• Bon ben, je tente de voir ce qu’il se passe dans la crêmerie d’à côté : https://mastodon.zaclys.com/@philippe_de_jonckheere

    Suis pas encore bien sûr de comprendre ni comment cela fonctionne ni l’intérêt, mais au moins quand seenthis et mastodon ne feront qu’un, je serais prêt. C’est pas souvent que je fais partie des premiers prêts.

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/videos/054.htm

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    J – 89 : Une jolie dame brune, habillée comme toutes les jolies dames en hiver, un loden sombre sur les épaules sur lesquelles est accroché un sac de dame, sorte de grande fourre-tout, dans lequel les dames puisent, souvent en aveugle, les accessoires qui font d’elles des dames, beaucoup plus rarement de ces sacs elles tirent des balles de ping-pong, du fil de fer, des baguettes de bois, une mailloche, une enclume, un vibrato électrique — habituellement l’apanage des guitaristes électriques —, quelques objets contondants, un peigne, une enclume de secours, dingue tout ce que l’on peut sortir dans le sac d’une dame et que cette dernière, et quelle dame ! dispose sur les côtés du Bösendorfer des Instants Chavirés qui doit trembler en se demandant ce qu’il va prendre à nouveau et qu’est-ce qu’on va encore essayer de tirer de lui ce soir ? et, les outils de la dame étant disposés sur les flancs du piano, elle se penche sous le capot comme le fait un garagiste, et effectivement tel un garagiste triture avec science un ou deux câbles, putain c’est encore la tête de delco qui fuit, rebouchonne le merdier, remet le contact, la la la la, oui, c’est bon ça sonne, sourire amusé de cette jolie dame, Sophie Agnel, merveilleuse pianiste qui remet son manteau pour ressortir aller en griller une et qu’on l’appelle quand on aura besoin d’elle.

    Ce qui finit par se produire quand Phil Minton, délicieux vieux monsieur anglais, finit par s’installer sur son siège haut de bar face à un microphone auquel il va raconter des histoires à dormir debout tout en chuintements, sifflements, raclements de gorge, soupirs, respirations exaltées, reniflements, percussion des cordes vocales, vocalises, fredonnements, chant, chuchotements, paroles inaudibles, charabia, tachycardie, imitations, appeaux vocaux, expectorations, claquements de la langue, claquements des dents, grincement des dents, percussion de la langue contre les dents, léchage sonore des babines, mimiques diverses pas toutes sonores, paroles qui lui passent par la tête, imitation, très drôle, de Donald Duck, roucoulements, amples respirations, expirations modulées, vibrations diverses de la gorge, tapes sur les joues, enfoncement de la langue dans les joues, grattements de la barbe très amplifiés, fermeture très outrée des lèvres, clapotements d’on ne sait pas d’où ils viennent, rythmes de gorge divers, circulation bruyante de la salive dans les bajoues, hésitations puis de nouveau, murmures et conciliabules, sifflements de comptines et de Nursery Rhymes, bref un arsenal assez exhaustif de ventriloquie bouche ouverte.

    Le délicieux vieux monsieur anglais et la belle dame ont l’air de très bien s’entendre que c’en est fusionnel entre eux, ils se relancent sans cesse, s’interrogent en commun, tentent, essayent, ratent, essayent encore, ratent encore, ratent mieux, divaguent et digressent, reviennent au carré un, recommencent, sautent des passages, improvisent et inventent, dialoguent, ne sont pas d’accord sur tout, mais s’entendent sur l’essentiel, démarrent au car de Tours, ou manquent de concert le train pour Caen, essayent des nouveaux trucs, cherchent à étonner, séduire désarçonner l’autre, hésitent, ne peuvent plus avancer mais avancent, se jettent dans le vide ensemble mais ne tombent pas, se relèvent, partent en croisière sans quitter le port, partent à la pêche au gros et trouvent des champignons, partent à la chasse et gardent leur place, échangent des points de vue, pèsent et soupèsent, trient ou mélangent c’est selon, assemblent et construisent, puis démolissent avec de grands gestes empressés ou au contraire sabotent en silence, échangent de place sans bouger ? ce qui n’est pas le plus piètre de leurs tours, quand on ne sait plus bien qui produit quelle sonorité ? se disputent et se rabibochent, s’aiment et s’admirent même, se sourient, rient sous cape, ont peur, n’ont plus peur, affrontent les grandes décisions, partent mais ne bougent pas. Rideau.

    C’est ensuite une jeune femme qui se joint au vieux monsieur anglais, Audrey Chen, et là pareil, mais à deux et sans piano, amples respirations, expirations modulées, appeaux vocaux, chant, charabia, chuchotements, chuintements, circulation bruyante de la salive dans les bajoues, clapotements d’on ne sait pas d’où ils viennent, claquements de la langue, claquements des dents, enfoncement de la langue dans les joues, expectorations, fermeture très outrée des lèvres, fredonnements, grattements de la barbe très amplifiés, grincement des dents, hésitations puis de nouveau, imitation, très drôle, de grimaces de Donald Trump, imitations, léchage sonore des babines, mimiques diverses pas toutes sonores, murmures et conciliabules, paroles inaudibles, paroles qui lui passent par la tête, percussion de la langue contre les dents, percussion des cordes vocales, raclements de gorge, reniflements, respirations exaltées, roucoulements, rythmes de gorge divers, sifflements de comptines et de Haïkus de Ryôkan, sifflements, soupirs, tachycardie, tapes sur les joues, vibrations diverses de la gorge, vocalises, essais et débats à propos de la ventriloquie en milieu ouvert, on dira que la jeune femme a plus de capacités, notamment purement sonore, mais elle n’a pas encore l’imagination débridée du vieux monsieur.

    Pause d’un quart qui dure une demi-heure.

    Ensuite ils ont fait un peu comme on fait au bureau, une réunion de synthèse mais ils sont cependant procédé très différemment, d’abord le patron si tant est qu’il y en est un, disons que ce soit Phil Minton, puissance invitante est resté en retrait pour bien écouter Sophie Agnel jouer avec Audrey Chen, puis quand elles étaient bien lancées sur un bon rythme de croisière pour ce qui est d’affronter les grandes décisions, assembler et construire, avoir peur, chercher à étonner, démarrer au car de Tours, désarçonner l’autre, dialoguer, digresser, divaguer, échanger de place sans bouger, échanger des points de vue, essayer des nouveaux trucs, essayer encore, essayer, hésiter, improviser, inventer, mais avancer, mais ne pas tomber, mais s’entendre sur l’essentiel, ne pas être d’accord sur tout, ne plus avoir peur, ne plus pouvoir avancer, ou au contraire saboter en silence, ou manquer de concert le train pour Caen, partir, partir à la chasse et garder sa place, partir à la pêche au gros et trouver des champignons, partir en croisière sans quitter le port, peser et soupeser, puis démolir avec de grands gestes empressés, rater encore, rater mieux, rater, recommencer, revenir au carré un, rire sous cape, s’admirer même, s’aimer, s’interroger en commun, sauter des passages, se disputer, se jeter dans le vide ensemble, se rabibocher, se relancer sans cesse, se relever, se sourire, séduire, tenter, trier ou mélanger c’est selon, il est venu progressivement ajouter son grain de sel qui ne manquait pas de sel et emmener, les trois ensemble, ce trio vers des rivages inconnus, pas tous beaux, certains oui, tous inconnus, jamais foulés. Rideau.

    Tonnerre d’applaudissements. Mérités. Je suis reparti des Instants en empochant vivement le disque de Phil Minton avec Sophie Agnel que j’écoute en boucle depuis et donc depuis je vis dans un monde infiniment décalé, un monde dans lequel les objets ne produisent pas les sonorités que l’on attend d’eux, une verre en tombant et en se brisant fait le bruit du vent qui lorsque ce dernier souffle et me décoiffe produit le son de mes doigts sur le clavier lequel me renvoie des chants d’oiseaux, lesquels en piaillant font des bruits de démarreurs poussifs un matin d’hiver, monde curieux dans lequel les uns et les autres échangent librement dans des langues de Pentecôte, des lambeaux d’affiche sur les panneaux de la ville ont tenté, un moment, sans succès d’attirer notre attention sur la nécessité de remplacer l’ancien chef par un nouveau chef, nous les ignorons tous en suivant, médusés, les mimiques du vieux monsieur anglais délicieux.

    #qui_ca