De l’État de #droit a l’État de sécurité
▻http://2ccr.unblog.fr/2016/01/06/de-letat-de-droit-a-letat-de-securite
Pour la période de Noël, je me suis de nouveau trouvée dans une grande métropole régionale. Comme souvent, on profite de ces séjours pour trouver dans les grandes surfaces les produits dont nos cambrousses sont dépourvues.
À l’entrée de tous les centres commerciaux, des vigiles qui fouillent les sacs à main dans l’indifférence générale. Un truc aussi absurde que la sécurité des trousses de toilettes en plastique transparent avec mignonnettes des aéroports : juste t’habituer à n’avoir aucune vie privée, aucune barrière intime. Le fait d’ouvrir mon sac a main et de regarder hâtivement dedans n’améliore en rien ma sécurité ou celle des autres, mais c’est une intrusion de plus dans ma vie privée.
Dans mon foutu sac, j’avais mon couteau à fruits dont je ne me sépare jamais. C’est interdit. Mais pratiquement tout le monde en a un dans ma cambrousse, surtout le modèle avec tire-bouchon incorporé.
La fouille telle qu’elle existe ne permet de rien détecter de ce genre. D’ailleurs, dans le centre commercial du bled-en-chef, pas de point de contrôle ou de fouille : trop coûteux ou le préfet s’en bat les steaks des bouseux ?
Aucun moyen de savoir.
On doit être plus en sécurité loin de villes.
Où il y a moins d’#urgence à y entretenir un certain état d’esprit faute d’État de droit.
De même, la #sécurité dont il est question aujourd’hui ne vise pas à prévenir les actes de #terrorisme (ce qui est d’ailleurs extrêmement difficile, sinon impossible, puisque les mesures de sécurité ne sont efficaces qu’après coup, et que le terrorisme est, par définition, une série des premiers coups), mais à établir une nouvelle relation avec les hommes, qui est celle d’un #contrôle généralisé et sans limites – d’où l’insistance particulière sur les dispositifs qui permettent le contrôle total des données informatiques et communicationnelles des citoyens, y compris le prélèvement intégral du contenu des ordinateurs.
Le risque, le premier que nous relevons, est la dérive vers la création d’une relation systémique entre terrorisme et Etat de sécurité : si l’Etat a besoin de la peur pour se légitimer, il faut alors, à la limite, produire la terreur ou, au moins, ne pas empêcher qu’elle se produise. On voit ainsi les pays poursuivre une politique étrangère qui alimente le terrorisme qu’on doit combattre à l’intérieur et entretenir des relations cordiales et même vendre des armes à des Etats dont on sait qu’ils financent les organisations terroristes.
Un deuxième point, qu’il est important de saisir, est le changement du statut politique des citoyens et du peuple, qui était censé être le titulaire de la souveraineté. Dans l’Etat de sécurité, on voit se produire une tendance irrépressible vers ce qu’il faut bien appeler une dépolitisation progressive des citoyens, dont la participation à la vie politique se réduit aux sondages électoraux. Cette tendance est d’autant plus inquiétante qu’elle avait été théorisée par les juristes nazis, qui définissent le peuple comme un élément essentiellement impolitique, dont l’Etat doit assurer la protection et la croissance.
Or, selon ces juristes, il y a une seule façon de rendre politique cet élément impolitique : par l’égalité de souche et de race, qui va le distinguer de l’étranger et de l’ennemi. Il ne s’agit pas ici de confondre l’Etat nazi et l’Etat de sécurité contemporain : ce qu’il faut comprendre, c’est que, si on dépolitise les citoyens, ils ne peuvent sortir de leur passivité que si on les mobilise par la peur contre un ennemi étranger qui ne leur soit pas seulement extérieur (c’étaient les juifs en Allemagne, ce sont les musulmans en France aujourd’hui).