La ville a perdu son cri. –
Jadis, on l’entendait
tous les jours dans les rues. –
L’homme qui poussait le cri
marchait toujours seul
en pleine chaleur. –
L’homme qui poussait le cri
marchait tête baissée,
sans voir les passants. –
Le cri qu’il poussait le précédait,
il surgissait devant nous
au coin d’une rue
et puis partait en courant. –
Le cri, c’était les nuages noirs
qui grossissaient au-dessus de l’océan. –
Le cri, c’était les chiens errants
qui couraient à travers la ville. –
Le cri, c’était des fantômes
qui apparaissaient sur les murs. –
Le cri, c’était l’homme furieux
qui traversait les maisons. –
Le cri, c’était les pauvres
qui se cachaient dans des cases en ruines. –
Mais la ville a perdu son cri. –
Les chiens errants ont été euthanasiés. –
Les fantômes sur les murs ont été effacés. –
L’homme furieux qui traversait les maisons est mort. –
Les cases en ruines ont été rasées. –
Et l’homme qui poussait le cri a disparu. –
Reste le mendiant qui ricane
assis sur le trottoir. –
Reste la femme noire en colère
postée aux arrêts de bus. –
Reste le mendiant indien
qui tourne en rond face à l’océan. –
Restent tous les hommes
et leur silence. –
La ville a perdu son cri. –
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