De la banalité des violences sexuelles

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  • La pilule rouge – Ronin
    https://roninhl.wordpress.com/2016/10/29/la-pilule-rouge

    Au final, je ne suis vraiment #pro-féministe que depuis six mois. Je crois que je commence à peine à comprendre ce que ça veut dire. J’ai cessé de rire lâchement à des blagues qui ne me font plus rire, j’ai cessé d’accepter que l’on puisse minimiser l’oppression constante des femmes, j’ai cessé d’accepter de parler selon les règles et les lois du patriarcat pour expliquer les choses sans froisser l’orgueil des mâles (le mien y compris). Or donc, je suis devenu fou, fanatique, membre d’une secte, parce que j’ai décidé de ne plus rire de ce qui ne fait rire que ceux qui n’en sont pas victime.

    Au début on se moque, on se fait tancer « tu fais le féministe parce que tu veux péchos de la féministe hein ? » Ce vieux schéma de pensée masculin voulant que toute séduction soit basée sur un mensonge destiné à obtenir les faveurs sexuelles des femmes qui, naturellement, n’ont jamais envie de sexe, transpire dans tout. Impossible de vouloir défendre le féminisme si ce n’est pas pour les tromper et les sauter n’est-ce pas ? Pour quelle autre raison peut-on s’investir dans des « délires de bonne femme » ?

    Après les moqueries vient la féminisation : « Ben alors ? Pourquoi tu t’énerves ? T’as tes règles ? » Forcément, si tu parles comme une femme, tu es une femme, alors on va t’avilir un peu, comme une femme puisque être une femme c’est être faible, soumis à ses émotions, instable et donc peu fiable, si tu penses comme elle, c’est que tu as leurs faiblesses. Et de rire grassement, bien entendu, entre hommes.

    Ensuite, quand on persiste, et qu’on ne veut pas rentrer dans le rang, vient l’exaspération, les argumentations fallacieuses, la mauvaise foi, le mansplaining (un homme sait toujours mieux qu’une femme ce qui est bon pour elle. Et si on défend la cause des femmes, on est une femme, donc un homme saura mieux que moi ce qui est bon pour cette cause), le déni, et le plus drôle : le contre féminisme. Il n’y a pas plus attentif au sexisme de mes propos que les hommes exaspérés par mes prises de position et qui de fait cherchent dans tout ce que je peux écrire ou dire des traces de ce sexisme latent. Le but étant de prouver que malgré tout, je suis « comme eux », pas meilleur, pas pire, comme si ma prise de position mettait la leur en danger.

    • Je me reconnais bien dans une bonne partie du discours de ce blogueur... L’image de la pilule rouge/bleue est parlante : une fois qu’on change son regard sur la condition féminine, qu’on se fait son autocritique, on ne voit plus le monde de la même manière. Si j’étais sensible à la condition féminine dès mes premières années de fac sans être pour autant un militant pur et dur, c’est la naissance de ma fille qui a été ma pilule rouge. C’était impensable de l’élever selon les codes sexistes en vigueur... Et puis au fil des lectures, des documentaires (merci Seen This et Rezo pour ça !) et des partages d’expériences des amies proches, on affine sa vision des choses, et on devient de plus en plus pro-féministe... tout en essayant d’éviter les maladresses ou les incompréhensions (et ce n’est point facile).
      En tout cas j’adore cette petite excitation qu’il y a en moi lorsque je découvre un territoire intellectuel totalement nouveau. Il y a dans le féminisme une stimulation intellectuelle incroyable. Embarqué dans un essai de Mona Eltahawy, je découvre l’existence et l’engagement incroyable de femmes comme bell hooks, Audre Lorde, Fatima Mernissi, Gloria Anzaldua, etc. D’ailleurs, si vous avez des lectures, des blogs à me conseiller, je serai ravis de lire vos propositions.

  • De la banalité des violences sexuelles - Crêpe Georgette
    http://www.crepegeorgette.com/2016/12/01/banalite-violences-sexuelles/#more-10860

    Ce témoignage se veut une réponse au témoignage de Marie-Christine Bernard sur le blog Mauvaise herbe où elle faisait l’inventaire des agressions sexuelles subies.

    Les femmes témoignent de plus en plus des violences sexistes qu’elles subissent. Cela entraîne à mon sens deux conséquences :
    – une profonde résistance, en particulier de la part des hommes (mais pas que ; quelle femme a sérieusement envie de voir à quelle point elle peut être potentiellement victime de violences sexuelles ?).
    – la révélation que nous considérons quasi tous et toutes ces agressions comme quasi dans la norme, comme immuables. Nous nous y habituons et n’avons au fond pas vraiment envie de lutter contre parce que ca ne dérange au fond pas grand-monde ; les femmes s’y habituent, les hommes agressent et/ou ferment les yeux.

    Nous faisons donc face à un double paradoxe. D’un côté nous refusons de voir que les violences sexuelles sont banales dans le sens courantes, habituelles, partie quasi intégrante de la vie des femmes. Et de l’autre nous les banalisons totalement, en disant, sinon clairement, du moins en sous-texte, qu’on ne peut pas fait grand chose contre ou que de toutes façons les femmes ont tendance à tout exagérer. Il suffit à ce sujet d’analyser les réactions lorsqu’une femme dit publiquement avoir été violée ou agressée sexuellement ; ce qu’elle a vécu sera quasi systématiquement minimisé voire moqué.

    J’ai 42 ans. En me lisant je voudrais que vous réalisiez que je n’ai pas spécialement manqué de chance. Si beaucoup de femmes faisaient le bilan que je fais là, sans doute auraient-elles le même. Nous avons collectivement besoin d’accepter - pour mieux lutter contre - qu’il y a énormément de violences sexuelles en France, qui émanent de tous les milieux, tous les âges. Je n’écris pas tout cela pour me faire plaindre (donc gardez-vous de le faire, je vous en prie) mais parce qu’il est important, si on le peut évidemment, de témoigner. Je ne vous conseille pas spécialement de le faire ; les risques à témoigner existent. Mais je voudrais que, par nos témoignages, on commence à réaliser combien nous vivons dans une société sexuellement très violente pour les femmes.

    #femmes #culture_du_viol #violences_sexuelles #domination_masculine #témoignage #féminisme