Et vous n’avez encore rien vu…

http://sniadecki.wordpress.com

  • APPEL AUX ÉTUDIANTS & PROFESSEURS
POUR LA CRÉATION DE COLLECTIFS AUTONOMES
UNIVERSITAIRES

    « AMIS ! Quittez au plus vite ce monde condamné à la destruction. Quittez ces universités, ces académies, ces écoles dont on vous chasse maintenant, et dans lesquelles on n’a jamais cherché qu’à vous séparer du peuple. Allez dans le peuple. Là doit être votre carrière, votre vie, votre science. […] Et rappelez-vous bien, frères, que la jeunesse lettrée ne doit être ni le maître, ni le protecteur, ni le bienfaiteur, ni le dictateur du peuple, mais seulement l’accoucheur de son émancipation spontanée, l’unisseur et l’organisateur des efforts et de toutes les forces populaires. Ne vous souciez pas en ce moment de la science au nom de laquelle on voudrait vous lier, vous châtier. Cette science officielle doit périr avec le monde qu’elle exprime et qu’elle sert ; et à sa place, une science nouvelle, rationnelle et vivante, surgira, après la victoire du peuple, des profondeurs mêmes de la vie populaire déchaînée. »
    Mikhaïl Bakounine, « Quelques paroles à mes jeunes frères en Russie », (mai 1869 – in Le socialisme libertaire, Denoël, 1972, pp. 210-211)

    « Survivre, mouvement ouvert à tous, se veut un instrument pour la lutte en commun des scientifiques avec les masses, pour notre survie […] Il semble que Survivre soit le premier effort systématique fait pour rapprocher, dans un combat commun, les scientifiques des couches les plus variées de la population »
    Marc Atteia, Alexandre Grothendieck, Daniel Lautié, Jérôme Manuceau, Michel Mendès-France et Patrick Wucher. Extrait de « Pourquoi encore un autre mouvement » in Survivre n° 2/3 septembre-octobre 1970.

    
CONSIDÉRANT l’hégémonie prise par la techno-science dans l’ensemble de la société industrielle dans les domaines du savoir/pouvoir et sa fâcheuse tendance à développer des applications technologiques mortifères (modification du vivant, nanotechnologies, ville intelligente, smart-bidule, nucléaire, etc.) et des dispositifs politiques de contrôle/contrainte (reconnaissances faciales, drones, fichage généralisé, etc.)

    CONSIDÉRANT que c’est au sein de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR), dans les universités, les écoles d’ingénieurs, les instituts de recherche comme le CEA et le CNRS, qu’est née et se développe actuellement cette techno-science.

    CONSIDÉRANT alors la responsabilité des chercheurs, professeurs et ingénieurs ainsi que des experts, techniciens et cadres administratifs dans cette avalanche de désastre techno-scientifique.

    CONSIDÉRANT que, depuis la fin des années 70 et la restructuration de l’économie capitaliste vers le « pouvoir dormant du savoir scientifique » (general intellect), la techno-science en tant que cadre de pensée et de production du savoir est intriquée de fait au capitalisme dans une structure triangulaire (science-industrie-armée), et qu’il convient alors de parler de « techno-capitalisme ».

    CONSIDÉRANT ce qu’il faut bien appeler à partir des années 90 une « révolution informatique » dans la production capitaliste, puis dans la production de la vie quotidienne réifiée. Et, CONSIDÉRANT que cette « révolution » est l’un des domaines-socles de la techno-science.

    CONSIDÉRANT le virage techno-totalitaire des États du capitalisme de sommet (Chine, USA, Europe) ces cinq dernières années comme matérialisation concrète et politique d’un des sous-domaines de la techno-science : la cybernétique.

    Et, CONSIDÉRANT que les « régimes d’exceptions » institutionnalisés et imposés successivement ne sont réalisables qu’à l’aide de cette science.

    CONSIDÉRANT la politique opportuniste médiatico-virale ou médiatico-terroriste de l’État pour imposer dans un laps de temps long, des privations de liberté, permettant de dissoudre les foyers de contestations des classes intermédiaires et pauvres tout en ayant le rôle du « sauveur ».

    ENFIN CONSIDÉRANT la fermeture totale des universités comme résultante de cette politique anti-subversive (les prépas, le Secondaire et les Grandes Écoles restant ouvertes).

    
Nous lançons un

    APPEL À LA FORMATION, DANS LES UNIVERSITÉS ET EN LEURS POURTOURS, DE COLLECTIFS COMBATIFS ET AUTONOMES DES INSTANCES UNIVERSITAIRES, à vocation d’émancipation, de critique sociale et d’organisation sur le long-terme.

    
PROPOSITIONS

    Croyez-vous que les nouveaux déserts silencieux et bétonnés, places fortes des « humanités numériques » et du suicide en vie digitale, nommés encore abusivement « Universités », puissent un jour redevenir des foyers de contestation, vivant et révolutionnaire ?

    Nous vivons paradoxalement une séquence historique à ne pas manquer pour qui souhaite revoir fleurir des foyers de contestations radicales et de pensées critiques chez la petite bourgeoisie universitaire. En effet, sans être nostalgiques du mai de l’année 1968 ou de la séquence de révolte étudiante entre 2006-2010, mais en envisageant froidement et structurellement ces espaces où la jeunesse-qui-a-le-temps-et-les-moyens réfléchit à sa condition et à la société qui la produit, les universités pourraient rapidement devenir des lieux remettant en cause l’ordre qu’elles génèrent.

    On pourrait penser que le gouvernement Macron a fait ce que tout bon anarchiste souhaiterait réaliser : fermer ce haut lieu de « la reproduction sociale des élites » qu’est l’Université. Cette vision, du reste assez périmée, relève d’une grande méprise : nonobstant son rôle mineur pour la formation des élites (prenez plutôt l’ENA, l’X, l’ENS, l’HEC… et Science Po Paris à la rigueur, si vous voulez voir des élites), la fermeture complète des facs en plein mouvement combo en mars 2020 (réforme des retraites & LPPR) n’est absolument pas la fin de l’Université. Cette période signe plutôt l’achèvement de sa mutation profonde. La stratégie gouvernementale française, suivant les processus néolibéraux européens amorcés en 2002 par la normalisation des diplômes (système LMD et ECTS), est la mise en place de l’Université-entreprise comme « grande marque », capable de vendre et de se faire vendre à l’export’. Une université concurrentielle pratiquant le toyotisme (pas de stockage d’étudiants), le numérique en plus.

    Le « processus de Bologne » permet à la France de finir le travail de sape de normalisation de « l’usine automatisée à cerveau » amorcé dans les années 60-70 par le pouvoir gaulliste-pompidouiste (notamment avec le principe d’autonomisation évoqué au colloque de Caen en 1966, la Loi Faure en 1968 et l’apparition du DEUG en 1973, ainsi que la création, à cette époque, des IUT, DUT, BTS). Cette refonte globale, basée sur le modèle des facs américaines, s’agrémente aujourd’hui d’un management tout bruxellois. Le modèle de l’Université Nouvelle ne doit plus s’embarrasser des étudiants « surnuméraires », de celles et ceux venus sur les vertes pelouses du Savoir pour goûter aux délices du questionnement philosophique ou pour s’initier aux rudes catégories de la sociologie politique avant de finir dans une fin de parcours de psycho (et potentiellement, le cas échéant, sur une ZAD ou dans un squat). Efficacité, sélection et transfert des cerveaux, pardon « recrutement sur le marché du travail », sont les maîtres mots, dans un flux tendu où il ne s’agit plus de passer son DEUG en 4 ans et sa thèse en 6 ! Pas besoin ici de retracer la séquence complète de la néolibéralisation de l’ESR, d’autres textes le font très bien (voir les matériaux en fin de texte).

    Ce qui est important de noter toutefois, c’est que cette dernière phase de modernisation que l’on observe depuis une décennie, est un double mouvement de digitalisation radicale (1) de l’Enseignement Supérieur (notamment avec le programme France Universités Numériques) permettant une précarisation immédiate des salariés et une future réduction drastique de la masse salariale (le confinement des universitaires est une fenêtre de tir inouïe pour parfaire cette stratégie). En même temps cette phase est la structuration finale de ce que les technocrates nomment le New Public Management (2) : un réaménagement total des instances universitaires, leurs rapprochements des marchés et des industrielles permettant de nouvelles sources de financements (fondations, partenariats-public-privé, masters privés) et une fluidité des capitaux, la fusion-concentration des directions, la formation de pôles spécifiques de recherche via les emprunts IDEX I et IDEX II, et leur mise en compétition. Cette phase de digitalisation/concentration (1) + (2), permet de diluer le nouveau « principe d’université » (si cher à Plínio Prado) fondamentalement technocratique dans sa forme et techno-scientifique dans son fond, dans tout le Réseau Technologique global (à la fois l’internet et le « market place ») : ainsi va de la « déterritorialisation » de l’enseignement via les annexes pauvres des facs, disséminées en villes moyennes mais sous tutorat des grands pôles, et du télétravail, pardon « distanciel », comme but ultime de l’apprentissage ; ainsi va de la fin annoncée des UFR ; ainsi va de la fin des livres et des BU ; ainsi va de la fin de ce service public remplacé comme tous les autres par des annexes du Grand Serveur qu’est « l’État-réseau » (Temps Critiques) avec ses terminaux de PC conviviaux… Il faut voir cette restructuration de l’ESR comme une guerre. Une guerre commerciale, rien à voir avec celle des tranchées, statique et déclarée mais plutôt comme une guerre froide où par exemple les nanotechnologies grenobloises de Minatec doivent battre les nanos de Palo Alto, avec l’aide de brevet indien ; où la robotique toulousaine du LAAS, alliée à tel géant de l’aéronautique doit surpasser la robotique de tel institut chinois, etc.

    Cette mutation des universités n’a rien d’étonnant à qui s’intéresse de près aux mutations à l’œuvre dans l’ensemble des pays du sommet capitaliste, ce que Temps Critiques nomme « société capitalisée » (État-réseaux, fluidité des infrastructures capitalistes grâce à l’outil informatique, globalisation des rapports de production…) Pour les séides de cette « révolution du capital », il était urgent de mettre les bouchées doubles sur les universités qui accusées un retard « réactionnaire » par rapport aux autres structures d’enseignement vues comme modèles de formation à la française (Grandes Écoles, Polytech, prépa). Il faut dire qu’il y reste encore des foyers de contestations en sociologie, en histoire et en philosophie, où la séparation n’est pas encore bien aboutie et où l’on a pu voir des étudiants mettre en pratique sur des barricades et dans des occup’, les leçons apprissent la veille. Gageons que le « distanciel », imposant de fait la séparation avec la vie réelle, finira le sale boulot.
    En éclaircissant ce que ce « libéralisme autoritaire » (Chamayou) produit sur les universités, il est à remarquer deux types de mutations complémentaires : une mutation économique issue des directives néolibérales européenne et un accroissement fulgurant du sécuritaire universitaire, c’est-à-dire une pensée politique de l’« anti-subversion ».
    Sans y voir un calque à une échelle plus petite, des modèles de contre-insurrection visant à imposer le « marché- libre » en Amérique latine, ce que Naomie Klein nomme « Stratégie du choc » mais que les militaires de l’époque nommaient « doctrine de la sécurité nationale », les doublets macronistes lois néolibérales/lois sécuritaires en période de guerre sanitaire en ont tout de même l’accent. L’augmentation de la puissance policière de notre « sécurité globale » et la judiciarisation à outrance des formes radicales de confrontation en plein état d’urgence, n’est pas fortuit (même si le cheval de Troie de la LPPR sur la criminalisation des perturbations de CA de fac et des occup’ n’est pas passé, l’intention est là, et ce type de mesures passera tôt ou tard si rien n’est fait). Un certain opportunisme guide nos dirigeants qui craignent de voir poindre un petit mouvement de derrière les fagots qui pourrait allier le Jaune des classes paupérisées au Noir de la petite bourgeoisie rageuse, qui sait ?

    Cette montée aiguë du sécuritaire fait suite, dans les facs, à une augmentation constante du sécuritaire universitaire depuis plus d’une dizaine d’années : annulation de la fameuse « franchise universitaire » et entrée massive des flics dans les facs, vigiles en nombre, caméra et sas de détection, biométrie, fermetures administratives préventives, judiciarisation des actions étudiantes, attaques des syndicats étudiants et des collectifs autonomes, etc.

    Ces mesures sont à mettre en parallèle de la complète ouverture des universités aux marchés : loi d’homogénéisation européenne (LMD, 2004), mise en place des appels à projets pour la recherche publique (ANR, 2005), loi de concentration et de concurrence des pôles universitaires (LRU, examinée « à la hussarde » à l’été 2008 et c’est une première à l’époque), loi de dérégulation du marché du travail (loi Travail 2016, resucée du CPE), loi de sélection, vieux rêve gaulliste (Parcours Sup, 2018) et loi managériale (LPPR, 2020). Ce double volet, maintenant assez classique en politique capitaliste, permet d’enserrer de plus en plus la jeunesse qui y étudie dans des nœuds économico-répressifs ultra tenues, sans possibilité de sortie du cadre, ni de se rebeller, la précarisation en plus.

    Se surajoute à la solution « chocale » (état d’urgence) et brutale (sécurité globale), la tactique rampante de l’école néolibérale britannique des « micropolitics ». Pas celles des intellos deuleuzien, non, l’expression est reprise aux philosophes français par l’économiste écossais Madsen Pirie et son groupe de Saint Andrews, comme une série de méthodes « douces » visant à « […] générer des circonstances dans lesquelles les individus seront motivés à préférer et à embrasser l’alternative de l’offre privée, et dans laquelle les gens prendront individuellement et volontairement des décisions dont l’effet cumulatif sera de faire advenir l’état de chose désirée. » (Dismanting the State : The Theory and Practice of Privatisation, traduit par Grégoire Chamayou dans La société ingouvernable, 2019).

    On se doute bien qu’ici, le but recherché, n’est pas la Commune Libre, mais plutôt une sorte de dystopie orwellienne libérale où dans celle-ci, a contrario des dictatures classiques, ce n’est pas la liberté et l’autonomie politique en tant que telles qui sont attaquées et dissoutes, mais les cadres de légitimité et de mise en place où celles-ci s’exercent. Par un jeu de grignotage de certains verrous législatifs, coutumiers, et moraux, grignotages vus comme « bataille-cliquet » (école autrichienne ultra-libérale Hayek, Higgs) subrepticement gagnés et propres à chaque « secteur » de l’activité humaine, se réalise le remplissage des énergies dissolvantes du capital dans toutes les stances de la vie quotidienne. Toute remise en question a posteriori est jugée vaine puisque « irréaliste » et « plus d’actualité ». De plus en plus de nouveaux choix, dans le monde de l’entreprise ou de la vie quotidienne sont plébiscités comme « nouvelles libertés » alors qu’ils sont la dissolution parfaite du choix politique dans le régime de la consommation-citoyenneté. Pour exemple de cette « technologie politique », on peut citer les nouveaux régimes de retraites où le choix est laissé individuellement au travailleur de partir avant le nouvel âge légal et de cotiser dans des fonds de pension s’il souhaite toucher plus d’argent. À l’université, les micropolitics se traduisent par exemple dans le faux choix entre « des formations d’excellences favorisant l’interdisciplinarité et les pédagogies innovantes » (Pub de l’UGA) et les filières massacrées des anciennes humanités non récupérables pour le capital (Latin, Grecs…). Où bien encore on peut citer la promotion de « l’autonomie » des facultés (LRU) alors que, depuis 20 ans, le processus de Bologne pousse à l’inverse.

    Cet achèvement époquale est aussi, comme toute mutation structurelle, un moment de fragilité du statu quo démocratique et donc, un moment délicat pour les structures politico-économiques. En reprenant la métaphore de l’insecte chère à l’économiste libéral Walter Rostow évoquant les mutations économico-politiques d’ampleur des sociétés capitalisées, c’est au moment des « mues », quand toute l’énergie est dirigée vers le changement de forme, que l’organisme est le plus vulnérable.

    En ce qui concerne le monde universitaire, la jeunesse-qui-s’oublie dans ces clapiers de 9m2 ou rentrée chez papa-maman pour télétravailler, en tout cas seule devant un écran, peut maintenant prendre le temps de se poser les questions métaphysiques du sens de la vie et des études. Elle bouillonne ! Elle fulmine ! Cette jeunesse, à tourner en rond dans sa cage écranique en attendant que ses lieux d’étude – nonobstant qu’ils sont aussi ses lieux de socialisation – ne réouvrent. Et si ça tarde trop le gouvernement sera content de leur trouver d’autres occupations forcément « éthiques » et « solidaires » en « servant la France » par exemple dans des travaux forcés dit « d’intérêt général » (aller nettoyer notre merde sur les plages ou ailleurs, ça vous passera l’envie de vous rebeller !) Ou alors le gouvernement tente le coup en traître de l’endormissement à peu de frais. Le genre de promesses mesquines des quelques miettes pécuniaires de la « revalorisation du pouvoir d’achat » des bourses etc., et dont cette saloperie condescendante du 1 € la soupe au RU en est le summum… espérons juste, qu’après tout cela, la petite pilule bleu (#Youtube,#Netflix) n’achève pas l’élan vital.

    « Lasciate ogni autonomia voi che entrate ! »

    Mais la Puissance, prise de cours et mettant toute l’énergie dans sa « mue » (les câbles et les antennes à relier, les programmes à formater, les failles du consensus à reboucher, etc.), la jeunesse dispose encore de quelques marges de manœuvre avant que son énergie soit pokeballisée de nouveau : voyez, les manifs qui reprennent de plus belle, avec les soirées interlopes et les free party, ces mouvements se mélangeant allègrement dans des lieux impromptus − parcs, hangars, terrains vagues −, sortes de « trous positifs » (Bureau d’urbanisme unitaire) où la négativité d’un rejet total de la société (se terminant souvent par de la confrontation avec les forces de l’ordre) voisine avec des pratiques créatrices : cantines populaires et vins chauds, spectacles de feu, pantomimes & clowneries, tracts, affiches, banderoles. Et là aussi les questionnements et les débats vont bon train concernant le sens à donner à cette vie qui reste confinée aux exigences économiques. La vitalité ensauvagée de la jeunesse ne peut se laisser cloisonner, et les failles sont encore nombreuses où, face à ce mur sanitaire, les élans des lycéens, étudiants et précaires débordent les assommantes punitions de papa-État.

    Les technocrates n’ont bien sûr pas que ça a faire ! Rivés devant les courbes et les paroles d’experts (le pouvoir décomposé qui se fige dans ses propres prérogatives économiques et électoralistes), ils mènent le combat historique face aux virus et surtout face à l’opinion publique. Et pendant que les flics désespèrent dans leur rôle de pervenches sanitaires (en attendant la création de « brigade sanitaires citoyenne » sur le modèle des voisins vigilants), il y a tout un monde en ébullition qui trépigne sous le masque civique du « sanitairement correct ». La société virale a beau être devant nous, les convulsions historiques ne sont pas prêtes (encore) de s’arrêter.

    Et c’est là que la question de la reprise en main des vies cloisonnées croise la critique acerbe de notre monde hautement technifié. Cela fait des années que certains collectifs crient au loup à tout-va à chaque saut technologique et sécuritaire. Sur ce, la mise en branle de collectifs et associations comme la Quadrature du Net ou Écran Total et la mise en mouvement d’idées technocritiques dans des manifs et des actions aussi diverses que contre les compteurs communicants ou le puçage des animaux, l’informatisation des bibliothèques et des CAF, permet un changement de paradigme dans la contestation vieillie portant sur « les moyens de production ».
    L’art de la critique reprend de la vigueur dans de nombreux collectifs se permettant au passage d’éditer textes, brochures, tribunes et livres. Sans compter la critique en acte, sabotages populaires de symboles de la technocratie (antennes, transformateurs, véhicules…) qui ponctue, çà et là, le quotidien morose du citoyen propre & connectée, de quelques « coupures » salutaires lui rappelant ainsi la fragilité du Progrès dignement acquit.

    C’est au croisement de toutes ces énergies aux potentialités révolutionnaires nouvelles, dans un vide tellurique, qu’il est opportun de créer des contre-lieux à l’université et ailleurs, où puissent s’y retrouver (et s’y perdre) cette vitalité.
    Dans cette période bascule, qui projette l’entièreté des relations humaines vers les fils canoniques du réseau technologique, l’ouverture de lieux pirates, où le lien réel peut se faire librement, devient la plus haute des subversions.

    Qu’ils restent cachés à l’abri des regards ou magistralement exposés comme acte d’autonomie politique (voyez cette prof de philo à Rennes qui donne des cours magistraux « interdits »), ces espaces-temps hors des temporalités virales du negotium contemporain (confinement/couvre- feux/état d’urgence/boulot/métro/chimio) sont des bases où les énergies subversives peuvent se rallier et se choyer. C’est avant tout ce genre d’initiative qu’il s’agit maintenant de renforcer ou de recréer de toute pièce, à l’intérieur des facs et sur leurs pourtours. Maintenant qu’il n’y a plus rien, c’est le moment opportun de tout faire !

    Un local associatif moribond ?, un amphi sinistre ?, une salle de TD dont on détient la clé ? un hangar désaffecté ? Même un banc abrité… De la plus petite faille dans les murs du consensus, où l’on puisse se nicher à plusieurs, quelque chose de neuf, quelque chose de l’ordre de la décence humaine, peut reprendre vie et s’expandre. Sans mensonge ni tactique partisane, il y sera salutaire d’y faire naître quelques idées nobles, ici exposées sous forme de mots-clés, aux champs interprétatifs ouverts, afin que ni les puissants, ni la propagande, ni la scélératesse vision-du-monde-actuelle (Weltanschauung), n’y puissent dominer et ceci faisant, à l’occasion de rencontre, y faire mûrir des luttes, dans de multiples, divers et non-linéaire direction. Et sache, fantôme étudiant, qu’il existe tout un Inter-monde, entre la froidure de tes amphis serviles et la chaleur bientôt suffocante des data centers qui remplissent en ce moment les écrans de ta vie, maintenant si souvent connectée.

    CRITIQUE RADICALE : La pensée critique n’est pas une sorte de posture de l’esprit, de méfiance et d’arrogance qu’il s’agirait de faire advenir dans la tête de l’étudiant et celles de ses cotumes. C’est avant tout des méthodes et techniques théoriques et pratiques qu’il faut transmettre et (ré)apprendre à se servir (enquêtes critiques, dialectique, historicisation, curiosité & précisions dans la théorie, matérialisme radical, démystification, irrévérence envers les lieux communs, les doxas et le politiquement correct, retour incessant entre la théorie et la pratique, critique en acte, confrontation, dialogue véritable et langage nouveau) « Et critiquer (avant de connoter quelque chose de négatif, le reproche ou le blâme), c’est d’abord cela : examiner, trier, nuancer (gr. tekhnè diakritikè : l’art de distinguer), passer au crible fin, en toute indépendance, telle ou telle opinion ou proposition ; rechercher les présuppositions qui s’y trouvent impliquées, y discerner ce qu’elle a de nécessaire ou légitime et ce qu’elle a d’arbitraire ». (Plínio Prado, Le principe d’université, pp. 14-15)

    OUVERTURE : Ce genre de lieu, pour ne pas péricliter, doit faire preuve de la plus grande ouverture possible. Dans un double mouvement d’enrichissement d’énergies les plus diverses possibles et de reflux vers d’autres sphères non-universitaires, cette respiration est un gage que la critique se surpasse en permanence. Cependant que l’ouverture ne signifie pas naïveté politique, à bon entendeur…

    COMMUNICATION : « La question de la communication d’une théorie en formation aux courants radicaux eux-mêmes en formation (communication qui ne saurait être unilatérale) tient à la fois de “l’expérience politique” (l’organisation, la répression) et de l’expression formelle du langage (de la critique du dictionnaire à l’emploi du livre, du tract, d’une revue, du cinéma, et de la parole dans la vie quotidienne) » (extrait du « Rapport de Guy Debord à la VIIe Conférence de l’I.S. à Paris », juillet 1966.)

    ACTION : Il est peut-être d’une évidence toute folle aujourd’hui, dans cette ère de la passivité généralisée et de la mise en avant du « symbolique », de souligner que la critique n’est pas seulement la distinction des choses et le dévoilement de leur inter-relation, mais bien plus leur combat dans ce qui paraît être la mise en acte d’une théorie, sa concrétion. Ainsi toute critique véritable contient en elle le sens de la négation.

    ACRATIE : Critiquer le pouvoir comme sujet abstrait ne suffit pas. Il est nécessaire pour que ces lieux ne dépérissent pas en groupuscules ultra-gauchistes ou en vitrine subversive de l’institution (cf. Vincennes), qu’ils s’inscrivent dans le dénuement de puissance. En se mettant dans une optique de ne pas chercher les rapports de pouvoir (pas de hiérarchie, pas d’individualisation des tâches, pas de grosses structures et de financements conséquents), une attention particulière de tous les instants sera portée sur les savoirs/pouvoirs, concentrés et diffus, présents en ces lieux. Sur cette base, tout ce qui s’organise doit le plus possible négliger les fonctions et le fonctionnalisme, les spécialités, les rôles d’experts et dynamiser les formes tournantes de pratiques organisationnelles et politiques en intégrant de manière simple (cf. OUVERTURE) les personnes qui ne sont pas du milieu universitaire.

    AUTONOMIE : Il peut être important de souligner que c’est dans ce haut lieu aliénant, tant pour ses travailleurs que pour ces clients-usagers, qu’est l’Université moderne (et nonobstant sa production des moyens de l’aliénation), qu’il est primordial de développer l’autonomie comme le sens aigu d’auto-formation de ses propres bases politiques et matérielles. Là est le socle de ce qui peut renverser radicalement, le rapport d’exploitation et de domination. Et cela ne peut advenir que par des mouvements réels et combatifs de personnes se sentant en lien et formant des fronts de lutte ouverts. Ceci rejoint les points sus-cités.
    AMITIÉ : Si les sociologues ont inventé le « lien social » afin de l’étudier, il convient de ne rien inventer du tout et d’imaginer nos rencontres futures comme de potentielles amitiés fécondes.

    Au point où nous en sommes, il convient de ne pas oublier une chose importante : si la techno-science et ses thuriféraires sont nos ennemis déclarés, le but final de ces énergies que nous appelons à voir revenir dans les universités, ne peut être voué à retomber dans les mêmes travers d’efficacité et de réification de l’homme que la techno-science propose. Bien au contraire, l’absence de visée, c’est-à-dire l’absence d’efficacité gestionnaire et technique pour une supposée délirante « augmentation de la puissance » (qui signifierait un surcroît dans la gouvernance autoritaire) ou encore pire d’ « empouvoirement » (qui signifierait au final, qu’on le veuille ou non, un surcroît de pouvoir, c’est-à-dire dans le monde technifié, une amplification de la domination par des machines et des « technologies politiques »), doivent être au centre des attentions. Sans parler de récupération (aborder dans la proposition suivante), il faut se méfier des opportunistes et de la pensée mesquine entrepreneuriale, pressante aux encolures dans le milieu universitaire : aérosol macroniste imbibant l’air de notre temps, d’acquisition de « compétences », de « skills », et de « plan de carrière ».

    Cette pensée ne date pas de Jupiter et est l’une des marques de fabrique de la petite-bourgeoisie intellectuelle, cette couche sociale des petits agents spécialisés dans les divers emplois de ces « services » dont le système productif actuel a si impérieusement besoin : gestion, contrôle, entretien, recherche, enseignement, propagande, amusement et pseudo-critique. Au sein de la machine, cette classe a pour fonction la « reproduction » du capital via la maintenance et l’amélioration de la technostructure. Et ce sont pendant les moments de « flottements » de la machine, quand le programme central reboot et où les élans de jeunes étudiantes et étudiants encore non totalement encadrées, encastrées dans cette couche, parviennent à s’unir collectivement, qu’il peut se passer des choses intéressantes.

    Et en même temps, il faudra en permanence se méfier de nous-même (autocritique) dans la tendance à l’utilisation du savoir dans la société technique et gestionnaire qu’est la nôtre, c’est-à-dire sa transformation consubstantielle en pouvoir. L’hubris nous mène par le bout du nez et, il serait alors facile, pour une institution universitaire, de nous tendre la perche au moment opportun, nous proposant une petite place dans l’ascenseur social universitaire (start-up, place administrative, business plan, subvention, salaires, BDE, CA, CVU, etc.)

    Car la récupération est une pratique vivace à l’université, en recherche constante d’innovation et de trouvaille humaine. C’est sa fonction principale d’ailleurs, elle qui doit alimenter en chair humaine, brevets, et savoirs frais le ventre jamais repu du Moloch, il ne faudrait pas l’oublier. Tout le monde « récupère » à la fac : d’un chercheur récupérant les travaux d’un collègue sans citer sa source, d’un startuppers piquant une découverte non-breveté, d’un techno essayant de faire fortune en fouillant dans les arrières-cours des découvertes passées, d’une administration pompant librement l’énergie de ses jeunes vacataires, tout ça est le commerce normal d’une « communauté du crime » qui ne dit mot.

    Les syndicats et partis politiques eux aussi en sont de la partie ! toujours aux aguets pour renflouer les caisses et enrégimenter – en jouant sur la corde sensible de la « solidarité » et en agrémentant leur tract de terme à la mode apprit hier de leurs aïeux sociologues pompeux et bien en chaire – quelques étudiants de bonne volonté voulant mettre leur rage, leur énergie et leur dégoût de la société dans une organisation qu’il juge libératrice. Et puis c’est comme chez papa-maman, on nous apprend des choses, on nous donne des ordres, il y a un cadre, des règles, des punitions et des récompenses, on nous donne un nouveau corpus de légitimité et en avant la troupe, drapeau et pancarte au vent !

    Et force est de constater que, depuis 2016, le désert politique croît sur les campus, malgré quelques actes téméraires relevant de la bravoure, la pensée de l’autonomie politique a pratiquement disparue des débats en AG. Ce désert est tout encadré et propagé d’un côté par la gauche réformiste issue en grande part des syndicats d’enseignants, aux méthodes corpo et paternalistes, qui ne se bougent les fesses qu’une fois l’an, quand une loi vient chatouiller d’un peu de trop près leur bagne climatisé pour en modifier la température de quelques degrés Celsius ; et de l’autre par ce communisme de caserne, à l’autoritarisme à peine caché, qui prend vraiment les étudiants pour de la piétaille, qu’il faudrait abêtir par des slogans simples et redondants afin de provoquer mécaniquement ce qui s’appelle dans le jargon de l’« agitation » (mais pourquoi au fait ?) Bien entendu, les deux tendances faisant semblant de se haïr, tout en chérissant de tout leur effort et par pur intérêt ce consensus démocratique, qui permet un recrutement constant d’adhérents, des postes dans les conseils, un droit de parole illimité dans les AG et une mainmise en général sur les affaires universitaires. Les stratèges sont là, en position sur les parvis des BU, distribuant leur tract saupoudré d’un verbiage adaptable aux clients potentiels. Il est dur dans ces conditions, même pour un esprit sain, d’y voir clair dans leur jeu de dupe. Au moins, à l’époque du GUD, il était plus facile de passer de la critique des mots à la barre de fer, maintenant cela passerait pour de « l’anti-démocratisme ».

    Au principe d’amélioration des conditions présentes dont la communauté universitaire se targue de porter comme une de ces valeurs première, il convient donc de substituer celui de négation et ses variantes sur la base du NON : non-compromission, non-construction, non-amélioration, non-légifération, non-travail. Dans les conditions présentes, la loi de Gabor jusque-là jamais démentie, il n’est en aucun cas possible de croire que la posture aristo du « savoir pour le savoir » peut viser à un quelconque débordement des institutions universitaires.

    Dans le techno-capitalisme tout part du pouvoir et tout lui revient (en droit). La prétention à l’élévation humaniste et encyclopédiste a doublement failli tout simplement parce que ses bases sont fausses : en séparant le savoir (gr. épistémê) vu comme universel, de la société particulière qui le produit, le chercheur à l’ère industrielle (gr. technê mekhanê) a toujours substitué la question du « Pourquoi » philosophique à celle du « Comment » ingénieuriale, poussé de toute part pour trouver « les moyens de… ». L’ « intellect général » est un des maillons essentiels au développement acharné des forces techno-capitalistes, et le « savoir » jamais neutre, se fructifiera tôt ou tard en pouvoir et puissance. La société qui produit en même temps les conditions d’un savoir hautement aboutit techniquement et complexe, est aussi celle qui permettra son utilisation de manière mortifère. Ou dit autrement, le savoir produit dans le cadre scientifique moderne, contient déjà en lui la propension à son utilisation, capitaliste et technologique. La recherche scientifique est un Janus mortifère qu’il faut maintenant regarder en face !

    Et donc, il ne s’agira pas ici, d’inculquer du savoir mais seulement de retrouver le goût de vivre librement et de pratiquer la vie, la critique en acte, c’est-à-dire de trouver et retrouver ce qui actuellement et par le passé, permet et a permis a tant de gens de sortir de l’ornière et de comment ils se sont organisés (ou pas) pour le faire.
La mise en pratique effective de ces « universités autonomes » est la vie collective qui se développe dans ce genre de lieu, ce que l’on a envie de voir pousser et effectivement, ça pousse de toutes parts ! Il est à parier que si ce genre de lieu arrive à vivre, les âmes re-ennoblies par les nouveaux liens amicaux et la poussée collective, se sentent vite à l’étroit dans les murs qui les enserres et que se propagent – au moment où les regards se tournent ailleurs – des négativités fécondes sur les bancs (démontés) des amphis et les bureaux bordélisés des chercheurs.

    Que cela soit clair, il n’est pas question de recréer ici des « techniques politiques » de management, de formation ou de direction de « lutte émancipatrice », ou bien encore de viser à un quelconque résultat en termes de « gain de puissance » ou de « bataille à gagner ». Le but de cet appel est de faire sortir de
ses gonds la sinistrose universitaire sans en passer par le pouvoir ; d’arriver à proposer des pistes hors normes permettant des dépassements internes. Parce qu’on ne peut rester sur les acquis d’une supposée force motrice universitaire issue des mouvements passés, qu’elle s’appelle « université alternative », « fac autonome », « cours alternatifs », « espace autogérée » ou tout autres vocables de l’altérité.
    Culturellement, cela passe par la démolition, une bonne fois pour toutes, de la culture élitiste, fille du mythe des « humanités libératrices » et de cet intellectualisme, un brin pédant, un Foucault dans une main et un iPod X dans l’autre, érigeant leur misère comme « style de vie ».

    Et structurellement, contrairement à la ghettoïsation maintes fois opérées par les technocrates (c.f. « le ghetto expérimental » de la fac de Vincennes), il est impérieux de ne jamais se faire déborder par la gauche par les institutions de la marchandise intellectuelle. Si « ça marche », si l’appétit de l’alternative botte les colporteurs de l’Université moderne, c’est que la critique s’est essoufflée et ne produit plus que le reflet d’elle-même, sa représentation comme traduction du vivant en « concept » alors maintenant « mastrerisable » et pouvant se vendre comme bonne came dans des séminaires de sociologie ou de linguistique créative. « On reconnaît la théorie critique exacte en ce qu’elle fait apparaître ridicule toutes les autres » disait un jour un alcoolique notoire.

    Au plus proche des réalités merdiques du monde, l’acte de la critique pour être vivant, doit faire coïncider dans un même mouvement, l’observation précise et sans compromission des mécanismes de la société, à la critique en acte, réelle et communicative, de ces mêmes mécanismes. Tâchons de ridiculiser ces universitaires ès luttes sociales en luttant dans leur cours, à la place de leur cours. Et s’ils ne font plus que du distanciel ? no matter, la lutte est de toute façon dans la vie réelle.

    « Les résidus de la vieille idéologie de l’Université libérale bourgeoise se banalisent au moment où sa base sociale disparaît. L’Université a pu se prendre pour une puissance autonome à l’époque du capitalisme de libre-échange et de son État libéral qui lui laissait une certaine liberté marginale. Elle dépendait en fait étroitement des besoins de ce type de société : donner à la minorité privilégiée, qui faisait des études, la culture générale adéquate avant qu’elle ne rejoigne les rangs de la classe dirigeante dont elle était à peine sortie. D’où le ridicule de ces professeurs nostalgiques, aigris d’avoir perdu leur ancienne fonction de chiens de garde des futurs maîtres pour celle, beaucoup moins noble, de chien de berger conduisant, suivant les besoins planifiés du système économique, les fournées de “cols blancs” vers leurs usines et bureaux respectifs. Ce sont eux qui opposent leurs archaïsmes à la technocratisation de l’Université, et continuent imperturbablement à débiter les bribes d’une culture dite générale à de futurs spécialistes que ne sauront qu’en faire. » (De la Misère en milieu étudiant…)

    QUELQUES MATÉRIAUX POUR UNE SUBVERSION DE L’UNIVERSITÉ

    – L’Université désintégrée, la recherche grenobloise au service du complexe militaro-industriel, groupe Grothendieck, Le Monde à l’envers, 2021.

    – « Allons-nous continuer la recherche scientifique ? » Alexandre Grothendieck, 1972. Disponible sur https://sniadecki.wordpress.com (Retranscription de la conférence-débat donnée à l’amphithéâtre du CERN, le 27 janvier 1972.)

    – Survivre et Vivre, Critique de la science, naissance de l’écologie, coordonnée par Céline Pessis, l’Échappée, 2014. Compilation de texte de la revue subversive d’écologie radicale dont Alexandre Grothendieck fut un membre très actif. L’introduction de Céline Pessis (qui reprend le texte de son mémoire : Les années 1968 et la science, Survivre… et Vivre, des mathématiciens critiques à l’origine de l’écologisme) est très bien documenté sur le contexte historique et politique du milieu scientifique des années 70.

    – Toulouse nécropole, spécialités locales pour un désastre global, La commune des mortel-le-s, 2014, disponible sur www.IATAA.info/toulouse-necropole et toulouse.necropole@riseup.net.

    – « La politique universitaire depuis 1968 », Patrick Fridenson, 2010, https://www.cairn.info/revue-le- mouvement-social-2010-4-page-47.htm Article universitaire très détaillé sur les différentes réformes des universités. Tableau clinique rigoureux et politique des gouvernements avec l’ESR.

    – « A quoi bon l’université », Antonia Birnbaum, Lundi matin n° 57. Un témoignage sincère et brut de décoffrage sur une prof de philo à la fac et sur la question de la persistance de l’Université.

    – « Université : la changer ou l’achever ? », Anne Steiner, 2014 sur https://sniadecki.wordpress.com (très bon concernant les rapports de classe et lien entre l’université et l’économie capitaliste).

    – « Étudiez, y’a rien à voir ! » brochure, Éditions Autonomes de Nanterre, 2010.

    – Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, Raoul Vanegeim, 1967. Pour sentir toute la fraîcheur de la révolte de Mai 68 et en même temps pour mieux comprendre la société du spectacle.

    http://inventin.lautre.net/livres/Vaneigem-Traite-de-savoir-vivre.pdf
    http://inventin.lautre.net/livres/Vaneigem-Traite-de-savoir-vivre.epub

    – De la Misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier, Association Fédérative Générale des Étudiants de Strasbourg, 1966.

    https://infokiosques.net/spip.php?article14
    http://inventin.lautre.net/livres/De-la-misere-en-milieu-etudiant.pdf
    http://inventin.lautre.net/livres/De-la-misere-en-milieu-etudiant.epub

    – Révolution dans l’université, quelques leçons théoriques et lignes tactiques tirées de l’échec du printemps 2009, éditions La ville brûle, 2010.

    – Le principe d’université, comme droit inconditionnel à la critique ; Plínio Prado, Éditions lignes, 2009. Disponible gratuitement en ligne. Quelques passages intéressants même si c’est à chaque fois pareil avec les faqueux, dès qu’ils veulent contester l’université, ils retombent dans cette espèce d’archaïsme bourgeois et ne voient pas que leur « principe d’université » émancipateur et libéral (Humbolt et tutti quanti) est le paravent qui cache le principe d’université moderne à savoir : la technoscience.

    GROUPE GROTHENDIECK, HIVER 2020-2021.

    Vous pouvez nous contacter et nous demander la version brochure sur :

    groupe-grothendieck@riseup.net


    https://lundi.am/Appels-aux-etudiants-et-professeurs

    --

  • BALLAST | L’#écoféminisme en question — par Janet Biehl
    https://www.revue-ballast.fr/lecofeminisme-en-question-par-janet-biehl

    En 1991, l’es­sayiste éta­su­nienne Janet Biehl fai­sait paraître son livre Rethinking Ecofeminist Politics : une cri­tique réso­lue du mou­ve­ment éco­fé­mi­niste. Bien que consciente de la diver­si­té des cou­rants qui tra­versent ce der­nier, l’au­trice y per­çoit un renon­ce­ment glo­bal à cer­tains des idéaux du fémi­nisme. Dans l’ex­trait que nous tra­dui­sons ici, Biehl dénonce tout par­ti­cu­liè­re­ment la réha­bi­li­ta­tion de l’oikos — la mai­son —, du « foyer » et du « care » pour mieux louer la Cité, la chose publique, bref, la poli­tique, enten­due sous sa plume comme radi­ca­le­ment démo­cra­tique et éco­lo­gique. Face à ce qu’elle per­çoit comme des « replis mys­tiques régres­sifs » et un « déni­gre­ment direct ou indi­rect de la rai­son », l’é­co­lo­giste sociale enjoint à tra­vailler à « un ensemble d’i­dées anti­hié­rar­chique, cohé­rent, ration­nel et démo­cra­tique ».

    • ah bé c’est marrant, je venais juste d’enfin lire ya quelques heures le dernier chapitre de Sorcières, où @mona l’évoque à quelques pages de la fin :

      Mais cet essentialisme, peut-on vraiment se satisfaire de le récuser, comme le fait par exemple Janet Biehl, qui fut proche du théoricien écosocialiste Murraya Mookchin ? Selon la philosophe Catherine Larrère, « pour libérer les femmes de la domination qui pèse sur elles, il ne suffit pas de déconstruire leur naturalisation pour les rapatrier du côté des hommes - celui de la culture. Ce serait ne faire le travail qu’à moitié, et laisser la nature en plan. La cause de la nature y perdrait, mais tout autant celle des femmes ». Les écoféministes, explique Émilie Hache, veulent pouvoir se réapproprier, investir et célébrer ce corps qui a été diabolisé (c’est le cas de le dire), dégradé et vilipendé pendant des siècles ; et elles veulent aussi pouvoir questionner le rapport guerrier à la nature qui s’est développé en parallèle. Le problème qui se pose à elles pourrait se résumer ainsi : « Comment (re)construire un lien avec une nature dont on a été exclue ou dont on s’est exclue parce qu’on y a été identifiée de force et négativement ? ».

      Dans le même temps, elles refusent que la « nature » serve de prétexte pour leur imposer un destin ou un comportement normés tels que la maternité ou l’hétérosexualité. L’expérience méconnue du « retour à la terre » de communautés séparatistes lesbiennes dans les années 70 en Oregon témoigne bien de cette attitude (en plus d’avoir de quoi rentre catatoniques ceux qui, en France, sortent de leurs gonds à la simple idée que des femmes - ou des victimes du racisme - organisent une réunion non mixte de deux heures). "Pourquoi laisser aux hétérosexuels le monopole d’une sexualité « naturelle » et penser que les mouvements queer n’ont pu se développer que dans les villes, loin de la nature et contre celle-ci ?" interroge Catherine Larrère, qui ne voit « pas de raison de construire le féminisme sur le déni de la nature ».

      Alors oui, mais du coup j’ai l’impression que c’est sans lien avec la critique de Janet Biehl évoquée au début du passage, puisque justement elle est écosocialiste…

      Alors je ne sais pas si du coup elles parlent (@mona et Biehl) des mêmes écoféministes, puisqu’il y a plusieurs courants, et si on est capable de déterminer lesquelles sont les plus connues, les plus lues, les plus influentes ? Là dans l’article Biehl évoque Hamilton en disant qu’elle est une exception, mais que (c’est moi qui souligne)

      pour l’essentiel, les écrits écoféministes sont remarquablement dépourvus de référence à la démocratie. L’approche la plus courante ignore complètement la question de la polis

      […]

      Les nombreuses écoféministes qui ignorent complètement le sujet de la démocratie semblent penser que les « valeurs féminines » de « care et d’éducation » constituent une alternative pleine d’empathie naturelle à l’idéal démocratique, supposé froid, abstrait, individualiste et rationaliste — voire carrément « masculin »

      #féminisme #éco-féminisme #éco-socialisme #care #démocratie #essentialisme (ou pas) #débat #Janet_Biehl
      @antonin1

    • Dans Être écoféministe, Jeanne Burgart Goutal parle de cette diversité : les essentialistes, les matérialistes, les intersectionnelles... À la fin on a tout mélangé mais l’autrice nous dit que c’est pas grave. Elle mentionne Janet Biehl et est un peu critique envers elle mais ne l’assassine pas. J’ai le bouquin de Biehl chez moi mais je ne l’ai pas encore ouvert. Donc : pas d’avis !

      Voir aussi
      https://ecorev.org/spip.php?article711
      pour le texte de Biehl

      https://www.lechappee.org/collections/versus/etre-ecofeministe
      (Plein d’interv en lien.)

    • « Dans cette période de privatisation massive, nous ne pouvons pas permettre que ce qui subsiste de la sphère politique démocratique soit souillé par des penchants privatistes, particularistes, ou repliés sur l’oikos. Nous devons nous réapproprier la tradition politique de la démocratie radicale, nous battre pour la préserver et la généraliser. »

      Le problème étant que la « démocratie radicale » ne peut exister que sur la base d’une réappropriation de la #subsistance par des communautés autonomes, et donc aussi en partie sur le « foyer ». Une fois de plus les progressistes oublient la base matérielle sur lesquelles leurs constructions politiques reposent...

      Voir : http://sniadecki.wordpress.com/tag/subsistance

    • Il me semble que c’est bien ce que professe généralement le courant écosocialiste (Biehl c’est courant Bookchin) donc ya pas d’oubli. Sauf que non pas au niveau d’un « foyer » même un peu étendu, mais plutôt à l’échelle d’une commune + des communes liées (et pour l’instant je ne pense pas non plus que là de nos jours, avec les ressources actuelles, les compétences des gens, etc, on puisse subvenir à tous les besoins de base, habitat + nourriture + habits, etc, au niveau d’un « foyer » seulement, alors qu’au niveau d’une commune ça s’imagine quand même). Mais donc au niveau d’une commune ça nécessite une démocratie non basée uniquement sur le foyer et le « care ». Enfin c’est ce que je comprends.

  • De Bure à Cadarache
    http://www.zinzine.domainepublic.net/?ref=4293

    Un reportage sur la balade anti-nucléaire qui a eu lieu le 9 août 2019 à Forcalquier organisée à l’initiative de l’équipe de la revue Z, qui est venue dans la région fêter le dixième anniversaire de Z à Longo maï. Cette action en solidarité avec les opposants au site d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure (qui étaient en plein festival des Burelesques le même jour) dénonçait également le centre de recherche à Cadarache. Durée : 31 min. Source : Radio Zinzine

    http://www.zinzine.domainepublic.net/emissions/SPX/2019/DeBureACadarache.mp3

  • Jean-Pierre Dupuy, Confusionniste nucléaire, 2019

    Quelle surprise de lire dans #La_Décroissance n°159 de mai 2019 une interview tout ce qu’il y a de plus complaisante et servile de la Pourriture Nucléariste et du Technocrate #Pseudo-Critique #Jean-Pierre_Dupuy ! [...]

    Ce polytechnicien, avec son dernier ouvrage La Guerre qui ne peut pas avoir lieu, essai de métaphysique nucléaire (éd. Desclée de Brouwer, 2019) est toujours aussi à côté de la plaque et hors de la réalité.

    Car le problème des armes nucléaires n’est pas seulement leur usage en cas de conflit, mais avant tout leur simple existence en temps dit « de paix ». C’est-à-dire leur production par l’#industrie_nucléaire. Car la « guerre nucléaire » à déjà eu lieu, et elle continue. Hier, ce sont les essais atmosphériques de la « guerre froide » et aujourd’hui souterrains de la rivalité entre « puissances » qui veulent jouer les gros bras sur la « scène internationale » par manque d’autres moyens.

    Les « retombées » de cette guerre qui ne dit pas son nom sont autour de nous du fait de la dissémination des éléments radioactifs qu’implique de toute façon le fonctionnement normal de l’industrie nucléaire « civile », dont les sous-produits (notamment l’uranium enrichi et le plutonium) sont nécessaires à la production des armes nucléaires. Sans parler de l’uranium dit « appauvrit » qui est maintenant utilisé pour les munitions des armes dites « conventionnelles ». [...]

    Or, de ces petites choses trivialement concrètes et bassement matérielles, Jean-Pierre Dupuy ne souffle pas un mot ; ça ne l’intéresse pas. Comme les collapsologues Pablo Servigne & Co, il préfère parler de menaces imaginaires qui concernent le futur plutôt que de parler de la catastrophe que l’on a déjà, ici et maintenant , sous les yeux.

    http://sniadecki.wordpress.com/2019/06/20/dupuy-nucleaire

    #critique_techno, #nucléaire, #collapsologie, #militaire, #guerre, etc.

  • L’« intelligence des plantes » | Yves Bonnardel
    http://lmsi.net/L-intelligence-des-plantes

    Comment gérer la dissonance cognitive consistant à éprouver de l’empathie pour les animaux et à les manger, souvent après qu’ils ont été tués dans d’atroces souffrances ? Parmi les arguments couramment entendus, figure celui-ci, d’une mauvaise foi redoutable : « les plantes, elles aussi, souffrent ». Ce « cri de la carotte » est censé clouer le bec définitivement aux anti-spécistes. Yves Bonnardel s’attache, dans le texte qui suit, à réfuter cet argument. Source : Les mots sont importants

    • Certes, on découvre que les « comportements » des végétaux (et même des bactéries) sont beaucoup plus complexes qu’on ne l’imaginait. Cela ne nous donne aucune raison pour autant de penser qu’ils sont sentients, et a fortiori solidaires, aimants, ou que sais-je. L’évolution darwinienne a vu se mettre en place des processus biologiques qui entraînent une souplesse d’adaptation à des conditions très variées. De même que notre corps réalise à tout instant des prouesses sans que nous en ayons même conscience, de même les organismes végétaux « réagissent »-ils à leur environnement de manières qui peuvent être très sophistiquées. [...]
      Nous utilisons en permanence à tort des termes impliquant une « agentivité » pour décrire des processus. Ainsi parle-t-on aujourd’hui de l’intelligence, de la mémoire, de la communication ou des stratégies des systèmes (informatiques, par exemple) ou des plantes, etc. Cela revient à « décrire un thermostat comme « décidant » de chauffer la maison quand la température tombe en dessous d’un certain seuil. »

      Certes, il y a beaucoup de confusion dans l’emploi des termes pour qualifier les réactions et actions des êtres vivants, et surtout des plantes. Et surtout dans les ouvrages de Mancuso, où l’analogie entre l’être vivant et l’entreprise capitaliste et étonnamment très présente et encore plus étonnamment pas dénoncée par ceux qui prétendent l’avoir lu...

      Mais prétendre à leur propos que « L’évolution darwinienne a vu se mettre en place des processus biologiques qui entraînent une souplesse d’adaptation à des conditions très variées. » est tout simplement faux : en tant qu’êtres actifs et sensibles, les plantes ne font pas que « s’adapter », elles savent aussi tirer parti de leur environnement, le transformer, etc.

      La rhétorique de « l’adaptation » que ces anti-spécistes réservent aux plantes dénie aux êtres vivants les plus élémentaires le caractère de sujet à part entière. Elle vise rien de moins qu’a créer une frontière totalement arbitraire et purement artificielle entre « être sentients » qu’il ne faut pas toucher et « êtres non-sentients » que l’on peut massacrer à sa guise.

      Procédé rhétorique qui vise à évacuer le problème de fond : la mort fait partie de la vie , et les anti-spécistes s’inscrivent dans ce courant très progressiste et moderniste qui veut évacuer et mettre définitivement à distance la #mort dans les sociétés capitalistes et industrielles.

      Jacques Luzi, Au rendez-vous des mortels , 2019
      http://sniadecki.wordpress.com/2019/04/25/lalenteur-luzi

      Le livre traite avant tout du #transhumanisme, mais certains chapitres peuvent tout aussi bien s’appliquer à l’anti-spécisme et au militantisme végan.

      Un paradoxe me trouble : alors que le capitalisme est entrain de réaliser la #sixième_extinction des espèces à grande vitesse, les anti-spé ne se mobilisent pas contre ce processus en cours (je me trompe ?), mais contre l’abatage des animaux d’élevage pas du tout menacés d’extinction...

      @rezo @rastapopoulos

  • La bioéconomie, stade ultime du capitalisme | Racine de moins un
    https://sniadecki.wordpress.com/2018/08/06/rmu-lafontaine-transhumanisme

    La sociologue québécoise Céline Lafontaine nous propose d’analyser le phénomène du transhumanisme en partant de la notion de bio-économie qui voit dans le vivant en général et dans le corps humain en particulier une matière première. En conclusion, elle interroge le retournement qui voit l’homme devenir à nouveau objet de recherche scientifique. Une conférence prononcée dans le cadre du colloque “Critique de la raison transhumaniste” au Collège des Bernardins le 20 mai 2017. Durée : 46 min. Source : Radio Zinzine

    https://ia801502.us.archive.org/9/items/RMU046LafontaineEnjeuxBioeconomie/RMU_046-LafontaineEnjeuxBioeconomie.mp3

  • Francis Wolff, Libérer les animaux ?, 2009
    Un slogan immoral et absurde

    http://sniadecki.wordpress.com/2017/10/12/wolff-animaux

    Libérer les animaux ? Qui pourrait être contre un objectif apparemment si généreux ? Qui ne s’indigne devant les conditions d’élevage, de transport et d’abattage induites par le productivisme contemporain ? Qui n’a tremblé d’émotion en voyant à la télévision les conditions de vie (si l’on peut appeler cela une vie) des porcs et des veaux ? Qui ne s’est indigné en apprenant les abandons de chiens sur les bords d’autoroute au début des vacances d’été ? Il est clair que la protection animale fait aujourd’hui partie de nos devoirs.

    Toutefois, quand on parle de libérer les animaux, on ne veut pas dire « améliorer leurs conditions de vie ». On veut dire tout autre chose : on veut dire cesser de les exploiter. On sous-entend donc que les animaux seraient asservis par l’homme. Cela implique que le processus de domestication par lequel l’homme, au moins depuis le néolithique, a appris à apprivoiser, à élever, à entretenir, à soigner, à dresser certaines espèces, à créer de nouvelles espèces, variétés, races, ne serait en fait qu’une gigantesque entreprise d’esclavage. Ainsi, de même qu’il y a 11 000 ans, l’homme a amorcé son processus de civilisation en inventant l’agriculture et l’élevage et en domestiquant plantes et animaux, il faudrait aujourd’hui qu’il s’arrache à cette « barbarie » en libérant les animaux qu’il asservit ainsi depuis plus de cent siècles !

    [...]

    Il faut d’abord se débarrasser des concepts politiques qui ne font que brouiller les pistes : libération, exploitation, droits, etc. Il faut admettre que les animaux n’ont pas de droits mais cela ne signifie pas que nous n’ayons pas de devoirs à leur égard. Il faut ensuite se garder du raisonnement qui prétend que l’homme est un animal comme les autres : ce serait accepter qu’il se conduise comme une bête ou prétendre qu’il n’a pas à normer sa conduite vis-à-vis des bêtes. Il faut au contraire affirmer qu’il y a une coupure entre l’homme et l’animal puisque l’homme est un être moral. Il faut enfin se garder de mettre tous les animaux dans le même sac. Ce pseudo-concept d’animal ne mène qu’à des impasses.

    #anti-spécisme, #libération_animale

  • Edward P. Thompson, Modes de domination et révolutions en Angleterre, 1976.

    http://sniadecki.wordpress.com/2017/03/05/thompson-domination

    Résumé
    Dans cet exposé, consacré une discussion sur les modes de domination et les luttes de classes en Angleterre au XVIIIe et au début du XIXe siècle principalement, E. P. Thompson (1924-1993) reprend les résultats de ses travaux sur la formation de la classe ouvrière et de travaux plus récents sur les luttes de classes au XVIIIe siècle. Il montre comment, pour construire une histoire marxiste de la domination de classe en Angleterre, il faut remettre en question divers schèmes ou présupposés associés à la tradition historiographique marxiste et forgés propos de l’histoire française : représentation des transformations des modes de domination sur le modèle des révolutions brutales (modèle cataclysmique) ; représentation d’une opposition radicale sans interpénétration entre aristocratie et bourgeoisie ; représentation des modes de domination sur le modèle de imposition hégémonique de la domination. Il propose des analyses de la mise en scène de la domination de la gentry et de la contre-violence de la terreur populaire.

    Avec un beau PDF...

    #Edward_P._Thompson, #lutte_des_classes, #histoire_sociale.

  • Aurélien Berlan, Autonomie et délivrance, 2014
    https://sniadecki.wordpress.com/2015/05/24/berlan-autonomie

    Penser l’émancipation implique deux choses : d’une part, analyser les pouvoirs qui nous oppressent et les manières dont ils exercent leur emprise sur nos vies ; d’autre part, penser la manière dont il faudrait organiser nos vies pour ne plus avoir à se soumettre à eux. Car l’émancipation, comme l’étymologie du terme nous l’indique, est un processus supposant la sortie d’une tutelle (ex-mancipare) et, corrélativement, l’accès à la liberté, à l’autonomie. Penser l’émancipation, c’est penser les deux termes de ce processus : les nouvelles formes de la domination et, conjointement, celles de la liberté.

    C’est ce que je vous propose de faire aujourd’hui, en nous concentrant sur le second moment de la réflexion, sur les formes de liberté. Pourquoi ? D’une part, parce que le premier moment, l’analyse de la domination, me semble avoir jusqu’ici plus retenu l’attention de la pensée critique que le second, abandonné de ce fait aux idéologues du libéralisme. D’autre part, parce que je suis persuadé que l’impasse historique dans laquelle nous nous trouvons, et notre impuissance à en sortir, sont intimement liées à cette absence de réflexion critique sur la liberté. Enfin, parce que tout montre que le sens de la liberté s’est grandement modifié, et même obscurci, ces dernières décennies – c’est du moins ce que suggère « l’affaire Snowden » et le peu de réactions qu’elle a provoquées, comparé avec celles suscitées en France par le simple projet « Safari » de croisement des fichiers dans les années 1970.

    #penser_l'émancipation #Aurélien_Berlan #philosophie #autonomie #émancipation #liberté #domination #Snowden

  • Pourquoi une pomme des années 1950 équivaut à 100 pommes d’aujourd’hui - Terra eco
    http://www.terraeco.net/Pourquoi-une-pomme-d-aujourd-hui,58246.html

    Vitamine A : une orange hier = 21 oranges aujourd’hui

    Précieuse pour notre vue et nos défenses immunitaires, la vitamine A est en chute libre dans 17 des 25 fruits et légumes scrutés par des chercheurs canadiens dans une étude synthétisée pour CTV News. Le déclin est total pour la pomme de terre et l’oignon qui, aujourd’hui, n’en contiennent plus le moindre gramme. Il y a un demi-siècle, une seule orange couvrait la quasi-totalité de nos besoins quotidiens – les fameux AJR (apports journaliers recommandés) – en vitamine A. Aujourd’hui, il faudrait en manger 21 pour ingurgiter la même quantité de la précieuse vitamine. De même, une pêche des années 1950 équivaut à 26 pêches aujourd’hui.

    Cette carence en vitamine A est le support de la campagne des OGMistes pour le « golden rice »... organiser la pénurie et trouver un techno-fix qui rapporte, c’est l’évolution de la production agricole depuis un siècle.

    #alimentation

  • Pourquoi une pomme des années 1950 équivaut à 100 pommes d’aujourd’hui - Terra eco
    http://www.terraeco.net/Pourquoi-une-pomme-d-aujourd-hui,58246.html

    Mordre à pleines dents dans une pêche et avaler… de l’eau sucrée. Manger toujours plus, pour se nourrir de moins en moins. Tandis que, dans les pays développés, nos apports en calories augmentent, la plupart des aliments non transformés que nous consommons – fruits, légumes et céréales – deviennent des coquilles vides sur le plan nutritionnel.

    Nouvelle injonction des pouvoirs publics : manger 500 fruits et légumes par jour.

  • http://sniadecki.wordpress.com/2015/01/07/guillebaud-pudibonderie

    Jean-Claude Guillebaud, La pudibonderie scientiste, 2011

    Nous publions ce texte de Jean-Claude Guillebaud non pas pour appeler avec lui l’Église à se rappeler « de l’incarnation et de l’acceptation joyeuse du corps », mais bien au contraire pour inviter nos lecteur.e.s à ne pas laisser a cette institution surannée ce monopole du corps à l’heure de la procréation médicalement assistée (#PMA) et autres délires de désincarnation technoscientistes, complaisamment relayés et promus par certain.e.s féministes, homosexuels, LGBT, etc. – pas tou.te.s, fort heureusement – qui ont en horreur les limites que leur impose leur propre corps et veulent le contraindre à se plier à leurs caprices et à leurs fantasmes (et sont prêts pour cela à se « faire violence », au sens ancien de l’expression).

    Nous ne doutons pas qu’ainsi nous allons nous attirer les foudres des escudérophobes. Mais nous dénoncerons les fanatiques de l’aliénation sous quelque déguisement qu’ils se présentent, surtout si en prétendant œuvrer pour l’émancipation, ils ne font en fait que promouvoir la #délivrance_ – au sens religieux de ce terme – à l’aide de la #technoscience, ce nouveau culte, laïque et obligatoire, de l’État.

    ----

    _Au cœur de la mutation anthropologique, technologique et historique, d’insidieuses logiques sont à l’œuvre, notamment dans la cyberculture. Elles vont dans le sens d’une dématérialisation de notre rapport au monde. Le corps est ainsi présenté comme une vieillerie encombrante. C’est bien une nouvelle pudibonderie scientiste qui s’élabore. Entretien avec Jean-Claude Guillebaud.

    Tout se passe aujourd’hui comme si le réel, la matière, la chair du monde (et la chair elle-même) nous filaient entre les doigts. Les éloges convenus du corps, de la santé et du plaisir sont autant de leurres. Ils dissimulent une tendance inverse. Au cœur de la mutation anthropologique, technologique et historique, d’insidieuses logiques sont à l’œuvre. Notamment dans ce qu’on appelle la cyberculture. Elles vont toutes dans le même sens : celui d’une dématérialisation progressive de notre rapport au monde. Le réel est congédié au profit de l’immatériel ; l’épaisseur de la matière devient source de crainte ; la chair elle-même est tenue en suspicion. Un peu partout, le corps est ainsi présenté comme une vieillerie encombrante, symbole de finitude, de fragilité et de mort. A mots couverts, c’est bien une nouvelle pudibonderie scientiste qui s’élabore. Elle renoue très curieusement avec le rigorisme de la Gnose des premiers siècles que les Pères de l’Église avaient combattu. Cette néo-pudibonderie scientiste ajoute ainsi ses effets à la rétractation, elle aussi puritaine, perceptible dans le champ religieux.

    #scientisme, #Alexis_Escudero, #religion, #tranhumanisme

  • Olivier Rey, Une question de taille
    http://sniadecki.wordpress.com/2015/01/04/rey-question-de-taille

    Pour saisir cette notion, il faut comprendre que, très souvent, le bien ou le mal ne résident pas tant dans l’« essence » d’une chose ou d’un comportement, que dans leur dosage. C’est ainsi que pour la plupart des dispositifs, il existe un point en deçà duquel le développement est bénéfique, au-delà duquel il devient nocif et se met à desservir ceux qu’il était censé aider.

    #Olivier_Rey #Ivan_Illich #contre-productivité #convivialité #technique_conviviale #taille #mesure #juste_mesure #seuil

    • on a souvent réduit Kohr à l’éloge du petit. Il ne fait pas l’éloge du petit mais celui de la bonne taille. Pour les sociétés humaines actuelles, il situait cette bonne taille entre quelques millions et une douzaine de millions.

    • C’est marrant, j’ai eu pas mal de ce genre de pensées (sur les tailles et échelles des choses) ces derniers jours. #merci

      Il y a un paradoxe qui donne à penser : depuis deux siècles, un activisme inouï a été déployé pour transformer le monde et le rendre plus conforme aux attentes de l’être humain. Et aujourd’hui, c’est l’être humain qui est sans cesse sommé de s’adapter au monde tel qu’il va. Quand on cherche les raisons de cette inadaptation croissante de l’homme à un monde qui aurait dû lui être de mieux en mieux adapté, je pense que la cécité aux questions de taille est l’une des clés. Pour résoudre tel ou tel problème on met en œuvre d’énormes moyens, sans se rendre compte que celte énormité même pose problème. C’est ainsi que passé certains seuils, la technique ne nous libère pas, elle nous écrase.

  • François Jarrige, Se prémunir contre les préjugés ouvriers, 2010, via @tranbert
    http://sniadecki.wordpress.com/2014/12/18/jarrige-prejuges-ouvriers

    Au cours de la première moitié du XIXe siècle, l’économie politique devient la science justificatrice du nouveau monde industriel et de son cortège d’innovations techniques. Face aux oppositions qui s’expriment dans la société, la science économique en voie d’institutionnalisation est chargée de dire les avantages de l’emploi des machines pour la main-d’œuvre comme pour les consommateurs. La volonté de lutter contre « les préjugés ouvriers » à l’égard des machines s’affirme comme un topos du discours économique, il justifie le développement d’une vulgarisation de la science des machines auprès des masses. Si ce mouvement s’amorce précocement en Grande-Bretagne, il est largement international. Des préoccupations similaires se font jour en France, les expériences et les textes circulent entre les deux pays. En France, les phases d’agitations révolutionnaires sont l’occasion d’accélérer les transferts et d’importer les livres et les expériences britanniques.

    #machine #machinisme #économie #acceptabilité (déjà !) #histoire #industrialisation #critique_techno #luddisme#François_Jarrige

  • Lettre de solidarité contre les sanctions pour refus de puçage.

    Cédric de Queiros, Lettre ouverte de solidarité entre les métiers, 2014 | Et vous n’avez encore rien vu...
    http://sniadecki.wordpress.com/2014/12/02/queiros-metier

    J’ai choisi ce travail – puisqu’il faut bien, dans cette société, gagner de l’argent pour vivre – parce qu’il consistait, pensais-je, à fabriquer des choses relativement utiles pour tout un chacun, en exerçant un savoir-faire qui a sa beauté, et en restant relativement maître de ma manière de travailler. Qu’en est-il aujourd’hui en réalité ?

    Ce métier, comme tant d’autres qui n’ont pas purement et simplement disparu, se transforme à un rythme effréné ; de nouveaux matériaux et appareillages apparaissent sans cesse – toujours plus technologiques, toujours plus rapidement obsolètes, répondant à des besoins souvent discutables ; enfin demandant toujours moins de savoir-faire pour leur mise en œuvre – ou plus précisément remplaçant toujours davantage le type de connaissance propre à l’artisan (dans le sens originel du mot), par des logiques soit d’ingénieur, soit d’ » ouvrier spécialisé », de simple exécutant instruit par les publicités des fabricants.

    On ne parle plus guère de « travailler dans les règles de l’art », mais des DTU sans cesse renouvelés, des normes « ISO-machin », des certifications « Quali » – ceci ou cela, où l’on nous explique comment faire tourner tel logiciel informatique – et surtout comment vendre telle nouvelle marchandise dernier cri.

    #élevage #contrôle #puçage #RFID #zootechnie #industrialisation #informatisation #critique_techno

  • La grande vitesse est en #train de tuer le réseau ferroviaire européen - Et vous n’avez encore rien vu...
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/103792884872

    Je découvre tardivement la traduction réalisée par le blog “Et vous n’avez encore rien vu…” d’un article de décembre 2013 de Kris de Decker (@kris_de_decker) de l’excellent Low Tech Magazine (@lowtechmagazine, qui était intervenu à Lift France 2011). Un article long et passionnant sur comment le train à grande vitesse est en train de détruire l’alternative la plus précieuse à l’avion, à savoir le réseau ferroviaire européen local et régional classique. Les trains grande vitesse sont certes plus rapides, mais sont surtout bien plus chers encore (“Le Thalys est deux à trois fois plus cher que l’Étoile du Nord, alors qu’il est seulement 25 % plus rapide”), explique Kris de Decker en prenant plusieurs exemples de trains européens. Et l’arrivée des compagnies aériennes low-cost a aggravé le problème, en rendant les (...)

    #transport #démocratie #écologie

  • Sur les luttes anti-nucléaire des années 70 : le « Mémento Malville », une histoire des années 70, de PMO, mis en PDF par @tranbert
    http://sniadecki.wordpress.com/2014/11/18/pmo-malville
    https://sniadecki.files.wordpress.com/2014/11/pmo_mc3a9mento-malville-br.pdf

    Cette nouvelle défaite est tout sauf une surprise, et d’abord pour les vaincus. On a beau faire bonne figure, afficher des mines martiales, déclamer sur le mode triomphaliste, chacun sent bien depuis trente ans qu’il participe à des combats défensifs. Les pires qui soient. Batailles d’arrière-garde, retraites en bon ordre, défaites intériorisées. Tout au plus vise-t-on au moindre mal. C’est à dire au mal. Quant au bien, la délivrance partielle ou totale du « Système », l’heureuse mue sociale, tout ce qui se désignait autrefois sous le terme de « révolution », « grand soir », « lendemains radieux », etc. la difficulté même à nommer ce bien d’un mot qui échappe au ridicule actuel, témoigne de l’évanescence de la chose. Le bien, c’est ce qui fuit toujours plus vite, toujours plus loin, dans un passé qui prend des allures de mirage.

    N’est-il pas vrai que nous eûmes une fois, notre espoir, notre chance, une faille de dix ans (1967-1977), dans les murailles de l’ordinaire ? Que durant ces dix ans, quels que furent les revers et les épreuves, ils ne faisaient que fouetter notre élan ? Pour quelque mystérieuse raison, nous ne doutions de rien alors, et surtout pas de la « victoire finale ». Pour de non moins mystérieuses raisons, cet élan de dix ans se fracassa sur la terrible année 1977, et depuis nous doutons de tout, sauf de la défaite prochaine.

    #nucléaire #anti-nucléaire #critique_techno #Histoire #mémoire #Malville #Creys-Malville #Superphénix #espoir #défaite

    • Je me frotte un peu à ça dans mes recherches d’amateur sur l’amélioration variétale. Je comprends pas toujours tout car je suis plus attaché aux pratiques de bas étages plutôt qu’aux grandes théories unificatrices, mais c’est toujours marrant de voir les querelles de chapelles entre darwinisme et lamarckisme, et entre les weismanistes-mendéliens et les autres. Surtout que je suis dans des écrits du début du XXe voir légèrement avant donc en plein dans la période de flottement avant que tout bascule. C’est saisissant, ça fait un peu le même effet que lorsqu’on se rend compte que les combats entre amérindiens et colons-cowboys sont finalement assez récents. Enfin je me comprends.

    • Oulàlà, Patrick Tort, l’hagiographe officiel du darwinisme en France, et Guillaume Lecointre, guide critique et gardien de l’hortodoxie darwinienne en France : ça promet !

      Je vous en dirais des nouvelles lorsque je l’aurait lu...

      En attendant, disserter sur les mécanismes de l’évolution sans chercher d’abord à savoir ce qu’est un être vivant, cela me parait vain. D’où des affirmations péremptoires du genre :

      Certes, l’évolution n’a pas de direction privilégiée

      Qui montrent bien que les auteurs ne savent toujours pas quelle est la spécificité des êtres vivants par rapport aux objets inanimés qu’étudie la physique et par rapport aux machines que cette même science nous permet de construire.