Ce qui relie les travailleurs de l’#économie des petits boulots ubérisés – la gig economy, comme on l’appelle aux États-Unis - comme Milland et les employés rémunérés au pourboire comme Costanzo, c’est la #précarité de leur situation de #travail – leur #revenu, quantité de travail, et capacité à assurer leur besoins fondamentaux ne sont pas sécurisés, et sont de moins en moins protégés. Cette #insécurité s’alimente elle-même. Les travailleurs obnubilés par le besoin de trouver – et garder – du travail ne sont pas souvent les mieux disposés à revendiquer de meilleures conditions.
Lorsque Rochelle LaPlante, modératrice d’un forum de discussion pour turkers appelé MTurk Crowd, a publiquement critiqué la plateforme d’Amazon, elle s’est retrouvée confrontée à un barrage de récriminations… de la part d’autres turkers. Selon elle, même certains membres de son forum préféreraient qu’elle se taise. En privé, ils lui disent craindre que les demandeurs ne quittent la plateforme d’Amazon si leur mauvais traitement des travailleurs est mis en lumière. D’autres ont peur de #représailles plus directes : LaPlante raconte que le compte d’au moins une personne s’est trouvé suspendu indéfiniment après qu’ils ait évoqué publiquement les mauvaises conditions de travail. Cette sorte de représailles à l’égard d’employés est explicitement interdite par la loi, mais comme le travail effectué par les turkers – dont Amazon et les demandeurs tirent pourtant un revenu – est considéré comme du travail indépendant, l’entreprise n’a pas à obéir à ces dispositions du droit du travail.
Pour Milland, avec l’avènement de ces plateformes, nous sommes tous destinés à plus ou moins brève échéance à la précarité. « Enseignants, docteurs, avocats, comptables, programmeurs, designers, auteurs, journalistes – nous irons tous sur une plateforme chaque matin et nous chercherons 17 heures par jour », dit-elle. Elle a déjà vécu l’avenir que Costanzo voit arriver. « Nous opérons déjà dans le monde du travail du futur, et les nouvelles ne sont pas bonnes. »