Même si la loi Santé, promulguée le 26 janvier 2016, cherche à rendre la santé « accessible à tous », le recours aux soins n’est pas le même pour toutes les classes sociales. Pour les coordinatrices du numéro, cette différence « demeure la principale grille de lecture des inégalités de santé, qui structure les politiques de santé » (p. 10). Or, l’accès aux soins en fonction des ressources (financières, mais également géographiques, langagières et sociales) semble être une explication insuffisante pour comprendre les inégalités de santé. À ce premier élément de compréhension peut s’ajouter l’étude de l’offre de soins et des pratiques médicales sous l’angle de la qualité des soins en tant que « facteur sur lequel [il faudrait] agir pour corriger ces inégalités » (p. 10) : celui des variations proposées dans l’offre de soins en fonction des groupes sociaux auxquels elle s’adresse. La prise en charge médicale s’avérant moins bonne quand le patient a des difficultés à interagir avec les soignants, à expliquer sa pathologie, ou à verbaliser tout simplement, une analyse de la qualité des soins prodigués permet de ne pas en rester à la question de l’accès. La « différenciation de la qualité des soins selon les groupes sociaux » (p. 13) oblige en effet à appréhender l’interaction médecin – patient également à partir des relations de pouvoir, de classe, de sexe et de race qui s’y entrecroisent, s’y renforcent et l’influencent.
Merci, merci, merci… depuis des années, on me rigole au nez chaque fois que je raconte que je constate qu’on ne soigne pas du tout de la même manière un ouvrier du bled d’un jeune cadre du centre-ville.
En général, on me rétorque que je n’y connais rien, que je ne suis pas médecin, bla, bla, bla.
Cela dit, j’ai constaté — à travers divers récits directs — que pour des blessures à la main, les prises en charges sont très différentes selon que le gars soit justement un manuel ou un col blanc. Dans le premier cas, on est plus dans la fatalité (« dans ton secteur d’activité, c’est normal de se blesser à la main », « bon, on va tenter de remettre ça, mais on ne promet rien », « bon, ben, faudra faire avec »), dans le second, dans la médecine de pointe (« la main, c’est très délicat, tu vas direct à la clinique de la main », « l’essentiel, c’est que tu n’aies pas de séquelles, ça pourrait nuire à ton travail », « sérieux, faut envisager 5 semaines d’arrêt »).
Les ouvriers et employés sont généralement pris en charge par le système général autour de chez eux, les réparations font toujours l’impasse sur l’esthétique et se concentrent sur le maintient des fonctions de préhension basiques quand les cadres sont très rapidement orienté en métropole régionale, dans des services spécialisés, avec volonté de limiter la dégradation esthétique et surtout de retrouver les fonctions fines de préhension. Les soins durent plus longtemps et la rééducation est systématique, ce qui est loin d’être le cas des ouvriers.
Et les séquelles sont considérées comme normales pour les ouvriers et relativement intolérables pour les cadres.
La localisation rurale aggrave le manque de prise en charge.