/2017

  • Dans la lutte contre le terrorisme, « évitons une justice prédictive »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/07/31/dans-la-lutte-contre-le-terrorisme-evitons-une-justice-predictive_5166775_32

    Au barreau de Paris, la tradition veut qu’un groupe d’avocats choisis sur concours, les secrétaires de la Conférence, assure la défense pénale des plus modestes dans les affaires criminelles. Nous nous trouvons ainsi très souvent commis d’office dans des affaires de terrorisme. Or l’expérience quotidienne que nous avons de ces affaires sensibles nous préoccupe concernant cette justice à l’abri des regards.

    L’augmentation saisissante du contentieux lié au terrorisme islamiste nous amène aujourd’hui à alerter le public sur les risques que nous courrons, à brève et à lointaine échéance. En effet, à nos yeux, le cadre proposé pour traiter la matière terroriste s’éloigne de plus en plus des valeurs qui fondent notre système juridique, alors même que l’efficacité à long terme de ce système est loin d’être assurée.

    A l’heure où l’exécutif envisage d’intégrer définitivement dans le droit commun des dispositions de l’état d’urgence, il nous apparaît urgent de mener une réflexion de fond sur la justice antiterroriste. Une démarche indispensable, car la justice antiterroriste s’engage sur une voie périlleuse, celle d’une « justice prédictive » qui s’essaye à l’impossible exercice de sonder les âmes, de deviner les convictions réelles et les intentions supposées des mis en cause.

    Ce rôle nouveau est la conséquence d’une superposition de textes élaborés dans l’urgence et dans l’émotion, suite aux événements dramatiques de ces dernières années. Or il nous semble qu’en matière de lutte contre le terrorisme islamiste, nous ne pouvons plus nous contenter de réagir au coup par coup, sans penser, façonner et construire un système de justice antiterroriste cohérent et durable.

    Et toujours, #paywall

    • Dans une tribune au « Monde », les douze secrétaires de la Conférence du barreau de Paris, commis d’office dans des affaires de terrorisme, appellent à une réflexion de fond sur la politique antiterroriste.

      TRIBUNE. Au barreau de Paris, la tradition veut qu’un groupe d’avocats choisis sur concours, les secrétaires de la Conférence, assure la défense pénale des plus modestes dans les affaires criminelles. Nous nous trouvons ainsi très souvent commis d’office dans des affaires de terrorisme. Or l’expérience quotidienne que nous avons de ces affaires sensibles nous préoccupe concernant cette justice à l’abri des regards.

      L’augmentation saisissante du contentieux lié au terrorisme islamiste nous amène aujourd’hui à alerter le public sur les risques que nous courrons, à brève et à lointaine échéance. En effet, à nos yeux, le cadre proposé pour traiter la matière terroriste s’éloigne de plus en plus des valeurs qui fondent notre système juridique, alors même que l’efficacité à long terme de ce système est loin d’être assurée.
      A l’heure où l’exécutif envisage d’intégrer définitivement dans le droit commun des dispositions de l’état d’urgence, il nous apparaît urgent de mener une réflexion de fond sur la justice antiterroriste. Une démarche indispensable, car la justice antiterroriste s’engage sur une voie périlleuse, celle d’une « justice prédictive » qui s’essaye à l’impossible exercice de sonder les âmes, de deviner les convictions réelles et les intentions supposées des mis en cause.

      Réaction au coup par coup

      Ce rôle nouveau est la conséquence d’une superposition de textes élaborés dans l’urgence et dans l’émotion, suite aux événements dramatiques de ces dernières années. Or il nous semble qu’en matière de lutte contre le terrorisme islamiste, nous ne pouvons plus nous contenter de réagir au coup par coup, sans penser, façonner et construire un système de justice antiterroriste cohérent et durable.

      Trois pistes d’amélioration du dispositif juridique et judiciaire se dessinent, selon nous, et ce, aux fins de s’adapter à la diversité des profils des mis en cause. La première concerne la qualification juridique de l’association de malfaiteurs terroriste. En effet, le parquet de Paris fait le choix de retenir cette qualification pour la quasi-totalité des faits se rapportant de près ou de loin au phénomène djihadiste. En pratique, cette qualification couvre un champ bien trop large. Sont actuellement poursuivis sous cette qualification pénale le combattant armé et déterminé à passer à l’action, le frère d’un djihadiste installé en zone de combat auquel il a adressé un mandat de quelques dizaines d’euros, et le mineur de 15 ans, isolé, manipulé et désorienté se targuant de mener des actions djihadistes sur les réseaux sociaux.

      A regrouper ainsi des comportements aussi différents, nous laissons au juge la lourde tâche de séparer le bon grain de l’ivraie. Cette tâche est d’autant plus difficile que les enquêteurs sont particulièrement proactifs, au risque, parfois, de provoquer la commission de l’infraction par le biais, notamment, de cyberinfiltrations très poussées et invasives. Une des conséquences immédiates de cette globalisation du contentieux est le recours quasi systématique à la détention provisoire pour les individus majeurs, et ce, quelle que soit la gravité du comportement reproché. Or il serait parfaitement possible, aujourd’hui, de différencier, sur le plan juridique, par exemple les préparatifs d’attentats, les retours de zone de combat irako-syrienne ou encore le simple soutien moral et matériel…

      Le sens de la peine

      La deuxième piste de réflexion concerne le sens et la mesure de la peine. Nous observons actuellement une forte inflation de la durée des peines de prison prononcées par les tribunaux. Celle-ci est pourtant sans lien avec une quelconque évolution des comportements. Il en résulte une disproportion et, surtout, un évanouissement de toute réflexion autour du sens de la peine. En effet, les tribunaux semblent n’avoir d’autre objectif que de se borner à écarter de la société le plus longtemps possible toute personne pouvant représenter un risque – fût-il hypothétique – dans l’attente, vaine, d’un essoufflement du terrorisme islamiste et de ses causes.

      Or qui peut aujourd’hui encore prétendre que la prison n’est pas un lieu de radicalisation ? N’est-elle pas aujourd’hui devenue un « fait d’arme » pour ces individus qui n’accordent aucune légitimité au système judiciaire national ? Cette politique pénale ne sera-t-elle pas responsable de la récidive de demain ? Car la réalité est que rien en prison n’est organisé pour préparer le retour dans la société des personnes condamnées pour des faits de terrorisme. Plus que jamais, il est crucial de veiller à ce que les peines soient prononcées en fonction des faits et de leur gravité réelle, mais surtout de la personnalité du prévenu. Une sanction juste et individualisée est une sanction comprise, acceptée et donc utile.

      La troisième piste de réflexion concerne le régime carcéral en matière terroriste.
      Le durcissement progressif des conditions de détention est particulièrement inquiétant. L’annonce de la fermeture des unités dédiées, fin 2016, et l’annonce de la création du quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) à la maison d’arrêt d’Osny nous font craindre l’instauration d’un régime de détention dérogatoire et contraire aux droits fondamentaux des détenus.

      « Zones de triage »

      Ces quartiers sont comparables à des « zones de triage ». Les détenus y sont placés pour une durée de quatre mois et font l’objet d’une évaluation qui aurait pour but d’apprécier leur degré de dangerosité, leur propension à la violence et les risques de prosélytisme. Il est prévu de créer six quartiers au sein des maisons centrales dans lesquelles seront affectés les détenus les plus violents.

      Or les premiers retours de ces QER expérimentaux sont alarmants : mélange des détenus quel que soit leur âge ou leur situation pénale (détention provisoire ou exécution de peine), fouilles à nu plusieurs fois par semaine, changement de cellule hebdomadaire, accès aux douches réduit, aucun accès aux activités scolaires ou professionnelles alors qu’elles sont justement les plus efficaces pour amorcer la « déradicalisation ». Plus étonnant encore, il ressort qu’en pratique, les entretiens avec les intervenants extérieurs, en charge de la « déradicalisation », sont non seulement rares, mais facultatifs.

      La justice antiterroriste interroge nécessairement l’ensemble des acteurs du monde judiciaire autant qu’elle pose la question des limites de notre démocratie. Il nous paraît donc essentiel d’inviter l’ensemble des acteurs de la lutte et de la justice antiterroriste à mener cette réflexion de fond sans délai.

      Jean-François Morant, Jérémie Nataf, Jérémie Boccara, Olivier Parleani, Gabriel Dumenil, François Ormillien, Fanny Vial, Marc Bailly, Olivia Ronen, Lucile Collot, Adèle Singh, François Gagey sont, par ordre, les douze secrétaires de la Conférence des avocats du barreau de Paris.

  • Rythmes scolaires : « Le retour à la semaine de quatre jours risque de se faire aux dépens des femmes »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/07/27/rythmes-scolaires-le-retour-a-la-semaine-de-quatre-jours-risque-de-se-faire-

    Sans prétendre parler au nom de toutes les femmes, il est important de rappeler quelques chiffres simples : plus de 40 % des femmes dont le plus jeune enfant était en âge d’aller à l’école primaire ne travaillaient pas le mercredi avant la réforme de 2013. C’est deux fois plus que pour les hommes. Notre étude a montré que si la réforme de 2013 n’a pas eu pour effet à court terme d’accroître le nombre d’heures travaillées par semaine par les femmes, elle a amené un plus grand nombre d’entre elles à travailler le mercredi, entraînant, en moins de deux ans, une réduction de 15 % de leur différentiel de participation ce jour de la semaine par rapport aux hommes.

    Et si jusqu’à présent ces effets ne se sont pas traduits en termes de hausse des salaires, il faut rappeler que les inégalités salariales sont plus importantes dans les professions qui exigent d’avoir une présence continue sur le lieu de travail et de travailler des journées longues. Changer l’organisation du temps de travail dans les entreprises est un long chemin, probablement aussi sinueux et complexe que la modification des emplois du temps à l’école.

    Il ne s’agit pas de mettre sur le dos de l’école la responsabilité des inégalités entre femmes et hommes sur le marché du travail. Celles-ci sont le reflet d’une multitude de choix, plus ou moins encadrés par les normes sociales, que les individus font de l’école jusqu’à la retraite.

    Mais les contraintes institutionnelles pèsent sur l’activité des femmes, c’est une réalité. Le retour à la semaine de quatre jours sera peut-être un soulagement pour de nombreuses communes, mais les effets de ce nouvel emploi du temps restent encore incertains pour les enfants, et pourront être coûteux pour de nombreuses femmes.

  • La guerre de Syrie n’est pas finie
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/07/26/la-guerre-de-syrie-n-est-pas-finie_5165219_3232.html

    La guerre de Syrie n’est pas finie
    Editorial. Une nouvelle phase s’ouvre en Syrie, qui voit Bachar Al-Assad consolider son emprise sur le pays. De quoi entretenir la colère de la majorité sunnite syrienne.
    S’il est vrai que la majorité du pays est sunnite, il est tout à fait faux, et l’éditorialiste le sait, de prétendre que la majorité de ces sunnites sont contre le pouvoir actuel. Même s’ils le détestent, la majorité des Syriens préfèrent encore ce mal à ceux qu’on leur offfre avec tant de générosité.

    (...) Les Etats-Unis sont confrontés à cette question : peuvent-ils laisser l’Iran s’implanter militairement en Syrie, là où le terrain est reconquis sur la rébellion syrienne et sur les djihadistes ? Pas question, répondent en chœur les capitales arabes tout comme Israël. La présence de la Russie en Syrie est une vieille tradition. Celle de l’Iran, par milices chiites interposées, ne sera pas tolérée. A un moment, M. Trump pourrait avoir à faire un choix difficile : défendre la cause de ses alliés arabes, saoudiens notamment, ou accepter la mainmise iranienne sur la Syrie.
    Et hop, dans le même paragraphe on passe de "l’implantation militaire" (thèse discutable mais on ne va pas s’arrêter à de telles broutilles) à "la mainmise irnaienne". Je suis un peu déçu qu’ils n’aient pas écrit "chiite".

    Deuxième question : « le cas Bachar ». Si personne ne pose plus son départ comme une précondition à une éventuelle discussion sur l’avenir politique de la Syrie, personne ne se fait d’illusion non plus. Américains et Russes savent que, si le dictateur dispose du soutien incontestable d’une partie de la population, son maintien à terme entretiendra la colère de la majorité sunnite du pays – source d’un perpétuel renouveau djihadiste. La guerre de Syrie n’est pas finie.
    Même tour de passe-passe : on passe de la réalité démographique de la majorité sunnite à l’affirmation, sans aucun doute fausse, que le régime est sans appuis locaux autres qu’une "partie de la population". Or, il est avéré depuis longtemps, par de multiples sources et analyses, que la majorité de la population syrienne, quelles qu’en soient les raisons, soutient le pouvoir central syrien. Le Monde a toujours beaucoup de mal à penser la question syrienne.

  • Azuma, l’hologramme de compagnie destinée aux célibataires
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/07/22/tendresse-en-hologramme_5163695_3232.html

    C’est une jeune fille ­enjouée d’une vingtaine de centimètres de haut, aux longs cheveux bleus, vivant sous une cloche de verre. Posée près du ­canapé du salon ou sur la table de nuit, elle accueille son célibataire de propriétaire avec un grand sourire quand il rentre du travail, puis elle ­allume les lumières et l’informe du temps qu’il fera demain. Quand son chéri n’est pas là, elle lui envoie des textos pour lui rappeler qu’elle pense à lui et se languit.

    Cette fée Clochette s’appelle Azuma Hikari, et c’est un personnage à la sauce manga : peau diaphane, jambes interminables, yeux immenses et voix enfantine. Elle est la première occupante de la Gatebox, la boîte ­magique lancée en décembre 2016 par une entreprise japonaise, Vinclu. Une fois activée, la bulle translucide, posée sur un socle noir, s’illumine et Azuma apparaît à l’intérieur, comme un hologramme – il s’agit en fait d’une projection sur une plaque de verre.

    Azuma mène sa vie à l’intérieur du globe transparent. Elle dort, se lave les dents, prend une tasse de thé assise dans un fauteuil, mais se dresse aussitôt que son « maître », tel qu’il est nommé sur le site de l’appareil, la sollicite. Equipée d’une caméra et d’un micro, elle le reconnaît, distingue ses mouvements, comprend quelques mots et interagit avec lui, à la manière des assistants virtuels comme Siri.

    Si Azuma est, pour le moment, moins élaborée que ces derniers, elle dispose d’un avantage considérable : un corps, intouchable, certes, mais ­visible, animé, possédant la voix adorable et fluide des personnages de dessins animés japonais. Un corps qui donne à fantasmer, une créature animée à laquelle on peut s’attacher.

    #IA #pedosexualité #domination_masculine #male_gaze #misogynie #hétérosexualité

  • Face aux plates-formes numériques, « tout individu doit pouvoir jouir pleinement de ses droits fondamentaux »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/07/11/face-aux-plates-formes-numeriques-tout-individu-doit-pouvoir-jouir-pleinemen

    Luca Belli, chercheur à la Fondation Getulio Vargas (Brésil) et à Paris-II, a analysé la comptabilité des « conditions générales d’utilisation » des 50 plus grandes plates-formes numériques avec les droits élémentaires du citoyen et du consommateur. Edifiant… Les « conditions générales d’utilisation » (CGU) des plates-formes numériques constituent de fait une des principales formes de régulation du cyberespace. Tout service que vous utilisez sur vos ordinateurs, tablettes ou smartphones demande en effet (...)

    #terms #domination

  • TTF, taxe sur les salaires, bonus... La France dévoile son tapis rouge aux financiers (Agefi)
    http://www.agefi.fr/asset-management/actualites/article/20170707/ttf-taxe-salaires-bonus-france-devoile-tapis-rouge-222873

    Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé vendredi une série de mesures pour renforcer l’attractivité de Paris auprès des entreprises et des institutions financières dans le contexte du Brexit. Ses annonces confirment les pistes qu’avait évoquées le ministre de l’Economie et des finances Bruno Le Maire à l’Agefi.

    Le chef du gouvernement a ainsi annoncé la suppression de l’extension de la taxe sur les transactions financières (TTF) aux transactions infra-quotidiennes (intraday). Cette mesure avait été instaurée par le gouvernement précédent, suscitant une levée de boucliers dans les milieux financiers. Une réforme de la taxe sur les salaires a également été annoncée, avec la suppression de sa quatrième tranche à 20% pour réduire le coût du travail. Les primes ou bonus des salariés « preneurs de risques » seront exclus du calcul des indemnités de rupture du contrat de travail afin de réduire le coût des licenciements.

    Par ailleurs, le gouvernement s’engage, sur le droit bancaire et financier, à ne plus procéder à des surtranspositions de règles européennes et à examiner, pour les textes déjà transposés, des surrèglementations qui ne semblent pas justifiées pour les modifier ou les supprimer. Une consultation publique sera également lancée pour nourrir un projet de loi de simplification du droit financier et du droit des sociétés. Enfin, le gouvernement envisage de créer des chambres commerciales internationales spécialisées dans ces contentieux à haute technicité juridique.

    Ces annonces font suite à de premières annonces en juillet dernier après le vote sur le Brexit. Le Premier ministre à l’époque Manuel Valls avait annoncé la création d’un guichet unique, la baisse de l’impôt sur les sociétés, et l’amélioration du régime fiscal des impatriés.

    #Macronie

  • Les dessous d’une photo présidentielle
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/07/08/les-dessous-d-une-photo-presidentielle_5157733_3232.html

    Le portrait officiel d’Emmanuel Macron a été passé au crible par les journalistes, professionnels du marketing, commentateurs politiques et simples citoyens. La photo, diffusée en exclusivité sur les réseaux sociaux, jeudi 29 juin, a largement animé le petit monde de Twitter et les sites de la presse : le portrait officiel d’Emmanuel Macron en tant que président de la ­République a commencé sa carrière en ligne, avant d’orner, dans les prochains jours, les mairies de France. Pose, lieu, objets sur le (...)

    #métadonnées #marketing

  • L’Europe va-t-elle perdre les Balkans ?
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/07/01/l-europe-va-t-elle-perdre-les-balkans_5154313_3232.html

    L’Europe va-t-elle perdre les Balkans ?
    Miljenko Jergović, écrivain croate de Bosnie, met en garde contre un nouveau conflit et invite l’Union européenne à se réengager.
    |
    (L’intégralité de ce texte est parue dans la revue New Eastern Europe)

    #paywall, mais l’article original est accessible sur le site mentionné par Le Monde. La conclusion :

    Is Europe losing the Balkans ? – Eurozine
    http://www.eurozine.com/is-europe-losing-the-balkans

    The Western Balkans is, once again, ready for war, but not in quite the same way as in 1991.
    […]
    The situation is quite different today. The nations of the Western Balkans are readying themselves for a war similar to the ones that began in 1914 and 1941. They need a wide context in which to settle their scores. They seek a war where they can die for foreign kings, emperors and sultans: for Putin, Erdoğan, Trump, or second-rate nutcases like Wilders or Le Pen, or some other wily populist whose name we are yet to hear but whose photo-fit portrait we can already visualise.

    The Balkans have again become an arena for the kind of diplomatic manoeuvres that threaten one day to take on military shape. It is here in the Balkans that the Russians have, after an absence of a quarter of a century, returned to the European stage. And it is here in the Balkans that the Turks are re-establishing a presence in the very areas they were driven out of just over 100 years ago.

    So has Europe sacrificed the Balkans? Before the outbreak of the First World War, it looked as if European powers had succeeded in pacifying the region. Austria-Hungary had secured an international agreement for the establishment of a protectorate over Bosnia-Herzegovina in 1878 and by 1908 had annexed the country outright – a move that nobody (with the exception of Serbia) seriously opposed. In the course of the Balkan Wars of 1912 and 1913, Turkey was pushed back all the way to the Bosphorus. Russian attempts to increase its influence in the Balkans, through Serbia and the South Slavs of the Austro-Hungarian Empire, were a serious nuisance factor but not a major threat to peace. And then Gavrilo Princip killed the heir of the Habsburg throne in Sarajevo and, as we know, barely one month later the whole of Europe was at war; a war caused by paltry South-Slav rivalries of which Vienna, Berlin, Paris, Moscow and London knew very little indeed.

    Europe has not quite lost the Balkans yet, but it will lose them soon if it remains blind to the consequences that might follow from such a loss. The price of Europeanising the Balkans today is probably higher than it was 20 years ago – when a golden opportunity to bring stability to the region was missed. But it remains incomparably cheaper than the price to be paid in the event of the Balkanisation of Europe. When Turkey’s foreign minister talks of the coming religious wars in Europe and when he claims that there is no difference between European social democrats and fascists, he is counting on the anti-European sentiments of Bosnian Muslims, Albanians in Macedonia, perhaps even Albania itself.

    We still have time to upset his calculations. It is just a question of whether the various capitals of Europe really understand what Turkish and Russian calculations in the Balkans actually amount to.

  • Jean-Paul Delahaye : « Les responsables de l’échec sont de retour » (LeMonde.fr)
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/06/13/education-les-responsables-de-l-echec-sont-de-retour_5143481_3232.html

    Ce sont les équipes qui ont travaillé à cette régression qui sont aujourd’hui de retour rue de Grenelle. Sous couvert de pragmatisme, sont annoncées des premières mesures prises sans concertation véritable et encore moins d’évaluation de ce qui a été fait précédemment. Ce qui n’empêche pas de se déclarer fier de ne pas passer par la loi et de déclarer vouloir en finir avec les injonctions qui viennent du ministère, ce qui est assez incroyable à entendre compte tenu de ce qui est en train de se passer.

    […]

    Une des difficultés rencontrées pour réformer l’école vient du fait que les intérêts particuliers portés à la conservation d’un système qui fait si bien réussir leurs enfants, se retrouvent sur les deux côtés de l’échiquier politique et s’expriment beaucoup dans les médias, savent se faire entendre, défendent les positions acquises y compris s’agissant des choix budgétaires, et ont un pouvoir de retardement des réformes, voire de blocage.
    Le plus désolant sans doute c’est que les mesures annoncées répondent aux demandes de certaines élites sociopolitiques, quel que soit par ailleurs leur positionnement politique, à droite, au centre ou à gauche. Celles-ci veulent conserver leur position dominante dans le système éducatif. Elles visent plus à restaurer pour les leurs qu’à refonder pour tous.

    #éducation #réforme #Jean-Michel_Blanquer #inégalités #En_Marche

  • Stéphane Beaud : "La jeunesse populaire paie “plein pot” les transformations du marché du travail" - Le Monde http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/05/20/stephane-beaud-la-jeunesse-populaire-paie-plein-pot-les-transformations-du-m

    Le sociologue Stéphane Beaud qui fait paraître Une génération sacrifiée ? Jeunes des classes populaires dans la France désindustrialisée aux presses de l’école normale sup, souligne combien la désindustrialisation lamine les jeunes des classes populaires.

    La difficulté d’accéder à un emploi stable retarde toute socialisation professionnelle et allonge le temps de la jeunesse.
    Maintenus dans un statut indéterminé, marqué par une alternance entre stages, contrats précaires et chômage, ces jeunes vivotent sans perspectives d’avenir.

    http://www.presses.ens.fr/477-sciences-sociales-une-generation-sacrifiee.html
    #jeunes #travail #sociologie #

  • Lettre ouverte à un futur président déjà haï » parue dans le monde du 5 mai François Ruffin - 4 Mai 2017

    https://www.facebook.com/FrancoisRuffin80/photos/a.642440839270790.1073741828.642036589311215/729140700600803/?type=3&theater

    EN INTEGRALITE :

    Monsieur Macron, je regarde votre débat, ce soir, devant ma télé, avec Marine Le Pen qui vous attaque bille en tête, vous, « le candidat de la mondialisation, de l’ubérisation, de la précarité, de la brutalité sociale, de la guerre de tous contre tous » , et vous hochez la tête avec un sourire. Ça vous glisse dessus. Je vais tenter de faire mieux.

    D’habitude, je joue les petits rigolos, je débarque avec des cartes d’Amiens, des chèques géants, des autocollants, des tee-shirts, bref, mon personnage. Aujourd’hui, je voudrais vous parler avec gravité. Vraiment, car l’heure me semble grave : vous êtes détesté d’emblée, avant même d’avoir mis un pied à l’Elysée.

    Lundi 1er mai, au matin, j’étais à la braderie du quartier Saint-Maurice, à Amiens, l’après-midi à celle de Longueau, distribuant mon tract de candidat, j’ai discuté avec des centaines de personnes, et ça se respire dans l’air : vous êtes haï. Ça m’a frappé, vraiment, impressionné, stupéfait : vous êtes haï. C’était pareil la veille au circuit moto-cross de Flixecourt, à l’intuition, comme ça, dans les discussions : vous êtes haï. Ça confirme mon sentiment, lors de mes échanges quotidiens chez les Whirlpool : vous êtes haï. Vous êtes haï par « les sans-droits, les oubliés, les sans-grade » que vous citez dans votre discours, singeant un peu Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes haï, tant ils ressentent en vous, et à raison, l’élite arrogante (je ne vais pas retracer votre CV ici).

    Vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï. Je vous le martèle parce que, avec votre cour, avec votre campagne, avec la bourgeoisie qui vous entoure, vous êtes frappé de surdité sociale. Vous n’entendez pas le grondement : votre heure, houleuse, sur le parking des Whirlpool, n’était qu’un avant-goût. C’est un fossé de classe qui, face à vous, se creuse. L’oligarchie vous appuie, parfait, les classes supérieures suivent.

    Il y a, dans la classe intermédiaire, chez moi, chez d’autres, encore un peu la volonté de « faire barrage », mais qui s’amenuise de jour en jour, au fil de vos déclarations, de votre rigidité. Mais en dessous, dans les classes populaires, c’est un carnage. Les plus progressistes vont faire l’effort de s’abstenir, et ce sera un effort, tant l’envie les taraude de saisir l’autre bulletin, juste pour ne plus vous voir. Et les autres, évidemment, le saisiront, l’autre bulletin, avec conviction, avec rage.

    Vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï. Et c’est dans cette ambiance électrique que, sans concession, vous prétendez « simplifier le code du travail par ordonnances ». C’est dangereux. Comme si, le 7 mai, les électeurs vous donnaient mandat pour ça.

    Dimanche 30 avril, sur France Inter, une électrice de Benoît Hamon regrettait votre « début de campagne catastrophique », votre « discours indigent », votre « dîner à La Rotonde », votre manque d’« aise avec les ouvriers ». Nicolas Demorand la questionna : « Et vous allez voter au deuxième tour, Chantal ? » « Plus c’est catastrophique, plus je vais y aller, parce que j’ai vraiment peur de l’autre », lui répondit l’auditrice en un fulgurant paradoxe.

    A cet énoncé, que répliqua votre porte-parole, l’économiste Philippe Aghion ? Il recourut bien sûr à la tragique Histoire : Shoah, négationnistes, Zyklon B, Auschwitz, maréchal Pétain. En deux phrases, il esquissa toute l’horreur du nazisme. Et de sommer Chantal : « Ne pas mettre un vote, s’abstenir, c’est en fait voter Mme Le Pen. Il faut que vous soyez bien consciente de ça. » Contre ça, oui, qui ne voterait pas ?

    Mais de ce rejet du pire, vous tirez un blanc-seing. Votre économiste parlait, le 30 avril, comme un missionnaire du FMI : « Réduire la dépense publique », « les coupes d’abord dans le social », « sur l’assurance-maladie », « la tarification à l’acte », « l’assurance-chômage », « les collectivités locales ». Tout y passait.

    Et d’insister sur le traitement de choc : « C’est très important, le calendrier, il faut aller très vite. Il faut miser sur le capital politique de l’élection pour démarrer les grandes réformes dès le début, dès le début. Quand on veut vraiment aller vite sur ces choses-là, je crois que l’ordonnance s’impose. Je vois la France maintenant, un peu un parallèle avec l’après-guerre, je crois que nous sommes à un moment semblable à la reconstruction de 1945. » Rien que ça : la comparaison avec une France à genoux, qui a servi de champ de bataille, qui n’avait plus de ponts, plus d’acier, plus d’énergie, bref, ruinée, alors que le CAC 40 vient, cette année, de verser des « dividendes record » aux actionnaires.

    Mais de quel « capital politique » parlez-vous ? La moitié, apparemment, de vos électeurs au premier tour ont glissé votre bulletin dans l’urne moins par adhésion à votre programme que pour le « vote utile ». Et pour le second, si vous obtenez la majorité, ce sera en souvenir d’Auschwitz et du « point de détail ». Des millions de Français ne se déplaceront pas, qui ne veulent pas choisir entre « la peste et le choléra », qui vous sont d’ores et déjà hostiles.

    C’est sur cette base rikiki, sur cette légitimité fragile que vous comptez mener vos régressions à marche forcée ? Que ça passe ou ça casse ? Vous êtes haï, monsieur Macron, et je suis inquiet pour mon pays, moins pour ce dimanche soir que pour plus tard, pour dans cinq ans ou avant : que ça bascule vraiment, que la « fracture sociale » ne tourne au déchirement. Vous portez en vous la guerre sociale comme la nuée porte l’orage. A bon entendeur.

    #mondialisation #ubérisation #précarité #brutalité_sociale #guerre #régression #FMI #Social #macron #présidentielles_2017 #élections #CAC40 #Amiens #François_Ruffin

    Paru initialement dans Le monde : http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/05/04/francois-ruffin-lettre-ouverte-a-un-futur-president-deja-hai_5122151_3232.ht
    en intégralité : https://www.anti-k.org/2017/05/05/francois-ruffin-lettre-ouverte-a-futur-president-deja-hai

    • Désintéressons-nous, une fois pour toutes, des élections ! Par Alain Badiou 27 04 2017
      https://www.les-crises.fr/desinteressons-nous-une-fois-pour-toutes-des-elections-par-alain-badiou

      *

      Dans un texte confié à Mediapart, le philosophe Alain Badiou invite à se désintéresser des élections, terrain de prédilection des adversaires de l’émancipation. « Hystériser, de façon à la fois dépressive et déclamatoire, des résultats électoraux, est non seulement inutile, mais nuisible », écrit-il, en appelant à « un véritable labeur politique » contre la servitude actuelle. *

      Je comprends l’amertume des protestataires, notamment les déçus du Mélenchonisme, à l’issue du premier tour des élections. Ceci dit, ils ont beau faire et beau dire : il n’y a dans ce vote aucune escroquerie, aucune aberration particulière.

      Il n’y a eu, en fait, que deux anomalies partidaires, qui ont malheureusement (pour les pouvoirs réels) décomposé le bloc parlementaire central. Ce bloc est composé de la droite et de la gauche classiques. Il soutient depuis quarante ans, voire deux siècles, le déploiement du capitalisme local. Or, le sortant local de la prétendue gauche, Hollande, ne se représentait pas, ce qui a décomposé son parti. D’autre part, la droite classique, à cause des funestes primaires, n’a pas choisi son meilleur vieux cheval : Juppé, mais un bourgeois de province à la triste figure, trop éloigné des délices « sociétaux » du capital moderne.

      Le deuxième tour “normal” aurait dû être Hollande/Juppé, ou au pire Le Pen/Juppé, avec dans les deux cas, une élection facile de Juppé. En l’absence des deux partis de gouvernement décomposés, nos vrais maîtres depuis deux siècles, à savoir les propriétaires et gestionnaires des capitaux, étaient quelque peu à la peine. Heureusement (pour eux), avec leur personnel politique habituel, les vieux briscards de la réaction ; avec aussi, bien entendu, l’aide de résidus sociaux-démocrates (Valls, Le Drian, Ségolène Royal et consorts), ils ont bricolé un substitut présentable du bloc parlementaire central en déshérence. Ce fut Macron. Ils ont aussi, chose très utile, et de grande portée à venir, rallié Bayrou, le vieux sage centriste expérimenté, l’homme de toutes les guerres électorales, y compris les plus difficiles. Tout cela fut fait avec brio, en un temps record. Le succès final est pratiquement assuré.

      Dans ces conditions, tout à fait explicables, le vote entérine, de façon plus claire que d’habitude, que la subjectivité pro-capitaliste et droitière, y compris sous ses formes quelque peu fascistoïdes, est absolument majoritaire dans ce pays.

      Une partie des intellectuels et une partie de la jeunesse refusent de le voir, ou le regrettent amèrement. Mais quoi ? Veulent-ils, ces amateurs d’élections démocratiques, qu’on leur change le peuple des votants, comme on fait d’une chemise sale ? Qui vote doit consentir au vœu de la majorité, tout de même ! En vérité, ces deux groupes mesurent le monde à l’aune de leur propre situation et de leurs propres rêves, sans en tirer la conclusion qui s’impose : il n’y a absolument rien à attendre du vote “démocratique”.

      Déjà Napoléon III, en 1850, avait vu que le suffrage universel était, non pas l’horreur que la bourgeoisie bien-pensante imaginait qu’il était, mais une véritable bénédiction, une légitimation inattendue et précieuse des pouvoirs réactionnaires. C’est encore vrai aujourd’hui, partout dans le monde. Napoléon le petit avait découvert que dans des conditions historiques à peu près normales, à peu près stables, la majorité numérique est toujours fondamentalement conservatrice.

      Concluons calmement. Hystériser les résultats d’une élection ne mène à rien qu’à une dépression vaine. Habituons-nous à ceci : il n’y aura jamais de mise à mort de notre servitude actuelle sans, au plus loin des rituels électoraux, la liaison historique de quatre facteurs :

      1 : une situation historique instable, qui bouscule fortement les subjectivités conservatrices. Très probablement, hélas, une guerre, comme pour la Commune de Paris en 1871, la révolution russe en 1917 et la révolution chinoise entre 1937 et 1947.

      2 : une division idéologique fortement établie, naturellement d’abord chez les intellectuels, mais finalement dans les larges masses elles-mêmes, sur le fait qu’il y a deux voies et non une seule, que tout l’espace de la pensée politique doit se structurer autour de la contradiction antagonique capitalisme/communisme, ou de tel ou tel de ses équivalents. Je rappelle au passage les principes de la deuxième voie : Etablissement, contre la propriété privée, de formes collectives de la gestion des moyens de production, du crédit et des échanges ; polymorphie du travail, notamment mise à mal de l’opposition manuel/intellectuel ; internationalisme conséquent ; formes de gestion populaire travaillant à la fin de l’Etat séparé

      3 : une levée populaire, certainement comme toujours minoritaire, mais qui met au moins en suspens le pouvoir d’Etat, levée souvent liée au point 1.

      4 : une organisation solide apte à proposer une synthèse active des trois premiers points en direction d’un effondrement des ennemis et de la mise en place aussi rapide que possible des éléments constitutifs de la deuxième voie, la communiste, ceux que j’ai rappelés ci-dessus.

      Deux de ces 4 points, le 1 et le 3, dépendent de la conjoncture. Mais nous pouvons dès maintenant travailler activement au point 2, tout à fait crucial. Et nous pouvons également travailler au point 4, notamment en soutenant, à la lumière partagée du point 2, des réunions et actions communes entre une fraction des intellectuels d’une part, et d’autre part le prolétariat sous trois de ses formes : les ouvriers et petits employés actifs, les familles ouvrières frappées et démoralisées par la désindustrialisation frénétique de la France depuis 30 ans, le prolétariat nomade, de provenance africaine, moyen-orientale ou asiatique.

      Hystériser, de façon à la fois dépressive et déclamatoire, des résultats électoraux, est non seulement inutile, mais nuisible.

      C’est se situer sans aucun recours sur le terrain des adversaires. Nous devons devenir indifférents aux élections, qui relèvent tout au plus du choix purement tactique entre : s’abstenir de jouer dans cette fiction « démocratique », ou soutenir tel ou tel compétiteur pour des raisons de conjoncture par nous précisément définies, dans le cadre, par ailleurs étranger aux rituels du pouvoir d’Etat, de la politique communiste. Nous devons consacrer notre temps, toujours précieux, au véritable labeur politique qui ne peut s’inscrire que dans les quatre points ci-dessus.

      Alain Badiou

      @Dror@sinehebdo https://seenthis.net/messages/594505

  • Les liaisons dangereuses de Marine Le Pen
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/04/28/les-liaisons-dangereuses-de-marine-le-pen_5119270_3232.html

    Obscénité morale

    Il n’y a pas que M. Jalkh. Au sein du FN, dans l’entourage immédiat de Mme Le Pen, on trouve des gens qui, dans leur jeunesse, ont nourri des sympathies pour les acteurs les plus criminels de l’histoire de l’Europe. Mme Le Pen le sait. Son affiche électorale ne porte ni son nom ni la mention du FN. Faudrait-il cacher quelque chose ? Masquer le fait que son parti est l’héritier, l’incarnation d’une extrême droite dont l’attachement à la démocratie, aux droits de l’homme, aux libertés publiques et à la vérité historique est plus que douteux ?

    Par un extraordinaire tour de passe-passe, une sorte d’obscénité morale, les nouveaux dirigeants du FN osent se revendiquer du gaullisme. La vérité est que ceux qui ont fondé ce parti ont toujours été contre tout ce que de Gaulle a représenté : le refus du régime de Vichy (durant la deuxième guerre mondiale) ; les institutions de la Ve République ; l’entrée à l’Europe communautaire ; l’indépendance de l’Algérie, notamment. Mme Le Pen a, ­hélas, très largement réussi son opération de banalisation. De très nombreux électeurs ignorent tout de la vraie nature du FN – et du danger qu’il représente pour la France.

    #Linfiltré #PhoneStories #FN #Fachosphere

  • Interview Coupat/Burnel

    Quel jugement portez-vous sur la campagne présidentielle ?

    Quelle campagne ? Il n’y a pas eu de campagne. Il n’y a eu qu’un feuilleton, assez haletant à vrai dire, rempli de rebondissements, de scandales, de tension dramatique, de suspense. Beaucoup de bruit, un peu de fureur, mais rien qui soit à même de percer le mur de la perplexité générale. Non qu’il manque, autour de chaque candidat, de partisans diversement fanatisés tournant en rond dans leur bulle virtuelle. Mais ce fanatisme même ne fait qu’ajouter au sentiment d’irréalité politique. Un graffiti, laissé aux abords de la place de la Nation par la manifestation du 1er Mai 2016, disait : « Il n’y aura pas de présidentielle ». Il suffit de se projeter au lendemain du second tour pour s’aviser de ce que ce tag contenait de prophétique : quel qu’il soit, le nouveau président sera tout aussi fantoche que l’actuel, sa légitimité à gouverner sera tout aussi introuvable, il sera tout aussi minoritaire et impotent. Cela ne tient pas seulement à l’extrême usure de la politique, au fait qu’il est devenu impossible de croire honnêtement à ce qui s’y fait et à ce qui s’y dit, mais au fait que les moyens de la politique sont dérisoires au regard de la profondeur de la catastrophe en cours. Que peut la politique et son univers proclamatoire quand s’effondrent concomitamment les écosystèmes et les subjectivités, la société salariale et l’ordre géopolitique mondial, le sens de la vie et celui des mots ? Rien. Elle ne fait qu’ajouter au désastre. Il n’y a pas de « solution » au désastre que nous traversons. Penser en termes de problèmes et de solutions fait précisément partie de ce désastre : ce n’est qu’une manière de nous préserver de toute remise en question sérieuse. Or ce que l’état du monde met en cause, ce n’est pas seulement un système politique ou une organisation sociale, mais une civilisation, c’est-à-dire nous-mêmes, nos façons de vivre, d’être, de se lier et de penser. Les bateleurs qui montent sur des estrades pour vanter les « solutions » qu’ils se font fort de mettre en œuvre une fois élus, ne parlent qu’à notre besoin d’illusion. À notre besoin de croire qu’il existerait une sorte de changement décisif qui nous épargnerait, qui nous épargnerait notamment d’avoir à combattre. Toutes les « révolutions » qu’ils promettent ne sont là que pour nous permettre de ne rien changer à ce que nous sommes, de ne prendre aucun risque, ni physique ni existentiel. Ils ne sont candidats qu’à l’approfondissement de la catastrophe. De ce point de vue, il semble que chez certains le besoin d’illusion soit impossible à rassasier.

    Vous dites cela, mais jamais dans une élection il n’y a eu autant de candidats jurant de « renverser la table » ? Et comment pouvez-vous tenir pour rien l’enthousiasme soulevé ces dernières semaines par la candidature de Jean-Luc Mélenchon ?

    Jean-Luc Mélenchon n’est rien, ayant tout été, y compris lambertiste. Il n’est que la surface de projection d’une certaine impuissance de gauche face au cours du monde. Le phénomène Mélenchon relève d’un accès de crédulité désespéré. Nous avons les expériences de Syriza en Grèce ou d’Ada Colau à la mairie de Barcelone pour savoir que la « gauche radicale », une fois installée au pouvoir, ne peut rien. Il n’y a pas de révolution qui puisse être impulsée depuis le sommet de l’État. Moins encore dans cette époque, où les États sont submergés, que dans aucune autre avant nous. Tous les espoirs placés en Mélenchon ont vocation à être déçus. Les gouvernements de « gauche radicale », qui prétendent s’appuyer sur des « mouvements populaires », finissent plutôt par en venir à bout, non à coup de répression, mais de dépression. La virulence même des mélenchonistes atteste suffisamment de leur besoin de se convaincre de ce qu’ils savent être un mensonge. On ne cherche tant à convertir que de ce à quoi l’on n’est pas sûr de croire. Et en effet, nul n’a jamais renversé un système en en respectant les procédures. Au reste, les élections n’ont jamais eu pour fonction de permettre à chacun de s’exprimer politiquement, mais de renouveler l’adhésion de la population à l’appareil de gouvernement, de la faire consentir à sa propre dépossession. Elles ne sont plus désormais qu’un gigantesque mécanisme de procrastination. Elles nous évitent d’avoir à penser les moyens et les formes d’une révolution depuis ce que nous sommes, depuis là où nous sommes, depuis là où nous avons prise sur le monde. S’ajoute à cela, comme à chaque présidentielle dans ce pays, une sorte de résurgence maladive du mythe national, d’autisme collectif qui se figure une France qui n’a jamais existé. Le plan national est devenu celui de l’impuissance et de la névrose. Notre puissance d’agir se situe en deçà et au-delà de cet échelon débordé de toute part.

    Mais alors, que proposez-vous ? De laisser Marine Le Pen accéder au pouvoir ?

    Il est patent que Marine Le Pen a une fonction précise au sein du système politique français : forcer par la menace qu’elle représente la participation à des procédures auxquelles plus personne ne croit, faire voter les uns et les autres « en se bouchant le nez », droitiser jusqu’à l’absurde les termes du débat public et figurer au sein même du système politique une fausse sortie de celui-ci - alors même qu’elle en forme la clef de voûte. Évidemment que la question n’est pas de sortir de l’euro, mais de sortie de l’économie, qui fait de nous des rats. Évidemment que le problème n’est pas l’envahissement par les « étrangers », mais de vivre dans une société où nous sommes étrangers les uns aux autres et à nous-mêmes. Évidemment que la question n’est pas de restaurer le plein emploi, mais d’en finir avec la nécessité de faire tout, et surtout n’importe quoi, pour « gagner sa vie ». Évidemment qu’il ne s’agit pas de « faire de la politique autrement », mais de faire autre chose que de la politique - tant il est devenu évident que la politique n’est, à tous les niveaux, que le règne de la feinte et de la manigance. Aucune révolution ne peut être plus folle que le temps que nous vivons – le temps de Trump et de Bachar, celui d’Uber et de l’État Islamique, de la chasse aux Pokémons et de l’extinction des abeilles. Se rendre ingouvernable n’est plus une lubie d’anarchiste, c’est devenu une nécessité vitale dans la mesure où ceux qui nous gouvernent tiennent, de toute évidence, la barre d’un navire qui va au gouffre. Les observateurs les plus mesurés admettent que la politique se décompose, qualifient cette campagne d’« insaisissable » pour ne pas dire « inexistante ». Nous n’avons aucune raison de subir un rituel devenu si évidemment nocif. Nous sommes lassés de comprendre pourquoi tout va mal.

    Vous pensez donc qu’il n’y a rien à attendre de ces élections ?

    Si, bien sûr : leur débordement. Il y a un an, il a suffi de quelques youtubeurs et d’une poignée de lycéens pour lancer un intense conflit de plusieurs mois au motif de la loi Travail. Ce qui s’est alors traduit par des affrontements de rue réguliers n’était que l’extrême discrédit de l’appareil politique, et par contrecoup le refus de se laisser gouverner. Croyez-vous qu’au lendemain d’élections qui prennent cette fois dès le premier tour la forme du chantage à la démocratie, le dégoût de la politique sera moindre qu’alors ? Croyez-vous que chacun va sagement continuer de constater devant son écran la démence du spectacle de la politique ? Qu’il ne viendra à personne l’idée d’investir la rue de nos corps plutôt que les candidats de nos espoirs ? Croyez-vous que ces élections aient quelque chance d’apaiser l’inquiétude des âmes ? Il faut être naïf pour penser que la génération qui s’est formée politiquement dans le conflit du printemps dernier, et n’a pas cessé depuis lors de se former encore, va avaler cette supercherie parce qu’on leur propose désormais du bio à la cantine et une assemblée constituante. Depuis plusieurs mois, il ne s’est pas passé deux semaines sans que des affrontements n’éclatent aux quatre coins du pays, pour Théo, contre la police ou tel ou tel meeting du FN. Évidemment, cela reste minoritaire et les élections, en tant que non-événement, vont bien avoir lieu. La question est donc la suivante : comment faire pour que le vide intersidéral qui éclatera au lendemain des élections quel que soit le vainqueur ne soit pas le seul fait des « jeunes », immédiatement réduits par un déploiement policier démesuré ? Pour cela, il nous faut d’urgence réarmer nos perceptions et notre imagination politiques. Parvenir à déchiffrer cette époque et à déceler les possibles qu’elle contient, les chemins praticables. Et tenir qu’il n’y a pas eu de présidentielle, que tout ce cirque a assez duré, que ce monde doit être mis à l’arrêt au plus vite partout où nous sommes, sans attendre l’abîme. Cesser d’attendre, donc. Reprendre confiance en nous-mêmes. On pourra alors dire, comme Benjamin Fondane : « Le monde est fini. Le voyage commence. »

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/04/20/mathieu-burnel-et-julien-coupat-se-rendre-ingouvernable-est-une-necessite-vi

  • Franck de Lapersonne : « Un vrai coup de foudre pour Marine Le Pen »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/04/21/franck-de-lapersonne-un-vrai-coup-de-foudre-pour-marine-le-pen_5114822_3232.

    Je suis atterré quand je vois que les doublages en français se font dans des pays étrangers, au Maroc et en Tunisie, notamment. Ou que des séries dites francophones sont tournées en anglais. La grandeur de la France, ce n’est pas son ouverture à tout-va sur le monde, c’est la renégociation des traités internationaux qui nous sont défavorables, la fermeture des frontières qui est une urgence et l’établissement d’une carte professionnelle pour les artistes. Non pas pour les artistes français mais pour ceux qui ont étudié dans nos écoles.

    #Linfiltré #PhoneStories #FN

  • Hallucinante tribune co-signée par des soutien de Hamon et Macron dans Le Monde :

    « Les projets de Le Pen et de Mélenchon nous font craindre le pire pour
    la recherche française »

    Jean Jouzel , Prix Vetlesen (sciences de la Terre) 2012 et membre de
    l’équipe de campagne de Benoît Hamon
    Cédric Villani , médaille Fields (mathématique) 2010 et membre du comité
    de soutien d’Emmanuel Macron.
    Françoise Barré-Sinoussi , Prix Nobel de médecine 2012
    Claude Cohen-Tannoudji , Prix Nobel de physique 1997
    Albert Fert , Prix Nobel de physique 2007
    Serge Haroche , Prix Nobel de physique 2012
    Jules Hoffmann , Prix Nobel de médecine 2011
    Jean-Marie Lhen , Prix Nobel de chimie 1987
    Jean-Pierre Sauvage est Prix Nobel de chimie (2016)

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/04/20/les-programmes-de-le-pen-et-melenchon-pourraient-nuire-gravement-a-la-scienc

    « Les programmes de Le Pen et Mélenchon pourraient nuire gravement à la
    science »

    Un collectif de chercheurs de renommée internationale s’alarme de certaines propositions de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon qui, si elles étaient appliquées, nuiraient, selon eux, au développement et au rayonnement de la recherche française.

    Il y a près d’un an, nous exprimions, dans les colonnes du Monde (daté du 24 mai 2016), notre indignation face au projet d’une coupe budgétaire qui aurait été désastreuse pour la recherche française, et finalement pour l’avenir de notre pays. Le large soutien dont avait bénéficié notre action nous avait permis d’obtenir rapidement gain de cause.

    Si, aujourd’hui, nous souhaitons nous exprimer de nouveau, c’est face à un autre danger qui, à l’occasion de l’élection, menace notre recherche.

    De multiples sondages montrent que cinq projets présidentiels sont susceptibles de rassembler au moins 10 % des suffrages au soir du 23 avril 2017. Parmi ceux-ci, les projets de François Fillon, Benoît Hamon et Emmanuel Macron accordent une place sérieuse à la recherche et à son organisation. On peut, à la lecture de leurs programmes, repérer des différences notables, mais ce n’est pas l’objet de cette tribune que de les départager ; au reste, certains d’entre nous se sont engagés publiquement pour l’un ou l’autre de ces candidats.

    En revanche, les deux autres projets nous font craindre le pire pour la recherche française.

    Une France qui serait coupée de ses partenaires

    C’est le cas d’abord de celui de Marine Le Pen, au demeurant extrêmement impopulaire dans le monde de la recherche. En stigmatisant l’Union européenne comme elle le fait, en appelant à un repli national, elle contribuerait à couper la France de ses partenaires étrangers, alors que la recherche est une activité fondamentalement internationale. L’un d’entre nous, directeur d’institut, doit signaler que certaines de ses subventions internationales sont déjà suspendues à l’élection, les bailleurs de fonds étant effrayés par la perspective d’une victoire de Marine Le Pen.

    C’est aussi le cas du projet de Jean-Luc Mélenchon. Ses promesses généreuses sont peut-être une raison du soutien dont il jouit auprès d’une partie de l’enseignement supérieur français : gratuité complète des diplômes universitaires, doublement des crédits en cinq ans…

    Cependant, à supposer que de telles promesses soient réalisables, si l’on entre dans les détails de son programme, on ne peut que déchanter devant la violence destructrice des réformes qu’il propose.

    On y trouve la suppression de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) ; le financement sur projets et l’évaluation indépendante sont pourtant des fonctions vitales, parmi bien d’autres, de la recherche. L’interdiction pour les chercheurs de recevoir toute rémunération issue du secteur privé, et la suppression pure et simple du crédit d’impôt recherche (CIR), nuiront gravement aux liens entre recherche et industrie, à une époque où cette articulation, conçue dans le respect de l’indépendance scientifique, est pourtant jugée comme une priorité, en France et ailleurs.

    Fuite des cerveaux

    La disparition des primes au mérite aggravera le manque de reconnaissance des chercheurs et accélérera la fuite des cerveaux. L’homogénéisation des financements, en particulier celui des crédits de laboratoires qui seraient répartis uniformément, rendra encore plus difficile l’émergence des projets les plus originaux et internationalement compétitifs. Le probable désengagement de l’Union européenne annoncé va couper la recherche française des appels d’offres européens qui ont soutenu dans notre pays de nombreux projets de qualité.

    Mais la mesure la plus stupéfiante du programme de Jean-Luc Mélenchon est la suppression de l’autonomie des universités, venant avec l’instauration d’un concours de recrutement national et une planification globale de la mobilité des enseignants-chercheurs, niant aux universités toute possibilité de développer une quelconque politique scientifique dans la durée…

    Qu’il n’y ait pas de malentendu : le système actuel est très imparfait. Oui, le taux de succès de l’ANR est devenu insupportablement bas, et sa gouvernance scientifique doit être renforcée. Oui, il faut améliorer la procédure d’évaluation du HCERES et celle de l’attribution du CIR, dispositif fiscal dont l’efficacité laisse actuellement à désirer. Oui, certaines universités connaissent toujours précarité financière et souffrance administrative. Oui, il faut réaffirmer encore et toujours l’importance de la recherche fondamentale, des crédits de fonctionnement récurrents, et travailler à simplifier la vie des enseignants-chercheurs. Nous avons encore tant de progrès à faire !

    D’importantes avancées ces dernières années

    Cependant, regardons les choses avec un peu de recul. L’enseignement supérieur et la recherche française ont fait des efforts d’adaptation considérables durant la dernière décennie, afin de moderniser une organisation obsolète qui avait mené au délabrement de nos campus et à la dévalorisation de nos diplômes. Ces années de réformes ont été difficiles et marquées par des contestations ; certains bouleversements ne sont toujours pas achevés et le besoin d’amélioration se fait sentir partout.

    Mais cette période a finalement abouti à d’importantes avancées et certains consensus entre universités, gouvernements et syndicats. En témoignaient les Assises de l’enseignement supérieur, qui reconnaissaient la prise d’autonomie des universités comme une avancée majeure. En témoigne aussi la récente rédaction du Livre blanc sur l’enseignement supérieur et la recherche, sur une base consensuelle.

    L’équipe de Jean-Luc Mélenchon propose de détruire purement et simplement tous ces acquis, replongeant la recherche française dans l’illusion nachronique d’un Etat omniscient capable de planifier l’ensemble du monde universitaire dans son incroyable diversité.

    Pour une recherche de qualité, un financement généreux est nécessaire, mais ne suffit pas : l’ouverture internationale, le bon dosage des institutions, l’évaluation sans complaisance, la confiance accordée aux acteurs du système, sont tout aussi importants. Les institutions d’enseignement supérieur et de recherche françaises continuent, en dépit de bien des difficultés, à tenir leur rang de belle manière sur la scène internationale, pour la fierté de la nation et son bien-être à long terme : ce serait un cauchemar que de les voir soumises à une réforme autoritaire aux conséquences potentielles catastrophiques.

    • c’est vraiment pathétique !
      notre ami #Villani en remet une couche en signant cette tribune pour dire que #le_pen (3 phrases) et melenchon ( les 60 lignes d’après) feraient mal à « La #Science » (et l’on se demande pourquoi ils ont mentionné MLP alors que c’est évident qu’ils voulaient descendre JLM)(en fait, on le sait, c’est pour faire peuuuur !!!)

    • Au delà du modèle planifié ou neolibéral, il s’agit aussi d’une lutte de pouvoir. Les universités ont obtenu l’autonomie, elles ne veulent pas perdre le pouvoir que ça leur a donné. La défense de ce modèle se fait à mon avis plus pour ne pas perdre les nouveaux privilèges, avec les castes et la corruption que ça entraine, qu’en pensant à la qualité et l’utilité de la recherche.

  • Julien Coupat et Mathieu Burnel : la politique n’est « que le règne de la feinte et de la manigance »

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/04/20/mathieu-burnel-et-julien-coupat-se-rendre-ingouvernable-est-une-necessite-vi

    Dans un entretien exclusif, les deux membres du groupe de Tarnac portent un regard ironique sur la campagne présidentielle, un « cirque qui a assez duré ».

    Julien Coupat et Mathieu Burnel sont poursuivis depuis plus de huit ans dans ce que l’on appelle « l’affaire de Tarnac », dont la Cour de cassation a considéré, le 10 janvier, qu’elle ne relevait pas du terrorisme. Souvent considérés comme membres du Comité Invisible, dont le premier opus, L’insurrection qui vient (La Fabrique, 2007), avait connu un succès retentissant, ils portent leur regard critique et ironique sur la campagne présidentielle, alors que sort en librairie, après A nos amis (La Fabrique, 2014), le nouveau texte de ce même groupe anonyme et révolutionnaire, Maintenant (La Fabrique, 155 pages, 9 euros).

    Quel jugement portez-vous sur la campagne présidentielle ?

    Quelle campagne ? Il n’y a pas eu de campagne. Il n’y a eu qu’un feuilleton, assez haletant à vrai dire, rempli de rebondissements, de scandales, de tension dramatique, de suspense. Beaucoup de bruit, un peu de fureur, mais rien qui soit à même de percer le mur de la perplexité générale. Non qu’il manque, autour de chaque candidat, de partisans diversement fanatisés tournant en rond dans leur bulle virtuelle. Mais ce fanatisme même ne fait qu’ajouter au sentiment d’irréalité politique.

    Un graffiti, laissé aux abords de la place de la Nation par la manifestation du 1er Mai 2016, disait : « Il n’y aura pas de présidentielle. » Il suffit de se projeter au lendemain du second tour pour s’aviser de ce que ce tag contenait de prophétique : quel qu’il soit, le nouveau président sera tout aussi fantoche que l’actuel, sa légitimité à gouverner sera tout aussi introuvable, il sera tout aussi minoritaire et impotent. Cela ne tient pas seulement à l’extrême usure de la politique, au fait qu’il est devenu impossible de croire honnêtement à ce qui s’y fait et à ce qui s’y dit, mais au fait que les moyens de la politique sont dérisoires au regard de la profondeur de la catastrophe en cours.

    Que peut la politique et son univers proclamatoire quand s’effondrent concomitamment les écosystèmes et les subjectivités, la société salariale et l’ordre géopolitique mondial, le sens de la vie et celui des mots ? Rien. Elle ne fait qu’ajouter au désastre. Il n’y a pas de « solution » au désastre que nous traversons. Penser en termes de problèmes et de solutions fait précisément partie de ce désastre : ce n’est qu’une manière de nous préserver de toute remise en question sérieuse. Or ce que l’état du monde met en cause, ce n’est pas seulement un système politique ou une organisation sociale, mais une civilisation, c’est-à-dire nous-mêmes, nos façons de vivre, d’être, de se lier et de penser.

    Les bateleurs qui montent sur des estrades pour vanter les « solutions » qu’ils se font fort de mettre en œuvre une fois élus, ne parlent qu’à notre besoin d’illusion. A notre besoin de croire qu’il existerait une sorte de changement décisif qui nous épargnerait, qui nous épargnerait notamment d’avoir à combattre. Toutes les « révolutions » qu’ils promettent ne sont là que pour nous permettre de ne rien changer à ce que nous sommes, de ne prendre aucun risque, ni physique ni existentiel. Ils ne sont candidats qu’à l’approfondissement de la catastrophe. De ce point de vue, il semble que chez certains le besoin d’illusion soit impossible à rassasier.

    Vous dites cela, mais jamais dans une élection il n’y a eu autant de candidats jurant de « renverser la table » ? Et comment pouvez-vous tenir pour rien l’enthousiasme soulevé ces dernières semaines par la candidature de Jean-Luc Mélenchon ?

    Jean-Luc Mélenchon n’est rien, ayant tout été, y compris lambertiste. Il n’est que la surface de projection d’une certaine impuissance de gauche face au cours du monde. Le phénomène Mélenchon relève d’un accès de crédulité désespéré. Nous avons les expériences de Syriza en Grèce ou d’Ada Colau à la mairie de Barcelone pour savoir que la « gauche radicale », une fois installée au pouvoir, ne peut rien. Il n’y a pas de révolution qui puisse être impulsée depuis le sommet de l’Etat. Moins encore dans cette époque, où les Etats sont submergés, que dans aucune autre avant nous.

    Tous les espoirs placés en Mélenchon ont vocation à être déçus. Les gouvernements de « gauche radicale », qui prétendent s’appuyer sur des « mouvements populaires », finissent plutôt par en venir à bout, non à coups de répression, mais de dépression. La virulence même des mélenchonistes atteste suffisamment de leur besoin de se convaincre de ce qu’ils savent être un mensonge. On ne cherche tant à convertir que de ce à quoi l’on n’est pas sûr de croire. Et en effet, nul n’a jamais renversé un système en en respectant les procédures.

    Au reste, les élections n’ont jamais eu pour fonction de permettre à chacun de s’exprimer politiquement, mais de renouveler l’adhésion de la population à l’appareil de gouvernement, de la faire consentir à sa propre dépossession. Elles ne sont plus désormais qu’un gigantesque mécanisme de procrastination. Elles nous évitent d’avoir à penser les moyens et les formes d’une révolution depuis ce que nous sommes, depuis là où nous sommes, depuis là où nous avons prise sur le monde.

    S’ajoute à cela, comme à chaque présidentielle dans ce pays, une sorte de résurgence maladive du mythe national, d’autisme collectif qui se figure une France qui n’a jamais existé. Le plan national est devenu celui de l’impuissance et de la névrose. Notre puissance d’agir se situe en deçà et au-delà de cet échelon débordé de toute part.

    Mais alors, que proposez-vous ? De laisser Marine Le Pen accéder au pouvoir ?

    Il est patent que Marine Le Pen a une fonction précise au sein du système politique français : forcer par la menace qu’elle représente la participation à des procédures auxquelles plus personne ne croit, faire voter les uns et les autres « en se bouchant le nez », droitiser jusqu’à l’absurde les termes du débat public et figurer au sein du système politique une fausse sortie de celui-ci – alors même qu’elle en forme la clef de voûte.

    Evidemment que la question n’est pas de sortir de l’euro, mais de sortie de l’économie, qui fait de nous des rats. Evidemment que le problème n’est pas l’envahissement par les « étrangers », mais de vivre dans une société où nous sommes étrangers les uns aux autres et à nous-mêmes. Evidemment que la question n’est pas de restaurer le plein-emploi, mais d’en finir avec la nécessité de faire tout, et surtout n’importe quoi, pour « gagner sa vie ». Evidemment qu’il ne s’agit pas de « faire de la politique autrement », mais de faire autre chose que de la politique – tant il est devenu évident que la politique n’est, à tous les niveaux, que le règne de la feinte et de la manigance.

    Aucune révolution ne peut être plus folle que le temps que nous vivons – le temps de Trump et de Bachar, celui d’Uber et de l’Etat Islamique, de la chasse aux Pokémon et de l’extinction des abeilles. Se rendre ingouvernable n’est plus une lubie d’anarchiste, c’est devenu une nécessité vitale, dans la mesure où ceux qui nous gouvernent tiennent, de toute évidence, la barre d’un navire qui va au gouffre. Les observateurs les plus mesurés admettent que la politique se décompose, qualifient cette campagne d’« insaisissable » pour ne pas dire inexistante. Nous n’avons aucune raison de subir un rituel devenu si évidemment nocif. Nous sommes lassés de comprendre pourquoi tout va mal.

    Vous pensez donc qu’il n’y a rien à attendre de ces élections ?

    Si, bien sûr : leur débordement. Il y a un an, il a suffi de quelques youtubeurs et d’une poignée de lycéens pour lancer un intense conflit de plusieurs mois au motif de la loi travail. Ce qui s’est alors traduit par des affrontements de rue réguliers n’était que l’extrême discrédit de l’appareil politique, et par contrecoup le refus de se laisser gouverner.

    Croyez-vous qu’au lendemain d’élections qui prennent cette fois dès le premier tour la forme du chantage à la démocratie, le dégoût de la politique sera moindre qu’alors ? Croyez-vous que chacun va sagement continuer de constater devant son écran la démence du spectacle de la politique ? Qu’il ne viendra à personne l’idée d’investir la rue de nos corps plutôt que les candidats de nos espoirs ? Croyez-vous que ces élections aient quelque chance d’apaiser l’inquiétude des âmes ? Il faut être naïf pour penser que la génération qui s’est formée politiquement dans le conflit du printemps dernier, et n’a pas cessé depuis lors de se former encore, va avaler cette supercherie parce qu’on leur propose désormais du bio à la cantine et une assemblée constituante.

    Depuis plusieurs mois, il ne s’est pas passé deux semaines sans que des affrontements n’éclatent aux quatre coins du pays, pour Théo, contre la police ou tel ou tel meeting du FN. Evidemment, cela reste minoritaire et les élections, en tant que non-événement, vont bien avoir lieu. La question est donc la suivante : comment faire pour que le vide intersidéral qui éclatera au lendemain des élections, quel que soit le vainqueur, ne soit pas le seul fait des « jeunes », immédiatement réduits par un déploiement policier démesuré ?

    Pour cela, il nous faut d’urgence réarmer nos perceptions et notre imagination politiques. Parvenir à déchiffrer cette époque et à déceler les possibles qu’elle contient, les chemins praticables. Et tenir qu’il n’y a pas eu de présidentielle, que tout ce cirque a assez duré, que ce monde doit être mis à l’arrêt au plus vite partout où nous sommes, sans attendre l’abîme. Cesser d’attendre, donc. Reprendre confiance en nous-mêmes. On pourra alors dire, comme Benjamin Fondane (1898-1944) : « Le monde est fini. Le voyage commence. »

    • Évidemment que la question n’est pas de sortir de l’euro, mais de sortir de l’économie , qui fait de nous des rats. Évidemment que le problème n’est pas l’envahissement par les « étrangers », mais de vivre dans une société où nous sommes étrangers les uns aux autres et à nous-mêmes . Évidemment que la question n’est pas de restaurer le plein-emploi, mais d’ en finir avec la nécessité de faire tout, et surtout n’importe quoi, pour « gagner sa vie » . Évidemment qu’il ne s’agit pas de « faire de la politique autrement », mais de faire autre chose que de la politique – tant il est devenu évident que la politique n’est, à tous les niveaux, que le règne de la feinte et de la manigance.

      #anaphore

    • En complément : « L’insurrection » fait du sentiment
      http://www.liberation.fr/debats/2017/04/19/l-insurrection-fait-du-sentiment_1563834

      Dix ans après « L’insurrection qui vient », le Comité invisible, lié au « groupe de Tarnac » mené par Julien Coupat et un temps présenté comme terroriste, s’est assagi. A la lecture de son dernier ouvrage, « Maintenant », qui sort vendredi, la tentation de la violence semble avoir cédé le pas face à l’éloge de l’amour.

      (on ne rigole pas avant d’avoir lu, hein !)

      #Julien_Coupat #Mathieu_Burnel #Comité_Invisible #Parti_Invisible

  • Rafle du Vél’ d’Hiv : la faute de Le Pen
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/04/10/rafle-du-vel-d-hiv-la-faute-de-le-pen_5108861_3232.html

    Un « roman national » nauséabond

    Il a fallu attendre un peu plus d’un demi-siècle, attendre que le temps et les historiens fassent leur œuvre. En déclarant, lors de la commémoration de 1995, que « la France, ce jour-là, commettait l’irréparable », Jacques Chirac, président de la République, a tiré un trait définitif sur cette lecture de la déportation des juifs. Le moment était venu de reconnaître clairement la faute de l’Etat français collaborateur, et plus aucun dirigeant ne devait la contester. Les premiers ministres Lionel Jospin et Jean-Pierre Raffarin ont confirmé ce jugement. Le président Nicolas Sarkozy a estimé qu’il n’avait « rien à retrancher et rien à rajouter au très beau discours » de son prédécesseur ; plus tard, le président François Hollande a, à son tour, dénoncé « un crime commis en France par la France ».

    En rejetant cette interprétation aujourd’hui consensuelle, Marine Le Pen, candidate du Front national à l’élection présidentielle, prétend se placer dans les pas du général de Gaulle. Dimanche, pour justifier son propos, elle s’est référée à l’ordonnance du 9 août 1944, publiée à Alger par le gouvernement provisoire du général de Gaulle et destinée à ôter toute légalité au régime de Vichy. Mais nous ne sommes plus en 1944, ni même en 1981, et Marine Le Pen n’est pas Charles de Gaulle, dont Jacques Chirac incarne l’héritage beaucoup mieux qu’elle. Nous sommes en 2017. Près de trois quarts de siècle se sont écoulés depuis la Libération, au moins trois générations sont passées, des dizaines de milliers de pages d’histoire ont été écrites, débattues, analysées et enseignées.

    #Linfiltré #PhoneStories #FN

  • War and Propaganda
    http://www.counterpunch.org/2017/03/29/war-and-propaganda

    In 1996 George Kennan, architect of the containment policy towards the Soviet Union, warned that NATO’s expansion into former Soviet territories would be a “strategic blunder of potentially epic proportions.” In 1998, Thomas Friedman solicited Kennan’s reaction to the Senate’s ratification of NATO’s eastward expansion. Kennan said: ”I think it is the beginning of a new cold war. I think the Russians will gradually react quite adversely and it will affect their policies. I think it is a tragic mistake. There was no reason for this whatsoever. No one was threatening anybody else.”

    #Russie #propagande #Etats-Unis

  • Le PDG de Total : « Trump ne pourra pas sortir du traité sur le climat »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/03/30/patrick-pouyanne-trump-ne-pourra-pas-sortir-du-traite-sur-le-climat_5103315_

    Le Club de l’économie du « Monde ». Patrick Pouyané relativise le virage américain sur l’énergie, analyse les affrontements politiques au Moyen-Orient et s’inquiète des volontés hégémoniques de la Turquie.

  • Toujours à côté de la plaque le Roy omniscient

    Olivier Roy : « Pour passer à l’action djihadiste, il ne reste plus que les “losers” »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/03/28/olivier-roy-pour-passer-a-l-action-djihadiste-il-ne-reste-plus-que-les-loser

    Olivier Roy : « Pour passer à l’action djihadiste, il ne reste plus que les “losers” »

    #djihadistes #jihade