Le pouvoir des cartes. Brian Harley ...

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    Ce livre à 20 ans, référencé ici pour archivage.`

    Bailly A. et Gould P. G

    Le pouvoir des cartes. Brian Harley et la cartographie
    Paris, Anthropos, 1995

    samedi 15 mars 2003

    Compte-rendu proposé par Pascale Goutagny

    En introduction, P. Gould et A. Bailly présentent B. Harley, spécialiste anglais de cartographie historique, ayant travaillé aux U.S.A., novateur et donc controversé, mort en 1991. Pour lui, la cartographie ne se réduit pas à des techniques de production de plus en plus sophistiquées, mais révèle des intentions, une interprétation du monde, des secrets et des « silences ».

    Chapitre 1 : la carte en tant que biographie.
    A partir d’une carte du Devonshire qu’il connaît bien, B. Harley définit la carte comme la biographie du paysage représenté, un lien avec la biographies des producteurs, un renvoi à sa prppre vie. La carte a elle-même une biographie, en tant qu’objet créé et utilisé à une certaine époque.

    Chapitre 2 : cartes, savoir et pouvoir.
    Les cartes « parlent » des mondes sociaux passés : c’est « l’éloquence des cartes » (C. Sawer, école de Berkeley). Les cartes sont une forme de langage : il y a un « discours » des cartes qui sont des images rhétoriques, une force politique dans la société. L’iconologie a mis à jour le niveau symbolique des cartes. La cartographie est une forde savoir et une forme de pouvoir, selon M. Foucault, pour qui les cartes sont des « actes de surveillance » pour la guerre, l’ordre public, la propagande, la délimitation des frontières... D’ailleurs la cartographie a toujours été une « science des princes » donc du pouvoir. Les cartes sont les armes de l’impérialisme en anticipant la formation des empires coloniaux et en les légitimant. L’histoire des cartes est également liée à l’ascension des Etats-nations. Elles facilitent les guerres mais aussi atténuent la culpabilité car les lignes silencieuses sur le papier favorisent l’idée d’un espace socialement vide. Les cartes cadastrales ou foncières pérennisent l’ordre social. Le contenu des cartes crée des « distorsions » par rapport à la réalité. Certaines sont délibérées pour la propagande ou la sécurité. D’autres sont « inconscientes », sous l’influence des valeurs de la société. Il y a une géométrie subliminale : le choix du lieu central ou de la projection montre des consciences sociales de l’espace différentes. Le « silence des cartes » est un concept central dans cette argumentation : les omissions sont aussi importantes que les informations données car elles correspondent aux stéréotypes culturels, aux volontés politiques. Les cartes symboliques dans les peintures et les emblèmes artistiques sur les cartes décoratives expriment le pouvoir social et territorial. Dans leur étude, il ne faut pas négliger les lettres, cartouches, roses des vents, bordures,...qui révèlent une idéologie. Les cartes sont le langage du pouvoir et non de la contestation. Il n’y a pas une expression populaire de la cartographie , comme il peut y en avoir une pour la musique ou la littérature.

    Chapitre 3 : une prédisposition à la controverse.
    P. Gould rappelle que B. Harley a été contesté à cause de sa définition élargie de la carte. Les traditionnalistes refusent de considérer comme des cartes les représentations spatiales des sociétés avant l’ère de l’écriture (par ex. les cartes indiennes) ou les représentations non fondées sur la mesure ( les cartes de la littérature). Par provocation, B. Harley propose la carte de Winnie l’Ourson, laissant au lecteur le soin de décider s’il s’agit ou non d’une carte ! Certains contestent aussi l’étude linguistique de la carte , proposée par B. Harley, influencé par R. Barthes, J. Derrida et surtout M. Foucault.

    Chapitre 4 : déconstruire la carte.
    La déconstruction est nécessaire pour rechercher le pouvoir, omniprésent pour M. Foucault. Il faut étudier le discours cartographique en s’inspirant de Foucault et Derrida car les cartes sont des textes culturels. Déconstruire consiste à mettre en valeur ce qui justement est négligé. ex : Wood et Fels ont étudié le verso d’une carte routière officielle de Caroline du Nord pour voir les intentions de l’Etat. Les cartes facilitent l’exercice du pouvoir mais aussi fabriquent le pouvoir en créant une conception de l’espace. Cataloguer le monde c’est se l’approprier, le normaliser, le standardiser. Dans son essai sur le Guide Bleu, R. Barthes montre l’influence des guides routiers sur la perception de l’espace.

    Chapitre 5 : relire les cartes de la découverte de C. Colomb.
    B. Harley étudie les cartes indiennes et s’interroge à la fois sur leur influence sur la cartographie européenne et sur leur perméabilité aux techniques et conventions européennes. Pour les Indiens, les cartes sont un moyen de défen- dre leurs droits sur les terres. Sur les cartes européennes, la disparition des noms indiens et l’adoption de signes conventionnels (comme les flèches d’église pour les villes) montrent la volonté de s’approprier l’Amérique. Le partage de Tordesillas a précédé la colonisation, les noms anglais en Nouvelle Angleterre ont précédé l’arrivée des Puritains : la carte précède le territoire et d’une certaine façon le crée.

    Chapitre 6 : peut-il y avoir une éthique cartographique ?
    Pour B. Harley, le positivisme des cartographes les empêchent de s’attaquer aux questions éthiques.

    Avril 1999.

    #cartographie #harley #pouvoir