• L’intellectuel Tzvetan Todorov est mort. En 2001, dans un texte consacré aux abus de la mémoire (titre de l’un de ses essais), il demandait : « comment doit-on se servir du passé ? »

    Du bon et du mauvais usage de la mémoire
    http://www.monde-diplomatique.fr/2001/04/TODOROV/1810 #st

    Comment doit-on se servir du passé ? Vie privée et vie publique n’obéissent pas ici aux mêmes règles. Dans la première, la relation entre les mots et le monde se subordonne à la relation entre deux individus, celui qui parle, celui qui écoute. Je ne dis pas la vérité si je pense qu’elle fera souffrir mon ami, je refuse d’entendre une révélation si elle risque de perturber mon confort.

    Dans la vie publique, il en va autrement : ici, toute vérité est bonne à dire. En découvrant une information, je ne devrais pas me demander avant tout : pour quelle raison X la diffuse-t-il ? et sera-t-elle dans l’intérêt de Y ? mais : est-elle vraie ? Goebbels accusait le régime soviétique d’être responsable du massacre de Katyn ; ce n’est pas parce que le ministre nazi était détestable que l’information cessait d’être exacte. L’existence des camps en URSS était connue, mais on la dissimulait sous prétexte qu’il ne fallait pas désespérer Billancourt. Du coup, lorsque la vérité s’est enfin imposée un jour, la classe ouvrière a été encore plus désespérée. Le droit de chercher la vérité et de la faire connaître fait partie des droits fondamentaux du citoyen dans une démocratie. L’analyse des motivations comme celle des conséquences ne doit venir que dans un deuxième temps, après qu’on s’est approché, tant que faire se peut, de la vérité.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/50235 via Le Monde diplomatique