• Il faut avoir le courage de sortir de l’état d’urgence ! - Libération
    http://www.liberation.fr/debats/2016/12/13/il-faut-avoir-le-courage-de-sortir-de-l-etat-d-urgence_1534939

    4 292 perquisitions, 612 mesures d’assignation à résidence, 1 657 mesures de contrôles d’identité ou de fouilles de véhicules ont, d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur, mobilisé les forces de sécurité depuis un an. Elles ont donné lieu à 20 enquêtes préliminaires pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».

    Pendant ce temps, entre novembre 2015 et juillet 2016, le parquet antiterroriste, dans le cadre de ses prérogatives habituelles, a ouvert 96 procédures judiciaires pour les mêmes charges. Où est le besoin d’un régime dérogatoire ?
    Leurres sécuritaires

    Si l’efficacité de l’état d’urgence dans la durée pose sérieusement question, les conséquences sur la vie des personnes visées par ses mesures sont bien réelles. En son nom, des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants ont vécu des perquisitions souvent traumatisantes. En son nom, 612 personnes ont été assignées à résidence sans qu’aucune ne soit poursuivie en justice pour des faits liés au terrorisme. En son nom, des centaines de personnes ont été empêchées de manifester, des dizaines de manifestations ont été interdites.

    S’il est de leur devoir de prendre les mesures nécessaires pour protéger la population, les dirigeants ont la responsabilité de s’assurer que l’état d’exception ne devienne pas la norme et de questionner la nécessité de renouveler l’état d’urgence. Or la politique de la peur semble avoir pris le pas sur celle de la raison. Et la peur a entraîné l’aveuglement et l’absence de courage politique.

    Car le courage, ce n’est pas de se réfugier systématiquement derrière des leurres sécuritaires. Le courage, c’est de réaffirmer les principes fondamentaux de l’Etat de droit dans la lutte contre la menace terroriste, parmi lesquels la nécessité d’un réel contrôle par l’autorité judiciaire. Le courage, c’est de savoir dire stop quand pointe la tentation de l’arbitraire comme réponse aux peurs légitimes de la population. Le courage, c’est parfois de choisir le chemin qui paraît ardu, exigeant, mais qui est celui de la cohérence. Car on ne peut défendre l’Etat de droit en y renonçant.