Forcée de recourir à un avocat pour obtenir un avortement

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  • Forcée de recourir à un avocat pour obtenir un avortement Le Devoir - Amélie Daoust-Boisvert - 20 décembre 2016

    Une Québécoise s’est vu refuser une IVG tardive par le CUSM, une décision contraire au droit reconnu en Cour suprême
    Au pied du mur, se sentant forcée de poursuivre une grossesse, une femme a eu besoin de l’intervention d’un avocat pour obtenir un avortement tardif au Québec, plus tôt cette année. Un avis éthique du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), où cette patiente était suivie, s’était opposé à l’intervention.
     
    Cette décision bafoue, selon des juristes, les multiples décisions de la Cour suprême du Canada en matière d’avortement. Le plus haut tribunal au pays a clairement statué, dans ses jugements, que les femmes avaient le droit fondamental de ne pas poursuivre une grossesse, peu importe son stade ou la viabilité du fœtus.
     
    Dans le cas de cette patiente, de l’histoire de laquelle nous omettrons volontairement des détails afin de protéger son identité, un avocat et des médecins ont dû trouver un moyen de l’aider à mettre fin à sa grossesse en évitant de passer par les tribunaux ou le comité d’éthique d’un deuxième établissement, alors que le temps pressait.
     
    Pour Me Louise Langevin, c’est la preuve, troublante, que des éthiciens et des médecins se croient « au-dessus de la Charte canadienne » des droits et libertés. « L’avortement est un soin de santé auquel la femme a droit. C’est épouvantable de voir un tel cas aujourd’hui » , déplore la professeure à la Faculté de droit de l’Université Laval. « Le fœtus n’a aucun droit, qu’on soit d’accord ou non. »
     
    Cette femme a accepté de confier son expérience, encore douloureuse, au Devoir. Victoria (nom fictif) et son conjoint préparaient avec excitation l’arrivée de leur enfant jusqu’à ce que leur bonheur vole en éclats. Elle avait atteint le troisième et dernier trimestre de sa grossesse (après 27 semaines après les dernières menstruations) quand une échographie a révélé que le fœtus portait des anomalies.
     
    De test en test, la mauvaise nouvelle se confirmait. Le couple s’est même adressé à un autre hôpital pour obtenir un second avis. Les médecins ne s’entendaient pas tous sur l’avenir de l’enfant à naître. Une chose était certaine : à un certain point, Victoria ne voulait plus continuer et se livrer à davantage d’examens médicaux. C’est alors qu’elle a demandé une interruption volontaire de grossesse (IVG).
     
    « Je ne voulais pas que mon enfant souffre toute sa vie » , confie-t-elle. Sa décision était claire, et son conjoint l’appuyait.
     
    Mais le CUSM a refusé de procéder à l’IVG, affirme-t-elle. Un avis éthique rédigé à la suite d’une demande de consultation en éthique clinique de la part d’un médecin impliqué au dossier, dont Le Devoir a obtenu copie, précise qu’une IVG au troisième trimestre, alors que la santé de la mère et du fœtus n’est pas en danger, constitue une rupture avec les « valeurs du CUSM comme institution » et les pratiques « usuelles » dans la société canadienne dans le cas d’un handicap non mortel.
     
    Le comité multidisciplinaire de l’établissement, cité dans l’avis, aurait conclu à une absence de « justification morale ». Selon les informations contenues dans ce document, le CUSM n’a jamais accepté de procéder à une IVG de troisième trimestre pour des conditions qui ne compromettaient pas la vie.
     
    En conclusion, l’avis recommande d’envoyer la patiente ailleurs si elle maintient sa décision. Or, contrairement à d’autres Québécoises, qui sont envoyées au Kansas, aux États-Unis, pour des IVG après 24 semaines de grossesse, Victoria ne peut pas voyager, pour des raisons que nous tairons afin de protéger son anonymat.
     
    « On voulait me forcer à avoir un enfant. On m’a dit qu’on ne pouvait pas m’aider, que c’était les règles de l’hôpital. Je me suis sentie prise au piège ! » , raconte-t-elle.
     
    L’avocat Jean-Pierre Ménard et des médecins l’ont finalement aidée à interrompre sa grossesse au Québec.
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    Source : http://www.ledevoir.com/societe/sante/487463/avortement-un-refus-qui-souleve-des-questions