/2017

  • Les vieux diesels, bons pour polluer l’Afrique
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/12/15/les-vieux-diesels-bons-pour-polluer-l-afrique_5230006_3244.html

    Dans quelques années, c’est ici, dans les bouchons de la capitale du Kenya, dans les rues saturées de Kampala, celle de l’Ouganda, ou dans la cohue de Cotonou (Bénin), que se déverseront les millions de diesels dont l’Europe ne veut plus pour ses citoyens. Ils continueront à recracher leurs #oxydes_d’azotes (NOx), ces #gaz_toxiques responsables de dizaines de milliers de morts chaque année et dont les constructeurs se sont évertués à dissimuler les vrais niveaux d’émission jusqu’au scandale du « dieselgate » et l’aveu du numéro un mondial du secteur, Volkswagen, en 2015.

    Ce scénario préoccupe l’Organisation mondiale de la santé. « Ce qui nous inquiète, aujourd’hui, avec cette flotte de vieux véhicules diesel, c’est où ils vont finir. Et j’ai déjà une petite idée : le marché africain va être inondé », confie Maria Neira, directrice du département santé publique et environnement. Dans un rapport inédit sur les liens entre pollution et mortalité publié fin octobre, The Lancet a classé le Kenya parmi les pays les plus touchés. Selon les décomptes macabres de la revue médicale britannique, pour la seule année 2015, la #pollution, principalement de l’#air, a provoqué près de 58 000 #morts, soit environ 20 % de tous les décès.

    #paywall #Afrique #diesel #voiture #santé

  • Glyphosate : révélations sur les failles de l’expertise européenne
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/11/26/glyphosate-revelations-sur-les-failles-de-l-expertise-europeenne_5220696_324

    En septembre, la défiance a atteint son paroxysme. Une ONG autrichienne, Global 2000, a révélé, documents à l’appui, que de longs passages du rapport d’évaluation officiel sur la toxicité du glyphosate étaient parfaitement identiques au dossier déposé par Monsanto pour solliciter le renouvellement de son produit. Son surlignage coloré met en évidence une centaine de pages copiées-collées par les agences européennes.

    Or ces pages sont précisément celles qui innocentent le produit : ni toxique pour la reproduction, ni cancérogène, ni génotoxique – une capacité à endommager l’ADN qui peut entraîner des cancers. C’est sur la base de cette évaluation que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait acquitté le glyphosate à l’automne 2015. Et l’opinion de cette agence, déterminante, constitue le socle du verdict attendu lundi 27 novembre. A moins qu’il s’agisse, mot pour mot, de l’opinion d’un employé de Monsanto. C’est ce que notre enquête, en remontant la piste de ces copiés-collés, permet de démontrer.

    Devant plus de trois cents personnes, José Tarazona, le chef de l’unité des pesticides de l’agence, prend la parole dans une atmosphère pesante. Les « allégations de copié-collé et de plagiat », plaide celui qui a surpervisé le travail de l’agence sur le glyphosate, sont le fait de « gens qui ne comprennent pas le processus ». A l’assistance médusée, il explique que cette pratique relève de la routine : « Les parties qui devaient être copiées ont été copiées et celles qui devaient être modifiées ont été modifiées. » Toutes les agences, apprend-on ce jour-là, se serviraient du fichier des industriels comme point de départ puis, après vérifications, l’amenderaient. Ou pas.

    Les experts de l’Etat rapporteur doivent ainsi passer au crible les données qu’il contient ; essentiellement deux types de données de nature très différente. D’une part les résultats de tests de toxicité commandités et financés par les firmes. Protégés par le secret commercial, ils ne sont accessibles, sous le sceau de la confidentialité, qu’aux experts des agences. Autrement dit : eux seuls ont à la fois l’autorisation et la responsabilité de les vérifier.

    D’autre part, le règlement européen demande aux firmes de sélectionner les études scientifiques indépendantes les plus pertinentes, publiées dans les revues savantes, et d’en fournir des « résumés critiques ». Le pays rapporteur analyse l’ensemble, rédige un rapport préliminaire, le transmet à l’EFSA. L’agence européenne supervise ensuite la relecture par les experts des Etats membres. Enfin, après corrections et validation, elle endosse et publie le rapport définitif.

    L’article est publié un an plus tard, en 2013. Le texte est identique à celui qui figure dans le dossier fourni par la Glyphosate Task Force aux autorités européennes en 2012. Il correspond à cette fameuse sélection d’études indépendantes restituées sous la forme de « résumés critiques ». Seulement voilà : presque toutes ces études y sont si sévèrement « critiquées » qu’elles ont été jugées « non fiables », et donc écartées.

    « Les trois quarts des soixante études de génotoxicité publiées dans la littérature scientifique ont rapporté que le glyphosate ou des herbicides à base de glyphosate causaient des dégâts sur l’ADN, explique Helmut Burtscher, toxicologue de l’ONG Global 2000, et le premier à avoir relevé les similitudes entre les deux rapports. Mais elles ont été considérées comme “non pertinentes” ou “non fiables”. »

    #Glyphosate #Monsanto #Conflit_intérêt #Régulation #Manipulations_scientifiques

  • Forêt de Bialowieza : la justice européenne menace la Pologne de lourdes sanctions

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/11/20/foret-de-bialowieza-la-justice-europeenne-menace-la-pologne-de-lourdes-sanct

    Cette forêt, la mieux préservée d’Europe, subit des abattages d’arbres décidés par la Pologne et auxquels l’Union européenne s’oppose depuis le mois de mars.

    La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a menacé, lundi 20 novembre, la Pologne d’une astreinte « d’au moins 100 000 euros par jour » si elle ne cessait pas « immédiatement » l’abattage des arbres dans la forêt de Bialowieza, au nord-est du pays. Classée au patrimoine mondial de l’Unesco, elle est l’une des forêts naturelles les mieux conservées d’Europe.

    « Sauf cas exceptionnel et strictement nécessaire pour assurer la sécurité publique, la Pologne doit cesser immédiatement les opérations de gestion forestière active dans la forêt de Bialowieza », a ordonné la CJUE, sise à Luxembourg, dans une ordonnance.

    En septembre, la Commission et la Pologne avaient présenté leurs points de vue devant la Cour à Luxembourg lors d’une audience de référé.

    Depuis, Varsovie a accusé la justice européenne de manquer d’impartialité, affirmant procéder à des coupes « de protection » uniquement pour stopper la prolifération d’insectes xylophages, protéger le trafic routier et lutter contre les feux de forêt. Dans son ordonnance rendue lundi, la Cour confirme sa décision de la fin juillet.

  • Une fuite de pétrole entraîne la fermeture temporaire de l’oléoduc #Keystone_XL
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/11/17/une-fuite-de-petrole-entraine-la-fermeture-temporaire-de-l-oleoduc-keystone-

    L’opérateur canadien TransCanada a annoncé la fermeture provisoire de son oléoduc Keystone entre le Canada et les Etats-Unis en raison d’une fuite de pétrole détectée dans l’Etat américain du Dakota du Sud, dans une zone rurale située à près de 402 kilomètres à l’ouest de Minneapolis.

    Environ 5 000 barils de pétrole (environ 795 000 litres) se sont déversés à l’aube de l’oléoduc pour une raison encore inconnue, a précisé dans un communiqué TransCanada.

  • Une agriculture 100 % biologique pourrait nourrir la planète en 2050
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/11/14/une-agriculture-100-biologique-pourrait-nourrir-la-planete-en-2050_5214822_3

    Dans ce travail, le plus abouti sur la question, ils affirment qu’il est possible de nourrir plus de 9 milliards d’êtres humains en 2050 avec 100 % d’#agriculture #biologique, à deux conditions : réduire le gaspillage alimentaire et limiter la consommation de produits d’origine animale. Et ce, sans hausse de la superficie de terres agricoles et avec des émissions de gaz à effet de serre réduites. Un défi de taille, alors que le bio ne représente que 1 % de la surface agricole utile dans le monde – 6 % en France.

    « Un des enjeux cruciaux est aujourd’hui de trouver des solutions pour basculer dans un système alimentaire durable, sans produits chimiques dangereux pour la santé et l’environnement, avance Christian Schader, l’un des coauteurs de l’étude, chercheur à l’Institut de recherche de l’agriculture biologique, situé en Suisse. Or cette transformation inclut une réflexion sur nos habitudes alimentaires et pas seulement sur les modes de production ou sur les rendements. »

    #alimentation #bio
    https://www.nature.com/articles/s41467-017-01410-w

  • Le cri d’alarme de quinze mille scientifiques sur l’état de la planète

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/11/13/le-cri-d-alarme-de-quinze-mille-scientifiques-sur-l-etat-de-la-planete_52141

    « Le Monde » publie le manifeste signé par 15 364 scientifiques de 184 pays, à paraître lundi dans la revue « BioScience ».

    Il y a vingt-cinq ans, en 1992, l’Union of Concerned Scientists et plus de 1 700 scientifiques indépendants, dont la majorité des lauréats de prix Nobel de sciences alors en vie, signaient le « World Scientists’Warning to Humanity ». Ces scientifiques exhortaient l’humanité à freiner la destruction de l’environnement et avertissaient : « Si nous voulons éviter de grandes misères humaines, il est indispensable d’opérer un changement profond dans notre gestion de la Terre et de la vie qu’elle recèle. »

    Les responsables politiques étant sensibles aux pressions, les scientifiques, les personnalités médiatiques et les citoyens ordinaires doivent exiger de leurs gouvernements qu’ils prennent des mesures immédiates car il s’agit là d’un impératif moral vis-à-vis des générations actuelles et futures des êtres humains et des autres formes de vie.

    Pour éviter une misère généralisée et une perte catastrophique de biodiversité, l’humanité doit adopter une alternative plus durable écologiquement que la pratique qui est la sienne aujourd’hui. Bien que cette recommandation ait été déjà clairement formulée il y a vingt-cinq ans par les plus grands scientifiques du monde, nous n’avons, dans la plupart des domaines, pas entendu leur mise en garde. Il sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l’échec, car le temps presse. Nous devons prendre conscience, aussi bien dans nos vies quotidiennes que dans nos institutions gouvernementales, que la Terre, avec toute la vie qu’elle recèle, est notre seul foyer.

  • French institute suspects nuclear accident in Russia or Kazakhstan in September
    https://www.reuters.com/article/us-russia-nuclearpower-accident/french-institute-suspects-nuclear-accident-in-russia-or-kazakhstan-in-septe
    https://s2.reutersmedia.net/resources/r/?m=02&d=20171109&t=2&i=1209160788&w=&fh=545px&fw=&ll=&pl=&sq=&r=LYN

    A cloud of radioactive pollution over Europe in recent weeks indicates that an accident has happened in a nuclear facility in Russia or Kazakhstan in the last week of September, French nuclear safety institute IRSN said on Thursday.

    #nucléaire #accident #tout_va_bien

    • ​Du ruthénium-106 a été détecté dès fin septembre 2017 par plusieurs réseaux européens de surveillance de la radioactivité dans l’atmosphère, à des niveaux de l’ordre de quelques millibecquerels par mètre cube d’air. Les investigations de l’IRSN permettent d’apporter des éléments sur la localisation possible de la source de rejet ainsi que l’ordre de grandeur des quantités rejetées.

      http://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20171109_Detection-Ruthenium-106-en-france-et-en-europe-resultat-des-investigat


    • La zone de rejet la plus plausible se situe entre la Volga et l’Oural (en rouge sur la carte). L’échelle de couleur va du plus probable (rouge) au moins probable (blanc).

      A partir des données météorologiques de Météo France (sur les déplacements des masses d’air notamment) et des résultats des mesures des autres pays européens, l’IRSN a réalisé des simulations afin de localiser et de quantifier le rejet. Il en ressort que « la zone la plus plausible se situe entre la Volga et l’Oural, sans qu’il soit possible de préciser la localisation exacte du point de rejet ». Celui-ci « aurait eu lieu au cours de la dernière semaine du mois de septembre ».

      Quant à la quantité de ruthénium 106 relâchée dans l’atmosphère, elle est « très importante », entre 100 et 300 térabecquerels, un térabecquerel équivalant à mille milliards de becquerels.

      EDIT : le point rouge est dans la région de Perm.

    • la quantité de ruthénium 106 relâchée dans l’atmosphère […] est " très importante "

      si je ne me trompe pas dans mes calculs (relativement élémentaires), on est autour de 2 grammes de Ru 106 :

      • prenons 200 TBq, le milieu de la fourchette, soit 2.10^14 désintégrations par seconde
      • demi-vie T = 373,59 jours, soit 3,2.10^7 s
      => constante de temps, λ = ln(2)/T = 2,15.10^-8 s^-1

      => nombre d’atomes soumis à désintégration :
      2.10^14 / 2,15.10^-8 ≈ 1.10^22
      => nombre de moles 1.10^22 /N =1.10^22 /6,02.10^23 = 1,6.10^-2
      => masse molaire 106 (en fait, 105,9 g) => masse = 1,6 g

      Allez, je vous le fait à 2 grammes.

    • D’après google news, des articles sont sortis dans la presse et médias FR aujourd’hui.
      Avant ça, rien à part deux articles sur le figaro les 8 et 22 octobre.

      L’incident date quand même de fin septembre !!

      J’appelle bien ça aucun écho dans la presse (jusqu’à ce soir).

    • Techniquement, le réseau de détection fonctionne plutôt bien : l’incident a été détecté dès l’arrivée de la radioactivité aux stations de mesure qui publient leurs résultats, hors Russie, donc. Il n’a pas été détecté par le réseau de balises aériennes géré par la Criirad dans la Drôme.

      C’est ce qui se passe après (rien !) qui n’est pas rassurant. En France, la transparence est plutôt bonne, conséquence évidente de la vigilance citoyenne attentive de la Criirad. Ainsi, je regardais pour comparaison le suivi des incidents de dépassement de seuil de rejet par la Socatri au Tricastin en juillet 2008 (p. ex. là : http://www.lyoncapitale.fr/Journal/Lyon/Actualite/Environnement/Fuite-d-uranium-au-Tricastin-apres-des-dysfonctionnements-la-CRIIRAD-de ) on dispose d’une information le lendemain, voire le jour même (pour l’activité, on est de l’ordre du GBq). Pour cet incident russe, activité 10 000 fois plus forte, il faut attendre presque 2 mois pour avoir confirmation, par l’émetteur et sans aucun détail de l’existence de l’incident.

      Sans parler de la reprise dans la presse, inexistante dans la presse française, alors en Russie… Déjà, il faut chercher un peu pour découvrir que #RosHydroMet n’est pas que l’organisme fédéral de météo mais qu’il a également en charge le suivi de l’environnement (d’où la remarque d’un des commentateurs).

      Federal Service for Hydrometeorology and Environmental Monitoring of Russia, WP[en], https://en.wikipedia.org/wiki/Federal_Service_for_Hydrometeorology_and_Environmental_Monitoring_of_R , rien d’équivalent en français, ce qui en approche le plus est la mention de ce service comme maison mère de la météo en Russie
      Centre hydrométéorologique de Russie, WP[fr] https://fr.wikipedia.org/wiki/Centre_hydrométéorologique_de_Russie

      Bien évidemment, on peut chercher (obligatoirement en russe, la version anglaise est « en construction »…) sur le site de RosHydroMet, rigoureusement pas un mot sur une quelconque radioactivité où que ce soit (j’ai été vérifier par acquit de conscience, les 100 dernières dépêches, (rapidement avec gg:translate), ce qui nous met au 16/08/2017).
      http://www.meteorf.ru/press/news

    • Dans la presse russe :

      • le 11 octobre, Rossiyskaya Gazeta (et d’autres) reprend un communiqué de Rosatom : tout va bien, d’ailleurs RosHydroMet ne détecte rien, il y a du Ruthénium en Europe, mais ce n’est pas nous. Le sous-titre affirme même que l’AIEA et Rosatom savent déjà d’où et de qui provient le ruthénium (non repris dans l’article, sauf une phrase qui dit que Rosatom n’a pas pour habitude de dénoncer qui que ce soit…)

      «Росатом» опроверг информацию о выбросе рутения-106 в России — Российская газета

      https://rg.ru/2017/10/11/rosatom-oproverg-informaciiu-o-vybrose-ruteniia-106-v-rossii.html

      titre et sous-titre (pour la traduction par gg)

      «Росатом» опроверг информацию о выбросе рутения-106 в России
      В МАГАТЭ и «Росатоме» уже знают, откуда и чей над Европой рутений

      la conclusion

      Поэтому общий вывод в заявлении сдержанный: «Предприятия атомной отрасли России не могут рассматриваться в качестве источника выброса Ru-106. Версия о, якобы, российском происхождении загрязнения несостоятельна».

      • le 20 novembre, Nastoyashee Vremia (transcription française, Nastoyachtcheïé vremia, çàd Temps Présent), site et chaîne télé filiale de Radio Free Europe et Voices of America signale la détection (en septembre…) par RosHydroMet de ruthénium 106 dans la région de Tchéliabinsk et notamment, proche de Maïak.

      Росгидромет подтвердил рост загрязнения рутением в Челябинской области в сентябре - Настоящее время

      https://www.currenttime.tv/a/28865007.html

      Наибольшая концентрация радиоактивного рутения-106 (Ru-106) в сентябре наблюдалась в Челябинской области, в стокилометровой зоне ПО «Маяк»

      Федеральная служба по гидрометеорологии и мониторингу окружающей среды России опубликовала бюллетень о радиационной обстановке на территории России в сентябре 2017 года. В нем прямо сказано о содержании радиоактивного рутения-106 (Ru-106) в пробах, отобранных в сентябре в Челябинской области, в стокилометровой зоне производственного объединения «Маяк».

    • Report : Russia Confirms Radioactivity Emanating From Southeastern Urals (20/11/2017)
      https://www.rferl.org/a/report-russia-confirms-radioactivty-ruthenium-106-emanating-southeastern-urals/28865773.html

      Russia’s meteorological service has confirmed there were “extremely high” concentrations of the radioactive isotope ruthenium-106 in several parts of the country in late September, Agence France-Press reported on November 20.

      The reported findings from Russia appear to confirm reports from Europe earlier this month that a cloud containing the radioisotope Ru-106 drifted over Europe last month which European meteorological agencies had said likely originated in either the southeastern Urals region of Russia or Kazakhstan.

      “Probes of radioactive aerosols from monitoring stations Argayash and Novogorny were found to contain radioisotope Ru-106” between September 25 and October 1, Russia’s Rosgidromet service said, according to AFP.

      si je ne m’abuse, il s’agit de la version anglaise du même article sur RFE/RL, complété d’éléments de cadrage provenant de l’AFP.

      Rosatom later said in response to the French agency’s report [IRSN report] that “radiation around all objects of Russian nuclear infrastructure are within the norm and are at the level of background radiation.

      But Rosatom suggested that a discharge from an installation linked to the nuclear fuel cycle or which produces radioactive materials could be the cause of the radioactive cloud.

      Greenpeace Russia on November 20 called on Rosatom to open “an in-depth inquiry and publish the results about the incidents at Mayak.

      Greenpeace will send a letter asking prosecutors to open an inquiry into potential concealment of a nuclear incident,” it said in a statement.

    • Le titre du 20 minutes (La Russie reconnaît avoir détecté une pollution radioactive sur son territoire http://www.20minutes.fr/monde/russie/2172799-20171121-russie-reconnait-avoir-detecte-pollution-radioactive-terr) me semble plus proche du communiqué non ? Ils n’expriment pas qu’ils sont « à l’origine » ou responsables de cette pollution ? Un satellite ou une malveillance étrangère pourrait être encore possible. C’est fou qu’ils ne disent pas précisément de quelle usine cela vient, ils devraient le savoir maintenant même si le rejet était involontaire et passé inaperçu (gasp). Je vois pas vraiment ce qu’ils leur en coûterait…

      Quelle confiance peut on accorder à leurs dires (« dans les échantillons relevés du 25 septembre au 7 octobre, y compris dans le sud de l’Oural, aucune trace de ruthénium-106 n’a été découverte à part à Saint-Pétersbourg ») alors même qu’ils ont menti en disant les jours précédents qu’ils n’avaient pas vu signe de pollution (ou alors ils disaient déjà ne pas être à l’origine de la pollution sans préciser qu’ils l’avaient bien détecté) ?

      C’est absurde et tellement inconscient…

    • http://www.20minutes.fr/planete/2173303-20171121-hallucinant-mystere-possible-incident-nucleaire-fin-septe

      [...]

      Les regards tournés vers Maïak, le site militaire russe secret
      Il reste alors la troisième piste : celle d’un problème survenu dans un site de retraitement du combustible nucléaire usagé. « 
      Ces sites extraient et séparent de ces combustibles le plutonium et l’uranium, qui pourront servir à des fins militaires ou à la production d’électricité, des autres radionucléides, dont le ruthènium 106, explique Yves Marignac. Ces autres éléments radioactifs, encore très chauds, sont des déchets et vont être conditionnés en colis vitrifiés. »

      Cette fois-ci, cette hypothèse d’un couac dans le processus de retraitement colle bien. Arguaïach, le village où l’agence météorologique russe a relevé des concentrations très élevées de ruthénium 106, est à 30 km du complexe nucléaire Maïak, un site militaire secret et marqué en 1957 par un grave accident nucléaire. « On sait que le complexe sert aujourd’hui de site de retraitement au combustible nucléaire usé », précise Yannick Rousselet.

      [...]

      Voilà ce qui fait dire à Yves Marignac que cette histoire est « sidérante ». « Nous sommes face à un incident nucléaire majeur et il demeure caché. » « En France, il aurait très certainement été classé au niveau 5 sur une échelle qui en compte 7, renchérit Yannick Rousselet.

    • Nuage de ruthénium 106 : toute la lumière doit être faite sur un possible accident nucléaire en Russie !
      http://sortirdunucleaire.org/Nuage-de-ruthenium-106-toute-la-lumiere-doit-etre

      Sur le site en pdf, un témoignage très détaillé de Nadejda Kutepova
      http://sortirdunucleaire.org/IMG/pdf/te_moignage_de_nadezda_kutepova_19.11.17-2.pdf

      Je m’appelle Nadezda Kutepova. Je suis réfugiée politique en France depuis juillet 2015.Pendant seize ans (1999-2015), en tant qu’avocate et directrice de l’ONG « La Planète des Espoirs », j’ai défendu des habitants contaminés par les usines de Mayak qui vivent dans la ville fermée d’Ozersk dans la région de Tcheliabinsk. C’est pourquoi mon ONG a été reconnue comme étant un « agent de l’étranger » et accusée d’espionnage. Ainsi, j’ai été contrainte de quitter la Russie pour éviter la prison.

      Je suis née et j’ai grandi dans la ville fermée Ozersk, tandis que ma grand-mère, comme mon père, travaillaient à Mayak.
      Je suis toutes les nouvelles en provenance d’Ozersk et de Mayak parce que je voudrais y revenir et continuer à travailler dans cette région dès que je serais sûre d’obtenir des garanties pour ma sécurité. J’ai suivi de près l’évolution des données sur la contamination par le ruthénium 106, dès l’instant où le Ministère allemand en charge de la Sûreté Nucléaire a publié son premier communiqué de presse.

      Ses hypothèses :

      D’où peut provenir cette émission de ruthénium, à Mayak ?
      1. De l’usine de retraitement
      2. De l’usine de vitrification de déchets nucléaires de très haute activité.

      C’est l’hypothèse qui est privilégiée dans cette interview.

      Выброс рутения-106 на Урале : что произошло и что делать ? — Новости политики, Новости России — EADaily
      https://eadaily.com/ru/news/2017/11/21/vybros-ruteniya-106-na-urale-chto-proizoshlo-i-chto-delat

      «Я предполагаю, что в ночь с 25 на 26 либо днем 26 сентября на электрической печи остекловывания радиоактивных отходов завода по переработке ядерных отходов 235, который работает круглосуточно, во время технологического процесса остекловывания высокоактивных ядерных отходов произошел аварийный выброс рутения-106», — написала в Facebook Надежда Кутепова.

    • Dans cette autre version du communiqué de N. Kutepova, cette hypothèse sur la source.

      Nuage de Ruthénium-106 sur l’Europe : que s’est-il réellement passé ?
      http://sortirdunucleaire.org/Nuage-de-Ruthenium-106-sur-l-Europe-que-s-est-il

      6. L’IRSN estime à 300 ou 400 TBq la quantité relâchée à la source, soit la quantité contenue dans une dizaine de tonnes de combustibles retraités (environ 20 assemblages combustibles).. C’est une quantité compatible avec une opération de vitrification.

    • Sur Euronews, hier (21/11) des hypothèses (essentiellement les mêmes : accident dans un four lors de la vitrification).

      Что такое изотоп рутения-106 ? | Euronews
      http://ru.euronews.com/2017/11/21/russia-ruthenium-what-it-is

      Другая точка зрения у Игоря Смирнова, доктора химических наук, профессора, ученого секретаря ФГУП НПО Радиевый институт им. В.Г. Хлопина.

      «В печке остекловывания предусмотрены меры по предотвращению летучести всех летучих соединений. Там добавляют восстановитель, который оксид рутения в том числе превращает в металл абсолютно не летучий. Поэтому из этой печки выбросов рутения не может быть в принципе просто по технологии. Там все сделано так, чтобы ничего не было», – говорит профессор в интервью euronews.

      En français sur le même site, à la même date, aucun détail de ce genre.

      Pollution radioactive : les hypothèses de Greenpeace | Euronews
      http://fr.euronews.com/2017/11/21/pollution-radioactive-les-hypotheses-de-greenpeace

      Selon plusieurs réseaux de surveillance européens le complexe nucléaire russe Maïak pourrait être à l’origine de la pollution radioactive détectée au mois de septembre sur le Vieux continent. Le site sert de retraitement de combustible nucléaire. Pour Jan Vande Putte, qui suit ces questions pour Greenpeace, les risques pour la santé demeurent assez faibles au sein de l’Union. “C’est dangereux localement disons autour de Maïak, mais il y a une dilution importante de la radioactivité sur une telle distance et cette dilution réduit évidemment les risques pour les personnes dans l’ouest de l’Europe”, assure-t-il.

      Les agences de surveillance ont détecté des taux élevé de ruthénium-106, un élément particulièrement employé “par le secteur médical, c’est pour cela qu’il est connu, pour le traitement de cancers”, précise Jan Vande Putte.

    • En lien avec le sujet, l’impact de la qualification, en 2012, d’#agent_de_l'étranger pour les ONG russes les plus actives en particulier pour la défense de l’environnement. Parmi les ONG impactées, celle de Nadejda Kutepova.

      HRW Calls Russian ’Foreign Agent’ Law ’Devastating’ For Environmental Groups
      https://www.rferl.org/a/russia-hrw-says-foreign-agent-law-devastating-environmental-groups/28868194.html

      It cites the case of Planeta Nadezhd (A Planet of Hope), an NGO based in the city of Ozersk, near the Mayak nuclear complex in the Chelyabinsk region. The group, which has ceased its activities, was active in defending the rights of radiation victims.

      The organization’s director, Nadezhda Kutepova, left Russia for France in 2015 after the authorities branded it a “foreign agent” and a local television channel accused her group of espionage. She received political asylum in France last year.

    • #damage_control (autant qu’on peut…)
      1. chez RosHydroMet

      RosHydroMet va modifier la forme de ses communiqués relatifs aux mesures environnementales, il semblerait que la forme actuelle soit mal comprise…

      Росгидромет изменит форму отчетов мониторинга в РФ после ситуации с рутением-106
      http://www.interfax.ru/russia/588721

      Росгидромет изменит форму отчетов мониторинга в РФ после ситуации с рутением-106.

      «Мы учли факт некорректной и иногда преднамеренно недобросовестной интерпретации наших данных по рутению-106 некоторыми общественными организациями и СМИ. Для однозначного понимания данных мониторинга качества окружающей среды на территории страны Росгидромет внесет изменения в форму представления соответствующих отчетов. В таблицах будут даваться данные о концентрациях обнаруженных загрязняющих веществ в сравнении с установленными предельно допустимыми концентрациями (ПДК)», - говорится в распространенном в четверг комментарии руководителя Росгидромета Максима Яковенко.

      В настоящее время данные мониторинга приводятся в сравнении с предыдущим месяцем.

      Кроме того, по словам Яковенко, в Росгидромете «обеспокоены тем фактом, что в некоторых СМИ появились утверждения о якобы сокрытии Росгидрометом информации о данных мониторинга радиационной обстановки на территории России и, в частности, о фиксации повышения уровня рутения-106 в некоторых регионах страны. Это не соответствует действительности и вводит в заблуждение население страны», - заявил он.

    • #damage_control
      2. chez Rosatom

      En gros, #TVB (article intégral)
      les journalistes vont être invités à Ozersk et pourvoir y toucher du ruthénium. J’imagine pas l’isotope 106 ni parmi ces isotopes (34 au total) ceux qui sont actifs…

      Pour Rosatom, il n’y a pas eu d’incident ou d’accident qui aurait pu avoir pour conséquence d’élever les concentrations en ruthénium.
      « Росатом » предложил блогерам понюхать и потрогать рутений : Деловой климат : Экономика : Lenta.ru
      https://lenta.ru/news/2017/11/23/rutenitour

      «Росатом» предложил блогерам понюхать и потрогать рутений

      Госкорпорация «Росатом» предложила журналистам и блогерам отправиться в рутений-тур, чтобы получить полную информацию об одноименном изотопе. Об этом «Росатом» говорится в сообщениях, размещенных в социальных сетях на странице госкорпорации.

      «"Росатом" начинает тотальный ликбез и приглашает вас в поездку по местам «боевой славы» Ru-106. В рамках пресс-тура, у вас есть возможность посетить производство ПО «Маяк» в закрытом городе Озерск, которое, по мнению зарубежных журналистов, и стало «колыбелью» рутения», — говорится в сообщении на странице госкорпорации в Facebook.

      В ходе поездки «Росатом» предлагает найти ответы на вопросы о том, что такое рутений и существует ли он вообще, как он может образоваться и как его обнаружить, «где та труба на «Маяке», откуда вылетает рутений», можно понюхать и потрогать рутений?

      Несколькими днями ранее Росгидромет сообщил, что в Челябинской области и некоторых других регионах страны в сентябре-октябре фиксировалась в аэрозольных пробах концентрация изотопа рутений-106. При этом, по данным ведомства, с 29 сентября по 3 октября Ru-106 был обнаружен в незначительных количествах на территории стран Евросоюза.

      Позже специалисты федеральной службы заявили, что уровень концентрации рутения-106 не представляет опасности. В пресс-службе Минприроды России также подтвердили, что зафиксированный на Южном Урале уровень превышения содержания рутения-106 был на несколько порядков ниже допустимой нормы.

      В свою очередь, в «Росатоме» сообщили, что никаких инцидентов и аварий, из-за которых мог бы вырасти уровень концентрации изотопа, не было.

      На повышение уровня содержания изотопа первоначально пожаловались в Европе. В конце сентября немецкое ведомство по радиационной защите обнаружило в воздухе Германии и Австрии безопасные для населения концентрации рутения-106. В ведомстве предполагали, что источник изотопа мог находиться в России на Южном Урале.

      « Росатом » предложил блогерам понюхать и потрогать рутений : Деловой климат : Экономика : Lenta.ru
      https://lenta.ru/news/2017/11/23/rutenitour

      «Росатом» предложил блогерам понюхать и потрогать рутений

      Фото: Рамиль Ситдиков / РИА Новости
      Госкорпорация «Росатом» предложила журналистам и блогерам отправиться в рутений-тур, чтобы получить полную информацию об одноименном изотопе. Об этом «Росатом» говорится в сообщениях, размещенных в социальных сетях на странице госкорпорации.

      «"Росатом" начинает тотальный ликбез и приглашает вас в поездку по местам «боевой славы» Ru-106. В рамках пресс-тура, у вас есть возможность посетить производство ПО «Маяк» в закрытом городе Озерск, которое, по мнению зарубежных журналистов, и стало «колыбелью» рутения», — говорится в сообщении на странице госкорпорации в Facebook.

      В ходе поездки «Росатом» предлагает найти ответы на вопросы о том, что такое рутений и существует ли он вообще, как он может образоваться и как его обнаружить, «где та труба на «Маяке», откуда вылетает рутений», можно понюхать и потрогать рутений?

      Несколькими днями ранее Росгидромет сообщил, что в Челябинской области и некоторых других регионах страны в сентябре-октябре фиксировалась в аэрозольных пробах концентрация изотопа рутений-106. При этом, по данным ведомства, с 29 сентября по 3 октября Ru-106 был обнаружен в незначительных количествах на территории стран Евросоюза.

      Позже специалисты федеральной службы заявили, что уровень концентрации рутения-106 не представляет опасности. В пресс-службе Минприроды России также подтвердили, что зафиксированный на Южном Урале уровень превышения содержания рутения-106 был на несколько порядков ниже допустимой нормы.

      В свою очередь, в «Росатоме» сообщили, что никаких инцидентов и аварий, из-за которых мог бы вырасти уровень концентрации изотопа, не было.

      На повышение уровня содержания изотопа первоначально пожаловались в Европе. В конце сентября немецкое ведомство по радиационной защите обнаружило в воздухе Германии и Австрии безопасные для населения концентрации рутения-106. В ведомстве предполагали, что источник изотопа мог находиться в России на Южном Урале.

    • Dans un tout autre genre, un blogueur pro-ukrainien dénommé #Michel_le_Prophète (en référence à #Nostradamus dont le portrait illustre la notice de l’auteur) et dont les autres articles sont engagés mais pas aussi délirants :
      • entre 1,5 et 2 millions de personnes de la région de Tcheliabinsk ont reçu une dose létale et vont mourir dans les 6 mois
      • 15 à 20 millions de personnes à l’ouest de Tcheliabinsk (Bachkirie, Tatarstan, Rostov-sur-le Don) ont reçu une dose très dangereuse
      • 150 millions (de Moscou au nord du Kazakhstan et de la Sibérie occidentale à l’Ukraine) ont reçu des doses importantes.

      2 млн человек в Челябинской области получили смертельные дозы рутения-106 и обречены на тотальное вымирание. Украина тоже пострадает – Экономика от Пророка
      https://www.economics-prorok.com/2017/11/2-%d0%bc%d0%bb%d0%bd-%d1%87%d0%b5%d0%bb%d0%be%d0%b2%d0%b5%d0%ba-%d

      1.Челябинск и приблизительно около 1.5- 2 миллионов человек в области получили смертельные дозы рутения-106 (последствия начнут проявляться через полгода) обречены на тотальное вымирание.

      2. 15-20 миллионов жителей ( Свердловской области, Башкирии, Татарстана, Ростова-на Дону и др. получили очень опасные дозы радиоактивного рутения.

      3. Вся остальная Европейская часть России от Урала, включая Москву, Украина, часть Западной Сибири, Северного Казахстана — более 150 млн. человек !!!!! получили опасные дозы радиоактивного изотопа.

    • Le texte de l’article traduit par une intelligence artificielle donne encore plus froid dans le dos.

      « Rosatom » commence un programme éducatif complet et vous invite à un voyage aux lieux de « gloire militaire » Ru-106.

  • La malnutrition n’épargne plus aucun pays dans le monde
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/11/04/la-malnutrition-n-epargne-plus-aucun-pays-dans-le-monde_5210018_3244.html

    Pour la première fois, la planète entière est confrontée à une crise de la malnutrition. Selon le rapport sur la nutrition mondiale 2017, publié samedi 4 novembre, la totalité des 140 pays étudiés est confrontée à au moins une des principales formes de ce fléau : le retard de croissance chez l’enfant, l’anémie chez la femme en âge de procréer et le surpoids chez l’adulte. Et 88 % sont lourdement touchés par deux ou trois de ces troubles.

    Si rien n’est fait pour enrayer la tendance, aucun des dix-sept Objectifs de développement durable, adoptés fin 2015 par les Nations unies afin d’« éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous », ne sera atteint d’ici à 2030. En découlerait une menace pour le développement humain mondial. Voilà le constat très inquiétant livré par un panel d’experts internationaux indépendants dans la quatrième édition de cet état des lieux annuel, le plus complet sur le sujet.

    #malnutrition #faim #alimentation #santé #obésité

  • Insectes : l’hécatombe invisible

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/10/28/insectes-l-hecatombe-invisible_5207102_3244.html

    Dans sa chronique, Audrey Garric, journaliste au service Planète, rappelle que la préservation de ces êtres à six pattes devrait être une priorité absolue. Il n’en est rien.

    Un « Armageddon écologique », une « hécatombe », un « déclin terrifiant ». Aucun superlatif n’est de trop dans la presse pour qualifier l’étude sur l’extinction des insectes, parue dans la revue PloS One le 18 octobre. Il y a de quoi s’alarmer. Imaginez donc : en moins de trois décennies, les populations volantes ont chuté de près de 80 % en Allemagne, et probablement autant dans toute l’Europe.

    Pour les chercheurs, la principale cause de cet effondrement réside dans l’intensification des pratiques agricoles, et en premier lieu dans le recours accru aux pesticides chimiques. Le traitement par enrobage des semences, systématique et préventif, est le principal suspect. Il fait en effet appel aux fameux insecticides néonicotinoïdes, surnommés les « tueurs d’abeilles », qui agissent sur le système nerveux des insectes.

    Les conséquences sont dramatiques pour l’ensemble des écosystèmes, tant l’entomofaune est un socle de la chaîne alimentaire. La disparition de ces petites bestioles ne signifierait rien de moins que mettre en péril la pollinisation de 80 % des plantes sauvages et la source de nourriture de 60 % des oiseaux – sans compter celle des mammifères et des amphibiens.

    Les services écosystémiques fournis par les insectes sauvages ont été estimés à 57 milliards de dollars (49 milliards d’euros) par an aux Etats-Unis. De toute évidence, la préservation de l’abondance et de la diversité de ces êtres à six pattes devrait être une priorité absolue en matière de conservation de la biodiversité. Il n’en est rien.

    Avertissements réitérés

    Pourtant, les signaux d’alerte ne datent pas d’hier. En 2014, déjà, des chercheurs avaient fait un constat sans appel : les néonicotinoïdes sont les principaux responsables du déclin généralisé des arthropodes partout dans le monde. En 2005, une étude publiée dans Conservation Biology décrivait elle aussi les extinctions qui frappent les insectes, qualifiés de « majorité négligée ». Dès 1992, un ouvrage intitulé Insect Conservation Biology, publié par Michael Samways, pointait les menaces qui pèsent sur eux : la fragmentation des habitats et les pollutions.

    Mais ces avertissements n’ont eu que très peu d’écho. A une seule exception près : pour les abeilles. Les mises en garde des scientifiques, relayées par une large campagne médiatique des apiculteurs, ont fini par payer. Les Français, comme les citoyens d’autres pays, se sont émus du sort des butineuses, dont le catastrophique syndrome d’effondrement des colonies est démontré depuis la fin des années 1990.

    La France n’est pas restée inactive face à ce péril. En 1999, puis en 2004, les ministres de l’agriculture Jean Glavany et Hervé Gaymard ont décidé de suspendre l’usage du Gaucho – sur certaines cultures – et du fipronil, deux insecticides. En 2016, au terme d’une rude bataille, les députés ont fini par interdire la totalité des néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018 sur l’ensemble des cultures – avec des dérogations jusqu’en 2020.

    Voilà qui est positif, mais insuffisant. En témoigne l’échec actuel du plan Ecophyto 2, qui vise à diviser par deux le recours aux produits phytosanitaires d’ici à 2025 dans l’Hexagone. C’est peu dire que l’objectif est loin d’être atteint : en sept ans, l’emploi de ces produits chimiques a progressé de 20 % pour les usages agricoles.

    La ferme France n’a pas amorcé son sevrage

    Pourquoi ? Parce que l’industrie agrochimique manipule certaines des données scientifiques, dans un contexte de crise de l’évaluation réglementaire. Parce que les représentants du monde agricole ne veulent pas changer de modèle. Parce que les coopératives qui leur donnent des conseils sont les mêmes qui leur vendent les pesticides et les engrais. Parce que faire primer le court sur le long terme fait perdre de vue l’essentiel : loin de sécuriser la production alimentaire, l’utilisation des pesticides met en péril la biodiversité qui la rend possible.

    Las ! Non seulement, la ferme France n’a pas amorcé son sevrage, mais de surcroît de nouvelles molécules, toujours plus toxiques, sont mises sur le marché. En témoigne la toute récente autorisation d’un nouveau néonicotinoïde qui ne dit pas son nom, le sulfoxaflor, par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Après l’émoi et la colère – légitimes – suscités par cette affaire, le gouvernement a demandé à l’Anses d’« examiner de façon prioritaire des données complémentaires relatives aux risques du sulfoxaflor », tandis que l’ONG Générations futures a déposé deux recours en justice.

    Il faudra aller bien plus loin. Changer de mode de production, mais aussi de regard sur les insectes, ces êtres que l’on ignore ou que l’on méprise alors qu’ils représentent les deux tiers de toutes les espèces du monde. Des biais qui se retrouvent jusque dans la recherche : la grande majorité des études concerne les vertébrés, pourtant beaucoup moins nombreux que les invertébrés. Ces derniers, perçus comme moins « sexy », engrangent moins de financements. Ce qui signifie moins de spécialistes, moins de connaissances, et donc moins de protection.

    Faire des choix politiques et sociétaux forts

    Une étude à paraître dans la revue Biological Conservation de novembre a procédé à une analyse amusante : elle s’est penchée sur les 123 espèces d’insectes protégées en Europe, soit 0,12 % des 105 000 répertoriées sur le Vieux Continent…

    Les résultats sont nets : les insectes protégés sont les plus gros, ceux qui présentent le plus de contrastes (couleurs surtout bleues et vertes, rayures, etc.) et un corps lisse. Certains groupes sont surreprésentés (les papillons, les libellules ou les sauterelles), tandis que d’autres ne figurent même pas sur les listes (les mouches, les moustiques, les bourdons, etc.). En gros, les insectes considérés comme les plus moches ou les plus nuisibles par les humains n’ont pas droit de cité. Et ce, en dépit de leur rôle dans les écosystèmes.

    Il est urgent de faire des choix politiques et sociétaux forts pour enrayer le déclin de la biodiversité. Ne plus choisir telle ou telle espèce, mais les préserver toutes, avec leurs interactions et leur habitat. Qui se trouve également être le nôtre.

  • L’affaire Séralini ou l’histoire secrète d’un torpillage

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/10/05/l-affaire-seralini-ou-l-histoire-secrete-d-un-torpillage_5196526_3244.html

    La parution de l’étude controversée du biologiste français Gilles-Eric Seralini, prétendant avoir montré des effets nocifs du Roundup, a provoqué une onde de choc chez Monsanto. Qui n’a eu de cesse de faire désavouer la publication par tous les moyens.

    Le cauchemar de Monsanto. C’est ce qu’est devenu Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie à l’université de Caen, le 19 septembre 2012. Cette évidence transparaît de la nouvelle livraison des « Monsanto papers » — ces documents internes de la multinationale de l’agrochimie rendus publics dans le cadre d’une action collective menée à son encontre aux Etats-Unis. Ils montrent que des cadres de la firme ont manœuvré en coulisse, pendant plusieurs semaines, pour obtenir la rétractation de l’étude controversée du biologiste français. Et qu’ils sont parvenus à leurs fins.

    On s’en souvient : ce jour-là, M. Séralini publie, dans la revue Food and Chemical Toxicology, une étude au retentissement planétaire. Des rats nourris avec un maïs transgénique et/ou au au Roundup (l’herbicide de Monsanto à base de glyphosate) avaient développé des tumeurs énormes, aussitôt exhibées en « une » des journaux. La couverture médiatique, considérable, est un désastre pour l’image de Monsanto et de ses produits, même si l’étude est jugée non concluante par tous les cénacles scientifiques — y compris le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) des Nations unies. Puis, en novembre 2013, survient un événement inédit dans l’histoire de l’édition scientifique : l’étude est rétractée par la revue, c’est-à-dire désavouée a posteriori, sans aucune des raisons habituellement avancées pour justifier une telle mesure.

    Manque de « conclusion probante »

    De nombreux chercheurs expriment alors leur malaise : le travail des chercheurs français n’a pas été épinglé pour fraude ou erreurs involontaires, d’ordinaire les seules raisons de retirer une publication de la littérature scientifique. Dans un éditorial publié plus tard, en janvier 2014, le rédacteur en chef de la revue, Wallace Hayes, justifiera cette décision personnelle par le fait qu’« aucune conclusion définitive n’a pu être tirée de ces données non concluantes ». L’étude de M. Séralini sera donc la première – et à ce jour l’unique – à avoir été supprimée des archives d’une revue savante pour son manque de « conclusion probante ».

    Mais ce que Wallace Hayes ne mentionne pas, c’est qu’il est lié par un contrat de consultant à Monsanto. Bien connu dans le monde de la toxicologie, chercheur associé à l’université Harvard, il a mené l’essentiel de sa carrière dans l’industrie chimique ou auprès du cigarettier R. J. Reynolds dont il fut l’un des vice-présidents. Les « Monsanto papers » révèlent que M. Hayes était consultant pour la firme agrochimique depuis la mi-août 2012. Sa mission était de développer un réseau de scientifiques sud-américains pour participer à un colloque sur le glyphosate, et ses honoraires étaient fixés à « 400 dollars de l’heure », dans une limite de « 3 200 dollars par jour et un total de 16 000 dollars ». A aucun moment, ce conflit d’intérêts entre Monsanto et le responsable éditorial de la revue ne sera divulgué.

    « Si c’est vrai, c’est une honte », déclare au Monde Jose Luis Domingo, professeur à l’université Rovira i Virgili (Tarragone, Espagne). Ce toxicologue de renom a remplacé M. Hayes à la tête du comité éditorial de la revue en 2016. C’est lui, qui, à l’époque rédacteur en chef adjoint (managing editor), avait publié l’étude controversée.

    Plusieurs courriels internes de Monsanto le montrent : dès sa publication, des cadres de la firme considèrent la rétractation de l’étude comme un objectif cardinal. Mais pour justifier une mesure d’une telle gravité, la revue doit pouvoir se prévaloir d’une forte indignation dans la communauté scientifique. Le 26 septembre 2012, David Saltmiras, l’un des toxicologues de Monsanto, écrit à des collègues : « Wally Hayes m’a appelé ce matin en réponse à mon message d’hier. Il s’est inquiété de ne recevoir que des liens vers des blogs ou des billets publiés en ligne, des publications de presse, etc., et aucune lettre formelle à l’éditeur. »

    Formulées comme « lettres à l’éditeur », les charges contre le travail de l’équipe Séralini pourraient être publiées dans la revue. Elles sont donc d’une « importance critique », ajoute David Saltmiras. De fait, en affichant le mécontentement, elles pourraient justifier une rétractation. Sauf qu’une semaine après la publication de l’étude aucune lettre de protestation n’a encore été adressée à Food and Chemical Toxicology. Le rédacteur en chef « a donc un besoin urgent de lettres formelles à l’éditeur, objectives, rationnelles et faisant autorité », poursuit David Saltmiras avant de conclure : « Je pense qu’il aimerait recevoir ces lettres aujourd’hui. » Dans les échanges suivants, les toxicologues de Monsanto suggèrent les noms de chercheurs qu’ils pourraient solliciter pour ce faire. Ils parient sur la plus grande crédibilité de critiques qui seraient formulées par des « tierces parties » — des scientifiques du monde académique sans liens apparents avec Monsanto.

    Au reste, ces stratégies sont décrites explicitement par les salariés de Monsanto eux-mêmes. Dans sa fiche d’évaluation interne, David Saltmiras écrit ainsi qu’il a « cherché activement à élargir un réseau de scientifiques reconnus sur le plan international et non affiliés à Monsanto », permettant « des échanges informels d’idées et d’information scientifique » mais aussi de « les influencer pour mettre en œuvre les stratégies de Monsanto ». Pendant l’affaire Séralini, écrit-il, « j’ai mis à profit ma relation avec le rédacteur en chef de Food and Chemical Toxicology et j’ai été le seul point de contact entre Monsanto et la revue ».

    Affaire ultrasensible

    Début novembre, une demi-douzaine de lettres individuelles et une lettre collective signée par 25 chercheurs sont publiées par le journal. Cette lettre collective est mentionnée dans les documents internes à Monsanto, mais… dans un message du 28 septembre, soit plus d’un mois avant sa publication. Alors qu’un employé de la compagnie prépare un topo qu’il doit présenter en public, l’un de ses collègues lui suggère d’ajouter « des munitions » à sa présentation en évoquant « la lettre à l’éditeur des 25 scientifiques issus de 14 pays ». Mais l’intéressé rétorque. La lettre n’étant pas encore publique, il se dit « mal à l’aise » à l’idée de divulguer l’initiative lors de sa présentation : « Cela impliquerait que nous sommes impliqués, sinon comment serions-nous au courant ? », explique-t-il. L’affaire est ultrasensible. Au point qu’il ajoute : « On nous demande de cesser les communications internes à ce sujet. » Son correspondant prend soin de clore la conversation en précisant que ce ne sont pas les employés de Monsanto qui ont écrit le texte, ou sollicité eux-mêmes les signatures des auteurs.

    En définitive, le tour est joué. Dès le premier paragraphe de son éditorial de janvier 2014, Wallace Hayes justifie la rétractation de l’étude Séralini par « les nombreuses lettres exprimant de l’inquiétude quant à la validité de [ses] conclusions ».

    Ces lettres étaient-elles écrites pour durer ? Le biologiste Kevin Folta (université de Floride), qui écrivait dans la sienne « soutenir pleinement la rétractation », a déclaré sur les réseaux sociaux en avril 2015 : « J’ai toujours dit que l’étude n’aurait pas dû être rétractée. » Surprenant revirement. Un autre auteur, Andrew Cockburn, a de son côté demandé… la rétractation de sa propre lettre quelques mois plus tard. Pourquoi ? Comme Wallace Hayes, il n’a pas répondu aux sollicitations du Monde. Interrogée, la maison d’édition Elsevier, propriétaire de la revue, affirme, pour sa part, avoir lancé une enquête.

    • Avec toutes les révélations sur Monsanto en ce moment, je me disais bien que cette étude allait repoindre le bout de son nez.

      J’avais lu l’article en question à l’époque et ça m’avait assez choqué que ça soit publié dans une bonne revue ; statistiquement, il n’y avait pas de quoi conclure — des rats qui sont faits pour développer des tumeurs ont en effet développé des tumeurs. La belle affaire. D’ailleurs j’étais pas le seul à l’époque, beaucoup de blogueurs scientifiques s’étaient montré aussi surpris par la pauvre qualité de l’article. (Et si je me souviens bien, le traitement des animaux laissait aussi beaucoup à désirer. Les tumeurs étaient bien trop grosses et les animaux auraient dû être sacrifiés bien plus tôt. Ça avait l’air d’être fait pour avoir des photos bien choquantes.)

      Ah mais l’expérience utilisait des produits de Monsanto ! Forcément, ils sont du côté du bien et donc incritiquables !

      Parenthèse amusante : puisqu’on parle des manigances de Monsanto, on pourrait aussi parler de celles de Séralini et al.. Juste avant la publication de l’article, ils avaient mis en place une opération de com’ bien huilée avec site web dédié, tweets prêts à l’emploi en copier-coller et contact de journalistes. Et tout ça, en faisant bien gaffe à ce que l’article lui-même soit sous embargo jusqu’à sa publication ; les journalistes se trouvant dans l’impossibilité de vérifier leurs dires et dans le risque de peut-être manquer un scoop. Les bons journalistes se sont abstenus mais les autres ont répété ce qu’ont leur a dit. Et le tour était joué.

      (ah j’ai écrit une tartine, désolé)

  • « Monsanto papers », les agences sous l’influence de la firme

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/10/05/monsanto-papers-les-agences-sous-l-influence-de-la-firme_5196332_3244.html

    Pour contrer le soupçon qui entoure le glyphosate, son produit-phare classé « cancérogène probable », la firme américaine interfère auprès des organismes de réglementation.

    En quatre décennies, la version officielle n’a jamais changé : le glyphosate n’est pas cancérogène. C’est ce que concluent avec constance les expertises des plus grandes agences réglementaires, chargées d’évaluer la dangerosité d’un produit avant et après sa mise sur le marché : l’Agence de protection de l’environnement (EPA) américaine et, sur le Vieux Continent, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

    Il a fallu attendre mars 2015 pour qu’une autre organisation, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) des Nations unies (ONU), parvienne à la conclusion inverse. Pour cette institution de référence, l’herbicide – produit-phare de Monsanto et pesticide le plus utilisé au monde – est génotoxique, cancérogène pour l’animal et « cancérogène probable » pour l’homme.

    Comment expliquer cette spectaculaire divergence ? La plupart des observateurs invoquent une raison majeure : pour rendre leurs conclusions, les agences se sont largement fondées sur des données confidentielles fournies par… Monsanto, alors que le CIRC, lui, n’a pas eu accès à ces données. En d’autres termes, la décision favorable au glyphosate est essentiellement basée sur les conclusions de l’entreprise qui le fabrique.

    Une expertise « scientifiquement erronée »

    Un toxicologue de renom va bientôt dénoncer cette situation : Christopher Portier, ancien directeur de diverses institutions fédérales de recherche américaines et associé, en 2015, aux travaux du CIRC. Grâce à des eurodéputés écologistes et une ONG qui en ont exigé copie auprès des autorités européennes, il est le seul scientifique indépendant à avoir pu ausculter les fameuses données ultra-secrètes.

    Il s’est alors aperçu que celles-ci recelaient des problèmes passés inaperçus. Le 28 mai 2017, il jette un pavé dans la mare en écrivant à Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne : pour lui, pas de doute, l’expertise des agences européennes, menée essentiellement sur la base des éléments transmis par Monsanto, est « scientifiquement erronée ». Ces dernières, assure-t-il, seraient passées à côté de huit cas d’augmentation d’incidence de certaines tumeurs, associés au glyphosate. Les agences ont beau réfuter en bloc, la polémique est lancée.

    Qui croire ? Pour tenter de répondre à cette question-clé, Le Monde s’est plongé dans les « Monsanto papers », ces dizaines de milliers de pages de documents internes que la firme a dû rendre publics dans le cadre d’une action collective menée aux Etats-Unis par près de 3 500 plaignants.

    La lecture de ces documents apporte de troublants éléments de réponse. Elle jette une lumière crue sur la manière dont les agences réglementaires tiennent compte des études secrètes – et parfois suspectes – de l’industrie. Elle conduit surtout à s’interroger sur l’intégrité et l’indépendance des expertises officielles sur le glyphosate.

    Une étude « indûment écartée »

    A Bruxelles, certains élus prennent la question au sérieux. En mai 2017, l’eurodéputé tchèque Pavel Poc (Socialistes et Démocrates) organise une réunion publique sur le sujet, sous les ors du Parlement européen.

    Ce jour-là, à la tribune, Peter Clausing, un toxicologue allemand associé à l’ONG Pesticide Action Network (PAN), lâche une bombe : d’après lui, une étude soumise par les industriels, qui montrait une augmentation d’incidences de lymphomes malins chez les souris les plus exposées au glyphosate, a été indûment écartée par l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Considérant que cette étude n’était pas fiable, l’agence n’a pas pris en compte ses résultats, pourtant susceptibles de l’alerter sur les dangers de ce produit.

    Dans son rapport d’expertise de novembre 2015, l’EFSA justifiait ainsi ce choix : « Au cours de la seconde téléconférence d’experts (TC 117), l’étude a été considérée comme non acceptable en raison d’infections virales qui ont pu influencer la survie [des animaux] ainsi que les incidences de tumeurs – en particulier les lymphomes. »

    Certains virus dits « oncogènes » peuvent en effet provoquer des tumeurs chez les animaux de laboratoire. Les souris utilisées pour cette étude dénommée « Kumar, 2001 » auraient contracté un virus de ce type (sans lien avec le glyphosate), brouillant ainsi les résultats.

    « Le gros problème est qu’aucun document ne mentionne le fait qu’une infection de ce genre a effectivement touché les animaux, assure le toxicologue Peter Clausing. Ce qu’on trouve dans les rapports préliminaires d’évaluation du glyphosate, c’est que ce type d’infection est possible, mais pas qu’elle s’est produite. Ce qui est d’abord décrit comme une possibilité devient, à l’issue de la “téléconférence 117”, un fait avéré. »

    Que s’est-il passé lors de cette « téléconférence 117 » ? Le 29 septembre 2015, à quelques semaines de la finalisation de l’expertise européenne, ce grand rendez-vous téléphonique réunit les experts de plusieurs agences. L’objectif est, d’une certaine manière, d’accorder les violons. Parmi les participants, figure un représentant de l’Agence américaine de protection de l’environnement, l’EPA, Jess Rowland. C’est lui qui supervise la réévaluation du glyphosate aux Etats-Unis. Et c’est lui, assure Peter Clausing, qui, au cours de la discussion, fait état d’une infection virale qui invaliderait l’étude « Kumar, 2001 ». Interrogée par Le Monde, l’EFSA confirme. Mais elle assure que « l’information présentée par l’EPA au cours de cette téléconférence a été vérifiée de manière indépendante » par ses propres experts.

    Un article sponsorisé par Monsanto

    Ni une ni deux, l’ONG bruxelloise Corporate Europe Observatory dépose, courant mai, une demande d’accès aux documents internes de l’EFSA pour le vérifier. La réponse tombe le 21 juin : il n’existe aucune trace, dans les archives de l’agence, d’une quelconque vérification des affirmations de Jess Rowland.

    Plus embarrassant, l’Agence européenne des produits chimiques, l’ECHA, écrit dans son propre rapport sur le glyphosate que l’étude « Kumar, 2001 » ne signale « aucune suspicion d’infection virale » des souris et que « le fondement réel de la décision de l’EPA n’est donc pas connu ». Dans une lettre au vitriol adressée le 22 mai à l’agence européenne, Peter Clausing fait un constat plus perturbant encore. « La première spéculation sur une infection virale en lien avec l’étude “Kumar, 2001” provient d’un article de 2015 sponsorisé par Monsanto et signé de Greim et collaborateurs. »

    Reste à savoir si les interventions d’un expert de l’agence américaine ont pu influencer l’expertise européenne. Les « Monsanto papers » montrent en tout cas que la firme est informée presque en temps réel, le lendemain même de la TC 117. « J’ai parlé du gly[phosate] avec l’EPA, écrit l’un de ses cadres dans un texto, à 14 h 38. Ils ont le sentiment d’avoir aligné l’EFSA pendant le coup de fil. »

    Ce n’est pas tout. Au siège de Monsanto, Jess Rowland n’est pas un inconnu : son nom surgit régulièrement dans les « Monsanto papers », en particulier en avril 2015, bien avant la fameuse réunion téléphonique. Alors que le glyphosate vient d’être classé « cancérogène probable » par l’agence de l’ONU (CIRC), et que sa réévaluation est en cours à l’EPA, une autre organisation fédérale américaine, l’Agence des substances toxiques et de l’enregistrement des maladies (ATSDR), vient à son tour d’annoncer avoir enclenché sa propre expertise.

    Le 28 avril 2015, deux cadres de Monsanto échangent des courriels. Le premier raconte avoir reçu un appel inopiné de Jess Rowland au sujet des velléités investigatrices de l’ATSDR. Le cadre le cite en ces termes : « Si je peux dézinguer ça, je mérite une médaille », aurait plastronné M. Rowland au bout du fil. « Mais il ne faut pas trop y compter, poursuit le responsable de la firme à l’adresse de son interlocuteur, je doute que l’EPA et Jess [Rowland] puissent dézinguer ça, mais c’est bon de savoir qu’ils essaient de se coordonner à la suite de notre insistance, et qu’ils partagent notre inquiétude de voir l’ATSDR parvenir aux mêmes conclusions que l’EPA. » « Wow ! C’est très encourageant », réagit son correspondant.

    Promiscuité

    Incidemment, l’échange montre que les employés de la firme sont déjà au courant des conclusions du panel d’experts présidé par Jess Rowland. Celui-ci ne finalisera pourtant son travail que… cinq mois plus tard.

    Les efforts promis par M. Rowland ont-ils payé ? L’évaluation du glyphosate par l’ATSDR a-t-elle été « dézinguée » ? Des informations de la presse américaine l’ont récemment donnée pour morte. Cependant, interrogée par Le Monde, l’agence assure que son évaluation est en cours, mais n’est pas achevée : « Nous prévoyons la finalisation d’un premier jet, soumis aux commentaires du public, d’ici à la fin de l’année. »

    Les « Monsanto papers » prouvent sans ambiguïté que Jess Rowland est considéré par la firme agrochimique comme un atout stratégique au sein de l’EPA. « Jess se mettra en retraite de l’EPA dans cinq à six mois, écrit un employé dans un mémo interne du 3 septembre 2015. Et il pourrait encore nous être utile dans la défense en cours du glyphosate. »

    M. Rowland partira en effet à la retraite début 2016. Une retraite loin d’être oisive. Dans l’action collective en cours aux Etats-Unis, les avocats des plaignants ont bataillé ferme pour obtenir cette information : Jess Rowland exerce désormais une activité de consultant pour l’industrie chimique. Ils n’ont, pour l’heure, pas réussi à connaître les noms de ses employeurs, les conditions de son embauche, la nature de son travail ni le montant de ses émoluments. L’inspecteur général de l’EPA a lancé, fin mai 2017, une enquête interne afin d’éclaircir l’affaire. Sollicité par l’intermédiaire de son avocat, M. Rowland n’a pas donné suite à nos demandes.

    Cette promiscuité entre l’agence américaine et Monsanto remonte à bien plus loin, au début des années 1980. C’est l’Américaine Carey Gillam, ancienne journaliste à l’agence Reuters et désormais directrice de recherche pour l’association U.S. Right to Know, qui a, la première, épluché la correspondance de l’époque entre l’agence et la firme. Elle en a extrait une chronologie plus que significative, qu’elle retrace dans un livre intitulé Whitewash (« Blanchiment »), à paraître en octobre aux Etats-Unis.

    Un expert payé par Monsanto

    De premiers soupçons à l’égard du glyphosate se font jour en 1983. Cette année-là, Monsanto soumet à l’EPA les données d’une étude de toxicité qu’un laboratoire externe a menée pour la firme pendant deux ans sur plus de 400 souris.

    Le toxicologue de l’agence qui les examine en conclut que le glyphosate est « oncogène » : des souris exposées ont développé des adénomes tubuleux aux reins, une forme de tumeurs rarissime. Monsanto conteste énergiquement, avance qu’il s’agit de « faux positifs ». Mais les toxicologues de l’EPA sont catégoriques : « L’argumentation de Monsanto est inacceptable, consignent-ils dans un mémo de février 1985. Le glyphosate est suspect. » Ils décident donc de classifier l’herbicide « oncogène de catégorie C », soit « cancérigène possible pour l’homme ».

    Monsanto décide alors de fournir des données supplémentaires à l’EPA en faisant réexaminer les lames où sont conservés les « carpaccios » de reins de ces 400 souris. Mais cette fois par un expert de son choix, payé par ses soins. « Le Dr Marvin Kuschner passera en revue les sections de rein et présentera son évaluation à l’EPA dans le but de convaincre l’agence que les tumeurs observées n’ont pas de rapport avec le glyphosate », écrit un responsable de la compagnie en interne. A l’en croire, le résultat de cette analyse semble couru d’avance.

    Quelques jours tard, le Dr Marvin Kuschner reçoit les 422 rondelles de petits reins par colis. Et en octobre 1985, il consigne dans son rapport avoir découvert une tumeur, jusqu’ici passée inaperçue, dans le rein de l’une des souris contrôle – non exposée au glyphosate. Armée de cette conclusion, Monsanto bâtit auprès de l’EPA un argumentaire autour d’une « maladie chronique spontanée des reins » qui serait répandue chez les souris de laboratoire et fait basculer les conclusions. Autrement dit, si tumeur il y a, elle n’a rien à voir avec le glyphosate. Exactement comme pour l’étude « Kumar, 2001 », deux décennies plus tard.

    En 1991, le glyphosate disparait du radar

    Si cette seule et unique tumeur est bien réelle, pourquoi n’a-t-elle pas été remarquée auparavant ? Couvertes par le secret commercial, les lames n’ont jamais pu être examinées par des experts indépendants.

    En 2017, les avocats des plaignants réclament que cela soit fait. En attendant, ils relèvent que l’EPA a par la suite fait marche arrière toute, en faisant preuve d’une souplesse de plus en plus flagrante à l’égard du glyphosate.

    Les toxicologues « maison » ne sont pas en cause ; ils étaient unanimes à trouver le produit « suspect ». C’est en fait un panel constitué à la fois d’agents de l’EPA et d’autres agences fédérales qui, en février 1986, rétrograde le glyphosate dans le groupe D – « inclassable quant à sa cancérogénicité pour l’homme ». En 1989, l’agence cesse même de demander de nouvelles données à Monsanto. En 1991, le glyphosate est encore rétrogradé, dans le groupe E cette fois – « preuves de non-cancérogénicité ». Bref, il disparaît du radar.

    Qui sont ces fonctionnaires du panel de l’EPA qui ont initié son déclassement en 1986 ? Leurs parcours révèlent de singuliers points communs, et un talent indéniable pour utiliser leur carnet d’adresses dans le secteur commercial, notamment chez Monsanto.

    Ainsi, trois ans après le revirement de l’agence, le chef du panel, John Moore, prend la présidence d’un « institut pour l’évaluation des risques pour la santé » financé par l’industrie pétrolière, les banques et la grande distribution. Sa successeure, Linda Fischer, deviendra pour sa part l’une des vice-présidentes de Monsanto, dès son départ de l’EPA en 1993. Son adjoint, James Lamb part, lui, en 1988 rejoindre un cabinet d’avocats qui compte Monsanto parmi ses clients. Une demi-douzaine de fonctionnaires fédéraux quitteront également l’EPA pour ce cabinet. Quant à leur chef, le directeur du bureau des programmes pesticides, Steven Schatzow, il sera lui aussi recruté par un cabinet d’avocats pour y représenter des fabricants de… pesticides. David Gaylor, enfin, membre du panel en tant que représentant du Centre national pour la recherche en toxicologie, quittera la fonction publique pour être consultant privé. Lui aussi aura Monsanto comme client.

    Une fraude mortifère

    Reste une question cardinale : pourquoi Monsanto a-t-elle donc entrepris de réaliser cette étude et de la soumettre à l’EPA en 1983 alors que le glyphosate était autorisé sur le marché américain depuis déjà près de dix ans ? Un courrier de Monsanto de 1985 l’explique : cette étude fait partie d’un « programme de remplacement des études de toxicologie d’IBT ».

    IBT ? Pour ceux qui le reconnaissent, ce sigle évoque des visions à vous glacer le sang. L’histoire est connue : aux Etats-Unis, les plus grandes firmes confiaient autrefois les études de toxicologie de leurs produits à Industrial Bio-Test, ou IBT.

    En 1976, des inspecteurs sanitaires fédéraux avaient découvert que le succès de ce prestataire extérieur était fondé sur une fraude mortifère. Ce n’est qu’équipés de masques qu’ils avaient pu explorer le hangar, surnommé le « marais ». Là, des milliers d’animaux de laboratoire infusaient dans une puanteur et une touffeur insoutenables. Des conditions incompatibles avec des études de toxicité.

    Dans les carnets des techniciens, une abréviation récurrente, « TBD », signifiait « Too Badly Decomposed » (« Trop méchamment décomposés ») pour qu’on puisse en tirer quelque donnée que ce soit. Les tests d’IBT parvenaient rarement à des conclusions négatives : elles étaient souvent inventées.

    Des centaines de produits chimiques, dont pas moins de deux cents pesticides, ainsi que l’Aroclor, un PCB redoutablement toxique mis au point par Monsanto, avaient été homologués en Amérique du Nord sur la base des tests « effectués » par IBT. Roundup compris ? Questionnée, Monsanto se contente aujourd’hui de répondre qu’« aucune donnée générée par IBT n’est utilisée pour soutenir une homologation du glyphosate ».

    Le pesticide le plus utilisé dans le monde provoque-t-il le cancer ? L’agence de l’ONU, le CIRC, a-t-elle vu en 2015 ce que l’EPA américaine aurait dû voir il y a quarante ans ? Certains mémos internes de Monsanto suggèrent que ses toxicologues eux-mêmes craignaient de longue date une expertise indépendante de leur best-seller. Comme ce courriel d’une scientifique de la firme qui écrit, en septembre 2014, à un collègue : « Ce que nous redoutions depuis longtemps s’est produit. Le glyphosate doit être évalué par le CIRC en mars 2015. »

    Le 23 octobre, les Etats membres décideront en qui l’Union européenne doit placer sa confiance.

  • (1) #Perturbateurs_endocriniens : le Parlement européen invalide la définition de la Commission - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2017/10/04/perturbateurs-endocriniens-le-parlement-europeen-invalide-la-definition-d
    http://md1.libe.com/photo/998013-les-perturbateurs-endocriniens-infographie-big.png?modified_at=1507

    Le 4 juillet, après un an de blocage, la France, qui menait l’opposition au côté notamment du Danemark et de la Suède, avait cédé et accepté cette définition des critères des perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques omniprésentes dans les produits du quotidien (pesticides, plastiques, cosmétiques, conditionnements alimentaires…), et suspectées d’être à l’origine de diverses maladies. Plusieurs ONG environnementales avaient alors dénoncé cette définition comme insuffisante pour prévenir les risques de #santé publique que représentent ces produits. Elles dénonçaient notamment un niveau de preuve exigé trop élevé.

  • « Monsanto papers », désinformation organisée autour du glyphosate

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/10/04/monsanto-papers-desinformation-organisee-autour-du-glyphosate_5195771_3244.h

    « Le Monde » montre comment la puissante firme américaine a fait paraître des articles coécrits par ses employés et signés par des scientifiques pour contrer les informations dénonçant la toxicité du glyphosate.

    Mémos stratégiques, courriels, contrats confidentiels… Les « Monsanto papers » continuent de livrer petits et grands secrets. Après un premier volet publié en juin dernier, Le Monde s’est à nouveau plongé dans ces dizaines de milliers de pages de documents internes que le géant de l’agrochimie a été contraint de rendre publics à la suite de procédures judiciaires engagées aux Etats-Unis.

    Monsanto est poursuivi dans ce pays par un nombre croissant de plaignants – aujourd’hui 3 500 –, victimes ou proches de victimes décédées d’un lymphome non hodgkinien, un cancer du sang rare, et qu’ils attribuent à une exposition au glyphosate. Ce désherbant, mis sur le marché en 1974, notamment sous le nom de Roundup, s’est imposé comme un best-seller mondial en étant l’auxiliaire essentiel des semences génétiquement modifiées pour le tolérer. Monsanto lui doit sa fortune. Mais à quel prix ?

    La dernière livraison de « Monsanto papers », déclassifiés au cours de l’été 2017, lève le voile sur une activité jusqu’alors méconnue de la multinationale : le ghostwriting – littéralement « écriture fantôme ».

    Considérée comme une forme grave de fraude scientifique, cette pratique consiste, pour une entreprise, à agir en « auteur fantôme » : alors que ses propres employés rédigent textes et études, ce sont des scientifiques sans lien de subordination avec elle qui les endossent en les signant, apportant ainsi le prestige de leur réputation à la publication. Ces derniers sont bien entendu rémunérés pour ce précieux service de « blanchiment » des messages de l’industrie. Dans le plus grand secret, Monsanto a eu recours à ces stratégies.

    Conflits d’intérêts tenus secrets

    Prenons le cas du biologiste américain Henry Miller. Devenu polémiste à temps plein, il est associé à la Hoover Institution, le célèbre think tank sis à la prestigieuse université Stanford, et signe plusieurs fois par mois des tribunes au ton acerbe dans la presse américaine. Le Wall Street Journal ou le New York Times ouvrent régulièrement leurs colonnes à ses harangues contre l’agriculture biologique et ses apologies des organismes génétiquement modifiés (OGM) ou des pesticides.

    La version en ligne du magazine économique Forbes accueille également ses textes. Mais en août 2017, du jour au lendemain, sans préavis, l’intégralité des dizaines de tribunes signées du nom d’Henry Miller ont disparu de son site Internet, Forbes.com. « Tous les contributeurs de Forbes.com signent un contrat leur demandant de divulguer tout conflit d’intérêts potentiel et de ne publier que leurs écrits originaux, explique au Monde une porte-parole de la publication. Quand il a été porté à notre attention que M. Miller avait violé les termes de ce contrat, nous avons retiré tous ses articles de notre site et mis fin à nos relations avec lui. »

    Les documents déclassifiés le montrent sans ambiguïté : certains écrits de Henry Miller étaient en réalité concoctés par une équipe qui s’y consacrait au sein de… Monsanto. La collaboration entre le scientifique et la compagnie a, semble-t-il, débuté en février 2015. A l’époque, cette dernière prépare la gestion d’une crise qui s’annonce : le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) s’apprête à livrer son évaluation du glyphosate. Monsanto sait que le verdict de l’agence des Nations unies, attendu pour le mois suivant, sera calamiteux pour elle. Le 20 mars 2015, le glyphosate sera officiellement déclaré génotoxique, cancérogène pour l’animal et « cancérogène probable » pour l’homme.

    Monsanto décide donc d’allumer des contre-feux. Un cadre de la compagnie sollicite Henry Miller, qui a déjà produit sur le sujet : « Souhaitez-vous en écrire davantage au sujet du CIRC, son processus et sa décision controversée ? lui demande-t-il par courriel. J’ai les informations de base et je peux les fournir si besoin. » M. Miller accepte, mais à condition de « partir d’un brouillon de haute qualité ». De fait, le texte qui lui est transmis semble être « de haute qualité » : il sera publié le 20 mars, presque sans modification, sur le site de Forbes.

    Ni M. Miller ni la Hoover Institution n’ont répondu aux sollicitations du Monde. De son côté, Monsanto assume : « Des scientifiques de Monsanto ont simplement fourni la version de travail initiale, qu’Henry Miller a éditée et postée. Les points de vue et les opinions exprimées dans cette tribune sont les siens. »

    Pratique du « ghostwriting »

    Cet exemple de tromperie sur la marchandise n’est qu’un élément parmi d’autres. La stratégie mise en place par Monsanto ne se limite pas à convaincre l’opinion grâce aux médias grand public comme Forbes. A en croire les échanges des toxicologues du géant de l’agrochimie, elle concerne également de articles scientifiques en bonne et due forme, publiés dans les revues savantes. Au fil des « Monsanto papers » apparaît ainsi un faisceau d’indices suggérant que la firme pratique couramment le ghostwriting.

    Comme ce cas où, en novembre 2010, Donna Farmer, une des toxicologues en chef de la firme, envoie par courriel les « 46 premières pages » d’un manuscrit. Son correspondant travaille pour Exponent, un cabinet de consultant spécialisé en affaires scientifiques, et il doit superviser la publication de l’article dans une revue scientifique. Donna Farmer a elle-même, tout simplement, biffé son propre nom de la liste des auteurs. L’étude paraîtra plus tard dans la revue Journal of Toxicology and Environmental Health, Part B, sous la seule signature des consultants extérieurs. Elle conclut à l’absence de risques du glyphosate pour le développement du fœtus et la reproduction.

    Si la pratique du ghostwriting est notoirement répandue dans le secteur pharmaceutique, la lecture des « Monsanto papers » pose désormais la question de son ampleur dans l’industrie chimique et agrochimique. Elle semble en effet si prégnante dans la culture de la société que ses employés eux-mêmes ont recours à ce terme sulfureux, à plusieurs reprises et sans retenue, dans leurs correspondances internes.

    C’est surtout sur le front de la science que Monsanto veut allumer des contre-feux au verdict annoncé du CIRC. Une façon de procéder, écrit William Heydens, le responsable de la sécurité des produits réglementés, à ses collègues de Monsanto en février 2015, « serait d’y aller à plein régime en impliquant des experts de tous les domaines majeurs » – une option à 250 000 dollars (220 000 euros), précise-t-il. Et une autre façon, « moins chère/plus envisageable », serait de « n’impliquer les experts que sur les domaines où il y a débat (…), et d’être les auteurs-fantômes pour les parties sur l’exposition et la génotoxicité » – la capacité d’une substance à altérer l’ADN.

    Textes lourdement amendés par la firme

    Monsanto missionne Intertek, un cabinet de consultants, pour rassembler un panel d’une quinzaine d’experts extérieurs. Certains travaillent dans le monde académique, d’autres comme consultants privés. Moyennant finances, ils doivent rédiger cinq grandes synthèses de la littérature scientifique sur chaque domaine (toxicologie, épidémiologie, études animales, etc.) éclairant les liens entre cancer et glyphosate. Publiés en septembre 2016 dans un numéro spécial de la revue Critical Reviews in Toxicology, les cinq articles concluent – est-ce une surprise ? – que le glyphosate n’est pas cancérogène.

    Si le financement par Monsanto est bien signalé au pied de chacun des articles, une petite notice complémentaire offre ce gage de rigueur et d’indépendance : « Ni les employés de la société Monsanto ni ses avocats n’ont passé en revue les manuscrits du panel d’experts avant leur soumission à la revue. » Or non seulement des employés de Monsanto ont « passé en revue » ces articles, mais ils les ont aussi lourdement amendés, peut-être même directement écrits. C’est en tout cas le scénario que semble dérouler la chronologie des échanges confidentiels.

    Le 8 février 2015, le responsable de la sûreté des produits, William Heydens, adresse au cabinet Intertek une version de l’article principal corrigée par ses propres soins. Une cinquantaine de corrections et d’éditions diverses ont été apportées. « J’ai passé en revue l’ensemble du document et j’ai indiqué ce qui, selon moi, devrait rester, ce qui peut être supprimé et j’ai aussi fait un peu d’édition, écrit-il. J’ai aussi ajouté du texte. »

    D’autres messages internes mettent en évidence les interventions éditoriales de Monsanto. La firme veut décider de tout, jusqu’à l’ordre de signature des experts, indiquant par là qui a réalisé la majeure partie du travail. Elle voudrait également taire la participation de certains des experts sélectionnés par Intertek.

    Lustre de l’indépendance

    Un échange particulièrement acide a lieu entre William Heydens – toujours lui – et l’un des scientifiques enrôlés par Intertek, John Acquavella. Monsanto connaît bien M. Acquavella : il a travaillé comme épidémiologiste pour la firme pendant quinze ans. Et c’est justement parce qu’il est un ancien employé que William Heydens n’a pas prévu qu’il apparaisse comme coauteur de l’article qu’il a pourtant contribué à écrire — pour des honoraires de 20 700 dollars (18 300 euros), comme l’indique sa facture.

    La volonté de donner le lustre de l’indépendance aux cinq études est si implacable que les noms d’anciens collaborateurs de Monsanto ne doivent pas apparaître. L’explication est sèche. « Je ne vois pas mon nom dans la liste des auteurs », s’étonne John Acquavella par courriel. « Il a été décidé par notre hiérarchie que nous ne pourrions pas t’utiliser comme auteur, répond William Heydens, en raison de ton emploi passé chez Monsanto ». « Je ne pense pas que ce sera OK avec les experts de mon panel, rétorque John Acquavella. On appelle ça du ghostwriting et c’est contraire à l’éthique. » Il aura finalement gain de cause et sera mentionné comme coauteur.

    Quand, en février 2015, ce même William Heydens évoquait la façon de procéder la « moins chère », il avançait l’« option d’ajouter les noms de [Helmut] Greim, [Larry] Kier et [David] Kirkland à la publication, mais on maintiendrait le coût au plus bas en écrivant nous-mêmes, et ils n’auraient plus qu’à éditer et écrire leur nom, pour ainsi dire ».

    Professeur émérite de l’université technique de Munich (Allemagne), Helmut Greim, 82 ans, nie avoir servi de prête-nom à Monsanto. S’il a été rémunéré, assure-t-il au Monde, c’est pour un travail effectif et pour un montant raisonnable. « Je n’aurais pas pu m’acheter une Mercedes avec cet argent », dit-il avec espièglerie. Pour sa participation au panel Intertek, il affirme avoir été rémunéré « un peu plus » que les 3 000 euros qu’il a touchés de Monsanto pour un autre article de synthèse, publié tout début 2015 dans la revue Critical Reviews in Toxicology. Dans un mémo interne, un toxicologue de la firme consigne pourtant avoir été « l’auteur-fantôme de la synthèse de 2015 de Greim »…

    « Blague de machine à café »

    Un autre des trois experts cités, David Kirkland, un Britannique de 68 ans, est consultant privé, spécialiste en génotoxicité. « Je n’ai jamais fait l’expérience du ghostwriting, indique-t-il au Monde. Je n’ai jamais mis et je ne mettrai jamais mon nom sur un article ou un manuscrit écrit par quelqu’un que je ne connais pas ou que je connais sans avoir eu l’opportunité de vérifier toutes les données. » Pour lui, la phrase de William Heydens suggérant qu’il n’aurait qu’à apposer son nom relève de la « blague de machine à café ».

    Comme M. Greim, M. Kirkland est bien connu de la firme. En 2012, Monsanto l’avait déjà sollicité pour aider à la rédaction d’une importante revue de la littérature scientifique sur les propriétés génotoxiques du glyphosate. « Mon tarif journalier est fixé sur une base de huit heures, soit 1 400 livres [1 770 euros] par jour. J’estime un maximum de 10 jours (soit 14 000 livres [17 700 euros]) », écrit-il en juillet 2012, dans un courriel.

    C’est un peu cher pour son interlocuteur, David Saltmiras. Ce toxicologue de Monsanto voit là « doubler » le montant de la facture ; il estime cependant que la réputation de David Kirkland, reconnu et « hautement crédible », « vaut le coût supplémentaire ». L’article sera publié en 2013 dans la revue Critical Reviews in Toxicology.

    M. Kirkland est désormais lié à l’année à Monsanto par le biais d’un « master contract ». Ainsi qu’il l’a expliqué au Monde, ce type de contrats permet à la firme de recourir à son expertise sans être facturée à l’heure, comme le ferait un avocat. Ces forfaits à l’année prévoient cependant un plafond, « par exemple à 10 000 dollars par an », au-delà de quoi des avenants ou des contrats séparés sont signés, comme cela a été le cas pour sa participation au panel d’Intertek. M. Kirkland n’a pas souhaité révéler le montant de ce contrat.

    Liés par des « master contracts »

    Combien de scientifiques sont ainsi liés à Monsanto, que ce soit ponctuellement ou à l’année par des « master contracts » ? Si la firme n’a pas souhaité répondre, elle semble en tout cas capitaliser sur certains noms. Quelques-uns reviennent fréquemment dans les publications qu’elle sponsorise. Ainsi de Gary Williams, professeur de pathologie au New York Medical College (Etats-Unis), qui apparaît comme coauteur dans trois des cinq articles du panel Intertek. Il est même cité comme premier auteur de deux d’entre eux.

    Comme MM. Greim et Kirkland, Gary Williams a déjà collaboré avec Monsanto. Dans ce fameux courriel de février 2015, où le responsable de la sécurité des produits lâchait que les scientifiques « n’auraient plus qu’à éditer et écrire leur nom, pour ainsi dire », il évoque un précédent. « Rappelez-vous que c’est comme ça qu’on avait géré le papier de [Gary] Williams, [Robert] Kroes et [Ian] Munro en 2000 ».

    Interrogé par Le Monde, M. Williams assure pourtant avoir rédigé la partie de l’article qui lui incombait, mais dit ne pas pouvoir parler pour ses deux coauteurs – MM. Kroes et Munro étant décédés.

    Monsanto nie également tout ghostwriting et évoque quelques mots extraits d’un unique courriel « sorti de son contexte ». La firme a cependant tiré un bénéfice considérable de l’article en question. Cette longue synthèse des études disponibles a été citée plus de 300 fois dans la littérature scientifique. Il est, en somme, devenu une référence. Il concluait… à l’absence de danger du glyphosate.

    Les employés de Monsanto cités n’ont pas donné suite aux sollicitations du Monde ou ont redirigé vers le service communication de leur employeur.

  • Les phtalates interfèrent sur le comportement des petits garçons
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/09/30/les-phtalates-interferent-sur-le-comportement-des-petits-garcons_5193916_324

    L’Inserm établit un lien entre hyperactivité, troubles émotionnels et perturbateurs endocriniens

    Puisque ca touche les garçons il y aura probablement enfin une interdiction dans peu de temps. Si les filles sont touchées tout le monde s’en tamponne, une fille hyperactive ca lave deux fois plus vite. L’étude n’a porté que sur 529 petits garçons.

  • Montreuil : des parents d’élèves qui bloquaient « l’usine toxique » délogés
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/09/27/a-montreuil-les-crs-delogent-brutalement-des-parents-d-eleves-qui-bloquaient

    Une centaine de personnes réclamaient, mercredi, la fermeture d’une société utilisant un produit cancérogène à proximité d’une école.

    LE MONDE | 27.09.2017 à 19h40 • Mis à jour le 28.09.2017 à 14h00 | Par Stéphane Mandard

    #violences_policières

  • #Perturbateurs_endocriniens : un « cocktail » toxique pour l’homme
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/09/15/perturbateurs-endocriniens-un-cocktail-toxique-pour-l-homme_5186430_3244.htm


    Va-t-on empiler encore longtemps les études récentes sans que cela bouge ?

    Pire, l’effet #anti-androgénique de chacune des molécules testées individuellement se voyait amplifié par le mélange avec d’autres composés. La toxicité de départ pouvait ainsi être multipliée par 10, voire 10 000, selon les substances impliquées.

    « Notre travail constitue une première : c’est la “preuve de concept” que des effets cocktail peuvent s’opérer sur un tissu humain dans toute sa complexité, souligne Bernard Jégou, chercheur Inserm et directeur de la recherche à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). On peut par exemple fortement amplifier l’effet anti-androgénique du bisphénol A par l’ajout de molécules possédant des propriétés pertubatrices de même nature. Et cela, même lorsque le bisphénol A se trouve à une concentration n’occasionnant que peu ou pas d’effet, à lui seul. »

    #santé ou pas...

  • Cuba contre-attaque Irma Le Courrier (Suisse) Lundi 18 septembre 2017 - Laura Hunter
    https://www.lecourrier.ch/152635/cuba_contre_attaque_irma

    Cuba se remet peu à peu du passage de l’ouragan Irma. Une journaliste suisse installée à La Havane témoigne de l’impressionnante mobilisation des habitants.

    Ouragan de catégorie 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson, Irma allait-elle donc passer directement des Antilles françaises à la Floride ? Le lourd bilan annoncé par les autorités cubaines lundi 11 septembre a de toute évidence changé la donne et tourné les regards de la presse internationale sur l’île dévastée. Le cyclone y a en effet provoqué la mort de dix personnes, en dépit de l’impressionnant dispositif de sécurité mis en place par le gouvernement cubain. De « graves » pertes matérielles sont aussi à déplorer dans plusieurs provinces, en particulier dans le nord de l’île, où s’est aventuré plusieurs heures durant le cœur de l’ouragan. Grâce au volontarisme des habitants et à l’action de la Défense civile (DC, lire ci-dessous), la phase de récupération a été rapidement enclenchée. Reportage à La Havane.

    Phase d’alarme
    Samedi 9 septembre, 15h. L’électricité est coupée par prévention dans la capitale, comme dans cinq autres provinces du pays depuis la veille. Les hôpitaux, les casernes et autres lieux stratégiques disposent de leurs propres génératrices. Ici et là, la fidèle radio se charge maintenant des retransmissions. « Le cyclone se dirige vers La Havane, où l’on pense qu’il atteindra la catégorie 3 ou 4, avec des vents de 200 km/h. La phase d’alarme est décrétée, soit le niveau maximum du dispositif d’alerte cubain. »

    Irma serait le plus fort ouragan à frapper l’île depuis 1932. Heureusement, rassure le journaliste, le phénomène météorologique pourrait s’éloigner vers le nord-ouest.

    Evacuations massives
    Les consignes de sécurité de la DC sont diffusées en boucle. « Il est vital de fixer les toits de tôles et autres objets susceptibles de s’envoler. Les habitats proches de la mer ou ceux se trouvant dans un état critique doivent être évacués de suite. » Quadragénaires vivant près du littoral, Elisa et Juan ont rassemblé leurs affaires. Ils quittent leur maison avec peu d’espoir de la retrouver intacte. « Les vagues mesurent quinze mètres à Matanzas [100 km plus à l’est] », note Juan.

    Le couple fait partie des 2 millions de personnes évacuées, soit près d’un sixième de la population (78 000 à La Havane). Comme plus de 80% des déplacés, Elisa et son mari peuvent compter sur l’hospitalité de parents ou d’amis. Les autres sont hébergés dans des foyers divers : écoles, bureaux, discothèques... Les hôtels internationaux, largement réservés par des expatriés travaillant à La Havane, accueillent aussi les nécessiteux de la capitale.

    Adela, aînée de la municipalité havanaise de Playa, scotche en catimini les vitres de sa maison pour éviter la casse. Sur le toit, le réservoir d’eau a été rempli afin de réduire les chances qu’il soit emporté. « Je suis prête », affirme-t-elle en indiquant un paquet de biscuits, de la viande en conserve, un pot de mayonnaise et des bougies. « De quoi tenir une semaine ! Et j’ai du rhum en cas d’insomnie... »

    « Une puissance d’air et d’eau »
    Tandis que la soirée avance, le vent se fait de plus en plus violent. Des arbres déracinés tombent à terre, arrachant souvent avec eux les trottoirs. Des poteaux électriques s’effondrent. Peu d’habitants et d’animaux trouvent le sommeil cette nuit-là. Elisa et Francisco qualifieront plus tard Irma de « puissance terrifiante d’air et d’eau qu’on se réjouit de ne pas avoir embrassée de trop près ».

    A La Havane, la mer pénètre la ville sur quelque 250 mètres. Les citernes souterraines sont aussitôt inondées par des eaux aussi salées que sales. Bravant les vagues, de rares opportunistes tentent d’attraper les marchandises flottant à l’extérieur d’un supermarché côtier. Ils sont rappelés à l’ordre sans violence par les troupes spéciales qui assurent la protection des habitants et des biens publics.

    L’étendue des dégâts
    Dimanche après-midi, le ciel s’éclaircit. L’intensité et la fréquence des rafales diminuent. Certains émergent prudemment de leurs maisons. Les décombres, dont des câbles électriques, jonchent la chaussée et des bâtiments menacent de s’effondrer… Dans les petites rues, les uns commencent spontanément à scier les arbres tombés au sol. D’autres, armés de balais, remplissent les containers de gravats et de feuillages.

    Sur le pied de guerre, la Défense civile enchaîne les interventions. Des soldats se joignent aux équipes du Ministère de l’agriculture et des services communaux pour déblayer les principales voies routières et évaluer les dommages. Les tunnels de la cinquième avenue et de La Bahia, artères fondamentales du transport urbain, sont inondés et impraticables.

    Dans les foyers, le manque d’eau potable inquiète. Les coupures d’électricité empêchent l’approvisionnement des réservoirs situés sur les toits. Des brigades de la DC entreprennent d’assainir les citernes contaminées, en parallèle du travail mené pour rétablir le courant. Dans ce secteur, les efforts se concentrent sur la centrale thermoélectrique la plus puissante du pays, Antonio Guiterras, à Matanzas, sérieusement affectée. Sa réparation, qui prendra un certain temps, est source de tensions majeures...

    Effort collectif
    Lundi matin, les nouvelles arrivent progressivement. La plus redoutée est sans appel : dix personnes ont perdu la vie. Avec Villa Clara, Camaguey et Ciego de Avila, La Havane et Matanzas ont été les régions les plus touchées par Irma. Souci de taille pour l’avenir : elles sont aussi les principales zones d’élevage et de production agricole de l’île. La phase de récupération est officiellement lancée.

    Venue voir l’état de l’école où elle travaille, Mirta respire : elle ne fait pas partie des sept cents établissements scolaires endommagés dans le pays. Pourtant, l’enseignante veut attendre le retour de tous les élèves et de l’électricité avant de reprendre ses cours. Sans ventilateur, la chaleur et les moustiques sont difficiles à supporter.

    Partout, les frigos se réchauffent peu à peu. Adela vide son congélateur et s’empresse de cuisiner les aliments encore sains. Dans les quartiers sinistrés, des ventes d’aliments subventionnés sont organisées dans la rue, tandis que le voisinage reprend la vieille mode des « caldozas », ces soupes qui se préparaient collectivement sur les trottoirs durant la « période spéciale » (crise économique du début des années 1990).

    Retour à la normale
    La mobilisation générale paie. Mercredi, toutes les lignes de transport urbain fonctionnent. Des brigades d’artistes prennent la route avec la mission d’égayer les populations sinistrées à coups de musique, de peintures et de spectacles. Jeudi, la plupart des écoles reprennent les cours, alors qu’une grande partie du pays retrouve avec soulagement le gaz, l’eau et l’électricité.

    La réparation des habitats partiellement ou totalement effondrés se poursuit, non sans difficulté. Les esprits restent optimistes, l’Etat cubain assurant qu’« il existe diverses options pour affronter les dépenses liées au cyclone. Les personnes sinistrées, coopératives y compris, peuvent compter sur l’aide matérielle et financière des autorités. »

    Et puis, Irma a même eu un effet positif : les pluies ont permis de réduire radicalement la sécheresse sans précédent qui affectait notamment le centre du pays. La sous-déléguée technique des Ressources hydrauliques de Sancti Spiritus a ainsi déclaré que la province avait accumulé 859 millions de mètres cubes d’eau, augmentant les réserves à près de 85% de leur capacité.

    Laissons le mot de la fin à ce chauffeur de Jaimanita, village à l’ouest de La Havane où toutes les maisons du bord de mer sont détruites, la sienne inclue : « Si un demi-siècle de blocus économique n’a pas vaincu Cuba, un ouragan de catégorie 5 n’y parviendra pas non plus ! »


    « La défense civile, c’est nous tous »
    Profondément implanté dans l’île mais sans cesse perfectionné, le système de Défense civile cubaine (DC) est considéré depuis longtemps comme exemplaire par bon nombre d’organismes internationaux. Son action avant, pendant et après le passage d’Irma à Cuba a été décisive.

    La DC voit le jour en 1962, fille des milices nationales révolutionnaires. Mais c’est l’ouragan Flora, en 1963, faisant plus de 1500 morts, qui va transformer la DC en un système de prévention unique au monde. Basée sur une forte ramification territoriale et sociale, elle intègre de nombreux corps de métier et secteurs de la société. « La Défense civile, c’est nous tous », le slogan de l’organisme se veut aussi état d’esprit et plan de bataille pour remettre l’île en état de marche.

    « A Cuba, l’ouragan est traité comme un ennemi impérialiste », expliquait récemment le commissaire et essayiste cubain Iván de la Nuez à eldiario.es. Depuis 1986, des exercices annuels, peu avant la saison des cyclones, rappellent les consignes et vérifient l’état du matériel. Au XXIe siècle, l’île a souffert du passage de 29 cyclones dont 19 ouragans, faisant 54 morts sur une population de 11 millions d’habitants. Au Texas, le seul ouragan Harvey a fait 71 morts au mois d’août dernier. BPZ/LH

    #Cuba #ouragan #défense_civile

  • La main invisible du marché à Miami, au temps des catastrophes

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/09/13/la-main-invisible-du-marche-a-miami-au-temps-des-catastrophes_5184681_3244.h

    Pénuries et hausses de prix ont émaillé le passage de l’ouragan Irma. Au point que les économistes libéraux eux-mêmes s’interrogent sur leurs dogmes.

    Alors que la population fuyait Miami, menacée de destruction par l’ouragan Irma, la loi de l’offre et de la demande a joué, implacable. Ainsi, la population de cette ville de Floride a assisté à l’envolée des billets d’avion pour fuir : le prix d’un vol aller pour Phoenix, en Arizona, a bondi de 550 dollars jusqu’à 3 250 dollars, provoquant une indignation immédiate. Les compagnies ont assuré ensuite avoir plafonné leurs prix.

    Au contraire, les téméraires, qui par obligation professionnelle, se rendirent dans la tempête de Miami à la dernière minute volèrent à prix cassé : 220 dollars pour partir par l’un des derniers vols vendredi 8 septembre dans l’après-midi, avant la fermeture de l’aéroport, et revenir mardi à New York par le premier avion.

    Rien que de très logique, tout comme le furent la ruée sur l’essence et les supermarchés, qui conduisirent à des pénuries et des hausses de tarifs. Ces dernières ont poussé les habitant de Floride à déposer plus de 8 000 plaintes auprès de la justice pour prix abusifs.

    L’affaire conduit mardi 12 septembre le New York Times à s’interroger sur la spéculation au temps des catastrophes : « Les prix abusifs peuvent-ils aider les victimes ? Pourquoi certains économistes disent oui. » Un brin provocateur, le quotidien de centre-gauche appelle à son secours les disciples libéraux de Milton Friedman, sur l’utilité de laisser jouer le marché.

    « L’éthique des prix abusifs »

    Matt Zwolinski, de l’université de San Diego, auteur d’un article sur « l’éthique des prix abusifs » prend l’exemple d’un hôtel : si le prix est doublé, une riche famille va se serrer dans une chambre au lieu d’en prendre deux tandis qu’une autre serait restée dans sa maison abîmée mais encore habitable. Résultat, de la place disponible pour ceux qui en ont besoin.

    Qu’il soit permis de confronter cette belle théorie à l’expérience de terrain. Vendredi, on réserve in extremis via Internet un appart-hôtel dans le centre-ville. Prix pour quatre nuits : 630 dollars, ménage compris. Imbattable, surtout lorsqu’on découvre les lieux – appartement luxueux avec salon, trois chambres. Encore plus imbattable lorsqu’on compare le prix avec d’autres compagnons d’ouragan, qui ont payé trois fois plus cher dans la même tour pour une seule chambre avec salon.

    Curieux aveuglement de la main invisible du marché, que l’on a fini par comprendre lors d’un dîner avec Andrew, le gérant de la tour.

    Pour lui, Irma est d’abord une très mauvaise nouvelle : tous les touristes annulent leur séjour à Miami, sa tour va se trouver vide. Sauf qu’il remarque que les hôtels de la ville côtière ferment les uns après les autres, forcés de mettre à l’abri leur personnel, et expulsent leurs clients en vertu de l’ordre d’évacuation.

    Une main pas seulement invisible, mais imprévisible

    Lui n’a pas ce souci : l’appart-hôtel peut vivre seul et surtout, sa tour, bâtie selon les normes anti-ouragan les plus strictes, est en léger surplomb de Downtown. Elle sera la dernière prise par les eaux et va devenir un refuge. Andrew flaire la bonne affaire et son intuition est confirmée lorsqu’il reçoit le coup de fil d’une équipe de la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira. Elle veut louer des appartements, un par personne, peu importe le tarif : la couverture d’Irma n’a pas de prix. Conforté, Andrew décide de plus que doubler les prix.

    Il tente de convaincre les différentes sociétés dont il gère les appartements de suivre la même politique. Tous le font, sauf la nôtre, persuadée que nul voudra venir à Miami. Elle divise au contraire par deux et demi son tarif habituel. Voilà l’histoire des divergences de prix. La main du marché n’est pas seulement invisible, elle est imprévisible : il fallait parier sur la hausse !

    Au total, dans l’appart-hôtel, tous les lits n’étaient pas occupés. L’allocation des ressources a été gravement perturbée : par les riches insensibles au prix ; par ceux qui avaient fait une bonne affaire, surpris de leur confort. Il est vrai en revanche que les locataires à budget normal avaient choisi de se serrer et de partager les coûts.

    A supposer que le marché ait fonctionné, l’affaire ne résout pas le problème des plus pauvres, restés sous l’ouragan. Interrogées sur la raison de leur présence, les familles modestes ou des touristes esseulés croisés au sud de Miami sur la route des Keys, ces îles submergées par l’ouragan, répondaient invariablement : « Où aller ? » L’envolée des prix des billets d’avions, tous bondés, n’a fait qu’une sélection par l’argent. Le marché oublie les pauvres.

    Problème

    L’école libérale a beau dénoncer les effets pervers du blocage des prix (marché noir, stocks de précaution excessifs créant des pénuries, même s’il était indispensable d’acheter de l’essence pour fuir et d’avoir de l’eau et de la nourriture pour survivre), elle concède qu’il y a un problème.

    « Nous restons avec la difficulté de rendre ces biens accessibles à des personnes et des familles pauvres, dont beaucoup peuvent à peine se les payer en période de prix normaux », confesse sur son blog Joe Carter, contributeur pour le site très protestant et très libéral Acton Institute. Il propose qu’avant les catastrophes, l’Etat émette pour les pauvres des coupons qui compenseraient l’écart entre le prix de marché en temps de crise et le prix normal. On peut objecter qu’il s’agit de faire financer par le contribuable la pénurie de catastrophe au profit d’intérêts privés.

    Fichu marché qui ne fonctionne pas non plus pour les assurances. Depuis 1968 et un ouragan dévastateur dans le golfe du Mexique, les assureurs américains ne couvrent pas les inondations. C’est l’Etat fédéral qui les supplée et rend obligatoire l’assurance en zone inondable. Mais le système d’Etat ne fonctionne pas non plus : les assurés, trop peu nombreux à verser des primes, comptent sur lui et continuent de s’installer en zone inondable.

    En réalité, en période de catastrophe, rien ne marche vraiment. Ce qu’on a constaté, c’est de l’entraide entre amis, en famille, avec d’inconnus compagnons d’infortune. Et des instants de partage : après avoir fait de la cuisine pour plusieurs jours, anticipant coupure d’électricité et pénurie d’eau, l’hôtelier Andrew et son épouse ont convié leurs hôtes, qui mangeaient froid depuis leur arrivée, à un somptueux repas chaud thaïlandais. Parfois, le business sait s’arrêter.