités, #Jeunes, #Langue, #Science - 2011/09

    #Éducation #2011/09