IWW Belgique : « Renoncer à l’objectif du plein emploi »

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  • IWW Belgique : « Renoncer à l’objectif du plein emploi »
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    Le syndicalisme a perdu de son aura. Vilipendé par les grands médias (pour sa « violence » et ses « prises en otage des usagers »), accusé par ceux d’en haut d’entraver la bonne marche libérale — le « comportement archaïque des syndicats », titrait Le Figaro à l’occasion de grèves, pourtant droit constitutionnel — et par les franges les plus critiques du mouvement social de se perdre en magouilles et compromis, bureaucratisation et liens avec le pouvoir obligent. L’IWW — Industrial Workers of the World — est un syndicat international, pour partie libertaire, fondé en 1905, à Chicago ; le préambule de sa Constitution s’avance ainsi : « La classe ouvrière et la classe patronale n’ont rien en commun. Il ne peut y avoir de paix tant que la faim et le besoin touchent des millions de travailleurs et que les quelques privilégiés, qui forment la classe patronale, jouissent de toutes les bonnes choses de la vie. » Le refus de la professionalisation et l’horizontalisme comptent au nombre de ses pilliers : un syndicat qui, jure-t-il, entend porter sans louvoyer les revendications populaires, d’hier et de demain. Entretien avec sa section belge.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/47992 via Ballast @rezo

    • Pour illustrer l’incurie dans lequel le mouvement ouvrier est plongé, il suffit de voir le mot d’ordre de l’avant-dernière manifestation nationale contre l’équivalent belge de la loi « Travaille ! » : « Pour une meilleure concertation ! » Il est vrai que l’IWW est aujourd’hui très minoritaire en Belgique. Pour autant, il n’a pas vocation à le rester (comme le rappelle notre slogan « One big union »). Rejoindre ce syndicat est avant tout un choix politique : doit répondre, à la mondialisation de lois non légitimes, dont l’ambition manifeste est de détruire les acquis obtenus après une longue lutte par les salariés — il n’y a qu’à voir les manifestations ou les grèves qui s’ensuivent —, un mouvement tout aussi mondial de revendications originales et communes. Ce qui nous a amenés à l’IWW, c’est l’horizontalité revendiquée, la centralité des luttes de base dans une perspective internationaliste. L’IWW a une histoire des luttes qui remonte à 1905. Cette expérience est utile dans un contexte de régression sociale qui nous ramène au XIXe siècle...

      Quel est votre rapport aux idées qui émergent dans la sphère militante, telles que le salaire à vie ou les propositions de gauche sur un revenu de base, qui tendent à approfondir la séparation entre la citoyenneté et le salaire plutôt qu’à abolir le salariat ?

      On veut abolir le salariat, mais pas le salaire ! En fait, salaire à vie et abolition du salariat paraissent antinomiques mais reviennent largement à la même chose (en passant les détails pratiques qui peuvent être importants, mais dont on reparlera quand ce sera le moment propice) : à savoir le socialisme originel, autrement dit, à chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins. On peut considérer le salariat comme un rapport de subordination ou comme une modalité de répartition des richesses. Notre objectif est de mettre fin à l’aliénation que constitue le rapport de subordination, et non à la modalité de partage de la valeur économique. En ce qui concerne le revenu de base, on y voit un problème : il n’y a aucune remise en cause de la propriété lucrative, et donc de la violence du rapport de subordination. Mais toutes les modalités permettant de dissocier le travail du revenu sont pour nous à considérer. Cela oblige à renoncer à l’objectif du plein emploi, en visant à ce que chacun.e puisse vivre en dehors de l’emploi salarié. Bien entendu, le montant versé doit être important, ce dernier conditionnant ses effets : trop faible, la subordination à un employeur reste inévitable. Ces questions font toujours l’objet de débats internes.

      Pour finir : la grève est-elle encore subversive ?

      La base de la lutte syndicale, c’est l’organisation. Ça implique de ne pas rester seul devant son ordinateur, de participer aux réunions, de payer ses cotisations, et même de faire parfois des concessions vis-à-vis du groupe. Nous sommes convaincus que la majorité n’a aucune chance de profiter de l’individualisme promu par le capital sans luttes collectives. En ce qui concerne les moyens d’action, il faut envisager les choses sous deux points de vue : la lutte pour l’établissement ou le rétablissement des droits, et les moyens pour maintenir ces droits. Cela nécessite de réfléchir tant sur les types d’actions de lutte que sur la maîtrise des outils légaux. La grève et le blocage restent des moyens forts : il suffit de constater avec quelle violence les actions de blocage contre la loi « Travaille ! » ont été réprimées pour se rendre compte à quel point elles pourraient être efficaces. Nous pensons également que l’émancipation ne peut pas se passer de l’éducation populaire pour que chacun.e puisse connaître ses droits et trouver des ressources en cas de nécessité. Faire des effets de manche en ôtant sa cravate comme Tsipras ou en arborant un nœud papillon rouge comme Di Rupo ne semble pas être efficace… (rires)