• J – 135 : Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos . En suis sorti enchanté.

    Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos , j’étais sous le charme à la fois des images toutes filmées avec de longues focales, et pour les plans rapprochés avec des angles de vues très surprenants, avec un fort goût pour le pan trois quart arrière qui n’est pas le plus expressif s’agissant des visages des acteurs, et pourtant, une certain nonchalance, une certaine lenteur, quelques très beaux effets de coupe au montage et ces plans qui seraient ingrats dans n’importe quel film finissent par être tout aussi évocateurs que d’autres plus face.

    Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos , j’ai été en de nombreuses occasions subjugué par la force de son montage, aussi bien pour les séquences entières que pour les séquences mises bout à bout, sans parler des effets de flashback et de flash forward si vifs et tellement surprenants, surtout le plan de fastforward du personnage de Jeanne, magnifiquement interprété par Judith Chemla, dont on se demande bien, au début du récit ce qu’il vient faire là, vers quelle attente est tenue cette Jeanne apparemment plus âgée. J’ai aimé particulièrement le silence de la bande-son des flashbacks qui indiquaient sans pouvoir s’y méprendre qu’ils étaient des flashbacks , j’ai aimé ces souvenirs silencieux, et, au contraire, la violence du vent dans les plans de flash forward et qui disent que le futur est un aspirateur implacable.

    Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos , où j’ai aimé l’admirable surprise de la dernière ligne qui m’a fait un peu le même effet que la dernière ligne d’Extinction de Thomas Bernhard, après six cents pages atrabilaires et pesantes comme seul Thomas Bernhard savait les écrire, c’était une manière de rayon vert, de dernier rai de lumière dans une existence que l’on aurait pensé fermée sur elle-même, non sans quelques inspirations du côté du Ruban blanc de Michael Hanecke, ce côté d’observation clinique d’un monde reclus et dans lequel la règle sert de garde-fou, et quand elle cède, ce sont des grands naufrages qui ont lieu, il y a décidément quelque chose d’autrichien dans le cinéma de Stéphane Brizet auquel je trouvais déjà des airs de Michael Hanecke dans la longueur insupportable de ses plans séquences dans la Loi du marché.

    Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos , je me suis interrogé sur la permanence du luxe des étoffes des habits de Jeanne qui ne me semblait pas raccord d’avec le reste du récit et notamment sa déchéance économique, je me suis dit que réalisateur, Stéphane Brizet aurait dû gendarmer sa ou son costumière, fut-ce au prix de l’empêcher de jouir de cet étalage de grands châles aux motifs cachemire - même si j’ai moi-même en matière d’étoffes la même prédilection - et je me suis étonné de constater à quel point un tel détail pouvait avoir une incidence aussi désastreuse presque sur un film dont le reste de bout en bout est parfaitement maîtrisé.

    Suis allé voir Une Vie de Stéphane Brizet au Kosmos , en en sortant j’avais envie de relire Une vie de Maupassant, non pas par souci de vérification ou que sais-je d’un peu comptable de la sorte vis-à-vis d’un film dont je pensais de toute manière le plus grand bien, mais de Maupassant, dans ma bibliothèque tellement désordonnée, je ne suis parvenu qu’à remettre la main sur le Horla que j’ai relu le soir et qui m’a occasionné une très belle insomnie de peur, et puis finalement, un peu de sommeil quand même mais habité de rêves très angoissants dans un univers très dix-neuvième, et je ne me félicite pas d’une telle porosité de mon inconscient.

    Exercice #56 de Henry Carroll : Prenez un portrait de groupe qui saisit l’individualité de chacun.

    #qui_ca