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    J-157 : Ah !, revoir, et réécouter le Surnat’ dans un concert normal, être au premier rang, prendre des photographies des solistes en contreplongée ( http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/images/surnat20161126/index.htm ), c’est presque une seconde jeunesse qui m’était donnée samedi soir à la Marbrerie . J’en étais presque à remarquer que telle ou telle jeune femme à mes côtés étaient fort mignonnes, avant de me souvenir, rapidement, qu’elles avaient au mieux vingt ans de moins que moi, c’était presque cruel, pour les voir, l’instant d’après, attendri comme un grand-père, dans les bras de jeunes gens qui avaient l’air plutôt sympa. Pour couronner ce parcours d’ancien combattant, tandis que je claudiquais vers la sortie, un couple de jeunes gens me laissant le haut du pavé, comme on dit, et que je remerciais poliment, merci les jeunes , m’ont gratifié d’un, vous avez une bonne tête Monsieur , bref je suis un Grand-Père encore vert qui continue d’aller au concert même si ce dernier se termine bien au-delà de minuit, pas encore avalé ma tisane. Et j’entendais bien dans ce compliment, un peu cavalier tout de même, qu’il y avait du c’est pas mon père qui viendrait au concert du Surnat’ un samedi soir. D’ailleurs c’est plutôt marrant parce qu’aux tout débuts du Surnat’ , c’était souvent que j’emmenais Madeleine, petite, écouter son parrain de tromboniste cross-dresser, encore toute enfant, elle s’endormait souvent sur le bord de la scène, à l’époque le Surnat’ jouait sans retours de scène, sans bains de pied, et les solistes étaient parfois contraints d’enjamber ce petit corps endormi pour prendre le devant de scène et jouer leur chorus. À la fin du concert je récupérais le petit corps tout ensuqué, que je portais jusqu’à la voiture, que je logeais dans sa capsule de cosmonaute à l’arrière de la voiture, puis, arrivés à la maison que je portais, toute habillée jusqu’à son lit, et pas de souvenir plus doux de l’enfance des enfants que de tels soirs, ou d’autres encore. Alors, oui, merci pour le compliment, même si c’est un peu la première fois que l’on me dit que j’ai une bonne tête, une première vraiment, une bonne tête de vieux, encore vert.

    Ils étaient plutôt en forme le Surnat’ , hyper en place sur le premier morceau, disciplinés presque, cut sur les relances et même que depuis le premier rang, juste au-dessus des bains de pied, ça brassait pas mal. Surtout ils paraissaient plus concentrés sur la musique, il faut dire aussi, cela ne doit pas être facile-facile de jouer du soubassophone en équilibre sur une bouteille de gaz.

    Du coup j’aurais voulu maudire un peu cette jeunesse - ça y est je redeviens moi-même, un vieux réactionnaire - mais pas qu’elle, disons, plutôt, cette façon contemporaine d’être au monde, incapable de lâcher téléphones de poche et autres expédients connectés, incapable surtout d’interrompre ses discussions, souvent de peu de choses, pour ce que je pouvais en juger, vieux encore vert, mais déjà un peu raidi et guindé, et tout simplement, écouter, sans un mot, cette musique, remettre à plus tard rumeurs et ragots et écouter, refuser, en un sens, que la musique soit un bruit de fond. Et donc, pour les vieux, dont je suis, qui ne font qu’une seule chose à la fois, au concert, ils écoutent de la musique, le bruit de fond c’est une rumeur inextinguible, assez forte pour passer par-dessus la musique quand bien même on est juste à côtés des wedges, des retours de scènes. Il y aura bien tentative de la part d’un certain tromboniste de faire de l’ironie à propos de ces conversations, vous êtes bien modernes dira-t-il, ou encore, on ne voulait pas vous interrompre , mais il était manifeste que la conversation, les conversations, étaient plus pressantes, plus urgentes que de prêter attention à la musique.

    L’acoustique de la salle, qui doit être à peu près celle du dernier bunker de Hitler à Berlin est parfaite pour un tel public, elle renvoie avec brio le bruit des conversations et étouffe l’orchestre, on ne comptait pas le nombre de musiciens faisant tel ou tel signe à la régie et qui disaient éloquemment, mais avec impuissance, qu’ils ne s’entendaient pas jouer sur scène. Les deux moments pendant lesquels le saxophoniste ténor a eu besoin d’un microphone pour chanter, la chose a été entièrement inaudible, et pareillement pour la lecture d’un texte par le tromboniste, toujours lui, qui se faisait mieux entendre, finalement, en parlant dans le petit micro pincé sur la pavillon de son instrument (qui n’est, évidemment pas du tout fait pour cela). Une boucherie.

    Et pourtant cela faisait du bien de réécouter le Surnat’ en concert, seulement en concert, pour la musique, juste la musique. Prendre des photographies - dans des conditions particulièrement adverses, faible lumière et en plus extrêmement versatile, et musiciens fort agités, soit, la pire des combinaisons possibles - depuis le premier rang, un véritable rajeunissement, un peu plus et je trouverais ma voisine, épaule contre épaule, fort jolie, de fait une jolie jeune femme, pas sûr qu’elle ait la trentaine, avant qu’elle ne se jette au cou de son petit copain qui rapporte les bières, ils se dévorent des yeux, ils sont mignons comme tout, puis, claudicant, vieil arthritique au poignet droit perclus de tendinite, vers la sortie, on me retient la porte, vous avez une bonne tête Monsieur , me lance un jeune homme au bras de sa petite amie, merci c’est gentil les jeunes .

    En fait je me demande si je n’ai pas pris un coup de vieux ces derniers temps. Au point de radoter un peu. C’est pas beau de vieillir. Ne vieillissons pas.

    Exercice #42 de Henry Carroll : Prenez une photographie de quelque chose que vous détestez.

    #qui_ca