• Femmes du jazz | Ferdinand Cazalis
    http://cqfd-journal.org/Femmes-du-jazz

    La lecture, en tant qu’homme, de Femmes du jazz – Musicalités, féminités, marginalisations [1] de la sociologue Marie Buscatto vous apprend des choses le milieu du jazz français – aussi. On y apprend surtout sur soi, homme hors du jazz. Sur les barrières qu’on impose sans y penser, les violences qu’on exerce par habitude. Source : CQFD

  • Il s’en est fallu de pneu
    Que le rêve de cette nuit
    S’enfuit, retenu in extremis à un fil

    Un fil
    Un cheveu
    Un cheveu roux

    Je travaille de nouveau à Clermont-Ferrand
    Je rentre tous les soirs à Paris par le pneu
    Je passe devant le Tracé provisoire

    Balance en cours, pas répétition
    La musique improvisée cela ne s’improvise pas
    Je n’irai pas au concert de ce soir

    Je propose aux enfants encore petits
    Un concours de maquettes
    Avec imprimante tri dimensionnelle

    Ils sont moyennement motivés
    Et veulent prendre le pneu
    Pour aller prendre le goûter aux Rigaudières

    Nous sommes retenus pour le dîner
    Ce qui va m’obliger à sécher le travail demain
    À travailler en mode fantôme

    Je sais quoi offrir
    Pour la nouvelle année
    A mon psychanalyste : ce rêve !

    Ce matin les enfants sont
    En autonomie parfaite je les entends
    Partir à leurs différents établissements, de mon lit

    http://www.desordre.net/musique/brahem.mp3

    Café noir
    Tartines
    Anouar Brahem

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    L’entièreté de mon rêve cette nuit
    M’est revenue en apercevant
    Les tranches des disques de Sophie

    Et
    Tout
    M’est revenu

    Pour gagner deux heures de sommeil
    Le premier sinistre nous a fait perdre
    Un demi-million d’euros, peigne-cul

    Et on ne parle même pas
    De l’empreinte carbone
    D’un vol de douze heures à vide

    Je sais c’est mal
    Mais je voudrais tuer ce peigne-cul
    En lui faisant respirer cette inutile pollution

    Musique à fond
    Range ta chambre
    Nom de nom ! Et il le fait

    On y voit un peu plus clair
    Mais comme chaque fois
    Après un tel rangement : je suis sec !

    Une anguille de sieste assez curieuse
    Je fais réparer ma guitare électrique
    Je peins un aileron de requin dessus

    Je réapprends à jouer de la guitare
    Même mal, je la branche à la console MIDI
    Et je me lance dans un nouveau spectacle

    Dois-je piloter les images avec la guitare
    Ou jouer de la guitare avec les images ?
    Réponse dans une douzaine d’années !

    Je sors de cette sieste
    Je fourre ma guitare dans sa sacoche
    Et je file chez le luthier. Fermé

    À la librairie je croise mon amie Joëlle
    Mais qu’est-ce que tu as dans ton dos ?
    Ma vieille guitare électrique

    Joëlle, musicienne, violoniste
    Tu joues de la musique maintenant ?
    Non des images que je vais piloter avec elle

    Joëlle me raconte des choses pas drôles
    Il pleut une pluie anglaise, insidieuse
    Mais on est content de se revoir

    Une fois par an
    Je me rends à la cathédrale locale
    De consommation

    Chaque année
    J’ai le sentiment d’assister
    À la fin de l’humanité

    Chaque année
    J’ai le sentiment d’être habillé
    Comme un clochard, d’être regardé

    Chaque année
    Je trouve avec les enfants
    L’occasion d’en rire. Jaune

    Soupe de courge
    Mozzarelle et huile d’olive
    Long débat sur qui fait la vaisselle

    Je me fais remettre
    À ma place
    Aux échecs par Émile

    Le soir je reçois un mail d’Hélène
    Qui me raconte une vieille histoire
    Entre nous, une histoire d’arbre

    L’accompagnant à Curie
    On imagine bien pourquoi
    Elle avait reproché l’absence d’arbre

    J’avais traversé la rue d’Ulm
    Monté dans les étages des Arts Déco
    Et dessiné un arbre

    Aujourd’hui je peux bien lui dire
    Sa chambre c’était celle de ma mère
    Vingt ans plus tôt pour le même animal à pinces

    C’est la chambre de celles
    Qui s’en sortent très bien
    Ma mère en 1988, Hélène en 2009

    #mon_oiseau_bleu

  • Au réveil
    Impossible de poser le pied par terre
    Je clopine jusqu’aux toilettes. Kafka

    Dans le miroir de la salle de bain
    Ma tête de cévenol
    Et le corps d’un scarabée vouté

    Un peu de lecture, mais rattrapé par
    Du sommeil lourd et sans rêve
    Julia, prévenue, monte et prend peur

    Les Moins que rien

    Pour Mon Oncle Stanley avec lequel j’ai passé l’une des nuits les plus étranges de ma vie et pour la docteure D. qui m’a bien soigné, ma gratitude à tous les deux

    Fontenay-sous-Bois, le 10 août 2017

    Chère Docteure

    Je ne sais pas comment vous remercier. Déjà, pour commencer, cela vous fera plaisir d’entendre que je vais mieux, grâce à vous, grâce à votre équipe. Les heures que j’ai passées aux urgences de lundi à mardi comptent parmi les plus riches de mon existence, qui compte déjà quelques trésors.

    Quand vous êtes entrée dans notre chambre à l’Oncle Stanley et moi, je dois vous dire que je n’en menais pas large et le désespoir guettait. Et j’ai repris espoir en vous voyant beurrer les biscottes de l’Oncle Stanley, je me suis cette toubib qui beurre les tartines du vieux Mr Lawson, je peux d’emblée lui faire confiance.

    Vous ne connaissez peut-être pas un photographe helvético-états-unien qui s’appelle Robert Frank et que j’ai étudié il y a une trentaine d’années. Robert Frank a photographié son voisin d’hôpital à Halifax en Nouvelle Écosse au Canada et dans la gélatine il a écrit sa tendresse pour ce Mr Lawson, l’Oncle Stanley. Et c’est à cette série d’images que j’ai tout de suite pensé quand j’ai fait la connaissance du vieux monsieur avec qui j’ai partagé ma chambre.

    Vous faites un travail admirable. Vous êtes manifestement compétente, mais vous êtes aussi tellement dévouée et attentionnée, je ne sais pas si en haut-lieu on vous le dit de temps en temps, les hauts-lieux sont parfois ingrats, comme nous allons le voir, en tout cas, moi, je vous le dis. Cela ne changera pas grand-chose à pas grand-chose, cela vous fera peut-être plaisir de l’entendre.

    Il y a un peu plus d’un mois, le petit morveux que les veaux de Français ont été guidés d’élire pour président a eu cette parole remarquablement révélatrice, il a parlé des anonymes, en disant « des gens qui ne sont riens ». Vous n’imaginez pas à quel point cela m’a mis en colère. J’ai eu une envie irrépressible de le gifler comme on ne devrait pas gifler un adolescent présomptueux qui vous manque de respect.

    Depuis, je prends note de toutes sortes de situations dans lesquelles des moins que rien étalent des richesses insoupçonnées, surtout d’humanité et, cette nuit, dans votre service, j’ai été servi de très copieuses rations de pareils trésors. Vous, votre confrère infectiologue, Kevin, les infirmiers, les aides-soignantes et Mon (inénarrable) Oncle Stanley. À toutes et tous, merci, du fond du cœur, j’ai l’intuition qu’on ne doit pas vous le dire assez. Vous êtes à la fois des sentinelles et des remparts de ce qu’il y a et doit rester de meilleur en nous.

    Pour vous remercier, toutes et tous, je vous envoie un extrait d’un texte en cours que je suis en train d’écrire. Cela s’intitule Mon Oiseau bleu , ce sont des poèmes très brefs en trois vers librement écrits sans bien suivre des règles japonaises ancestrales eux appellent cela des haïkus , je ne suis pas très sûr que mes petits poèmes en soient de très bons et surtout de très authentiques, mais au moins ils vous raconteront comment un patient vit les choses dans votre service, dans lequel, je dois vous le dire, on dort très mal !

    Avec mon respect, mon amitié et mes remerciements

    Philippe De Jonckheere

    PS : je joins à cet envoi, un exemplaire de mon roman Une Fuite en Égypte pour la bibliothèque du CE (vous pouvez être la première à le lire avant de le verser à la bibliothèque !). Mon prochain livre sorte en 2018, il s’intitulera Raffut et il parle de rugby et de handicap mental, vous pourrez l’offrir à votre mari !

    Aux urgences de Bry-sur-Marne
    Dans la salle d’attente
    Une belle variété de personnes

    Un téléviseur allumé
    Longtemps que je n’en avais vu un
    En fait tout va bien dans le monde

    En fait tout va bien dans le monde
    Macron a déjà tout réparé
    Encore un peu de terrorisme qui fait chier

    Encore un peu de terrorisme qui fait chier
    Mais dans l’ensemble tout va
    Dormez braves gens

    Dormez braves gens
    Et, de fait, personne ne regarde
    Le téléviseur muet

    Le téléviseur muet
    Suis-je le seul à le remarquer ?
    Tous plongés dans leur téléphone

    Une très chouette infirmière
    Me demande si je suis belge
    Son compagnon s’appelle comme moi

    Profession ?
    J’ose (pour rire)
    Écrivain !

    Ah ? dans nos fichiers
    Vous êtes connu comme informaticien
    J’emmerde l’informatique !

    Une chouette docteure
    Se frotte les mains avec intérêt
    Pour mes rougeurs pas ragoûtantes

    Je lui propose de la cartographie expérimentale
    Elle dessine au stylo-bille
    Les contours de mes rougeurs

    Je suis aux urgences
    Et je pense aux cartographes
    De mon Facebook®©™ bio

    Je grelote
    En plein mois d’août
    Autour de moi les gens sont en nage

    On me propose la nuitée
    Je ne refuse jamais
    De dormir ailleurs

    Mon hôte s’appelle Kevin
    Un chouette infirmier
    Qui me parle comme à un vieillard

    Kevin me propose un plateau-repas, j’accepte
    Mais je préviens Kevin que je n’ai pas mangé
    Depuis trois jours, je vais picorer, au mieux

    Kevin, le chouette infirmier
    Me fait remarquer que cela ne le changera
    Pas des autres patients, tous très âgés

    Et, de fait, on amène mon compagnon de la nuit
    Un très vieux monsieur qui me fait penser
    Immédiatement à Mr Lawson de Robert Frank

    Mon Mr Lawson,
    Mon Oncle Stanley à moi
    S’appelle Roger

    Mon Oncle Stanley ne tient plus sur ses jambes
    Ne maîtrise plus ni mains ni sphincters
    Mais il a une bouille. Et un sourire édenté !

    Il n’entend plus très bien
    Du coup il parle
    Très très très, très, très fort

    Et aussi, et ça j’aime
    À un point ! il rit
    Très très très, très, très fort

    Et, le pauvre !
    Il a mal partout
    Dans n’importe quelle position

    Mais il rit
    Il a l’œil
    Qui pétille

    Je comprends mal
    Ce qu’il me dit
    Mais on se comprend bien

    Kevin est un peu las des nombreuses demandes
    De changements de positions de Mon Oncle Stanley
    Alors j’apprends à me servir des commandes du lit

    Mon Oncle Stanley et moi
    On trouve des positions
    Pas toutes dans le manuel

    Et ça le fait rire
    Mais rire
    Très très très, très, très fort

    Je ne vais pas tarder
    À découvrir que Mon Oncle Stanley
    A d’autres talents

    Julia s’égare
    Pour me rapporter mes affaires
    Fine psychologue, sans sens de l’orientation

    Elle a oublié mon respirateur
    On rit très très très, très, très fort
    Fine psychologue, tête en l’air

    Je m’endors
    Je me réveille, Julia a branché mon respirateur
    Et me tend le masque, m’embrasse, s’en va, je dors

    Choses entendues et choses vues
    La nuit sera longue aux urgences
    Et les nerfs de tous très éprouvés

    Des hommes sombres (pompiers ?)
    Poussent un brancard sur lequel
    Git un homme sans vie

    Mais trouvez-nous quelqu’un
    Elle est en train de se maculer
    Avec ses selles !

    Voix de Kevin, paniqué
    Mais Madame où est-ce que
    Vous allez, vous ne pouvez pas marcher ?

    Chute (bruyante)
    Kevin hurle (bruyamment)
    Un numéro codé

    Des collègues rappliquent
    Saint-Lazare à 8 heures serait
    Plus tranquille pour dormir

    Kevin, lampe de poche dans la bouche
    Soulève mon bras, prend mes constantes
    Et répond au téléphone, il est trois heures

    Mais pourquoi ils nous l’amènent
    Il ne va pas passer six heures ?
    Je ne dors plus, je ne veux plus

    Aux toilettes je découvre
    Que les rougeurs ont fraudé les frontières
    Et sont désormais dans l’aine. J’ai peur

    Je prends mon téléphone de poche
    Et je tâche de prendre en note
    Mes poèmes de ma nuit aux urgences

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    J’ai passé la nuit
    Avec Phil Minton
    Et Sophie Agnel

    Le vieux monsieur à côté de moi
    A un très étonnant répertoire
    De raclements de gorge

    Et avec la tringlerie de son lit
    Il produit une grande variété sonore
    Nuit aux urgences

    (Tête de Sophie Agnel
    Quand elle a reçu
    Ces neuf lignes !)

    Arrivée de l’équipe du matin, soupirs
    Des aides-soignantes qui doivent passer la wassingue
    Sur les scènes de guerre de la nuit

    La vieille dame qui ne peut plus marcher
    Fait une nouvelle tentative d’évasion
    J’ai de l’admiration pour son opiniâtreté

    Quant à la dame qui fait du Gasiorowski
    Elle a, apparemment
    De nouvelles idées

    Mon Oncle Stanley à moi
    A des accidents de pistolet
    C’est comme ça qu’on dit

    Bref, c’est la foire
    La visite de la docteure
    Arrive avec le petit-déjeuner, tard

    Mon Oncle Stanley à moi
    N’a plus aucune maîtrise de ses mains
    Mais il tente de se débrouiller

    Un jour, peut-être
    Je me battrais avec la cellophane
    D’un duo de biscottes

    La docteure est chouette
    Elle vient en aide à l’Oncle Stanley
    Elle lui beurre ses biscottes

    La docteure est chouette
    Elle beurre les biscottes, pendant que cela
    Continue d’être la guerre pour les aides-soignantes

    La docteure est chouette
    Elle prend beaucoup de précautions
    Pour ménager l’Oncle Stanley

    Elle note deux ou trois trucs
    Mesure une plaie avec un petit décimètre
    D’écolière, bonne élève, débrouillarde (et souple)

    Elle voit que les aides-soignantes sont au clip
    Aide l’Oncle Stanley avec son jus d’orange
    Et d’un très beau sourire, s’excuse

    Vous êtes Monsieur De Jonckheere
    Vous êtes arrivé hier à 1800 avec épisodes fébriles
    Vous avez un érysipèle, dites-moi

    Elle est chouette,
    Elle écoute tout attentivement
    Elle me fait préciser des trucs

    Elle regarde attentivement la cartographie expérimentale
    Les rouges gagnent du terrain, mais reculent pas endroits
    Elle est rassurante, pas d’amputation ? Non pas encore !

    Elle est chouette,
    Elle me rassure
    Ce n’est pas moche, dit-elle

    Elle est chouette
    Elle promet de revenir avec un confrère
    Infectiologue, pour être sûre, dit-elle

    J’échange quelques messages avec Julia
    Avec Clément, je rassure mon monde
    Mais quelle nuit !

    On emmène Mon Oncle Stanley
    À la radiographie, ça l’amuse beaucoup
    Il rit très très très, très, très fort

    http://www.desordre.net/musique/zappa_illinois_ennema_bandit.mp3

    Où je découvre que, par je ne sais quel miracle
    J’ai dû faire un test, que sais-je ? sur mon téléphone
    Se trouve tout Bongo Fury de Frank Zappa

    Je profite de l’absence de Mon Oncle Stanley
    Pour écouter Zappa au téléphone
    Comme Proust écoutait du théâtre

    Sophie Agnel me répond
    Je suis devenu ami avec elle
    On rigole à propos de Phil Minton

    Je lis Les Beaux jours d’Aranjuez
    De Peter Handke, splendide
    Aux antipodes du navet de Wenders

    Dans le couloir j’entends
    La chouette toubib parler de moi
    C’est un Monsieur, la soixantaine

    Arrive l’infectiologue
    Je ne savais pas qu’un jour
    Je serais content d’en voir un

    La chouette toubib lui dit que ma CPS
    Était à 220, je corrige, 227
    C’est bon, j’ai leur attention

    L’infectiologue étudie la cartographie expérimentale
    Inspecte mes pieds, trouve à redire
    Un mois dans les Cévennes, des pieds de Cévenol

    Il montre une région de la carte
    Où il décèle le recul des Rouges
    Je suis confiant, dit-il

    La chouette toubib me sourit
    Cette docteure aime ce qu’elle fait
    Elle est complètement du côté de la vie

    Je vais tout de suite signer
    Vos papiers de sortie
    Appelez votre fils

    Huit heures plus tôt
    Je considérais la vie
    Amputé

    Arrivent Mon Oncle Stanley et son plateau
    Pas d’aide soignante, je lui propose de l’aider
    Je lui coupe sa viande et lui donne une bouchée

    Il a un sourire extraordinaire
    Elle est bonne exulte-t-il
    Cet homme a encore du plaisir

    Il rate une bouchée
    On rit très très très, très, très fort
    Je voudrais l’embrasser

    L’aide-soignante me voit catastrophée
    Je la rassure, j’aime ce que je fais
    Tellement plus que l’ open space , pense-je

    Et je pense justement que si mes collègues
    Me voyaient et m’entendaient
    Rire très très très, très, très fort…

    Avec l’aide-soignante qui a repris les commandes
    Pendant qu’elle donne à manger à Mon Oncle Stanley
    On parle des citronniers de son enfance, en Algérie

    Clément arrive, quand je sors
    La guerre est finie
    Mme Gasiorowski est passée à autre chose

    La chouette toubib me signe les papiers
    Elle me donne des prescriptions
    Et des conseils, elle rayonne

    Elle me demande comment je me sens ?
    Je réponds soulagé, mais très fatigué
    Je n’entrerai pas dans une mêlée, dis-je

    Ah je me disais aussi
    Vous êtes comme mon mari
    Un faux sauvage, un rugbyman

    Je la remercie, j’ai tellement d’admiration
    Pour cette docteure qui beurre les tartines
    De Mon Oncle Stanley, elle est solaire

    Je fais mes adieux à Mon Oncle Stanley
    Je suis obligé de guider sa main dans la mienne
    Cet homme m’a redonné de l’espoir, pour longtemps

    Et quand je pars finalement
    Il dit très très très, très, très fort
    Au revoir mon petit gars !

    Je pourrais pleurer
    D’être le petit gars
    De Mon Oncle Stanley

    Arrivés à la maison
    Clément m’aide
    Je n’ai toujours pas faim

    Je tente de grappiller
    Quelques heures de sommeil
    En pensant à Mon Oncle Stanley

    Cela faisait longtemps
    Que je n’avais pas vécu
    Une telle aventure !

    Le reste de la journée
    Est évidemment
    Très morne

    Cela ne peut pas être
    Urgences à Bry-sur-Marne
    Tous les jours !

    #mon_oiseau_bleu

  • Quel matin lumineux !
    Et dire qu’aujourd’hui
    Des gens vont mourir

    Ecouter de la musique
    Le matin
    Comme on fait sa prière

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    Phil Minton
    Axel Dörner
    Thomas Lehn

    Aller se recoucher
    Finir de Lire
    Holocaust de Reznikoff

    Tu lis Holocaust
    En écoutant
    Duke Ellington

    http://desordre.net/musique/ellington.mp3

    Aux États-Unis
    Noirs et Blancs
    Peinent à se dire oui

    carrefour.com
    Gagnez votre voyage
    À Los Angeles !

    Divorced
    For being
    Too fat


    À la piscine en faisant tes longueurs
    Tu écris de nombreux poèmes
    Aucun que tu ne puisses enregistrer

    Un kilomètre à la nage
    Mille pensées
    Aucune dont tu te souviennes

    Tu reprends ton dernier roman
    Tu ne cesses de faire ajouts et retraits
    Jusqu’à quand ? Épuisant !

    Une jeune femme pas pudique
    Montre ses poils pubiques
    Dans une bibliothèque publique

    En rangeant tes livres
    Tu as isolé quarante-neuf livres
    Que tu n’as pas encore lus !

    Tu as pourtant fini d’écrire
    Le rapport sexuel n’existe pas
    Et tu continues de penser à elle ?

    La seule personne à qui
    Tu as parlé aujourd’hui
    La guichetière de la piscine

    Longueurs et poèmes aquatiques
    Une jeune femme montre ses poils pubiques
    Le rapport sexuel n’existe pas

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/videos/054.htm

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    J – 89 : Une jolie dame brune, habillée comme toutes les jolies dames en hiver, un loden sombre sur les épaules sur lesquelles est accroché un sac de dame, sorte de grande fourre-tout, dans lequel les dames puisent, souvent en aveugle, les accessoires qui font d’elles des dames, beaucoup plus rarement de ces sacs elles tirent des balles de ping-pong, du fil de fer, des baguettes de bois, une mailloche, une enclume, un vibrato électrique — habituellement l’apanage des guitaristes électriques —, quelques objets contondants, un peigne, une enclume de secours, dingue tout ce que l’on peut sortir dans le sac d’une dame et que cette dernière, et quelle dame ! dispose sur les côtés du Bösendorfer des Instants Chavirés qui doit trembler en se demandant ce qu’il va prendre à nouveau et qu’est-ce qu’on va encore essayer de tirer de lui ce soir ? et, les outils de la dame étant disposés sur les flancs du piano, elle se penche sous le capot comme le fait un garagiste, et effectivement tel un garagiste triture avec science un ou deux câbles, putain c’est encore la tête de delco qui fuit, rebouchonne le merdier, remet le contact, la la la la, oui, c’est bon ça sonne, sourire amusé de cette jolie dame, Sophie Agnel, merveilleuse pianiste qui remet son manteau pour ressortir aller en griller une et qu’on l’appelle quand on aura besoin d’elle.

    Ce qui finit par se produire quand Phil Minton, délicieux vieux monsieur anglais, finit par s’installer sur son siège haut de bar face à un microphone auquel il va raconter des histoires à dormir debout tout en chuintements, sifflements, raclements de gorge, soupirs, respirations exaltées, reniflements, percussion des cordes vocales, vocalises, fredonnements, chant, chuchotements, paroles inaudibles, charabia, tachycardie, imitations, appeaux vocaux, expectorations, claquements de la langue, claquements des dents, grincement des dents, percussion de la langue contre les dents, léchage sonore des babines, mimiques diverses pas toutes sonores, paroles qui lui passent par la tête, imitation, très drôle, de Donald Duck, roucoulements, amples respirations, expirations modulées, vibrations diverses de la gorge, tapes sur les joues, enfoncement de la langue dans les joues, grattements de la barbe très amplifiés, fermeture très outrée des lèvres, clapotements d’on ne sait pas d’où ils viennent, rythmes de gorge divers, circulation bruyante de la salive dans les bajoues, hésitations puis de nouveau, murmures et conciliabules, sifflements de comptines et de Nursery Rhymes, bref un arsenal assez exhaustif de ventriloquie bouche ouverte.

    Le délicieux vieux monsieur anglais et la belle dame ont l’air de très bien s’entendre que c’en est fusionnel entre eux, ils se relancent sans cesse, s’interrogent en commun, tentent, essayent, ratent, essayent encore, ratent encore, ratent mieux, divaguent et digressent, reviennent au carré un, recommencent, sautent des passages, improvisent et inventent, dialoguent, ne sont pas d’accord sur tout, mais s’entendent sur l’essentiel, démarrent au car de Tours, ou manquent de concert le train pour Caen, essayent des nouveaux trucs, cherchent à étonner, séduire désarçonner l’autre, hésitent, ne peuvent plus avancer mais avancent, se jettent dans le vide ensemble mais ne tombent pas, se relèvent, partent en croisière sans quitter le port, partent à la pêche au gros et trouvent des champignons, partent à la chasse et gardent leur place, échangent des points de vue, pèsent et soupèsent, trient ou mélangent c’est selon, assemblent et construisent, puis démolissent avec de grands gestes empressés ou au contraire sabotent en silence, échangent de place sans bouger ? ce qui n’est pas le plus piètre de leurs tours, quand on ne sait plus bien qui produit quelle sonorité ? se disputent et se rabibochent, s’aiment et s’admirent même, se sourient, rient sous cape, ont peur, n’ont plus peur, affrontent les grandes décisions, partent mais ne bougent pas. Rideau.

    C’est ensuite une jeune femme qui se joint au vieux monsieur anglais, Audrey Chen, et là pareil, mais à deux et sans piano, amples respirations, expirations modulées, appeaux vocaux, chant, charabia, chuchotements, chuintements, circulation bruyante de la salive dans les bajoues, clapotements d’on ne sait pas d’où ils viennent, claquements de la langue, claquements des dents, enfoncement de la langue dans les joues, expectorations, fermeture très outrée des lèvres, fredonnements, grattements de la barbe très amplifiés, grincement des dents, hésitations puis de nouveau, imitation, très drôle, de grimaces de Donald Trump, imitations, léchage sonore des babines, mimiques diverses pas toutes sonores, murmures et conciliabules, paroles inaudibles, paroles qui lui passent par la tête, percussion de la langue contre les dents, percussion des cordes vocales, raclements de gorge, reniflements, respirations exaltées, roucoulements, rythmes de gorge divers, sifflements de comptines et de Haïkus de Ryôkan, sifflements, soupirs, tachycardie, tapes sur les joues, vibrations diverses de la gorge, vocalises, essais et débats à propos de la ventriloquie en milieu ouvert, on dira que la jeune femme a plus de capacités, notamment purement sonore, mais elle n’a pas encore l’imagination débridée du vieux monsieur.

    Pause d’un quart qui dure une demi-heure.

    Ensuite ils ont fait un peu comme on fait au bureau, une réunion de synthèse mais ils sont cependant procédé très différemment, d’abord le patron si tant est qu’il y en est un, disons que ce soit Phil Minton, puissance invitante est resté en retrait pour bien écouter Sophie Agnel jouer avec Audrey Chen, puis quand elles étaient bien lancées sur un bon rythme de croisière pour ce qui est d’affronter les grandes décisions, assembler et construire, avoir peur, chercher à étonner, démarrer au car de Tours, désarçonner l’autre, dialoguer, digresser, divaguer, échanger de place sans bouger, échanger des points de vue, essayer des nouveaux trucs, essayer encore, essayer, hésiter, improviser, inventer, mais avancer, mais ne pas tomber, mais s’entendre sur l’essentiel, ne pas être d’accord sur tout, ne plus avoir peur, ne plus pouvoir avancer, ou au contraire saboter en silence, ou manquer de concert le train pour Caen, partir, partir à la chasse et garder sa place, partir à la pêche au gros et trouver des champignons, partir en croisière sans quitter le port, peser et soupeser, puis démolir avec de grands gestes empressés, rater encore, rater mieux, rater, recommencer, revenir au carré un, rire sous cape, s’admirer même, s’aimer, s’interroger en commun, sauter des passages, se disputer, se jeter dans le vide ensemble, se rabibocher, se relancer sans cesse, se relever, se sourire, séduire, tenter, trier ou mélanger c’est selon, il est venu progressivement ajouter son grain de sel qui ne manquait pas de sel et emmener, les trois ensemble, ce trio vers des rivages inconnus, pas tous beaux, certains oui, tous inconnus, jamais foulés. Rideau.

    Tonnerre d’applaudissements. Mérités. Je suis reparti des Instants en empochant vivement le disque de Phil Minton avec Sophie Agnel que j’écoute en boucle depuis et donc depuis je vis dans un monde infiniment décalé, un monde dans lequel les objets ne produisent pas les sonorités que l’on attend d’eux, une verre en tombant et en se brisant fait le bruit du vent qui lorsque ce dernier souffle et me décoiffe produit le son de mes doigts sur le clavier lequel me renvoie des chants d’oiseaux, lesquels en piaillant font des bruits de démarreurs poussifs un matin d’hiver, monde curieux dans lequel les uns et les autres échangent librement dans des langues de Pentecôte, des lambeaux d’affiche sur les panneaux de la ville ont tenté, un moment, sans succès d’attirer notre attention sur la nécessité de remplacer l’ancien chef par un nouveau chef, nous les ignorons tous en suivant, médusés, les mimiques du vieux monsieur anglais délicieux.

    #qui_ca

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    J – 90 : C’est souvent que je pense et repense au livre de Peter Handke, Essai sur la journée réussie , qui pour moi aura longtemps été une manière de modus vivendi, peut-être pas autant que Mon Année dans la baie de personne , mais malgré tout une référence. J’aime, par-dessus tout, cette idée qu’il faut réussir sa journée. Que c’est une manière d’œuvre. Qu’il faut pour cela déployer les mêmes moyens que ceux que l’on met en branle qui pour un texte réussi, qui pour une sculpture réussie, qui pour une image réussie, qui pour une musique réussie et dans cette forme très singulière de la réussite que l’on soit son seul juge impartial. J’ai même essayé il y a un an, quand j’avais réarrangé ma chambre après le funeste été 2015 et son invasion de punaises de lit, de laisser le livre un peu en évidence, comme je le fais d’autres livres dont j’aime bien soit la couverture en elle-même, c’est par exemple le cas de la Perte de l’image de Peter Handke avec sa photographie d’Arnaud Class, effet de décoration un peu stupide dans mon cas puisque je dispose de l’originale, je sais c’est idiot, ou encore Breakdows d’Art Spiegelman, Les Américains de Robert Frank, Mon Année dans la baie de personne de Peter Handke, naturellement le Temps retrouvé de Marcel Proust, on ne se refait pas, mais aussi Les Saisons de Maurice Pons, La Chambre claire de Roland Barthes et en fait toutes sortes d’objets aussi, parmi lesquels, en plus des œuvres au mur, une immense tête de lièvre en céramique de Martin, et des ailerons de requins dont quelques-uns en céramique, les autres en pâte à modeler et j’espérais que la simple vue du titre de ce livre en me levant agirait chaque fois comme une admonestation à une telle réussite et tout ce que cela demandais finalement d’effort.

    Mais comme l’explique si clairement Peter Handke, c’est souvent le hasard qui réussit la journée pour nous, et ce n’est pas juste une manière d’enchainements heureux, de dispositions des petits astres de notre journée selon des alignements prometteurs qui est la traduction du hasard, je pense qu’au contraire il s’agit d’une disposition d’esprit, quelque chose qui aurait à voir avec notre capacité d’accueil de la nouveauté. Là c’est moi qui extrapole, Handke est plus engagé dans des enjeux littéraires notamment des ingrédients de la journée réussie.

    Par exemple, cela fait quelques temps que j’ai décidé de me moquer éperdument du jour de la semaine, non pas l’ignorer mais décider une mauvaise fois pour toutes qu’il n’y avait pas de journées noires parce qu’elles étaient mangées par le travail en open space ou encore qu’il pouvait se produire que je ne fasse pas grand-chose d’un samedi ou d’un dimanche au cours desquels j’étais seul et sans enfants à la maison et que si cela me chantait d’écouter de la musique ou de bouquiner tout du long du week-end en buvant des hectolitres de café, be it. Il importait en revanche que je sois accueillant de ce qui viendrait qu’un lundi matin en arrivant au travail, au lieu d’être morose de me réjouir d’une joie simple d’être parvenu à me garer dans la dernière place du parking, dans le troisième sous-sol tout au fond, sans manœuvre et en roue libre tout du long. Que cela en soi était une réussite exemplaire, de noter que j’y étais parvenu en écoutant les Variations Golberg de Bach, et du coup de me connecter un peu plus vaillant que d’autres fois à mon poste de travail, après tout pourquoi pas ? en soi ce n’était pas plus idiot comme désir d’une émancipation minuscule que cet autre chantier que je conduisais par ailleurs, à savoir tout ignorer de la campagne électorale en cours, désormais certain que ce qui serait présenté comme des faits immenses seraient en fait des taupinières et qu’au contraire rien de ce qui importe ne serait abordé, juste par acquis de conscience, rassurez-moi, est-ce que le moindre des candidats à cette mascarade aborde quotidiennement le sujet des réfugiés ou encore celui de la politique carcérale ou encore de l’évasion fiscale ou bien encore de la part de la dette odieuse qui écrase els fiances publiques ? non sans doute pas. Je fais donc bien de continuer à ignorer toutes ces gesticulations et à poursuivre mes petites expériences d’émancipation minuscule.

    Et à défaut de réussir toute la journée aujourd’hui, je pense que j’aurais au moins réussi ma pause méridienne, j’ai aimé, comme chaque midi arriver dans les tout premiers et bénéficier de ce fait d »un réfectoire encore calme et non saturé par la brouhaha de discussions qui toutes ne me font pas plaisir pour le peu que j’en capte, j’ai aimé mon filet de poisson et ses carottes bicolores, j’ai aimé la salade de cœurs d’artichaut et la part d’ananas, j’ai aimé ressortir de la cantine au moment même où cette dernière allait bientôt être saturée par le vacarme collectif, j’ai aimé le tour du pâté de maison que j’ai fait, en prenant quelques photographies à l’aide du téléphone de poche offert par Clémence pour mon anniversaire, j’ai aimé m’arrêter au Bistro du Marché pour prendre un café au comptoir, j’ai aimé tomber par hasard — c’est à cet endroit précis que le hasard a frappé avec grâce — lire cet article du journal Libération qui trainait sur le comptoir et que je n’ai pas eu à ouvrir puisque l’article que j’ai lu était le portrait en dernière page de Cédric Herrou, je n’ai pas aimé la photographie mise en scène de ce portrait, l’article lui était plus neutre et meilleur, mais j’ai aimé cette petite lecture le temps d’avaler mon café, j’ai aimé boucler le tour du pâté de maison en photographiant mes premières affiches détournées de cette campagne électorale, c’est idiot mais je ne demande pas de plus grande récréation visuelle que celle de quelques affiches arrachées t les formes qu’elles produisent par hasard à la manière des travaux de Raymond Hains et Jacques Villeglé. J’ai aimé échanger quelques messages textuels avec Madeleine qui m’informe qu’elle n’a pas trop mal réussi son épreuve de bac blanc d’histoire géo, non sans redouter un hors sujet, j’ai ironisé avec elle sur le faut que l’on ne pouvait pas être hors sujet en histoire que l’histoire n’avait ni de début ni de fin, cela nous a bien fait rire.

    Et je suis remonté au travail, prendre note de tout cela. J’ai un peu réfléchi à la question du repas de ce soir, je pense que je vais faire une quiche et je me suis fait toute une joie d’aller au concert ce soir aux Instants écouter Phil Minton, qui plus est en duo avec Sophie Agnel.

    Après tout ce n’était peut-être pas que la pause méridienne qui était réussie.

    #qui_ca