Alep, un tournant majeur dans la guerre civile syrienne

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  • Aujourd’hui, un thème central des « analyses » après Alep, c’est d’affirmer que « Bachar » restera « isolé » sur la scène internationale, de savoir s’il faut le snober ostensiblement ou reprendre contract discrètement… En fait, ce thème était déjà présent dans le papier du Monde d’hier : Alep, un tournant majeur dans la guerre civile syrienne (ça doit être ce qui fait du Monde un quotidien de référence : il a les éléments de langage avant les autres), et ça donne cette « analyse » invraisemblable :
    http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/12/13/un-tournant-majeur-dans-la-guerre-civile-syrienne_5047905_3218.html

    Quant à Bachar Al-Assad, plus vissé que jamais à son trône, pourra-t-il utiliser cette victoire militaire pour décrocher un début de réhabilitation sur la scène internationale ? Hormis quelques Etats arabes, comme l’Egypte, qui multiplie les signes de rapprochement avec Damas, aucun pays d’envergure ne semble pour l’instant prêt à franchir ce pas.

    Par « aucune pays d’envergure », il faut déjà comprendre l’Iran, la Russie et… la Chine…

    Et voilà : déjà en 2012 le wishful thinking des fanboys de la rébellitude reposait sur le fait qu’on ignore absolument que, si on poussait à la confrontation militaire, on se heurterait non seulement à l’armée syrienne, mais aussi à l’Iran et à la Russie. Et ce n’était pas faute d’affirmer tous les mois que, cette fois c’est bon, la Russie va lâcher Bachar… Bref depuis 2012 on pousse à une militarisation qui n’a aucune autre chance que de se heurter à une intervention iranienne et russe. Et alors qu’on hurle quotidiennement contre ces interventions, et depuis bientôt six ans contre les vetos russe et chinois au Conseil de sécurité, voilà qu’on arrive à écrire que « aucun pays d’envergure » n’est près à un rapprochement avec la Syrie. (Et si le Monde a la tournure la plus caricaturale, toutes les analyses que j’ai lues aujourd’hui sont fondées sur cette même prémisse.)

  • Un élément de langage du jour : « “la” rébellion ». Exemple dans le Monde :
    http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/12/13/un-tournant-majeur-dans-la-guerre-civile-syrienne_5047905_3218.html

    Pour la rébellion syrienne, la « chute » d’Alep n’est pas la fin de la guerre. […] En perdant son deuxième et dernier centre urbain, […] l’opposition armée…

    La voilà peu ou prou exclue de la « Syrie utile »…

    […]

    Dans le patchwork d’enclaves encore sous son contrôle, la rébellion compte entre 100 000 et 150 000 hommes en armes.

    Ces tournures sont d’autant plus saugrenues qu’à la lecture du même article, plus loin, il devrait être évident que l’expression « la rébellion », dont on pourrait parler comme d’un groupe cohérent ayant une politique nationale, est un abus de langage.

    Mais c’est l’intérêt des éléments de langage : c’est leur répétition qui compte, pas le fait qu’ils correspondraient à la réalité.

    • Au passage, le Monde se heurtant au mur de la réalité :

      Ce déclassement officialise ce qui était déjà évident depuis longtemps compte tenu de l’immense supériorité militaire du camp prorégime : le fait que l’opposition ne peut plus poser de défi militaire existentiel à Damas et ne peut donc plus prétendre constituer une alternative politique au régime Assad.

      Hum…

      Alors une fois de plus, je rappelle que le Monde fait partie des journaux dont les journalistes ont accompagné la « libération » d’Alep avec des articles emplis d’enthousiasme martial :
      https://seenthis.net/messages/458763

      Autour, les enfants font une haie d’honneur, éblouis, tellement transis d’admiration qu’ils n’osent plus approcher ces hommes, qui, il y a quelques instants encore, étaient leur père, leur frère ou leur cousin.

      Pourtant, on pourrait se souvenir que c’est depuis 2012 que Haytham Manna martèle que la militarisation en Syrie ne pourra profiter qu’au régime (mais le Monde a préféré les élucubrations de Leverrier et Hénin, et a laissé écrire que Manna était un collabo…).

      Manna très explicite et en français, c’était notamment dès mars 2012 sur France 24 :
      https://seenthis.net/messages/225755
      (malheureusement, la vidéo ne semble plus en ligne).

    • "Autour, les enfants font une haie d’honneur, éblouis, tellement transis d’admiration qu’ils n’osent plus approcher ces hommes, qui, il y a quelques instants encore, étaient leur père, leur frère ou leur cousin."

      Et ce sur quoi Haytham Mannaa voulait alerter s’est malheureusement confirmé.

      Sur l’enthousiasme du Monde au moment de la "libération" d’Alep, décrivant les alépins en liesse : sera-t-il aussi enthousiaste pour nous parler de la fête à Alep, aujourd’hui :

      Scènes de liesse et d’euphorie dans les rues d’Alep alors que la libération est « imminente » (VIDEOS)

      https://francais.rt.com/international/30539-scenes-liesse-deuphorie-dans-rues-alep-alors-liberation-imminente

    • Tiens, août 2012, le Monde t’expliquait que « la majorité écrasante des dissidents syriens » déteste Manna et le CCNCD :
      Comment s’organise l’opposition intérieure en Syrie ?
      http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/08/08/comment-s-organise-l-opposition-interieure-en-syrie_1743592_3232.html

      Sur le plan politique, le CCNCD se situe aux antipodes des deux groupes précédents puisque, d’une part, ses responsables sont disposés à négocier avec le régime pour trouver une issue pacifique à la crise et, d’autre part, il est hostile à l’Armée syrienne libre (ASL) et à toute action violente contre le régime, arguant que l’opposition armée conduit le régime sur son terrain de prédilection dont il ne peut sortir que victorieux. Dans cette logique, il est également contre toute forme d’intervention étrangère. Les positions du CCNCD lui valent d’être aujourd’hui voué aux gémonies par la majorité écrasante des dissidents syriens, qui assimilent toute forme de dialogue avec le « régime criminel » à un acte de trahison.